1. Prescriptions
  2. Prescriptions acquisitives

Acquisition par prescription d’une servitude de vue : Cass. civ. 3ème, 21 avril 2022, n° 21-12.240

Dans un premier temps la Cour cassation considère qu’il appartient au syndicat de copropriétaires, informé des ouvertures pratiquées par l’un des copropriétaires dans un mur, partie commune de la copropriété, qui donnent sur le fonds voisin et susceptible de préjudicier ce voisin, sans son autorisation, de mettre en demeure le propriétaire de rétablir les lieux dans leur état initial.

Commet une faute dans la conservation et l’administration de l’immeuble le syndicat qui ne procède pas  cette mise en demeure, lequel est dès lors condamné in solidum à réparer le préjudice causé au voisin.

Dans un second temps elle considère que l’absence de déclaration préalable d’urbanisme et le défaut d’autorisation des travaux de percement par l’assemblée générale des copropriétaires ne fait pas obstacle à l’acquisition d’une servitude par prescription.

Dès lors la réalisation d’ouverture dans un mur commun sans déclaration préalable, ni autorisation de la copropriété, ne constitue pas un acte illicite ou irrégulier de nature à faire obstacle à la prescription acquisitive d’une servitude de vue.

Servitude discontinue et constitution par destination du père de famille : Cass. civ. 3ème,, 23 mars 2022, n° 21-11.986

La destination du père de famille vaut titre à l’égard des servitudes discontinues sous deux conditions : d’une part il doit exister, lors de la division du fonds, des signes apparents de la servitude et d’autre part il faut que l’acte de division ne contienne aucune stipulation contraire à son maintien.

La Cour de cassation censure alors la cour d’appel qui considère que la servitude d’écoulement des eaux, ayant un caractère discontinu, ne pouvait s’acquérir par destination du père de famille malgré un signe apparent matérialisé par la présence d’un regard.

  1. Prescriptions extinctives

Action en garantie des vices cachés : délai butoir de 20 ans : Cass. civ. 3ème, 25 mai 2022, n° 21-18.218

La Cour de cassation rappelle d’abord que pour les ventes conclues avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le constructeur dont la responsabilité est retenue en raison des vices affectant les matériaux qu’il a mis en œuvre pour la réalisation de l’ouvrage, doit pouvoir exercer une action récursoire contre son vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale.

Elle rappelle d’autre part que l’arrêt de la 3e chambre civile du 16 février 2022 (n° 20-19.047) avait jugé que le point de départ de l’action en garantie contre les vices cachés de l’entrepreneur contre le vendeur et le fabricant est constitué par la date de sa propre assignation et que le délai de l’article L. 110-4 I du code de commerce qui commence à courir à compter de la vente, est suspendu jusqu’à ce que sa responsabilité ait été recherchée par le maître de l’ouvrage.

Elle rappelle enfin que l’arrêt de la 3e chambre civile du 8 décembre 2021 (n° 20-21.439) avait jugé que l’encadrement dans le temps de l’action en garantie des vices cachés ne pouvait être assuré que par l’article 2232 du code civil qui édicte un délai butoir de 20 ans à compter de la naissance du droit.

La Cour de cassation juge en conséquence que la loi du 17 juin 2008 ayant réduit le délai de prescription prévu par l’article L. 110-4 I du code de commerce, sans préciser son point de départ ; celui-ci ne peut que résulter du droit commun de l’article 2224 du code civil.

Qu’il s’ensuit que le délai de cinq ans de l’article L. 110-4 I du code de commerce ne peut plus être regardé comme un délai butoir et que l’action en garantie contre les vices cachés doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d’action récursoire, à compter de l’assignation, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter de la vente initiale.

 

  1. Action en démolition

Action en démolition : exigence de proportion entre le coût de démolition et le préjudice subi : Cass. Civ. 3ème, 13 juillet 2022, n° 21-16.407

La cour d’appel qui fait ressortir l’existence d’une disproportion manifeste entre le coût de la démolition pour le débiteur et son intérêt pour le créancier, peut en déduire que la demande d’exécution en nature devait être rejetée et que la violation du cahier des charges devait être sanctionnée par l’allocation de dommages-intérêts.

Prescription de l’action en démolition d’une construction édifiée en violation du cahier des charges : Cass. Civ. 3ème, 6 avril 2022, n° 21-13.891

La Cour de cassation considère que l’action tendant à obtenir la démolition d’une construction édifiée en violation d’une charge réelle grevant un lot au profit des autres lots en vertu du cahier des charges d’un lotissement constitue une action réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire.

Elle rejette ainsi l’analyse de la cour d’appel qui avait considéré que l’action fondée sur le non-respect du cahier des charges, document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux, avait la nature d’une action personnelle soumise à la prescription quinquennale.

Le caractère réelle de l’action semble ici se déduire de la formulation des obligations entre colotis dans le cahier des charges qui, en l’espèce, prend la forme d’une servitude non aedificandi.

En revanche la Cour de cassation précise que l’action en indemnisation du préjudice résultant de la violation des stipulations du cahier des charges constitue une action personnelle soumise à la prescription quinquennale.

Cette nature semble pouvoir se déduire d’un rapprochement avec la théorie des troubles anormaux du voisinage dont les actions sont soumises à la prescription quinquennale. C’est d’ailleurs ce qu’a jugé la cour d’appel d’Aix en Provence (CA Aix-en-Provence, 1e et 5e chambres réunies, 27 janvier 2022, n° 21/09578) à propos d’une action en démolition pour non-respect du cahier des charges présentée sur le fondement des troubles anormaux du voisinage.

Opération de démolition/reconstruction et impact sur le site : il faut faire abstraction de l’étape « démolition » et se concentrer sur le projet final : CE, ch. Réunies, 12 mai 2022, n° 453959, SCCV Léane

Dans le cadre d’un permis de construire pris en application de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme, le Conseil d’État considère que si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou à la conservations des perspectives monumentales, l’autorité administrative peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l’assortir de prescriptions spéciales.

Il précise la méthode pour apprécier l’existence de l’atteinte susceptible de fonder le refus de permis de construire.

Il considère à cet égard qu’il appartient d’apprécier dans un premier temps la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d’évaluer dans un second temps l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

Il exclut dans ce second temps du raisonnement qu’il soit procédé à une balance d’intérêts divers en présence autres que ceux touchant à l’atteinte aux lieux environnants pour apprécier la légalité du permis de construire.

Il précise que dans l’hypothèse où le permis de construire vaut permis de démolir, l’administration apprécie l’impact sur le site non de la seule démolition de la construction existante, mais de son remplacement par la construction autorisée.

  1. Urbanisme

 

  1. Autorisations d’urbanisme

Modification du lotissement : précision sur le décompte des majorités : CE, ch. réunies, 1er juin 2022, n° 443808

L’art. L. 442-10 du code de l’urbanisme prévoit que « lorsque la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie d’un lotissement ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie le demandent ou l’acceptent, l’autorité compétente peut prononcer la modification de tout ou partie des documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s’il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s’il n’a pas été approuvé. ».

Auparavant un arrêt du CE du 28 février 1996, n° 105846 SCI Tennis Park avait considéré que lorsque le lotissement se compose à la fois de maisons individuelles et d’immeubles collectifs en copropriété et comporte des lots affectés à d’autres usages que l’habitation il y a lieu :

  • D’une part, de compter pour une unité l’avis exprimé par chaque propriétaire individuel, quel que soit le nombre de lots qu’il possède, et par chaque copropriété, regardée comme un seul propriétaire.
  • D’autre part, de ne retenir pour le calcul des superficies des lotissements détenues par ces propriétaires, que celles des lots destinés à la construction d’habitation, à l’exclusion, par conséquent, des surfaces des lots affectés à d’autres usages.

Désormais, l’arrêt rendu par le CE le 22 juin 2022 considère que dans le cas où le lotissement se compose à la fois de maisons individuelles et de constructions détenues en copropriété, et comporte des lots affectés à d’autres usages que l’habitation il y a lieu :

  • D’une part, de compter pour une unité l’avis exprimé par chaque propriétaire individuel, quel que soit le nombre des lots qu’il possède, et par chaque copropriété, regardée comme un seul propriétaire.
  • D’autre part, de ne retenir pour le calcul des superficies du lotissement détenues par ces propriétaires, que celles des lots destinés à la construction, qu’il s’agisse de lots destinés à la construction d’habitation ou à d’autres constructions, à l’exclusion des surfaces des lots affectés à d’autres usages.

Pas de lotissement et pas de cristallisation sans réelle division : CE, ch. réunies, 13 juin 2022, Sté La Guarriguette, n° 452457

Le Conseil d’État, qui avait à se prononcer sur l’existence concrète d’un lotissement déclaré et d’apprécier, en conséquence, le moment où les divisions d’un lotissement déclaré peuvent être regardées comme réalisées.

Le cadre juridique de cet arrêt est l’application de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme qui prévoit la cristallisation des règles d’urbanisme pendant un délai de 5 ans suivant la date de non-opposition à la déclaration préalable, ou à compter de l’achèvement des travaux lorsque le lotissement a été autorisé par un permis d’aménager.

Le Conseil d’État a jugé que le propriétaire qui avait adressé au maire une déclaration préalable de division d’une parcelle en deux lots en vue, notamment, de construire sur l’un deux. Le maire ne s’est pas opposé à cette déclaration préalable.

Mais le propriétaire de la parcelle, qui entendant en conserver la propriété n’avait pas, à la date du permis de construire, procédé à la cession dont aurait résulté la division en absence de tout transfert de propriété ou de jouissance.

Il en résulte qu’il ne pouvait se prévaloir de la cristallisation des règles d’urbanisme résultant de l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme.

  1. Évaluation environnementale

Qu’est-ce qu’une opération d’aménagement au sens des évaluations environnementales ? : CE, ch. réunies, 25 mai 2022, n° 447998

L’article L. 122-1 II du Code de l’environnement prévoit de soumettre à une évaluation environnementale « les projets » qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d’avoir des conséquences notables sur l’environnement ou la santé humaine.

Le projet est défini par ce texte comme la réalisation de travaux de construction, d’installations ou d’ouvrages, ou d’autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l’exploitation des ressources du sol.

La nomenclature des études d’impact annexée à l’article R. 122-2, 39 b) du code de l’environnement prévoit que sont soumises à évaluation environnementale systématique les opérations d’aménagement dont le terrain d’assiette est supérieur ou égal à 10 hectares.

En l’espèce, le projet ayant pour objet la création de jardins destinés à accueillir 300 000 visiteurs par an et la construction de divers bâtiments, comprenant notamment un aquarium, une géode, un bâtiment administratif, un restaurant, un pavillon des vins, des équipements d’accueil et des sanitaires, ainsi que des voies d’accès et des terrassements sur l’ensemble du terrain d’assiette, dont la superficie, selon les indications figurant au dossier de déclaration au titre de la loi sur l’eau, est de 19,31 hectares, est soumis à l’évaluation environnementale au titre de la nomenclature

Le Conseil d’État apprécie dès lors la notion d’aménagement visée dans la nomenclature des études d’impact à la lumière de la notion de projet visée à l’article L. 122-1 du code de l’environnement.

Concernant la question du périmètre du projet, le Conseil d’État relève que le circonstance que le projet soit susceptible de donner lieu ultérieurement à un permis d’aménager de moins de 5 hectares et à différents permis de construire est sans incidence sur la qualification de l’opération.

En somme la notion de projet est indépendante de la procédure d’urbanisme requise pour le mettre en œuvre.

  1. Notion d’opération d’aménagement

La qualification d’ensemble commercial et la condition essentielle de réunion des projets sur le même site : CAA Marseille, 10 mai 2022, n° 21MA04763

La cour d’appel administrative de Marseille rappelle d’une part qu’un ensemble commercial doit faire l’objet d’une demande d’autorisation unique, comportant l’analyse de l’impact global sur la clientèle et les équipements existants dans la zone d’attraction délimitée au vu de cet ensemble et d’autre part que la commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) peut examiner de façon distincte chacune des demandes se rapportant à ce même ensemble et prendre des décisions séparées lorsqu’elle a été en mesure de porter une appréciation globale sur l’ensemble formé par les demandes fractionnés.

En revanche elle juge que la seule circonstance que deux projets de surface commerciale sont localisés sur un même site ne peut suffire à les soumettre à une demande d’autorisation unique sauf l’hypothèse où l’autorité compétente entend faire échec à un détournement de procédure ou à une fraude du pétitionnaire en fractionnant un projet global.

En l’espèce les deux surfaces commerciales (extension d’un hypermarché et création d’un Drive) présentées distinctement à la CNAC ne pouvaient être regardées comme réunies sur un même site dès lors que leurs sites d’implantation étaient distants de 300 mètres, séparés « par d’autres parcelles supportant d’autres activités et bâtiments commerciaux » et qu’ils n’étaient pas directement reliés « par un aménagement ou une circulation ».

Elle en déduit qu’il ne pouvait être reproché à la société pétitionnaire d’avoir fractionné ses projets et que la CNAC avait commis une erreur de droit en se fondant sur leur localisation pour considérer qu’ils auraient dû faire l’objet d’une présentation unique.

Si la solution apparaît conforme à l’état actuel du droit, la cour d’appel de Marseille aurait pu censurer la décision de la CNAC en considérant, en application de l’instruction gouvernementale du 3 mai 2017 (n° ECFI1713905C), que par nature aucun ensemble commercial ne pouvait être constitué entre un hypermarché et un Drive puisque celui-ci n’emporte pas création de surface de vente.

  1. Fiscalité immobilière

Crédit-bail immobilier : la dispense de TVA ne s’applique pas en cas de levée d’option portant sur des immeubles affectés par le crédit-preneur à son exploitation hôtelière : Rép. Min. n° 35808 : JOAN 5 avr. 2022, p. 2249.

La dispense de TVA dans les ventes réalisées entre assujettis qui y sont redevables ne s’applique qu’aux cessions de certains éléments de l’entreprise, dont peuvent faire parties des immeubles, à la condition que ces éléments constituent une partie autonome susceptible d’être exploitée par le bénéficiaire du transfert.

Ainsi l’acquisition d’un immeuble par l’exploitant d’une activité d’hôtellerie qu’il prenait précédemment en location en crédit-bail ne s’inscrit pas dans le cadre du transfert d’une universalité totale ou partielle. Une telle opération constitue une simple acquisition d’une immobilisation affectée à son activité préexistante d’exploitant hôtelier. En conséquence la dispense de TVA ne s’applique pas au cédant.

Par conséquent pour les opérations non prescrites, les parties pourront supporter les conséquences de l’application de la dispense de TVA alors qu’ils ne pouvaient pas y prétendre et ils devront procéder aux régularisation de déduction de TVA.

L’indemnité provisionnelle d’expropriation constitue un produit devant être rattaché à l’exercice au cours duquel le juge l’a accordée : CE, 10e et 9e chambres réunies, 3 juin 2022, n° 452708

Le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique prévoit à son article L. 232-1 une procédure d’urgence par laquelle l’expropriant peut prendre immédiatement possession des biens en cause en contrepartie d’une indemnité d’expropriation provisionnelle.

Concernant le traitement fiscal de cette indemnité, le Conseil d’État a relevé que le caractère provisionnel de cette indemnité est sans incidence sur le fait qu’il s’agit d’une créance acquise pour un montant déterminé à la date du jugement en ordonnant le paiement.

Il s’ensuit que le caractère provisoire et non définitif d’une indemnité provisionnelle fixée par la décision juge de l’expropriation ne fait pas obstacle au rattachement de cette créance à l’exercice au cours duquel est intervenue cette décision et non à l’exercice duquel intervient, le cas échéant, la détermination de l’indemnité définitive.

Taux, abattements et exonération de droits d’enregistrement applicables aux ventes d’immeubles du 1er juin 2022 au 31 mai 2023 : DGFIP, note d’information, 1er juin 2022

L’Isère applique désormais un taux maximal de 4,50 %.

L’Indre, le Morbihan et Mayotte conservent le taux de 3,80 %.

Tous les autres départements maintiennent le taux à son niveau maximal de 4,50 %.

Les abattements, exonérations et réductions de taux sont reconduits dans les départements où ils ont été adoptés.

TVA sur marge : CJUE, Ord., 7e ch., 10 févr. 2022, aff. C-191/2

L’article 392 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006 (transposé à l’article 268 du CGI) droit être interprété en ce sens qu’il :

Exclut l’application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti, des terrains à bâtir.

Mais n’exclut pas l’application de ce régime à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l’objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu’une division en lots.

La Cour conforte la jurisprudence administrative française qui subordonne l’application de la TVA sur marge à une condition d’identité de qualification juridique (de terrain à bâtir) entre le bien acquis et celui cédé.

Elle réserve toutefois aux juridictions nationales le soin de vérifier si les biens acquis en nature de parcelles et revendues après détachement (en l’espèce une séparation des parcelles entre celles supportant des bâtiments et celles dénuées de bâtiments, ces dernières faisant l’objet de la vente) comme terrains à bâtir relevaient lors de leur acquisition, de la notion de terrain à bâtir au sens de l’article 12 § 3 de la directive TVA.

TVA sur marge : CE, 8e ch. réunies, 12 mai 2022, n° 416727

Une question préjudicielle avait été rendue par la CJUE dans la même affaire (CJUE, 30 septembre 2021, C-299/20 ; réaffirmée par l’ordonnance du 10 février 2022). Elle avait considéré que l’article 392 de la directive 2006/112/CE doit être interprété en ce sens qu’il exclut l’application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraisons de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis non bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti, des terrains à bâtir, mais qu’il n’exclut pas l’application de ce régime à des opérations de livraisons de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l’objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu’une division en lots ou la réalisation de travaux d’aménagement permettant l’installation de réseaux desservant lesdits terrains, à l’instar, notamment, des réseaux de gaz ou d’électricité.

Le Conseil d’État en déduit que :

L’article 257, 7°, c, CGI ancien qui exonérait de TVA la livraison d’un terrain à bâtir par un assujetti agissant en tant que tel n’est pas compatible avec la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe à la valeur ajoutée (combinaison des dispositions du a du paragraphe 1 de l’article 2 et du k du paragraphe 1 de l’article 135).

Les anciennes dispositions de l’article 257, 6° CGI qui soumettaient systématiquement à la TVA sur marge les livraisons de terrain à bâtir effectuées par des lotisseurs et des marchands de biens sont incompatible avec l’article 392 de la directive 2006/112/CE en tant qu’elles soumettent au régime de la TVA sur marge les cessions de terrains à bâtir dont l’acquisition initiale par le revendeur – assujetti – n’a pas été soumise à la TVA, soit qu’elle se trouve en dehors de son champ d’application, soit qu’elle s’en trouve exonérée, et que le prix auquel le revendeur a acquis ces biens n’incorpore pas le montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial.

Mais la livraison par un revendeur assujetti d’un terrain à bâtir étant obligatoirement soumise à la TVA sur le prix total de vente lorsque son acquisition n’a pas été soumise à la TVA, l’aménageur qui a acquitté la seule TVA sur marge ne peut pas en obtenir restitution.

En conséquence, pour les opérations relevant des anciennes dispositions du CGI susvisées, la TVA sur marge est définitivement acquise au Trésor.

 

Étude réalisée par MM L. Manetti et M. Cornille, « Le SCOT, pivot territorial de la loi littoral » : Construction urbanisme, juin 2022, n° 6, étude n° 7, p. 11.

  1. Objet du SCOT.

Le Schéma de cohérence territoriale (SCOT) intégré par la loi ELAN constitue un document d’urbanisme qui s’impose aux PLU a pour objet de décliner les dispositions générales de la loi Littorale en fonction des réalités locales et notamment des structures urbaines existantes.

En application de la loi Littorale, l’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants (art. L. 121-8 c. urb.).

La loi Elan distingue alors plusieurs secteurs : les villages et agglomérations constructibles, les zones d’urbanisation diffuses inconstructibles et, désormais, les secteurs urbanisés dans lequel une urbanisation est permise (art. L. 121-8 al. 2 c. urb.).

L’identification de ces secteurs conditionne leur intégration dans le PLU.

  1. Contenu du SCOT.

Le SCOT prévoit les critères d’identification de ces différents secteurs.

  1. Effets du SCOT.

 

  1. Effets généraux

Les autorités administratives doivent ainsi s’assurer de la conformité des autorisations d’urbanisme aux critères d’identification des secteurs formulés dans le SCOT dès lors que ceux-ci sont suffisamment précis et compatibles avec les dispositions législatives (CE, 5e et 6e chambres réunies, 9 juillet 2021, n° 445118).

Le SCOT est donc opposable aux autorités administratives sous la double réserve de sa conformité aux dispositions législatives, en particulier celles de la loi littorale, et d’une précision suffisante quant aux critères d’identification des différents secteurs.

Le SCOT pourra ainsi être attaqué pour excès de pouvoir en cas d’incompatibilité avec les dispositions législatives ou en cas d’imprécision (CAA Nantes, 14 mars 2018, n° 16NT01335).

Dès lors l’applicabilité directe de la loi littorale est « filtrée » (M. O. Fuchs) par les qualifications retenues par le SCOT.

  1. Applications particulières

L’extension de l’urbanisation d’espaces proches des rivages est possible en application de la loi littorale sous réserve de l’expression d’une volonté locale traduite dans :

  • Le PLU qui justifie l’extension en fonction de critères liés à la configuration des lieux ou l’accueil d’activité économiques nécessitant d’être proche de l’eau.
  • La conformité de l’urbanisation aux dispositions d’un SCOT ou d’un schéma d’aménagement régional.
  • La conformité de l’urbanisation avec un schéma de mise en valeur de la mer.

Il en résulte que dès lors que les dispositions du SCOT sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives, le caractère limité de l’urbanisation qui résulte d’une opération immobilière s’apprécie au regard aux dispositions concernées du SCOT (CE, ch. réunies, 11 mars 2020, n° 419861).

Le SCOT joue, ici encore, le rôle de filtre interprétatif entre les dispositions générales de la loi Littoral et les contraintes locales particulières.

Il pourra être attaqué en cas d’incompatibilité aux dispositions particulières relatives aux espaces proches du rivage (CAA Nantes, 5e ch., 20 juillet 2021, n° 20NT01323).

En matière de PLU, leur auteur doit s’assurer de sa compatibilité avec les dispositions de la loi Littoral, en prenant en considération les dispositions du SCOT.

Le Conseil d’État précise toutefois que les auteurs du PLU doivent prendre en considération les dispositions du SCOT même en cas de précision insuffisantes sous réserve de leur compatibilité avec la loi. Il en résulte que moins les dispositions sont précises, plus grande sera la marge d’interprétation des auteurs du PLU.

  1. Application dans le temps du SCOT.

La question de l’application dans le temps du SCOT se pose. Deux solutions ont été rendues en la matière :

  • TA Bordeaux, 17 juin 2021, n° 2003256 a considéré que ce nouveau dispositif ne s’applique que lorsque le SCOT a été approuvé ou a fait l’objet d’une modification simplifiée postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi ELAN.
  • CAA Nantes, 5E ch., 17 nov. 2021, n° 20NT02232 a considéré que c’est l’autorisation d’urbanisme qui doit être postérieure à la loi ELAN.

Les auteurs de l’étude penchent pour cette seconde solution compte tenu de la jurisprudence constante selon laquelle la légalité d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie au jour de sa délivrance.

Ils considèrent que la solution contraire obligerait les auteurs d’un SCOT qui avaient, antérieurement à la loi ELAN, délimité des villages et agglomérations existants au sens de la loi Littorale, à suivre une procédure d’évolution de leur SCOT pour que cette identification soit prise en considération dans l’instruction des autorisations d’urbanisme.

 

 

 

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