• TEXTES
Maintien du tarif des notaires
En dernier lieu, un arrêté du 28 février 2020, dont les effets avaient été reportés au 1er janvier 2021, avait fixé les dispositions relatives aux émoluments des actes et formalités pour la période courant jusqu’au 28 février 2022. Un nouvel arrêté était donc attendu.
C’est l’arrêté du 25 février 2022. En remplaçant simplement les mots « jusqu’au 28 février 2022 » par les mots « jusqu’au 29 février 2024 », ce nouvel arrêté maintient, telles quelles, à compter du 1er mars 2022, les dispositions antérieures (A. 25 févr. 2022, art. 2).
La seule modification apportée par l’arrêté du 25 février 2022 consiste en la suppression de l’émolument prévu, jusqu’alors, à la ligne 203 de l’article A 444-172 du Code de commerce pour la prestation suivante : rédaction et envoi d’une requête au juge des tutelles (A. 25 févr. 2022, art. 3).
Cette suppression est la conséquence directe d’un arrêt rendu par le Conseil d’État le 2 décembre 2020(CE, 2 déc. 2020, n° 432470 : JurisData n° 2020-021151). En l’espère, le requérant demandait l’abrogation de plusieurs dispositions prévoyant l’émolument de prestations notariales. Il n’a finalement obtenu gain de cause que pour l’émolument de 37,73 € HT de rédaction et envoi d’une requête au juge des tutelles, le Conseil d’État considérant « que ces actes, non seulement ne relèvent pas du monopole des notaires ni ne sont accomplis généralement à l’occasion d’actes en relevant et que leur établissement en la forme authentique ne constitue ni une obligation, ni ne renforce leur caractère probant ».
La conséquence de la suppression de cet émolument est que, à compter du 1er mars 2022, cette prestation est rémunérée par un honoraire, dans les conditions de l’article L. 444-1, alinéa 3 du Code de commerce.
Signature d’un acte authentique électronique à distance : clarification
Un décret du 25 février 2022 vise à favoriser le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire du 22 décembre 2021 (JCP N 2022, n° 2, act. 134) et modifie diverses dispositions.
En particulier, l’article 3 de ce décret modifie l’article 20 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 afin de clarifier le fait que, lors de la signature d’un acte authentique électronique à distance, le client peut être présent physiquement ou être représenté devant le second notaire qui doit recueillir son consentement, comme il aurait pu l’être devant le notaire instrumentaire. Dès lors, la référence au terme « comparaître » ne fait pas obstacle au recours à la procuration.
La loi portant réforme de l’adoption est publiée
Définitivement adoptée le 8 février dernier, la loi du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption est publiée au Journal officiel. Cette loi a pour double objectif de faciliter et sécuriser le recours à l’adoption et de renforcer le statut de pupille de l’État. Elle ouvre notamment l’adoption aux couples non mariés et elle clarifie les règles de prise du congé d’adoption.
L’ouverture de l’adoption aux couples non mariés. – Afin de tenir compte des évolutions de la famille, la loi ouvre l’adoption aux couples liés par un pacte civil de solidarité (PACS) et aux concubins. Actuellement, seuls les couples mariés et les célibataires peuvent adopter. Pour faciliter les adoptions, le texte prévoit également de réduire de deux à un an la durée de vie commune exigée dans le cas de l’adoption par un couple et d’abaisser l’âge minimum requis du ou des parents adoptants de 28 à 26 ans. Ces deux dispositions, qui avaient été supprimées par les sénateurs, ont été réintroduites par les députés en nouvelle lecture.
L’adoption simple valorisée. – Pour lui donner une plus grande visibilité, l’adoption simple est valorisée. Mais, à la différence de l’adoption plénière, cette procédure ne rompt pas les liens de filiation de l’enfant avec ses parents biologiques (tout en créant une filiation avec les parents adoptifs qui deviennent seuls titulaires de l’autorité parentale). L’article 364 du Code civil est reformulé pour préciser expressément que l’adoption simple confère à l’adopté une filiation qui s’ajoute à sa filiation d’origine et que l’adopté conserve ses droits dans sa famille d’origine.
L’adoption plénière des enfants de plus de 15 ans, en particulier par le conjoint et pour les pupilles de l’État, est facilitée et la possibilité d’adoption plénière jusqu’à 21 ans est étendue. Ces mesures, supprimées par les sénateurs, ont été rétablies par les députés.
La période de placement en vue de l’adoption est sécurisée : il est précisé que les futurs adoptants peuvent réaliser, pendant cette période, les actes usuels de l’autorité parentale.
Une disposition facilite les adoptions de mineurs de plus de 13 ans et des majeurs protégés incapables de donner leur consentement à l’adoption.
Un article traite de la procédure d’agrément en vue de l’adoption. Il pose le principe d’un écart d’âge maximum de 50 ans entre les adoptants et l’adopté, sauf en cas d’adoption de l’enfant du couple.
Compte tenu de la crise sanitaire, des amendements sont venus prolonger de 2 ans la durée des agréments en cours de validité au 11 mars 2020 pour les bénéficiaires dont le dossier est déjà enregistré auprès d’une autorité étrangère.
La filiation des enfants nés à l’étranger par AMP pour un couple séparé de femmes. – Un amendement des députés réintroduit en nouvelle lecture un dispositif transitoire pour régler la situation des couples de femmes ayant eu recours à une assistance médicale à la procréation (AMP) à l’étranger avant la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique et qui se sont séparées, de manière conflictuelle, depuis le projet parental commun. Il s’agit de couvrir le cas des couples de femmes au sein desquels celle qui a accouché s’oppose à la reconnaissance conjointe rétroactive. L’amendement propose le recours à l’adoption pour la femme qui n’a pas accouché, et ce, malgré la séparation du couple et le refus de la femme qui a accouché de recourir au dispositif transitoire de la reconnaissance conjointe prévue par la loi bioéthique.
Dans le dispositif prévu jusqu’en 2025, le juge établira le lien de filiation à l’égard de la seconde femme, malgré l’opposition de la femme qui a accouché et qui est désignée comme mère dans l’acte de naissance. Le juge devra s’assurer que son refus n’a pas de motif légitime. Le tribunal devra spécialement motiver sa décision sur ce point. L’adoption ne sera prononcée que si ce refus n’est pas légitime et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant.
Le statut des pupilles de l’État renforcé. – Le texte renforce le statut de pupille de l’État et améliore le fonctionnement des conseils de famille, organe chargé de la tutelle des pupilles de l’État avec le représentant de l’État dans le département.
Il prévoit aussi que le recueil d’enfants devienne une compétence exclusive de l’ASE, l’Aide sociale à l’enfance, afin que ceux-ci bénéficient du statut de pupille de l’État. Les sénateurs s’étaient opposés à cette mesure qui restreignait l’activité des organismes autorisés pour l’adoption (OAA) aux adoptions internationales.
Enfin, un amendement gouvernemental est venu assouplir et clarifier les conditions de recours au congé pour adoption, qui a été allongé de 10 à 16 semaines à partir du 1er juillet 2021 par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
Clarification de dispositions relatives aux dépréciations affectant certaines immobilisations pour la détermination de l’assiette de l’impôt
L’article 38 sexies de l’annexe III au Code général des impôts (CGI) mentionne, à titre d’exemple, une liste non exhaustive d’immobilisations, au nombre desquelles figurent les fonds commerciaux, qui ne se déprécient pas de manière irréversible et dont la dépréciation donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l’article 39 du CGI. Les règles comptables en vigueur admettent, sous conditions, la possibilité de constater la dépréciation définitive d’un fonds commercial acquis en procédant à son amortissement comptable. L’article 23 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, modifiant l’article 39 du CGI, prévoit la possibilité, à titre temporaire et dérogatoire, d’admettre en déduction du résultat imposable l’amortissement des fonds commerciaux acquis à compter du 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025.
Le décret n° 2022-208 du 18 février 2022 supprime cette énumération, à des fins de clarification et d’harmonisation au regard de l’évolution des dispositions légales applicables en matière d’amortissement.
- JURISPRUDENCE
Monuments historiques et exonération des droits de mutation
Dans une décision du 11 février 2022, le Conseil d’Etat a énoncé que sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit les biens immeubles qui sont, pour l’essentiel, classés ou inscrits au titre des monuments historiques, ainsi que les biens meubles qui en constituent le complément historique ou artistique, dès lors que les héritiers, les donataires ou les légataires ont souscrit avec les services de l’État compétents une convention à durée indéterminée prévoyant le maintien dans l’immeuble des meubles exonérés et leurs conditions de présentation, les modalités d’accès du public ainsi que les conditions d’entretien des biens exonérés, conformément à des dispositions types approuvées par décret (CGI, art. 795 A).
D’une part, le Conseil juge que si l’article 1649 nonies du CGI prévoit que, sauf disposition expresse contraire, toute demande d’agrément auquel est subordonnée l’application d’un régime fiscal particulier doit être déposée préalablement à la réalisation de l’opération qui la motive, la demande de convention adressée aux services compétents du ministère de la Culture pour bénéficier de l’exonération des droits de mutation à titre gratuit prévue à l’article 795 A du CGI ne saurait être regardée comme une demande d’agrément déposée en vue de la réalisation d’une opération, au sens de ces dispositions. Dès lors, l’article 1649 nonies du CGI n’impose pas au contribuable, à peine de perte du droit à exonération, de déposer un projet de convention préalablement à l’expiration du délai de déclaration de succession.
D’autre part, il précise que les dispositions du I de l’article 281 bis de l’annexe III au CGI ont seulement pour objet de prévoir, en application de l’article 1717 de ce code, les modalités selon lesquelles le paiement des droits de mutation par décès exigibles en vertu de l’article 1701 peut être différé jusqu’à la signature de la convention prévue par l’article 795 A permettant l’exonération de ces droits de mutation. Ces dispositions n’ont en revanche pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de subordonner le bénéfice de cette exonération au dépôt d’une déclaration de succession accompagnée d’une copie de la convention adressée au service du département de la culture compétent et certifiée conforme par celui-ci.
Exonération de droits et biens affectés à l’exploitation
Dans une décision du 9 février 2022, la chambre commerciale a énoncé que si, en ce qui concerne les entreprises individuelles, l’inscription des biens meubles et immeubles, corporels ou incorporels au bilan, ou leur mention sur le document en tenant lieu, en font présumer le caractère affecté à l’exploitation de l’entreprise, l’administration a la faculté de rapporter la preuve qu’ils ne sont pas nécessairement et effectivement affectés à celle-ci.
En l’espèce, un exploitant agricole, est décédé laissant pour légataires universels ses neveu et nièce, lesquels ont demandé à bénéficier d’une exonération des droits de succession à concurrence des trois quarts de la valeur transmise, en application des dispositions de l’article 787 C du CGI. Considérant que des valeurs mobilières de placement d’un montant de 90 121,52 € et des sommes provenant de la succession de l’épouse de l’exploitant agricole, s’élevant à 115 192,79 €, avaient été intégrées à tort dans la valeur de l’exploitation agricole léguée, ce qui avait indûment augmenté l’assiette de l’exonération partielle de la valeur de biens qui ne pouvaient pas en bénéficier comme n’étant pas nécessaires à l’exercice de la profession, l’administration fiscale a adressé aux légataires universels une proposition de rectification rehaussant les droits de succession dus. Après le rejet de leurs réclamations contentieuses, ces derniers ont assigné l’administration fiscale en annulation des décisions de rejet et en décharge des droits supplémentaires mis en recouvrement.
La cour d’appel (CA Pau, 19 nov. 2019, n° 16/03456 : JurisData n° 2019-020948) rejette leurs demandes tendant à la décharge de la quote-part de droits supplémentaires et de pénalités mis à leur charge en matière de droits d’enregistrement. L’arrêt retient que liquidités et les placements financiers assimilés sont pris en compte au titre des biens professionnels, lorsqu’ils sont inscrits au bilan de l’entreprise, dans la mesure où leur montant ne dépasse pas les besoins normaux de trésorerie de celle-ci et où ils sont nécessaires à l’activité de l’entreprise. Il retient encore qu’il résulte des pièces examinées par l’administration fiscale que les liquidités dont dispose l’entreprise sont supérieures aux charges courantes et s’il est produit des factures faisant état d’investissements, force est de constater qu’il pouvait y être satisfait, au regard des liquidités dont disposait l’entreprise.
La Cour de cassation approuve la cour d’appel.
La cour d’appel qui, après avoir retenu comme probants les éléments produits par l’administration fiscale contestant l’affectation des sommes litigieuses et des valeurs mobilières de placement à l’exploitation de l’entreprise, a relevé que les légataires universels ne produisaient aucun élément contraire de nature à leur permettre de bénéficier de l’exonération prévue par l’article 787 C du CGI, et qui n’était pas tenue de s’expliquer sur les éléments de preuve qu’elle décidait d’écarter, a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision.
Le sursis à statuer et la régularisation tardive de l’autorisation d’urbanisme
Dans une décision du 16 février 2022, le Conseil d’Etat a énoncé que l’expiration du délai fixé par le juge de l’excès de pouvoir qui sursoit à statuer le temps de la régularisation d’une autorisation d’urbanisme (C. urb., art. L. 600-5-1) ne provoque pas nécessairement l’annulation de la décision. Tant que le juge ne s’est pas prononcé, l’acte de régularisation peut lui être transmis et il doit en tenir compte, même s’il est tardif, pour apprécier la légalité de l’autorisation.
Pour le reste, le juge de cassation procède aujourd’hui à des rappels. Ainsi, la mesure de régularisation peut être contestée, sans condition de délai, dans le cadre de la même instance. Ce n’est d’ailleurs qu’à l’occasion de cette instance que cette mesure peut être critiquée (CE, 5 févr. 2021, n° 430990 : JurisData n° 2021-001384 ; Lebon T. 2021 ; JCP A 2021, act. 120 ; JCP A 2021, 2211, chron. R. Vandermeeren). En outre, une fois le sursis prononcé, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation peuvent être invoqués (CE, 18 juin 2014, n° 376760 : JurisData n° 2014-013522 ; Lebon, p. 164 ; JCP A 2014, act. 542 ; JCP A 2014, 2298, note D. Gillig).
Ainsi que l’exprime le Conseil d’État dans la présente décision, les parties peuvent alors se fonder sur les vices propres de la mesure de régularisation et soutenir qu’elle n’a pas pour effet de régulariser le vice ayant provoqué le sursis à statuer. Elles ont également la possibilité d’invoquer des moyens inspirés par des éléments révélés lors de lors de la procédure de régularisation.
L’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé qui n’appartient qu’au nu-propriétaire
Dans une décision du 16 février 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a considéré que l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire, mais il doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.
Deux époux ont eu trois enfants. L’épouse et deux d’entre eux ont constitué une société civile immobilière (SCI), dont l’un d’eux est devenu gérant. L’épouse a cédé l’ensemble de ses parts aux deux enfants, puis l’usufruit d’une partie des parts sociales a été cédé aux parents. À l’occasion d’une augmentation du capital social, le troisième enfant a acquis des parts sociales dont l’usufruit a été attribué à ses parents. Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, les parents ont demandé au gérant de provoquer la délibération des associés concernant sa révocation et la nomination de co-gérants. Exposant que le gérant avait gardé le silence, les usufruitiers ont assigné avec un des enfants, sur le fondement de l’article 14 des statuts de la SCI et de l’article 39 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, les deux autres enfants, associés de la SCI, et cette dernière aux fins de voir désigner un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés à l’effet de statuer sur la révocation du gérant de ses fonctions de gérante et la nomination de co-gérants.
L’arrêt d’appel (CA Bordeaux, 11 févr. 2020, n° 19/03127) confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a déclaré irrecevable la demande tendant à la désignation d’un mandataire.
La Cour de cassation approuve la cour d’appel.
Aux termes de l’article 578 du Code civil, l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre à la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance et selon l’article 39, alinéas 1er et 3, du décret du 3 juillet 1978, dans sa version applicable, un associé non-gérant d’une société civile peut à tout moment, par lettre recommandée, demander au gérant de provoquer une délibération des associés sur une question déterminée. Si le gérant s’oppose à la demande ou garde le silence, l’associé demandeur peut, à l’expiration du délai d’un mois à compter de sa demande, solliciter du président du tribunal, statuant en la forme des référés, la désignation d’un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés. Dès lors, les époux, usufruitiers, n’ayant pas la qualité d’associés et n’ayant pas soutenu que la question à soumettre à l’assemblée générale avait une incidence directe sur le droit de jouissance des parts dont ils avaient l’usufruit, la cour d’appel a retenu, à bon droit, que leur demande de désignation d’un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés est irrecevable.
Détermination de la juridiction compétente pour connaître d’un divorce et nationalité
La Cour de justice de l’Union européen a considéré dans une décision du 10 février 2022 que la durée de résidence requise pour que les juridictions d’un État membre exercent leur compétence pour statuer sur une demande en divorce peut valablement dépendre de la nationalité du demandeur.
L’occasion lui a été donnée de se prononcer sur cette question dans le cadre d’une affaire où un ressortissant italien, qui vivait depuis un peu plus de 6 mois en Autriche, avait introduit devant une juridiction autrichienne une demande de dissolution de son mariage avec son épouse allemande, avec laquelle il vivait en Irlande.
Les deux premières instances ont rejeté sa demande, estimant que les juridictions autrichiennes n’avaient pas compétence pour en connaître. En effet, le règlement « Bruxelles II bis » relatif à la compétence en matière matrimoniale exige pour un tel cas de figure que le demandeur ait résidé sur le territoire national depuis au moins un an immédiatement avant l’introduction de la demande.
Discrimination en raison de la nationalité ? – Mais pour le demandeur, la durée de résidence nécessaire ne devrait être que d’au moins 6 mois, comme le prévoit le règlement pour le cas où l’intéressé possède la nationalité de l’État membre concerné. Exiger des ressortissants des autres États membres une durée minimale de résidence plus longue constituerait une discrimination en raison de la nationalité. L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), auquel le demandeur s’est alors adressé, partage ces doutes en ce qui concerne la compatibilité de la différence de traitement découlant du règlement avec le principe de non-discrimination en raison de la nationalité. Il a alors interrogé la Cour de justice à ce sujet.
• Réponse du juge européen. – le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, consacré à l’article 18 TFUE, ne s’oppose pas à la différence de traitement en cause. Et d’expliquer que le demandeur, ressortissant de l’État membre dont les juridictions exercent la compétence de connaître d’une demande en divorce, qui, du fait d’une crise conjugale, quitte la résidence habituelle commune du couple et décide de retourner dans son pays d’origine, ne se trouve pas, en principe, dans une situation comparable à celle d’un demandeur qui ne possède pas la nationalité dudit État membre et qui y déménage à la suite d’une telle crise. En effet, un ressortissant de cet État membre entretient nécessairement avec ce dernier des liens institutionnels et juridiques ainsi que, en règle générale, des liens culturels, linguistiques, sociaux, familiaux ou patrimoniaux. Un tel lien de rattachement peut par conséquent déjà contribuer à la détermination du lien réel nécessaire avec cet État. Par ailleurs, il garantit un degré de prévisibilité pour l’autre conjoint dans la mesure où celui-ci peut s’attendre à ce qu’une demande en divorce soit éventuellement introduite devant les juridictions de cet État membre. Selon la Cour, il n’est donc pas manifestement inapproprié qu’un tel lien ait été pris en considération par le législateur de l’Union dans la détermination de la durée de résidence effective exigée du demandeur sur le territoire de l’État membre concerné.
In fine, pour le juge européen, la possession de la nationalité de l’État membre concerné contribuant à assurer un lien de rattachement réel avec celui-ci, il n’est pas manifestement inapproprié d’exiger dans un tel cas une durée minimale de résidence habituelle sur le territoire national de 6 mois au lieu d’un an.
- DOCTRINE
Difficultés d’établissement de la filiation de l’enfant issu d’une AMP réalisée à l’étranger par un couple de femmes – Apports de la réponse ministérielle Houlié
Seule une procédure d’adoption peut être envisagée pour établir à l’égard de la femme qui n’a pas accouché, la filiation de l’enfant issu d’une AMP réalisée à l’étranger par un couple de femmes peu après la publication de la loi bioéthique du 2 août 2021.
• Situation depuis la loi bioéthique du 2 août 2021. – Depuis la loi bioéthique du 2 août 2021, la situation des couples de femmes ayant eu un enfant issu d’une AMP réalisée à l’étranger avant sa publication comme celle des couples de femmes ayant attendu son entrée en vigueur pour initier un parcours d’AMP avec tiers donneur, semblaient définitivement réglées :
- pour les premières, l’article 6 IV de la loi a instauré, rappelons-le, une mesure rétroactive, dite « de rattrapage », leur permettant, bien que temporairement (jusqu’au 3 août 2024), de faire une reconnaissance conjointe devant notaire de l’enfant dont la filiation n’est établie qu’à l’égard de la femme qui a accouché ;
- pour les secondes, la reconnaissance conjointe anticipée rédigée par le notaire au moment du recueil des consentements du couple à l’AMP, établit la filiation de l’enfant à l’égard de la femme qui n’a pas accouché (V. N. Baillon-Wirtz, L’acte de reconnaissance conjointe de l’enfant : JCP N 2021, n° 35, 1275 ; Assistance médicale à la procréation et filiation. Les précisions attendues de la circulaire du 21 septembre 2021 : JCP N 2021, n° 41, 1297) ;
- Pour certains couples de femmes cependant, les difficultés à établir le lien de filiation de l’enfant subsistent. Plusieurs associations et médias (V. not. « PMA : pas de filiation sans reconnaissance préalable chez le notaire », Le Monde, 2 nov. 2021) se sont ainsi fait l’écho des interrogations de couples inscrits dans un parcours d’AMP à l’étranger avant la publication de la loi bioéthique – soit avant le 3 août 2021 – et ayant procédé avec succès à l’insémination ou au transfert d’embryon peu de temps après cette date (quand bien même les tentatives de fécondation précédentes et issues du même parcours avaient commencé bien avant).
• Situation non prévue par les textes. – Dans le prolongement d’une circulaire du 21 septembre 2021, le ministère de la Justice, après avoir été interrogé par le député Sacha Houlié, apporte des précisions utiles dans une réponse ministérielle publiée le 15 février 2022. En substance, « ces couples de femmes se retrouvent dans une situation non prévue par les textes » :
- en effet, il ne peut y avoir pour eux de reconnaissance conjointe anticipée. Cet acte n’est établi que si un acte de consentement à l’AMP a été signé (sans considération du fait que l’AMP ait lieu en France ou à l’étranger). Or, pour ces femmes, il ne pouvait y avoir d’établissement préalable de l’acte de consentement à l’AMP puisque la loi n’était pas encore entrée en vigueur au jour où elles avaient initié le parcours d’AMP. Le ministère de la Justice rappelle à cet effet que « le législateur a […] souhaité que les couples consentent librement à l’assistance médicale à la procréation et soient informés des conséquences de leur acte au regard de la filiation avant de recourir à cette technique. La possibilité d’établir une reconnaissance conjointe anticipée après l’engagement du processus d’assistance médicale à la procréation irait à l’encontre de l’esprit du texte » ;
- il ne peut y avoir non plus de reconnaissance conjointe a posteriori . En application de la circulaire du 21 septembre 2021, il faut pour bénéficier du dispositif transitoire de l’article 6 IV de la loi bioéthique, que l’insémination artificielle ou le transfert d’embryon ait été réalisé avec succès avant le 3 août 2021.
Dès lors, pour ces femmes qui, selon les mots de Sacha Houlié, « se voient privées du bénéfice de cette procédure simplifiée », l’adoption reste le seul mode d’établissement de la filiation possible entre l’enfant issu de l’AMP et la femme qui n’a pas accouché. La loi du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption leur permettra au moins d’engager, une fois l’enfant né, les démarches de l’adoption plénière de l’enfant du « conjoint », peu importe qu’elles soient ou non mariées.