- Actualité
Réforme de la procédure des divorces contentieux : quel impact sur la pratique notariale ?
La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 a modifié en profondeur la procédure des divorces dits contentieux. Elle supprime à compter du 1er janvier 2021 la phase de tentative de conciliation et aligne la procédure de divorce sur la procédure de droit commun devant le tribunal judiciaire.
En ce qui concerne la nouvelle procédure à compter du 1er janvier 2021 :
A. La suppression de la phase de tentative de conciliation
Jusqu’à présent, la procédure de divorce débutait par une requête initiale déposée au greffe, qui n’indiquait pas le fondement juridique de la demande en divorce ni les faits à l’origine de celle-ci.
L’époux qui n’avait pas déposé la requête était convoqué à une audience au cours de laquelle le juge tentait de concilier les époux et prescrivait les mesures provisoires destinées à assurer l’existence des époux et des enfants jusqu’à la date à laquelle le jugement passerait en force de chose jugée.
En cas d’échec, le juge autorisait les époux à introduire l’instance.
Avec la loi du 23 mars 2019, nulle obligation pour le juge de tenter de concilier les époux. La loi supprime cette phase préalable dans un but clairement affiché de célérité. Il est vrai qu’en moyenne deux ans s’écoulaient entre le dépôt de la requête initiale et le prononcé du divorce et que la tentative de conciliation débouchait rarement sur la réconciliation des époux.
La procédure commence par une demande en divorce qui prend la forme d’une assignation en divorce ou d’une requête conjointe dans lesquelles ne doivent figurer les fondements juridiques.
B. L’audience d’orientation et sur mesures provisoires
Une nouvelle audience remplace l’audience de tentative de conciliation : l’audience d’orientation et sur mesures provisoires (AOMP) elle est prévue à l’article 254 du code civil. Il s’agit d’une audience sui generis qui combine une audience d’orientation, c’est-à-dire de mise en état de l’affaire, et une audience sur les mesures provisoires. Elle se déroule en principe en deux parties : dans un premier temps, le juge de la mise en état oriente le dossier (renvoi à la mise en état pour conclusions, choix d’une procédure participative…) puis il se prononce sur les mesures provisoires. Cette seconde étape est facultative, les époux peuvent y renoncer mais aussi changer d’avis.
C. La demande en divorce, pivot de la nouvelle procédure
1. La date de dissolution du régime matrimonial entre les époux
Dans l’ancien système le régime matrimonial des époux était réputé dissous dans leurs rapports entre eux à la date de l’ordonnance de non-conciliation. Le régime matrimonial est désormais dissous à la date de la demande en divorce.
Ex : Lorsque les époux sont mariés sous un régime communautaire, c’est donc désormais à la date de la demande en divorce que la composition active et passive de la communauté est figée (les gains et salaires et les acquisitions réalisées par les époux cessent d’accroître à la communauté) et que naît l’indivision post-communautaire.
Lorsque les époux sont mariés sous un régime communautaire, c’est donc désormais à la date de la demande en divorce que la composition active et passive de la communauté est figée (les gains et salaires et les acquisitions réalisées par les époux cessent d’accroître à la communauté) et que naît l’indivision post-communautaire.Dans ce cas, l’article 262-1 du Code civil prévoit que la jouissance du logement conjugal conservait un caractère gratuit jusqu’à la date de l’ONC, sauf décision contraire du juge.
2. La date d’effet des mesures provisoires
La demande en divorce marque aussi le début des mesures provisoires, la réforme ne modifie pas la liste des mesures provisoires énoncée à l’article 255 du Code civil.
La nouveauté concerne la prise d’effet. Dans la nouvelle procédure, le juge statue sur les mesures provisoires plusieurs semaines voire plusieurs mois après la demande en divorce, autrement dit, après la dissolution du régime. Pour résoudre la difficulté, le législateur a prévu à l’article 254 du Code civil une rétroactivité des mesures provisoires dont l’effet remonte à la date de la demande en divorce. Le juge peut toujours moduler cette date d’effet prévue à l’article 1117 du cpc « le juge précise la date d’effet des mesures provisoires ».
Il semble ainsi que malgré la lettre de l’article 254 du Code civil, le juge ait la faculté de fixer la prise d’effet des mesures provisoires à une date quelconque entre la demande en divorce et le jour où il statue sur ces mesures.
L’incidence de la réforme sur la liquidation du régime matrimonial
1. L’indemnité d’occupation portant sur le domicile conjugal
Par principe, l’époux qui au cours de l’instance use et jouit privativement d’un bien anciennement commun ou indivis est redevable d’une indemnité d’occupation sur le fondement de l’article 815-9 du Code civil. Cette jouissance gratuite devrait rétroagir au jour de la demande en divorce, puisque l’article 254 du Code civil permet la rétroactivité des mesures provisoires.
Lorsque le juge aura décidé du caractère gratuit de la jouissance du domicile conjugal, le notaire chargé de la liquidation du régime matrimonial et de l’indivision post-communautaire ne devrait avoir aucune indemnité d’occupation à liquider pour la période allant de la demande en divorce (date de la naissance de l’indivision post-communautaire), à la date de l’audience sur les mesures provisoires. L’indemnité d’occupation ne devrait commencer à courir qu’à compter du jour où le divorce est devenu définitif.
Dans l’attente que la Cour de cassation clarifie la situation ou que la Chancellerie amende l’article 1117 du Code de procédure civile, la position du notaire peut se résumer ainsi : soit l’ordonnance se prononce sur la date d’effet des mesures provisoires et le notaire devra en prendre acte (même si la faculté pour le juge de moduler la date d’effet des mesures provisoires peut sembler contraire à la loi), soit elle n’en dit rien, et il conviendra d’appliquer la rétroactivité prévue par la loi. Dans ce dernier cas, la jouissance gratuite décidée par le juge courra à compter de la demande en divorce.
2. La contribution aux charges du mariage pendant l’instance en divorce
Dans le nouveau divorce et en l’absence de mesures provisoires, les époux devront-ils toujours contribuer aux charges du mariage pendant l’instance en divorce ?
La Cour de cassation avait jugé dans un arrêt du 30 novembre 1994 que les mesures provisoires de l’article 255 du Code civil se substituaient « d’office à la contribution aux charges du mariage dès le prononcé de l’ordonnance de non-conciliation » Autrement dit, la contribution aux charges du mariage de l’article 214 du Code civil ne disparaît qu’au profit des mesures provisoires.
Si l’un des époux demande une pension alimentaire au titre des mesures provisoires, la contribution aux charges du mariage devrait cesser pendant l’instance en divorce en vertu de la jurisprudence précitée.
Le notaire mandataire des parties et auxiliaire de justice
1. Les conventions des articles 265-2 et 268 du code civil
En avançant l’instance en divorce au premier acte de procédure, la réforme donne plus d’ampleur à ces conventions. Dans le nouveau processus de divorce, les époux pourront signer beaucoup plus tôt une telle convention portant sur la liquidation du régime matrimonial, sans que le notaire n’ait à s’enquérir de l’état d’avancement de la procédure, dès lors que la demande en divorce aura eu lieu.
Pareillement, la réforme facilite l’acquisition d’un bien par un époux pour son compte personnel en cours de divorce, sans toutefois garantir des risques liés à une telle acquisition. L’époux désireux d’acheter un bien immobilier pour son compte personnel pourra le faire dès le début de la procédure, alors qu’il devait attendre jusqu’à présent l’audience sur la tentative de conciliation. Comme auparavant, il conviendra de l’informer du risque inhérent à l’absence de prononcé du divorce, et du maintien du régime matrimonial à l’égard des tiers
2. Le notaire nommé au titre des mesures provisoires
La réforme laisse intacte la possibilité de nommer un notaire au titre des mesures provisoires dans la mesure où, comme nous l’avons vu, la liste de ces mesures est inchangée.
La possibilité d’un divorce accéléré risque en tout état de cause de rendre la désignation du notaire sur ce fondement, réputée longue et coûteuse, encore moins attrayante qu’auparavant aux yeux des époux.
3. Le notaire commis
La loi du 23 mars 2019 est sans incidence sur la faculté des époux de joindre à leur instance en divorce, une instance en partage. Le décret du 17 décembre 2019 supprime toutefois la condition de justification des désaccords persistants au stade de l’introduction de l’instance en retouchant l’article 1116 du Code de procédure civile.
Concrètement, la nouvelle rédaction de cet article autorise les époux à justifier de leurs désaccords subsistants à tout moment de la procédure s’ils veulent joindre une instance en partage à l’instance en divorce en cours. L’on peut penser que le recours à l’article 267 sera plus fréquent qu’auparavant.
Dispositif Pinel et crise sanitaire : prorogation du délai d’achèvement des logements acquis en VEFA
L’administration adopte une mesure de tempérament conduisant in fine à la neutralisation de la période du 12 mars 2020 au 11 mars 2021 inclus dans le décompte du délai légal d’achèvement de trente mois pour le bénéfice de la réduction d’impôt « Pinel » pour les logements acquis en l’état futur d’achèvement.
La situation exposée à l’administration fiscale était la suivante : le chantier de construction d’un programme immobilier a subi des retards liés à son redémarrage à la fin du mois de juin 2020, du fait de la crise sanitaire (difficultés d’approvisionnement de matériaux, réduction des échanges commerciaux et mise en place des mesures de protection sanitaire sur les chantiers). Les personnes ayant acquis en l’état futur d’achèvement des logements dans ce programme immobilier peuvent-elles se voir accorder, du fait des retards précités, une prorogation du délai d’achèvement de trente mois de leur logement pour pouvoir bénéficier de la réduction d’impôt « Pinel » ?
Pour rappel, le bénéfice de la réduction d’impôt « Pinel » est conditionné à des délais d’achèvement des logements ou des travaux. Lorsqu’il s’agit d’un logement acquis en l’état futur d’achèvement, cet achèvement doit intervenir dans les trente mois qui suivent la date de la signature de l’acte authentique d’achat (CGI, art. 199 novovicies, I, C).
Du fait de la crise sanitaire du Covid-19, l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période a prévu en son article 8 que les délais imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’au 23 juin 2020 inclus (soit une neutralisation de 104 jours).
En outre, le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période juridiquement neutralisée est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.
En principe, le seul délai pouvant être accordé aux contribuables est donc celui de 104 jours prévu par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 (sauf à établir des circonstances particulières qui auraient interrompu les travaux au-delà du 23 juin 2020, indépendamment de la volonté des investisseurs ou des promoteurs).
Toutefois, afin de tenir compte des différents ralentissements liés notamment aux difficultés d’approvisionnement de matériaux et à la mise en place des mesures de protection sanitaire sur les chantiers, l’administration indique qu’il est admis de proroger le délai légal de trente mois, en sus du délai de 104 jours résultant de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, d’une période forfaitaire de 261 jours complémentaires, afin de neutraliser au total la période de douze mois allant du 12 mars 2020 au 11 mars 2021.
Par conséquent, elle précise que le délai légal de trente mois qui n’a pas expiré avant le 12 mars 2020 est prorogé d’une période totale de douze mois. Cette mesure de tempérament s’applique « sans demande particulière de la part des promoteurs ou des contribuables, pour toutes les situations dans lesquelles le délai légal d’achèvement des logements, le cas échéant prorogé pour d’autres motifs d’interruption de chantier relevant de la force majeure, arrivait à expiration à compter du 12 mars 2020 ».
Également, l’administration fiscale précise que dans les cas où le délai de trente mois aurait dû commencer à courir pendant la période neutralisée (soit entre le 12 mars 2020 et le 11 mars 2021 inclus), son point de départ sera reporté au 12 mars 2021.
Enfin, elle indique que cette mesure de tempérament « s’applique, dans les mêmes conditions, pour l’ensemble des délais d’achèvement des logements ou des travaux prévus au C du I de l’article 199 novovicies du CGI et ce, quelle que soit la nature de l’investissement réalisé ».
Bioéthique, assistance médicale à la procréation et état civil : les apports du décret du 1er mars 2022
Un décret du 1er mars 2022 tire les conséquences réglementaires de l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes et aux femmes non mariées par la loi bioéthique du 2 août 2021. – Il contient également diverses dispositions relatives à l’état civil
1. L’étendue de l’information délivrée par le notaire lors du recueil du consentement à l’AMP
Sept mois après l’entrée en vigueur de la loi bioéthique du 2 août 2021, le présent décret adapte enfin les dispositions du Code de procédure civile (CPC, art. 1157-2, 1157-3, 1575 et 1578) à l’extension de l’accès à l’AMP.
Déclaration authentique hors la présence de tiers. – L’article 1157-2 du Code de procédure civile modifié ne fait ainsi plus référence « aux époux ou concubins » qui recourent à l’AMP avec tiers donneur mais vise désormais de manière indifférenciée le « couple »
La déclaration est recueillie par acte authentique hors la présence de tiers.
Expédition ou copie de l’acte ne peut être délivrée qu’à ceux dont le consentement a été recueilli. »
On retiendra surtout que la règle exigeant que le notaire reçoive la déclaration de consentement à l’AMP « hors la présence de tiers » est maintenue. Bien qu’aujourd’hui le secret de la conception soit moins essentiel dès lors que l’AMP est ouverte aux couples de femmes, les textes insistent toujours sur le caractère privé de la démarche. Cela permet aussi de laisser au couple de personnes de sexe différent la possibilité de taire à l’enfant et à son entourage les conditions de sa conception. Il conviendra donc de veiller au respect de cette disposition.
Information délivrée par le notaire. – L’article 1157-3 du Code de procédure civile relatif à l’information que le notaire délivre préalablement au recueil du consentement à l’AMP, est également adapté pour le cas des couples de femmes et des femmes non mariées.
Ainsi, par une application combinée des articles 342-9 et suivants du Code civil et des articles précités du Code de procédure civile, le notaire a pour mission d’informer selon le cas, le couple de personnes de sexe différent, le couple de femmes ou la femme non mariée recourant à une AMP avec tiers donneur, des points suivants :
1°) des conséquences de leur acte au regard de la filiation ;
2°) des conditions dans lesquelles l’enfant pourra, s’il le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur ;
3°) de l’impossibilité d’agir en responsabilité à l’encontre du tiers donneur et du fait qu’aucun lien de filiation ne pourra être établi entre le donneur et l’enfant né du don ;
4°) de l’interdiction d’exercer une action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation au nom de l’enfant, à moins qu’il ne soit soutenu que celui-ci n’est pas issu de l’AMP ou que l’acte de consentement a été privé d’effet ;
5°) des cas où l’acte de consentement est privé d’effet ;
6°) de la possibilité pour les couples hétérosexuels de faire déclarer judiciairement la paternité hors mariage de celui qui, après avoir consenti à l’AMP, ne reconnaît pas l’enfant qui en est issu et d’exercer contre lui une action en responsabilité ;
7°) et pour les couples de femmes, de ce que la femme qui ferait obstacle à la remise, à l’officier d’état civil, de la copie de l’acte de reconnaissance conjointe anticipée pourra, elle aussi, voir sa responsabilité engagée et de la possibilité de faire apposer cette reconnaissance sur l’acte de naissance de l’enfant sur instruction du procureur de la République à la demande de l’enfant majeur, de son représentant légal s’il est mineur ou de toute personne ayant intérêt à agir en justice.
Conseil pratique :
L’acte de consentement à l’AMP devra mentionner que, selon les cas, ces informations ont été données.
Acte authentique électronique à distance : actualité et précisions sur son usage
Un décret du 25 février 2022 modifie une disposition de l’article 20 du décret du 26 novembre sur l’acte authentique électronique à distance. – C’est l’occasion d’apporter des précisions sur les modalités d’usage de cet outil
La publication au Journal officiel du 26 février 2022 du décret du 25 février 2022 dont l’article 3 modifie une disposition de l’article 20 du décret du 26 novembre 1971 sur l’acte authentique électronique à distance est l’occasion d’apporter des précisions sur les modalités d’usage de cet outil, et notamment celles sujets à discussions entre notaires.
Cet article 3 ayant un caractère interprétatif, les actes authentiques électroniques à distance signés antérieurement au 26 février 2022 sont strictement régis par les mêmes règles.
Objectif du texte. – L’origine de ce décret réside dans l’interprétation de l’expression devant lequel elle comparaît. Concrètement, une partie de la pratique notariale considère que cette expression doit faire l’objet d’une interprétation stricte de son tout, excluant ainsi la possibilité pour la partie signataire chez le notaire participant d’être représentée.
Le reste de la pratique considère au contraire que les notions de comparution et de présence sont différentes bien que complémentaires. Ainsi, il n’a jamais été remis en cause l’ouverture d’un acte authentique par la formule « L’AN … le…. à… ont comparu pardevant Me XXX », alors même que l’une ou l’ensemble des parties est représentée.
La Chancellerie a mis fin à ces débats, la précision apportée par le décret du 25 février 2022 est non équivoque : une partie à l’acte authentique peut comparaître par devant le notaire participant au moyen d’une procuration !
Qualité de mandataire : Le mandataire ne peut pas être le notaire participant lui-même, il paraît difficilement concevable qu’un officier public ait capacité pour recueillir son propre consentement et sa propre signature. Il est également nécessaire d’appliquer au notaire participant qui souhaiterait recueillir le consentement d’un proche les règles d’interdiction prévues à l’article 2 du décret de 71.
Le cas de l’absence de signataire chez le notaire instrumentaire se pose de manière relativement fréquente. Il suffit que les parties et l’un des notaires soient géographiquement proches et que l’autre notaire soit titulaire de la minute. La technique ne pose aucune difficulté en l’espèce, il suffit de n’affecter aucun signataire au notaire instrumentaire. Juridiquement le sujet est plus délicat et porte sur le rôle du notaire instrumentaire. Côté notaire participant, rien ne lui interdit de recevoir le consentement de plusieurs parties, s’il y en a plusieurs, pourquoi pas toutes ? Le texte ne prévoit pas que le notaire participant ne puisse recueillir que le consentement des clients qui l’ont invité à participer à l’acte.
- Textes
La loi relative au choix du nom issu de la filiation est publiée
La loi du 2 mars 2022 simplifie le changement de nom de famille, une procédure aujourd’hui longue et compliquée. Chacun, à ses 18 ans, pourra demander en mairie de choisir son nom de famille pour garder celui de sa mère, celui de son père, ou les deux. De plus, les parents pourront changer le nom d’usage (du quotidien) de leur enfant mineur.
Pour les enfants mineurs, l’accord entre les deux parents sera nécessaire. À défaut, le juge aux affaires familiales pourra être saisi. En cas d’exercice unilatéral de l’autorité parentale, la modification du nom d’usage de l’enfant appartiendra en revanche au seul titulaire de l’autorité parentale, sans formalité particulière. Si l’enfant est âgé de plus de 13 ans, son consentement sera obligatoire.
Un amendement des députés a complété la réforme en permettant à un parent de décider seul d’ajouter à titre d’usage son nom de famille au nom de l’enfant. Il devra en informer avant l’autre parent. En cas de désaccord, celui-ci pourra saisir le juge aux affaires familiales. Si l’enfant a plus de 13 ans, son accord à cet ajout sera nécessaire.
Intermédiation financière en matière de pensions alimentaires
Un décret du 25 février 2022 définit les modalités de mise en œuvre de la systématisation de l’intermédiation financière des pensions alimentaires (IFPA), prévue à l’article 100 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Il précise l’obligation pour les débiteurs de pension alimentaire de verser la pension directement aux créanciers dans l’attente de la mise en place de l’IFPA. Il précise les modalités de transmission des titres exécutoires fixant une pension alimentaire par les greffes de tribunaux, avocats et notaires aux organismes débiteurs des prestations familiales (ODPF), en vue de la mise en place de l’IFPA. Il précise les modalités de rétablissement de l’IFPA dans le cas où une décision de justice a initialement refusé sa mise en place. Il prévoit enfin les modalités de notification aux parents créanciers des indus de pension alimentaire versés à tort par l’intermédiaire des ODPF.
Entrée en vigueur : les dispositions du décret s’appliquent à compter du 1er mars 2022 à l’exécution des décisions judiciaires de divorce rendues à compter de cette date et, à compter du 1er janvier 2023, à l’exécution des autres décisions judiciaires rendues à compter de cette même date ainsi que des titres mentionnés aux 2° à 6° du I de l’article 373-2-2 du Code civil émis à compter de cette même date.
L’établissement des certificats de décès doit se faire numériquement
Un décret du 28 février 2022 renforce l’obligation d’établir les certificats de décès par voie électronique, en précisant que l’élaboration ou la transmission du certificat de décès sur support papier est exceptionnelle. Cette obligation s’applique lorsque le décès a eu lieu dans un établissement de santé public ou privé ou dans un établissement médico-social. Lorsque le médecin, l’étudiant ou le praticien sont, pour des raisons techniques, dans l’impossibilité de transmettre un certificat de décès par voie électronique, ils peuvent procéder à son édition.
Entrée en vigueur : le 1er juin 2022.
- Jurisprudence
Une femme transgenre déclarée mère par la justice
Dans une décision 9 février 2022, la Cour d’appel de Toulouse a énoncé que l’enfant, née à la suite du changement de sexe de son père biologique, peut disposer d’un double lien de filiation maternelle rendu après renvoi de la Cour de cassation du 16 septembre 2020.
Rappelons brièvement les faits. Un homme obtient en justice la modification de son état civil en sexe féminin, sans obligation de réassignation sexuelle. L’intéressée, devenue juridiquement femme, conserve ses organes sexuels masculins et engendre avec son épouse un enfant. Quelques jours avant la naissance, elle établit devant notaire un acte de reconnaissance prénatale de maternité dont elle demande la transcription sur l’acte de naissance de l’enfant.
En première instance, la demande est rejetée (TGI Montpellier, 22 juill. 2016, n° 15/05019), les juges rappelant qu’en droit français, la mère est la femme qui accouche.
Le jugement est confirmé par la cour d’appel (CA Montpellier, 14 nov. 2018, n° 16/06059 : JurisData n° 2018-019949 : Dr. famille 2019, comm. 6, note H. Fulchiron). Les juges d’appel considèrent néanmoins qu’il relève de l’intérêt de l’enfant de voir sa filiation établie à l’égard de ses deux parents biologiques.
La Haute Juridiction prononce la cassation de l’arrêt. Parce que la notion de « parent biologique » est inconnue du droit français et parce que deux filiations maternelles ne peuvent être établies à l’égard d’un même enfant hors adoption, seule une reconnaissance de filiation paternelle pouvait être envisagée. Les juges du droit renvoient les parties devant la cour d’appel de Toulouse.
Les juges Toulousains écartent cette dernière voie, considérant que l’identité sexuelle serait niée dans l’hypothèse d’une reconnaissance de paternité. Partant, pour que soient garantis le droit au respect de la vie privée et le droit à l’autodétermination sexuelle (Conv. EDH, art. 8 et 14), ils examinent le panel des modes légaux d’établissement de la filiation.
Si l’article 320 du Code civil fait en principe obstacle à ce que deux filiations maternelles ou paternelles soient établies à l’égard d’un même enfant, les magistrats rappellent les dernières étapes de l’évolution législative en droit des personnes et de la famille. D’abord, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 qui a permis le changement de sexe sans réassignation sexuelle. Ensuite, la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021, dite de bioéthique, qui a ouvert aux couples de femmes et aux femmes seule la procréation médicalement assistée.
Dans leur appréciation du cas d’espèce, les juges écartent toute fraude à la loi ; la demande de l’intéressée ne vise qu’à mettre en conformité la filiation de l’enfant avec la réalité biologique et sociologique. Car, depuis la naissance, la possession d’état de mère de l’intéressée est avérée à l’égard de l’enfant.
La cour d’appel de Toulouse prend donc le contre-pied de la Cour de cassation. Elle déclare irrecevable la demande de transcription de la reconnaissance prénatale (en raison de l’autorité de chose jugée de l’arrêt de la Cour de cassation, CPC, art. 638), infirme le jugement montpelliérain et établit judiciairement le lien de maternité entre la femme transgenre et l’enfant.
Majeurs protégés : le juge des tutelles ne peut renforcer une mesure de protection sans un certificat médical circonstancié
Cass. 1re civ., 2 mars 2022, n° 20-19.767, F-B : JurisData n° 2022-002806
Par cette décision, publiée au Bulletin, la Cour de cassation rappelle ici la stricte application de dispositions du Code civil en matière de protection des majeurs protégés : le juge ne peut renforcer une mesure de protection que si la requête est accompagnée d’un certificat médical circonstancié établi à cette fin.
Une personne est placée en 2018 sous le régime de la curatelle simple. Un an plus tard, son fils obtient, à la suite de deux lettres adressées au juge des tutelles, la transformation de cette mesure en curatelle renforcée.
Le renforcement de la mesure était contesté par la majeure protégée, qui soulevait l’irrecevabilité de la requête, faute d’avoir été accompagnée du certificat médical imposé par l’article 431 du Code civil.
La cour d’appel avait rejeté cette argumentation. Pour elle, la requête était recevable dès lors qu’elle avait été précédée de la réception d’un certificat médical, peu important le fait que ce certificat ait été établi antérieurement pour les besoins d’une autre procédure. En effet :
- les demandes aux fins de renforcement de la mesure avaient été formées par lettres des 29 avril et 11 juillet 2019 ;
- Le certificat médical avait été établi le 4 mars 2019, en vue de l’activation d’un mandat de protection future.
La censure intervient au visa des articles 431 et 442, alinéas 3 et 4, du Code civil et des articles 1218 et 1228 du Code de procédure civile :
- le juge peut, à tout moment, mettre fin à une mesure de protection, la modifier ou lui substituer une autre mesure ;
- il ne peut renforcer le régime de protection que s’il est saisi d’une requête en ce sens ;
- mais d’une requête recevable, c’est-à-dire accompagnée d’un certificat circonstancié établi à l’appui de la mesure sollicitée.
Pour un exemple de censure sur l’absence de ce certificat dans l’hypothèse d’une demande d’ouverture de protection, V. Cass. 1re civ., 20 avr. 2017, n° 16-17.672 : JurisData n° 2017-007015 ; Dr. famille 2017, comm. 140, note I. Maria.
Responsabilité civile du notaire chargé du règlement d’une succession : manquement au devoir de conseil
Dans une décision du 26 janvier 2022, la Cour d’appel de Rouen a considéré que le notaire, chargé du règlement d’une succession, peut engager sa responsabilité contractuelle pour manquement au devoir de conseil. Il commet une faute s’il s’abstient de vérifier la consistance des droits de sa cliente dans cette succession.
En l’espèce, elle a ainsi signé une transaction avec son frère sur laquelle il lui est impossible de revenir (C. civ., art. 2052). Elle établit donc sa perte de chance de voir reconnaître, par voie de transaction, une créance supérieure à son profit. Cette perte de chance est évaluée à 90 %. Les droits de la cliente dans la succession s’élèvent à 233 523 € dont il convient de déduire le montant de la soulte et des frais annexes, soit 170 000 €. C’est donc la somme de 57 170 €, mise in solidum à la charge du notaire et de son assureur, qui est allouée à la cliente à titre de dommages et intérêts, après application du taux de perte de chance
L’autorisation de la donation au nom de la personne protégée hors d’état de manifester sa volonté
Solution. – L’avis du 15 décembre 2021 précise les conditions dans lesquelles le juge des tutelles peut autoriser la personne habilitée à représenter la personne protégée, hors d’état de manifester sa volonté, pour consentir une donation. Imposant au juge de rechercher les indices, présents ou passés, de l’intention libérale de la personne vulnérable ainsi que la conformité de la donation à ses intérêts personnels et patrimoniaux, notamment la préservation de son niveau de vie et des moyens de faire face aux conséquences de sa vulnérabilité, l’avis exclut toute possibilité d’opérer une donation en l’absence de ces conditions.
Il convient donc d’anticiper la donation avant la survenance de l’altération des facultés du donateur.
Cet avis tranche la question, inédite en droit des personnes et des libéralités, de savoir si « l’absence de caractérisation d’une intention libérale, présente ou passée, de la personne protégée, fait […] nécessairement obstacle à la possibilité, pour le juge des contentieux de la protection, d’autoriser la personne habilitée à la représenter de manière générale pour l’ensemble des actes relatifs à ses biens, sur le fondement des articles 494-1 et suivants du Code civil, à procéder à une donation ».
Une alternative s’offrait ainsi à la Cour de cassation :
- Soit autoriser la personne habilitée à effectuer une donation au nom de la personne protégée hors d’état de manifester sa volonté, pourvu que l’acte ne heurte pas ses intérêts.
- Soit écarter toute possibilité d’autoriser une donation en pareille hypothèse.
- Restait une voie médiane consistant à permettre au juge d’autoriser la donation sous réserve d’une manifestation antérieure de l’intention de donner de la personne protégée ou d’indices résultant de ses habitudes passées permettant de présumer une intention libérale au moment de l’acte (Cass. avis, 15 déc. 2021, n° 21-70.022, avis de l’av. gén. C. Marilly).
La première chambre civile opte nettement en faveur de cette troisième voie. Si cette solution apparaît justifiée au regard de la qualification de la donation au sein du droit de la protection des majeurs, sa mise en œuvre s’avère délicate.
La solution de l’avis se comprend. Bannir la représentation conduirait à créer l’équivalent d’une incapacité de jouissance non expressément prévue par la loi (CA Douai, 5 oct. 2012, n° 12/03322 : JurisData n° 2012-022418 ; Dr. famille 2012, comm. 173, note I. Maria),. L’avis pose ainsi une solution qui, pour être de compromis, n’en est pas moins entourée de conditions strictes. Les indices permettant au juge d’autoriser la donation doivent être suffisamment circonstanciés pour en identifier l’objet, ainsi que les charges ou conditions, et les bénéficiaires. C’est donc non seulement l’intention libérale qui est ici envisagée (entendue tout à la fois comme la finalité de l’acte et ses motifs) mais, encore, la volonté de la personne protégée. L’office du juge consiste ainsi à mettre au jour l’ensemble des éléments qui auraient amené le disposant à consentir lui-même la donation s’il avait été apte à le faire. Mais les critères de l’autorisation judiciaire ne sauraient s’arrêter à cette recherche. Une fois l’intention libérale caractérisée, il incombe au juge de rechercher la conformité de la donation aux intérêts du disposant et, en particulier, la préservation des moyens lui permettant de maintenir son niveau de vie et de faire face aux conséquences de sa vulnérabilité. On pressent combien l’identification de ces éléments, dont l’appréciation relève comme l’intention libérale du pouvoir souverain des juges du fond, peut être délicate et féconde de contentieux.
Remaruqe : C’est dire que l’article 217 du Code civil permet, dans le cas où aucun indice de l’intention libérale de la personne protégée ne peut être décelé, de réaliser la donation sans son consentement dès lors que celle-ci est conforme à l’intérêt de la famille globalement apprécié (S. Gaudemet, « L’intérêt de la famille », élément d’un ordre public familial : Mél. G. Champenois : Lextenso éd., 2012, p. 287). Le choix du fondement de la requête est donc crucial.
Le recours à l’article 217 ne préjudicie pas aux intérêts de l’époux vulnérable. Non seulement ceux-ci font partie des éléments de nature à permettre au juge d’apprécier la conformité de la donation à l’intérêt de la famille, mais encore, la personne protégée n’est pas engagée par la donation, laquelle est l’œuvre du seul conjoint habilité, ce qui lui ouvre droit à récompense (Cass. 1re civ., 1er févr. 2017, n° 16-11.599 : JurisData n° 2017-001393 ; JCP N 2017, n° 36, 1259, § 13, obs. Ph. Simler ; JCP N 2017, n° 20, 1181, note V. Godron et N. Randoux ; Dr. famille 2017, comm. 84, note B. Beignier ; RTD civ. 2017, p. 371, obs. J. Hauser ; RTD civ. 2017, p. 714, obs. B. Vareille).
Reste une ultime remarque. Si la solution de l’avis est respectueuse de la volonté de la personne et de son intérêt, elle a pour effet de la priver, ainsi que sa famille, de la possibilité de recourir à une transmission anticipée de patrimoine, fût-elle assortie de charges ou conditions ou d’un démembrement de propriété au profit de l’intéressée, et de les exclure des allègements fiscaux qui en résultent, toutes les fois qu’aucune intention libérale de la personne ne peut être présumée.
Conseil pratique :
L’un des enseignements de l’avis est d’inviter le notaire à attirer l’attention de ses clients sur la nécessité d’anticiper la transmission, soit en la réalisant avant la survenance de l’altération des facultés du disposant, soit en prévoyant les conditions, modalités ainsi que les bénéficiaires d’une future donation ou d’une assurance-vie au sein d’un mandat de protection future.
Comment répartir à l’amiable le prix de cession du fonds de commerce ?
Point d’orgue de la cession de fonds de commerce, la répartition amiable du prix ne voit son régime précisé par aucun texte. Le praticien est donc libre de la méthode à mettre en œuvre pour y parvenir, ce qui s’avère pour le moins déstabilisant s’agissant d’une opération qui laisse au fond peu de place à l’improvisation.
À travers ces dix questions-réponses, il s’agit de poser les jalons qui permettront de parvenir à la répartition amiable du prix de cession, en évitant les principales chausse-trappes.
1. QUESTION 1
Quels sont les textes applicables ?
2. RÉPONSE
La répartition amiable est régie par les articles L. 141-20 et L. 143-21 du Code de commerce. Une rapide lecture de ces textes permet tout de suite de comprendre où siège l’essentiel de la difficulté : ceux-ci ne font qu’évoquer indirectement l’opération, sans en définir le régime et sans donner aucune indication sur la manière d’y procéder Note 1 .
Dans le silence des textes, le praticien est donc libre de la méthode à mettre en œuvre, ce qui s’avère pour le moins déstabilisant s’agissant d’une opération qui laisse en fait peu de place à l’improvisation.
D’où la nécessité de s’assurer tout au long de la procédure que le cédant n’est pas en cessation des paiements.
Dans l’affirmative, il faudra tout arrêter ; les fonds seront remis au liquidateur (C. com., art. R. 622-19), qui se chargera de leur distribution Note 4 .
3. QUESTION 2
Quels sont les prérequis de la répartition amiable ?
4. RÉPONSE
La répartition amiable peut être entreprise « Lorsque le prix de vente est définitivement fixé » (C. com., art. L. 141-20) Note 5 . On ajoutera que le cédant ne doit pas faire l’objet d’une procédure collective Note 6 . Le notaire doit donc s’assurer que :
- l’interrogation du BODACC ne révèle pas l’existence d’une procédure collective ;
- les formalités de publicité légale ont été régulièrement accomplies Note 7 ;
- les délais d’opposition Note 8 et, le cas échéant Note 9 , de surenchère Note 10 sont expirés ;
- le délai de solidarité fiscale est expiré (CGI, art. 201) Note 11 ;
- les créanciers inscrits, s’il en existe Note 12 , ont consenti une dispense amiable de purge (ou, à défaut, la procédure de purge a été menée à bien).
Dans quel délai la répartition amiable doit-elle intervenir ?
La répartition amiable doit en principe intervenir dans un délai maximal de 105 jours à compter de l’acte de cession (C. com., art. L. 143-21, al. 1er).
Ce délai est toutefois prolongé de 60 jours lorsque « la déclaration mentionnée au premier alinéa du 3 et au 3 bis de l’article 201 du Code général des impôts n’a pas été déposée dans le délai prévu aux mêmes 3 et 3 bis » (C. com., art. L. 143-21, al. 2).
Le séquestre a donc au maximum 165 jours à compter de l’acte de cession pour tenter la répartition.
Reste que le dépassement de ce délai est dépourvu de réelle sanction ; il permet simplement à la partie la plus diligente de se pourvoir en référé devant la juridiction compétente en vue de faire nommer un séquestre-répartiteur (C. com., art. L. 143-21, al. 3).
Il n’est toutefois pas exclu que le notaire engage sa responsabilité pour le cas où son inertie serait la cause d’un préjudice.
Le notaire doit-il se faire juge de la validité des oppositions ?
Cette question est source de difficultés pratiques récurrentes. Pourtant, la jurisprudence y a répondu de façon tout à fait claire : en sa qualité de séquestre-répartiteur, le notaire n’a pas à statuer sur la validité des oppositions.
C’est au cédant – et à lui seul – qu’il revient de saisir le juge des référés à cet effet (C. com., art. L. 141-16). En réalité, la difficulté tient moins à la réponse elle-même qu’à la portée qu’il convient de lui donner. En effet, même si le notaire n’est pas, en droit, compétent pour juger de la validité des oppositions, cela ne signifie pas, à notre sens, qu’il puisse, en fait, se dispenser d’en examiner la régularité. Et pour cause, le notaire est tenu d’un devoir de conseil envers son client – par hypothèse ici, le cédant du fonds. Dans la mesure, par ailleurs, où seul ce dernier a pouvoir de saisir le juge en vue de faire annuler une opposition irrégulière (C. com., art. L. 141-16), on ne voit pas comment l’officier public et ministériel pourrait, sans risquer d’engager sa responsabilité, se dispenser de rechercher d’éventuelles causes de nullité, ce qui passe nécessairement par un examen des oppositions reçues.
Que faire si le total des oppositions est supérieur au prix de cession ?
Le fait que le montant total des oppositions excède le prix de cession du fonds de commerce n’est pas un obstacle à la répartition amiable.
De fait, la finalité de la procédure n’est pas d’assurer le règlement de la totalité des oppositions, mais de répartir le disponible sur le prix entre les créanciers en fonction de leur rang. Il n’est donc pas anormal que les sommes à répartir ne permettent pas de couvrir le montant total des oppositions, bien au contraire. Cette situation n’en appelle pas moins la vigilance du notaire, car elle peut laisser penser que le cédant se trouvait à l’époque de la cession, ou se trouve depuis, en cessation des paiements (C. com., art. L. 631-1), et donc qu’il risque de faire (ou fait déjà) l’objet d’une procédure collective. D’où le réflexe « BODACC.fr ».
Comment procéder au paiement des créanciers une fois le projet de répartition approuvé ?
Le paiement des créanciers s’effectuera par virement, par la comptabilité du notaire chargé de la répartition. Il s’agit là de l’ultime étape de la procédure. En pratique, une fois le projet de répartition réceptionné par tous les créanciers, le notaire n’a plus qu’à collecter leurs réponses, au fil de l’eau. À ce stade, il ne sera pas inutile de relancer les retardataires, en leur rappelant les conséquences de leur passivité. Ce n’est qu’une fois en possession de l’accord de toutes les parties que le détenteur du prix va pouvoir effectuer les règlements.
Au préalable, il vérifiera que :
- le cédant ne fait pas l’objet d’une procédure collective;
- le cédant a marqué son accord sur le projet de répartition ;
- tous les RIB nécessaires ont été réceptionnés.
Les virements seront effectués de préférence en une seule fois : cela permettra de s’assurer, avant leur validation, que leur montant cumulé n’excède pas celui des sommes à répartir. On terminera en précisant qu’il sera de bonne pratique de conserver l’ensemble des pièces en annexe au dossier comptable.