Textes :
Décret n° 2023-1037 du 10 novembre 2023 modifiant les modalités de transmission aux préfets de certaines demandes relatives aux certificats et autorisations d’urbanisme :
Ce décret supprime l’obligation de transmettre le dossier de demande de certificat ou d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable dans la semaine qui suit son dépôt par le pétitionnaire.
Cela ne remet pas en cause les règles de transmission au contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales et leurs groupements, le dossier de demande complet doit être transmis au préfet au titre du contrôle de légalité au moment de la naissance de la décision, qu’elle soit expresse ou tacite.
Les dispositions du décret s’appliquent aux demandes d’autorisation et de certificat d’urbanisme et aux déclarations préalables déposées à compter du 1er janvier 2024.
Décret n° 2023-1103 du 27 novembre 2023 relatif à la notification des recours en matière d’autorisations environnementales, JO 29 novembre 2023, texte n° 32 :
Ce décret a pour objet d’indiquer les conditions d’application de l’obligation de notifier, à l’auteur de la décision et au bénéficiaire de l’autorisation, les recours formés contre les autorisations environnementales.
Il précise ainsi les conditions d’application de l’obligation, introduite à l’article L. 181-17 du code de l’environnement, de notifier les recours contre les autorisations environnementales.
Il s’applique aux requêtes enregistrées à compter du 1er janvier 2024 et aux recours administratifs parvenus à leur destinataire à compter de cette même date.
Il modifie les articles R. 181-50 et R. 181-51 du code de l’environnement.
Il est désormais prévu qu’en cas de recours contentieux à l’encontre d’une autorisation environnementale ou d’un arrêté fixant des prescriptions complémentaires à une autorisation environnementale, l’auteur du recours doit, à peine d’irrecevabilité, notifier son recours à l’auteur de la décision et à son bénéficiaire.
De même, l’auteur d’un recours administratif doit le notifier au bénéficiaire de la décision à peine de non prorogation du délai de recours contentieux.
Ces notifications doivent intervenir par LRAR dans un délai de 15 jours francs à compter du dépôt du recours contentieux ou de la date d’envoi du recours administratif.
La notification à l’auteur de la décision ou à son bénéficiaire, est réputée accomplie à la date d’envoi de la LRAR, cette date étant établie par le certificat de dépôt de la LR auprès des services postaux.
Ces dispositions sont applicables à une décision refusant de retirer ou d’abroger une autorisation environnementale ou un arrêté complémentaire, décisions qui doivent mentionner l’obligation de notifier tout recours administratif ou contentieux à l’auteur et au bénéficiaire de la décision, à peine, selon le cas, de non prorogation du délai de recours contentieux ou d’irrecevabilité du recours contentieux.
Enfin, pour ces décisions, l’affichage et la publication mentionnent l’obligation de notifier tout recours administratif ou contentieux à l’auteur et au bénéficiaire de la décision, à peine, selon le cas, de non prorogation du délai de recours contentieux ou d’irrecevabilité du recours contentieux.
Nullité de la cession du bail pour défaut de mention selon laquelle le bailleur n’est pas propriétaire : Cass. civ. 3ème, 16 novembre 2023, n° 22-11.275, inédit :
En résumé : l’absence de mention dans un contrat de bail de l’origine de la propriété, ayant pour conséquence l’ignorance par le cessionnaire que la bailleresse n’était pas propriétaire du local cédé mais titulaire d’un droit à construire, est constitutive d’une erreur portant sur l’objet du contrat entraînant sa nullité.
En l’espèce, le 6 mars 2015 la société Casa (cédante), titulaire d’un bail commercial consenti par la SCI La ferme de la villette (bailleresse), a conclu une promesse synallagmatique de cession de son droit au bail au profit de la société Carrefour proximité France (cessionnaire) par l’entremise de la société Stuart-Dionet immobilier.
La cessionnaire, considérant que son consentement avait été vicié par l’ignorance que la bailleresse n’était pas propriétaire du local mais titulaire d’un bail à construire consenti par la Caisse des dépôts et consignations, a assigné la cédante en restitution de la somme versée à titre d’indemnité d’immobilisation.
La société Stuart-Dionet immobilier a assigné la cédante en indemnisation de la perte de sa commission.
La question se posait de savoir si l’ignorance par le cessionnaire que la bailleresse n’était pas propriétaire du bien cédé pouvait entraîner la nullité de la cession au titre de l’erreur.
La Cour de cassation considère que l’erreur qui porte sur l’objet du contrat fait obstacle à la rencontre des consentements de sorte que, même inexcusable, elle entraîne la nullité de la convention.
En l’espèce, il était constaté que l’objet de la cession portait sur la cession d’un droit au bail qui s’entend principalement comme le droit au renouvellement de ce bail et que ni la promesse de cession, ni le bail consenti au cédant, ne mentionnaient que la bailleresse n’était pas propriétaire mais preneur à bail à construction du local concerné.
Il est également constaté que le projet de bail commercial au profit de la cessionnaire, mentionnant l’origine de la propriété de la bailleresse, avait été établi postérieurement à la promesse synallagmatique litigieuse.
Il en résulte que le droit réel temporaire dont disposait la bailleresse sur le local affectait directement l’objet même du contrat de cession, son ignorance par le cessionnaire pouvait dès lors constituer un vice du consentement sanctionné par la nullité du contrat.
Indemnité d’occupation et indivision : Cass. civ. 1ère, 22 novembre 2023, n° 22-10.269, inédit :
En résumé : l’indemnité d’occupation due par un indivisaire pour la jouissance privative d’un immeuble indivis doit revenir à l’indivision. Doit être cassé l’arrêt qui avait fixé à 450 euros la somme due par un indivisaire à l’autre indivisaire à titre d’occupation de l’immeuble indivis alors que l’indemnité était due à l’indivision et devait entrer pour son montant total dans la masse active partageable.
En l’espèce, un arrêt du 16 mars 2006 a prononcé le divorce de M. I et Mme. O, mariés sous le régime légal, et ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux.
Suite à des difficultés survenues lors de ces opérations, un jugement du 23 octobre 2015 a dit que M. I. était redevable d’une indemnité d’occupation à l’indivision à compter du 23 avril 2002 et jusqu’au partage ou au départ des lieux, fixé cette indemnité à la valeur locative du bien occupé assortie d’un réfaction de 20% et renvoyé les parties devant le notaire pour la poursuite et l’achèvement des opérations.
Le 20 décembre 2016, le notaire a dressé un procès-verbal de difficultés.
M. I. reproche à l’arrêt attaqué d’avoir fixé l’indemnité d’occupation due par lui à Mme. O. à 450 euros mensuels depuis le 23 avril 2002 et jusqu’à son départ effectif des lieux en considérant que cette indemnité doit être assimilée à un revenu qui accroît l’indivision et, en conséquence n’aurait pas dû revenir à Mme. O.
La Cour de cassation va approuver ce raisonnement, rappelant que l’indemnité d’occupation due par un indivisaire pour la jouissance privative d’un immeuble indivis doit revenir à l’indivision et sanctionner la cour d’appel qui avait fixé à 450 euros la somme due par M. I. à Mme. O. à titre d’occupation de l’immeuble indivis alors que l’indemnité était due à l’indivision et devait entrer pour son montant total dans la masse active partageable.
Elle va également statuer sur le fonds et fixer l’indemnité d’occupation due par M. I. à l’indivision post-communautaire au titre de sa jouissance privative de l’immeuble indivis à la somme de 900 euros mensuels, depuis le 23 avril 2022 jusqu’à son départ effectif des lieux.
Détermination de la loi applicable à un mariage conclu avant le 1er septembre 1992 (la convention de La Haye) : Cass. civ. 1ère, 20 septembre 2023, n° 21-23.661, inédit :
En résumé : Avant l’entrée en vigueur de la Convention de La Haye, la loi applicable au régime matrimonial est déterminée selon la volonté que les époux ont eue, lors du mariage, de localiser leurs intérêts pécuniaires. Cette volonté peut être recherchée d’après les circonstances concomitantes ou postérieures à leur union mais la considération de la loi applicable selon la fixation de leur premier domicile conjugal n’est qu’une présomption simple.
Doit être cassé l’arrêt qui applique la loi française à un couple d’Algérien, mariés en Algérie et dont le premier domicile conjugal a été fixé en France 12 ans après leur union, ces circonstances, postérieures de 1é ans à leur union étant impropres à révéler que les époux avaient eu la volonté, au moment de leur mariage, de soumettre leur régime matrimonial à la loi française.
En l’espèce, le 9 février 1976 un couple de nationalité algérienne s’est marié en Algérie, sans contrat préalable. De cette union sont nés trois enfants nés en Algérie.
L’époux est parti vivre en France et l’épouse l’a rejoint, avec leurs enfants, en 1988.
Lors de l’instance de divorce les époux se sont opposés sur la détermination de la loi applicable à leur régime matrimonial.
La cour d’appel avait retenu que la loi française était applicable à leur régime matrimonial en considérant que le premier domicile commun des époux n’a pas été fixé en Algérie, où ceux-ci se sont mariés en 1976, mais en France où ils se sont établis et ont cohabité dans un appartement que l’époux a acquis en 1988 en vue de faire venir son épouse et ses enfants au titre du regroupement familial.
L’époux forme alors un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation va considérer que le régime matrimonial d’époux mariés sans contrat, avant l’entrée en vigueur en France de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, est déterminée selon la volonté que les époux ont eue, lors du mariage, de localiser leurs intérêts pécuniaires. Elle précise que cette volonté doit être recherchée d’après les circonstances concomitantes ou postérieures à leur union.
Elle considère également que la règle selon laquelle la détermination de la loi applicable au régime matrimonial avant l’entrée en vigueur de la Convention de La Haye doit être faite en considération, principalement, de la fixation de leur premier domicile conjugal ne constitue qu’une présomption simple.
En l’espèce, elle va ainsi sanctionner la cour d’appel qui s’était fondée sur des circonstances, postérieures de douze ans au mariage impropres à révéler que les époux avaient eu la volonté, au moment de leur mariage, de soumettre leur régime matrimonial à la loi française.
Inconstitutionnalité de la validation législative des décisions de préemption ENS prises dans les zones créées par le préfet : Décision QPC n° 2023-1071, du 24 novembre 2023 :
Des requérants contestent la constitutionnalité de l’article 233 de la loi du 22 août 2021 qui prévoit que “Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validées les décisions de préemption prises entre le 1er janvier 2016 et l’entrée en vigueur du présent article, en tant que leur légalité est ou serait contestée par un moyen tiré de l’abrogation de l’article L. 142-12 du code de l’urbanisme par l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre 1er du code de l’urbanisme”.
Avant la loi du 18 juillet 1985 le préfet était chargé de déterminer, à l’intérieur des périmètres sensibles qu’il délimitait, des zones dans lesquelles le département pouvait exercer un droit de préemption en vue de la protection des sites et des paysages.
La loi du 18 juillet 1985 a confié au département cette compétence et la possibilité de créer, lui-même, des zones dans lesquelles exercer, à ce titre, un droit de préemption.
Pour assurer la transition entre ces régimes, l’article L. 142-12 du code de l’urbanisme prévoyait que le droit de préemption du département pouvait s’exercer sur les zones déterminées par les préfets.
Lorsque ce texte a été abrogé, le droit de préemption des départements n’était plus applicable dans les zones de préemption créées par les préfets.
Les requérants attaquaient ainsi un texte qui prévoyait que, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les décisions de préemption prises entre le 1er janvier 2016 et l’entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021 (qui créée le texte attaqué) sont validées en tant que leur validité est ou serait contesté en se fondant sur l’annulation de l’article L. 142-12.
Les requérants considéraient principalement que ce texte, en validant des décisions de préemption alors qu’elles étaient dépourvues de base légale depuis le 1er janvier 2016 en raison de l’abrogation de l’article L. 142-12 du code de l’urbanisme, méconnaîtrait l’article 16 de la DDHC.
Selon eux, la validation législative de ces actes, qui porterait sur un petit nombre de décisions, ne serait pas justifiée par des risques juridiques, financiers et fonciers et ne répondrait à aucun motif impérieux d’intérêt général.
Le Conseil constitutionnel va considérer que le législateur avait pris ces dispositions pour prévenir de tels risques résultant de l’annulation des décisions par le juge administratif et de la rétrocession des biens irrégulièrement préemptés.
Il va toutefois considérer d’une part qu’au regard du faible nombre de décisions concernées, le risque d’un contentieux important résultant de la contestation de ces décisions n’est pas établi et d’autre part qu’en cas de rétrocession du bien irrégulièrement préempté, le titulaire du droit de préemption reçoit le versement du prix de rétrocession, et que si sa responsabilité doit être recherchée, un préjudice direct et certain doit être prouvé par la partie lésée, limitant ainsi l’existence d’un risque financier important pour les personnes publiques.
Il considère enfin qu’en application de la jurisprudence du Conseil d’Etat, en cas d’annulation d’une décision de préemption par le juge administratif, celui-ci doit ‘assurer que le rétablissement de la situation initiale ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général s’attachant à la préservation et à la mise en valeur de sites remarquables.
Il en conclut qu’aucun motif impérieux d’intérêt général ne justifie l’atteinte portée au droit des justiciables de se prévaloir du moyen tiré de l’abrogation de l’article L. 142-12 du code de l’urbanisme pour obtenir l’annulation des décisions de préemption.
Ce faisant, il déclare inconstitutionnelle les dispositions attaquées (art. 233 paragraphe II de la loi 2021-1104 du 22 août 2021).
Possibilité de conclure à bail à long terme à un preneur à moins de 9 ans de la retraite : Cass. civ. 3ème, 26 octobre 2023, n° 21-15.745, publié :
En résumé : l’article L. 416-4 du code rural ne fait pas obstacle à la conclusion d’un bail à long terme par un preneur qui se trouve à moins de neuf ans de l’âge de la retraite, un tel bail est d’une durée minimale de 18 ans.
En l’espèce, par acte du 11 mars 2005, Monsieur Juliett (bailleur) a donné à bail rural des parcelles agricoles à une EARL dont Monsieur Delta est le gérant.
Par acte du 7 avril 2015, Monsieur Juliett a donné à bail rural à long terme les mêmes parcelles, diminuées de l’emprise d’une ligne ferroviaire nouvelle construite à Monsieur Delta, celui-ci acceptant de régler personnellement un arriéré locatif dû par l’EARL.
Le 2 novembre 2015, le preneur (Monsieur Delta), ayant atteint l’âge de la retraite, a libéré les lieux après avoir délivré un congé.
Le 22 mars 2018, le preneur a saisi le TPBR en nullité du bail du 7 avril 2015 et en remboursement d’une somme recouvrée sur ses biens, par le bailleur, en vertu de ce bail.
La question se pose de savoir si un bail à long terme peut être conclu par un preneur qui est à moins de 9 ans de l’âge de la retraite dès lors qu’aucun texte ne l’interdit ou ne l’autorise expressément.
En effet, l’article L. 416-4 du code rural prévoit qu’un preneur qui est à plus de neuf ans et à moins de dix-huit ans de l’âge de la retraite peut conclure un bail à long terme d’une durée égale à celle qui doit lui permettre d’atteindre l’âge de la retraite.
Deux interprétations de ce texte sont possibles.
La première procède de sa lecture a contrario et permet de considérer qu’en spécifiant que le preneur qui à plus de 9 ans de l’âge de la retraite peut conclure un bail à long terme, ce texte exclut la possibilité de consentir un tel bail à un preneur qui atteindra plus tôt cet âge.
La seconde aboutit à considérer que ce texte se limite à prévoir une exception, lorsque le preneur est à plus de 9 ans mais à moins de 18 ans de l’âge de le retraite, à la durée minimale de 18 ans du bail à long terme prévue par l’article L. 416-1 du code rural.
La Cour de cassation va retenir cette seconde interprétation par un argument téléologique et un argument d’opportunité.
D’une part, à l’origine la loi prévoyait que la durée minimale du bail était limitée à 18 ans sous réserve des dispositions devenues celles, désormais, de l’article L. 416-4 du code rural.
D’autre part, interdire la conclusion d’un bail à long terme lorsque le preneur est proche de l’âge de la retraite priverait les parties de la faculté de bénéficier de cet outil renforçant la stabilité de l’exploitation et offrant des avantages au bailleur, alors qu’une cession de bail au profit d’un membre de la famille du preneur permet, sous certaines réserves, d’atteindre la durée de 18 ans prévue au contrat, un fermier n’étant d’ailleurs pas tenu de cesser son activité lorsqu’il a atteint l’âge légal de la retraite.
Elle conclut ainsi que l’article L. 416-4 du code rural ne fait pas obstacle à la conclusion d’un bail à long terme par un preneur qui se trouve à moins de neuf ans de l’âge de la retraite et qu’un tel bail est d’une durée minimale de 18 ans.
Elle casse ainsi l’arrêt d’appel qui avait, pour prononcer la nullité du bail à long terme, retenu qu’un tel bail ne pouvait être valablement consenti à un preneur qui est à moins de 9 ans de l’âge de la retraite.