• JURISPRUDENCE

Testament international : la question de l’interprète

Depuis plusieurs années, la Cour de cassation admet qu’un testament authentique défectueux, et donc nul en tant que tel, puisse être sauvé en tant que testament international et, par conséquent, puisse produire tous ses effets (principalement : Cass. 1re civ., 12 juin 2014, n° 13-18.383: JurisData n° 2014-013014. – Cass. 1re civ., 25 nov. 2015, n° 14-21.287 : JurisData n° 2015-026450. – Cass. 1re civ., 5 sept. 2018, n° 17-26.010 : JurisData n° 2018-014930).

Pour ce faire il faut que les formalités propres au testament international, c’est-à-dire celles prescrites par la Convention de Washington du 26 octobre 1973 (portant loi uniforme sur la forme d’un testament international) aient été respectées. À défaut, la conversion du testament authentique en testament international ne sera pas admise (Cass. 1re civ., 10 oct. 2012, n° 11-20.702 : JurisData n° 2012-022664).

Ainsi, lorsque la responsabilité civile d’un notaire est mise en cause en cas de testament authentique défectueux, il convient d’apprécier le testament sous le prisme de la Convention de Washington.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la 1re chambre civile de la Cour de cassation du 2 mars 2022, le notaire avait fait intervenir un interprète dans le cadre d’un testament authentique, à une époque antérieure à la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, entrée en vigueur le 18 février 2015 (admettant désormais un interprète pour ce type de testament). Le TGI de Gap avait annulé le testament au motif, notamment, que si le testament international peut être écrit en une langue quelconque, il n’est pas prévu le recours à un interprète. Le jugement est infirmé par la cour d’appel de Grenoble. Mais l’arrêt est cassé par la Cour de cassation, au visa des articles 3, paragraphe 3 et 4, paragraphe 1 de la loi uniforme sur la forme du testament international annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973, en raison de ce que, s’il résulte de ces textes qu’un testament international peut être écrit en une langue quelconque afin de faciliter l’expression de son auteur, ce testament ne peut être écrit en une langue que le testateur ne comprend pas, même avec l’aide d’un interprète.

L’auteur de l’article critique cette décision à plusieurs égard. 

Certes, l’article 4, paragraphe 1 précité, visé par l’arrêt, précise que « le testateur déclare […] que le document est son testament et qu’il en connaît le contenu ». Or, à cette fin, et pour paraphraser un auteur, « il paraît aller de soi, que le testateur doive comprendre » la langue utilisée pour l’écriture du testament international (M. Grimaldi, Libéralités, partage d’ascendants : Litec, 2000, n° 1386, p. 294). Pour autant, le recours à un interprète n’est nullement exclu par la Convention de Washington, l’article V, 1 de ladite Convention prévoyant expressément l’intervention d’interprètes (sur ce point, V. M. Grimaldi, Libéralités, partage d’ascendants : Litec, 2000, n° 1386, p. 294 et spéc. note de bas de page n° 200). Or, on ne voit pas bien la raison pour laquelle la Convention précise que des interprètes pourraient être appelés à intervenir à un testament international si c’est pour affirmer, comme le fait la Cour de cassation, que le testateur doive absolument comprendre la langue de rédaction dudit testament.

 

Bien que le recours à un interprète soit désormais possible pour un testament authentique, la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation n’est pas, d’emblée, frappée d’obsolescence. D’une part, il peut encore se trouver des testaments authentiques reçus avec un interprète antérieurement au 18 février 2015 ; d’autre part, il pourrait arriver que des testaments soient reçus postérieurement au 18 février 2015 avec un interprète ne remplissant pas strictement les conditions du nouvel article 972 du Code civil. Faudra-t-il alors sacrifier les volontés du testateur en faisant comme si tout interprète était absolument exclu pour le testament international ?

 

Pas d’infraction à la publicité personnelle lorsque le notaire est artiste !

 

CA Rennes, 8 févr. 2022, n° 20/04021

« La concurrence qui doit exister entre notaires, doit garder un caractère de dignité et éviter des surenchères qui se révéleraient dangereuses pour les clients eux-mêmes » (Notariat. Compétences et interdiction : JCl Notarial Formulaire, fasc. 18, par D. Lepeltier, n° 190). Ceci explique pourquoi, au titre de la déontologie notariale, l’article 4.4.1 du règlement national du notariat prévoit que « toute publicité à caractère personnel est interdite au notaire y compris sur les réseaux sociaux ». Autrement dit, en dehors d’un simple avis lors de son installation, et de la publicité de biens à vendre ou à louer, le notaire ne doit pas faire de la publicité personnelle. Cependant, la difficulté est que la notion de « publicité personnelle » n’est définie ni par l’article précité ni par le règlement national, bien que le Conseil supérieur du notariat ait tenté de distinguer la publicité « comme un moyen de communication utilisant le plus souvent un support payant pour le compte d’un émetteur, »

Or, la promotion médiatique, dont peut bénéficier le notaire qui est également artiste ou auteur, est-elle contraire aux règles déontologiques ?

 

En l’espèce, un notaire nantais a, en parallèle de son activité, développé un jeu de société qu’il a commercialisé et a bénéficié d’une importante couverture médiatique. Estimant que ce notaire avait contrevenu aux règles régissant la publicité personnelle, dans la mesure où sa qualité de notaire voire le lieu d’exercice étaient systématiquement mentionnés lors de ces interventions, la Chambre régionale de discipline des notaires a prononcé une sanction disciplinaire à son encontre. Toutefois, par un arrêt du 8 février 2022, la cour d’appel de Rennes a infirmé cette décision et prononcé la relaxe du notaire. En effet, même si en accordant aux journalistes plusieurs entretiens consacrés à son jeu le notaire avait bénéficié d’une forme de promotion gratuite, « celle-ci ne saurait être regardée comme étant une publicité à caractère personnel au sens de l’article 4.4.1 du règlement national du notariat faute de bénéficier, même indirectement, à l’office ou au notaire ». En effet, « la créativité dont ce dernier ayant fait preuve, que ce soit en sculptant ou en imaginant un jeu de société, n’étant pas de nature à lui apporter une clientèle, étant observé que ni son nom ni sa qualité ne figurent sur la boîte de jeu ».

 

En conséquence, le fait de se livrer à la sculpture et de commercialiser par le truchement d’une société un jeu de société ne contrevient à aucun des principes de probité, d’honneur et de délicatesse énoncés par le règlement intérieur.

Cette solution est logique, car il est certain que l’article 4.4.1 du règlement n’a pas pour vocation d’entraver l’activité sociale, artistique, littéraire, politique ou autre des notaires, de les empêcher de s’exprimer ou d’exprimer leur créativité, mais seulement d’éviter qu’ils ne se livrent à une concurrence quasi-commerciale incompatible avec leur état. 

 

Preuve d’une non-conformité n’ayant pas fait l’objet d’une réserve lors de la réception d’un ouvrage

Dans une décision du 2 mars 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a considéré que l’acquéreur d’un ouvrage, qui réclame l’indemnisation d’une non-conformité n’ayant pas fait l’objet d’une réserve lors de sa réception, doit prouver qu’elle n’était pas apparente à cette date pour le maître d’ouvrage.

Dans cette affaire, un particulier avait confié la construction d’un bâtiment à usage professionnel à une société. La propriété de ce bien a été transférée à une SCI, puis les locaux ont été donnés à bail à une troisième société. La SCI et cette dernière ont assigné le constructeur aux fins d’indemnisation de préjudices résultant de l’absence d’assurance dommages-ouvrage et décennale, ainsi que de différentes malfaçons et non-conformités. Ladite société a fait grief à la cour d’appel de Pau de la condamner à verser à la SCI la somme de 6 335 € au titre de la non-conformité des bois des terrasses extérieures.

 

La Cour de cassation a cassé et annulé son arrêt. Conformément à l’article 1315, alinéa 1, devenu 1353, alinéa 1, du Code civil, il incombe au maître ou à l’acquéreur de l’ouvrage qui agit sur le fondement de l’article 1792 du Code civil de rapporter la preuve que les conditions d’application de ce texte sont réunies. Inverse, dès lors, la charge de la preuve, la cour d’appel qui, pour condamner un constructeur, retient que celui-ci ne rapporte pas la preuve du caractère apparent de la non-conformité, au jour de la réception, pour un maître d’ouvrage profane.

 

Urbanisme commercial : la cour juge le droit et le préjudice

Dans une décision du 2 mars 2002, le Conseil d’Etat rappelle que c’est la cour administrative d’appel qui statue en premier et dernier ressort sur les recours indemnitaires liés à la délivrance d’un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale.

Par cette décision implicite, le Conseil d’État élargit le champ de la compétence légalement reconnue aux cours pour se prononcer sur la légalité de ces permis (C. urb., art. L. 600-10). Le lien ainsi établi entre légalité et indemnisation l’a déjà été pour certains agents publics nommés par décret du président de la République. Compétent pour juger en premier et dernier ressort les litiges relatifs au recrutement et à la discipline quand ils concernent ces agents (CJA, art. R. 311-1, 3°), le Conseil d’État l’est également pour statuer sur les recours indemnitaires fondés sur ces décisions (CE, sect., 21 juin 2013, n° 354299 : Lebon, p. 173 ; JCP A 2013, act. 575).

 

L’action en réduction d’une donation-partage constitue un droit attaché à la personne du débiteur qui échappe au dessaisissement

Dans un arrêt du 2 mars 2022, la Cour de cassation a jugé qu’il résulte de l’article 1077-1 du Code civil que la faculté d’agir en réduction d’une donation-partage est ouverte à l’héritier réservataire qui n’a pas concouru à la donation ou qui a reçu un lot inférieur à sa part de réserve. Cet héritier étant libre, en fonction de considérations, non seulement patrimoniales, mais aussi morales ou familiales, d’exercer ou non l’action en réduction pour préserver sa réserve, cette action est attachée à sa personne et, malgré son incidence patrimoniale, échappe, lorsqu’il est soumis à une procédure de liquidation judiciaire, au dessaisissement prévu par l’article L. 641-9 du Code de commerce. En conséquence, viole les textes précités la cour d’appel qui annule l’acte introductif d’instance délivré à la requête d’un débiteur mis en liquidation judiciaire qui tend à la réduction d’une donation-partage, aux motifs que, cette action étant patrimoniale, ce débiteur n’a pas qualité pour l’exercer aux lieu et place du liquidateur.

 

  • DOCTRINE ADMINISTRATIVE 

Un nouveau site pour faciliter les démarches fiscales, sociales et douanières des entreprises

Est lancé par le Gouvernement portailpro.gouv.fr, un portail permettant aux entreprises de réaliser leurs démarches courantes en matière fiscale, sociale ou douanière depuis un même site. L’objectif : simplifier la gestion de leurs obligations au quotidien.

Pour « faciliter la vie des entreprises », l’État souhaite continuer à améliorer son offre digitale et de mutualiser les informations entre les différentes administrations.

Elle offre aux entreprises la possibilité de :

  • bénéficier d’une connexion unique et sécurisée donnant accès sans réauthentification aux services impots.gouv.fr, urssaf.fr et douane.gouv.fr, ainsi qu’au premier site partenaire net-entreprises.fr ;
  • disposer d’une vision d’ensemble de leurs obligations et échéances fiscales, sociales et douanières grâce à un tableau de bord unique et personnalisé ;
  • réaliser leurs déclarations et payer leurs impôts et cotisations depuis un seul site ;
  • dialoguer « de manière simple et sécurisée » avec les impôts, les Urssaf et la douane à travers une messagerie intégré

 

Responsabilité civile du mandant en cas de dol du mandataire : les principes du droit commun de la responsabilité s’imposent en chambre mixte

Monsieur Laurent Leveneur agrégé de droit privé, professeur à l’université Panthéon-Assas Paris II, a effectué un commentaire de la décision du 29 octobre 2021 de la chambre mixte portant sur les manœuvres dolosives.

La solution de l’arrêt était la suivante : Les manœuvres dolosives du mandataire, dans l’exercice de son mandat, n’engagent la responsabilité du mandant que s’il a personnellement commis une faute qu’il incombe à la victime d’établir.

Cet arrêt apporte une importante précision relative aux conditions de mise en jeu de la responsabilité du mandant en cas de dol commis par son mandataire. Il devrait mettre un terme aux hésitations jurisprudentielles sur le sujet.

En résumé :

• Si la victime des manœuvres dolosives d’un mandataire agit exclusivement en nullité du contrat, le dol du mandataire est opposable au mandant, qui ne peut échapper à la nullité du contrat conclu, pour son compte et en son nom, sous l’empire de ce vice du consentement.

• Si la victime préfère agir en réparation du préjudice qui lui a été causé, sans demander l’anéantissement du contrat, la responsabilité du mandant ne peut être engagée que s’il a personnellement commis une faute. Mais le dol du mandataire est toujours une faute qui engage la responsabilité personnelle de celui-ci.

 

• Si la victime du dol agit à la fois en nullité du contrat et en dommages et intérêts (par exemple, pour réparer le préjudice causé par une perte de temps, ou l’engagement de dépenses dans la phase de négociation du contrat), le dol du mandataire sera retenu pour caractériser la cause de nullité, car il est opposable au mandant pour cette demande. Mais pour la réparation du préjudice, il faudra respecter les conditions de mise en jeu de la responsabilité extracontractuelle, et donc établir une faute personnelle du mandant si le demandeur veut engager sa responsabilité.

  • DOSSIER 

Assurance-vie : modification des bénéficiaires durant l’instruction d’une mesure de protection du souscripteur

Pour remettre en cause la modification de la clause bénéficiaire d’une assurance-vie opérée durant la procédure de mise sous protection du souscripteur, deux fondements juridiques peuvent être mobilisés, de manière cumulative (C. civ., art. 466) : d’une part, la nullité pour insanité d’esprit (C. civ., art. 414-1) et, d’autre part, la réduction pour excès (C. civ., art. 464). Cependant, le succès d’une telle action demeure conditionné au respect des conditions fixées par ces textes et à la réunion d’éléments de preuve suffisants.

 

CA Amiens, 1re ch. civ., 8 juill. 2021, n° 19/08222 : JurisData n° 2021-013032

Une chose était certaine ici : frère et sœur ne s’entendaient pas. En revanche, les rapports que ceux-ci entretenaient avec leur mère étaient plus insondables. Celle-ci vivait chez son fils, dans un logement contigu au sien, qu’il mettait gracieusement à sa disposition mais, pour autant, elle lui reprochait de vouloir « s’en prendre à son argent » et il apparaissait que tous deux ne se parlaient plus depuis quelques mois. Les relations de la mère avec sa fille n’étaient guère plus simples : après avoir passé une période de discorde, la mère admettait que sa fille était particulièrement autoritaire à son égard mais, cela étant, elle affirmait aussi que celle-ci ne lui « montait pas la tête ». C’est donc peu dire que le contexte familial était complexe.

 

Le fils avait saisi le tribunal d’instance aux fins d’ouverture d’un régime de protection à l’égard de sa mère. Ledit tribunal ordonna l’ouverture d’une curatelle renforcée, mais désigna la fille en qualité de curatrice. Or, avant même ce jugement, la mère avait pris l’initiative de modifier les clauses bénéficiaires de 5 contrats d’assurance-vie au seul profit de sa fille et/ou des enfants de celle-ci. Découvrant son éviction de la liste des bénéficiaires au moment du décès de sa mère, le fils assigna sa sœur, les enfants de celle-ci, et les différentes compagnies d’assurance concernées.

 

Après une vaine tentative de médiation, le tribunal de grande instance débouta le fils de toutes ses demandes. 

La cour d’appel s’est interrogée sur la validité de modifications de clauses bénéficiaires de contrats d’assurance-vie opérées durant la procédure de mise sous protection judiciaire du souscripteur.

Si les règles sont, fixées une fois la mesure ouverte, qu’en est-il avant cela, notamment pendant la période où la demande est instruite ?

 

L’arrêt permet de rappeler, qu’avant l’ouverture de la mesure de protection, deux fondements juridiques peuvent être mobilisés, de manière cumulative d’ailleurs (C. civ., art. 466): la nullité pour insanité d’esprit de l’article 414-1 du Code civil, et la réduction pour excès au cours de la période suspecte fixée par l’article 464 dudit code.

En ce qui concerne l’insanité d’espère, En l’espèce, l’action du fils se heurte, en première instance comme en appel, à un défaut de preuve. Les juges retiennent que le fils « ne rapportait pas la preuve de l’insanité d’esprit de sa mère au moment où elle a signé les avenants aux différents contrats d’assurance-vie ».

Certes sa mère avait fait l’objet d’un placement sous curatelle, mais cela était bien entendu insuffisant à caractériser son insanité d’esprit au jour de l’acte litigieux 

Lors de l’audition devant le juge des tutelles, la mère en parlant du changement de bénéficiaire avait dit au juge qu’il s’agissait « de sa propre décision ». Cet élément a sans doute peser dans la balance

Réduction pour excès. – Ensuite, s’agissant d’une personne protégée, il est possible de s’appuyer sur les dispositions de l’article 464 du Code civil qui prévoient que durant une période suspecte, dans les 2 ans précédant la publication du jugement d’ouverture de la mesure de protection, les actes accomplis par la personne protégée peuvent être réduits pour excès, voire annulés s’il est justifié d’un préjudice.

Tel est ce que tentait d’obtenir le fils, mais sans plus de succès.

La cour d’appel estime que les conditions de mise en œuvre de ce texte n’étaient pas remplies.

La réduction pour excès ne trouvait pas à s’appliquer, faute de réunir une « double condition » (Cass. 1re civ., 24 avr. 1979, n° 77-12.468) : premièrement, il n’était pas établi que la souscriptrice était inapte à défendre ses intérêts dans les 2 années précédant l’ouverture de la curatelle et, deuxièmement, il n’était pas non plus prouvé, qu’à l’époque des actes, une éventuelle altération de ses facultés mentales était notoire, et encore moins connue des compagnies d’assurance (C. civ., art. 464, al. 1er).

 

Toute nullité était pareillement vouée à l’échec, puisque la condition supplémentaire de cette sanction tenant à la justification d’un préjudice n’était pas davantage démontrée (C. civ., art. 464, al. 2).

En conseil pratique : Le notaire doit apporter toute sa vigilance à l’état de santé de la personne. Celui-ci peut être évoqué dans l’acte, ce qui n’exclut aucune action. Par ailleurs, il peut être demandé un certificat médical. C’est une arme à double tranchant car soit il permet d’être un moyen de preuve utile, établi concomitamment à l’acte, donc à un bon moment (ce qui n’évitera pas nécessairement une action, mais ce certificat pourra être versé aux débats), soit il démontre que le notaire avait un doute, ce qui pourrait se retourner contre lui s’il a instrumenté et que le trouble mental s’avère établi.

 

Validité d’un testament olographe rédigé par une personne atteinte de troubles ayant justifié l’ouverture d’une procédure de protection judiciaire

L’insanité d’esprit ne se confond pas avec les causes d’ouverture d’une procédure pouvant conduire à la mise en place d’un régime de protection.

Dans une décision du 19 octobre 2021, la Cour d’appel de Versailles rappelle que les conditions permettant de réduire ou d’annuler les actes accomplis moins de 2 ans avant la mise en place d’une mesure de protection ne sont pas remplies au sens de l’article 464 du Code civil lorsque la procédure de protection n’est pas allée jusqu’à son terme du fait du décès de la personne concernée.

Cet arrêt pose la question de l’impact de la mise en œuvre d’une mesure de protection judiciaire sur la validité d’un testament.

 

En l’espèce : Dans un délai très court (moins de 3 mois), une même personne est tout d’abord examinée par un médecin psychiatre en vue de la mise en place d’une mesure de protection (6 février 2016). Puis, elle rédige un testament olographe au terme duquel elle désigne l’Unicef comme légataire d’une maison (22 mars 2016). Elle fait ensuite l’objet d’une procédure d’ouverture d’une mesure de protection (ordonnance du 30 mars 2016). Enfin, elle décède le 21 avril 2016 sans que la mesure de protection judiciaire soit allée jusqu’à son terme.

 

Les deux enfants du défunt contestent la validité du testament. Ils invoquent non seulement l’insanité d’esprit du testateur mais remettent aussi en question les actes accomplis moins de 2 ans avant la mise en place d’une mesure de protection. La cour d’appel leur donne tort, confirmant ainsi le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre.

 

L’insanité d’esprit. – La cour d’appel rappelle, que les causes pouvant conduire à la mise en place d’une mesure de protection ne doivent pas être confondues avec l’insanité d’esprit justifiant l’annulation d’un testament. Ce rappel est d’autant plus fondé que l’ouverture d’une mesure de protection n’interdit pas à la personne sous sauvegarde de justice ou sous curatelle de rédiger son testament (C. civ., art. 435 et 470). La situation est plus complexe pour la personne sous tutelle qui ne peut tester qu’avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille (C. civ., art. 476). Ainsi l’insanité d’esprit des articles 414-1 et 901 du Code civil doit être caractérisée et existée au moment de la rédaction de l’acte litigieux. Pour écarter la demande en nullité, les juges du fond s’appuient sur plusieurs éléments.

Tout d’abord ils relèvent que le rapport du médecin psychiatre propose justement la mise en place d’une sauvegarde de justice ou d’une curatelle, deux mesures dont le Code civil prévoit expressément le maintien de la capacité de tester.

D’autre part, ils rappellent que c’est au demandeur de rapporter la preuve de l’altération des facultés mentales à la date d’établissement du testament.

 

Le demandeur mettait en avant deux éléments de fait pour caractériser l’insanité d’esprit le rapport médical. La cour d’appel observe qu’il résulte des constations du médecin que le testateur ne présentait pas d’atteinte invalidante sur le plan purement cognitif, mais que des troubles de l’attention en lien avec un trouble bipolaire. Il est ainsi relevé que « les troubles bipolaires diagnostiqués par le médecin n’entraînaient qu’une faible altération des facultés mentales susceptibles d’être améliorée avec la reprise du suivi thérapeutique ».

 

La remise en question des actes rédigés moins de 2 ans avant la publicité du jugement d’ouverture d’une mesure de protection. – Sur ce point, la cour d’appel fait une application stricte et littérale de l’article 464 du Code civil. Elle relève que l’application de l’article 464 du Code civil n’est pas justifiée en raison de l’absence de publicité du jugement d’ouverture de la mesure de protection. La Cour précise en effet que le juge des tutelles, dans son ordonnance du 30 mars 2016, ne se prononce pas sur une mesure de protection mais se borne à déclarer régulièrement introduite la procédure d’ouverture. La demande devait donc être instruite avant de prononcer la mesure. Ainsi, le décès de la personne a interrompu la procédure et justifie que l’article 464 ne puisse être applicable en l’espèce.

 

Conseil pratique :

Il est recommandé aux notaires de systématiser la demande d’un extrait d’acte de naissance des testateurs afin de vérifier l’existence d’une inscription au répertoire civil. Si cette démarche est assurément faite pour les testaments authentiques (sauf cas d’urgence) il est moins certain que cela soit le cas pour les testaments olographes (qui ne sont pas toujours rédigés par le notaire qui ne fait souvent qu’en assurer la conservation et l’enregistrement au fichier central des dispositions de dernières volontés).

 

 

Habilitation familiale et donation

Dans un avis du 15 décembre 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation a énoncé que lorsqu’une personne protégée est hors d’état de manifester sa volonté, le juge des contentieux de la protection ne peut autoriser la personne habilitée à accomplir en représentation une donation qu’après s’être assuré, d’abord, au vu de l’ensemble des circonstances, passées comme présentes, que la donation correspond à ce qu’aurait voulu la personne protégée, ensuite, que cette libéralité est conforme à ses intérêts personnels et patrimoniaux, en particulier que sont préservés les moyens lui permettant de maintenir son niveau de vie et de faire face aux conséquences de sa vulnérabilité.

 

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