Doctrine administrative : 

Tarification de l’eau potable pour les résidences secondaires : Rép. Min. n° 06959 et 08133, JO Sénat, 31 août 2023 :

En résumé : le caractère principal ou secondaire est prohibé, car contraire au principe d’égalité entre les usagers, pour pratiquer une tarification de l’eau différente. En revanche dans les communes où l’équilibre entre la ressource et la consommation d’eau est menacé de façon saisonnière, le conseil municipal ou l’assemblée délibérante du groupement de collectivités territoriales peut définir des tarifs différents selon les périodes de l’année.

Un sénateur interroge le ministre de l’intérieur si, compte tenu de la sécheresse, une commune peut fixer un tarif de l’eau potable plus élevé pour les résidences secondaires que pour les résidences principales.

Le ministre rappelle qu’en matière de distribution d’eau potable, le Conseil d’État juge contraires au principe d’égalité entre les usagers les discriminations tarifaires à l’encontre des résidents non permanents d’une commune dès lors qu’elles ne trouvent leur justification ni dans une différence de situation existant entre ces deux catégories d’usagers, ni dans la nécessité d’intérêt général en rapport avec les conditions d’exploitation du service (CE, 28 avril 1993, n° 95-139).

Dès lors le critère du caractère principal ou secondaire de la résidence est prohibé pour pratiquer une tarification différente.

Il précise néanmoins que les dispositions de l’article L. 2224-12-4 IV du CGCT autorise, dans les communes où l’équilibre entre la ressource et la consommation d’eau est menacé de façon saisonnière, le conseil municipal ou l’assemblée délibérante du groupement de collectivités territoriales peut définir des tarifs différents selon les périodes de l’année.

Conservation du nom d’usage issu de la première union suite au décès du conjoint et au remariage du conjoint survivant : Rép. Min. n° 11381, JOAN 24 oct. 2023, p. 9464 :

En résumé : le conjoint survivant peut, y compris en cas de remariage, conserver le nom de l’époux décédé du précédent mariage lorsque cette conservation est justifiée par un intérêt légitime. Les juges apprécient souverainement cet intérêt.

Une députée interroge le garde des sceaux sur le sort du nom d’usage d’une personne lorsque son époux est décédé. En effet, dans cette hypothèse il est de coutume de laisser le conjoint survivant porter le nom du défunt mais, en cas de remariage, il peut lui être demandé d’abandonner le nom d’usage issu du premier mariage.

Elle s’interroge alors sur la possibilité de faire évoluer cette coutume afin de permettre au conjoint survivant de conserver le nom issu de la première union en cas de second mariage.

Le garde des sceaux répond à cette question en prenant l’hypothèse de l’époux divorcé qui aurait conservé le nom de l’autre, cette possibilité étant ouverte soit avec l’accord de ce dernier, soit avec l’autorisation du juge s’il est justifié d’un intérêt particulier pour le requérant ou ses enfants.

Il précise que la jurisprudence majoritaire considère que le remariage entraîne la perte du droit d’user de ce nom en tant qu’il met fin à l’autorisation antérieure d’usage du nom du premier conjoint quoique certaines décisions aient pu admettre la conservation du nom d’usage en cas de remariage lorsqu’il est justifié, notamment, par un intérêt professionnel.

L’appréciation de l’intérêt de la personne souhaitant conserver le droit d’user le nom de son précédent conjoint relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges et ces décisions considèrent que l’abus dans l’usage du nom ne peut résulter du seul remariage.

Il cite également des décisions administratives qui avaient autorisées que la demande de changement de nom d’une requérante présentait un intérêt légitime au sens de l’article 61 du code civil alors qu’elle demandait à utiliser le nom de son défunt époux comme nom légal et non plus comme simple nom d’usage, pour des motifs affectifs, alors même qu’elle avait été remariée depuis.

Il en déduit que ces décisions sont transposables à la situation visée par la députée et qu’il relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges de relever, au cas par cas, les circonstances pouvant justifier que le nom d’usage du conjoint défunt puisse continuer à être utilisé par le conjoint survivant, y compris en cas de remariage.

Non-obligation du certificat de carrière dans l’acte notarié de vente et responsabilité notariale : Rép. Min. n° 9920, JOAN 24 oct. 2023, p. 9459 :

En résumé : bien que la transmission du certificat de carrière n’est pas obligatoire, son défaut de transmission par le notaire est susceptible d’engager sa responsabilité civile professionnelle au titre de son devoir de conseil.

Un député interroge le ministère de la transition écologique sur la non-nécessité de présenter un certificat de carrière dans l’acte notarié lors de la vente d’un bien, celui-ci permettant de fournir des informations relatives à la composition et la stabilité des sous-sols d’une carrière. Il constate que ce certificat n’est pas systématiquement délivré aux acquéreurs d’une personne et que des acheteurs se retrouvent dans l’incapacité de construire sur leur parcelle en raison de l’état de leur sous-sol. Il souhaite alors savoir si le Gouvernement entend prendre en compte cette problématique.

Le ministère lui répond que le droit immobilier favorise la réflexion du candidat à l’acquisition notamment par le renforcement de son information, celui-ci ayant pris la forme d’une obligation du vendeur à annexer un dossier de diagnostic technique à la promesse de vente ou, à défaut, à l’acte authentique de vente.

Il considère que malgré l’absence de la présence du certificat de carrière parmi les documents devant être obligatoirement transmis, les notaires sollicitent, en pratique, les documents d’urbanisme, celui-ci compris.

En effet, il considère que le notaire est, par son statut d’officier public et ministériel, tenu d’un devoir de conseil et, en application de celui-ci, d’attirer l’attention de l’acquéreur sur les risques susceptibles d’affecter la constructibilité d’un terrain « à bâtir ».

Il en déduit que si le notaire ne le fait pas, il est susceptible d’engager sa responsabilité professionnelle et qu’ainsi le risque résultant du caractère non obligatoire de la délivrance du certificat de carrière est couvert par la pratique et les obligations afférentes à la mission du notaire.

 

 

 

Jurisprudences :

Résolution pour inexécution – la mise en demeure préalable à la notification du créancier n’a pas à être délivrée lorsqu’il résulte des circonstances qu’elle est vaine : Cass. com. 18 oct. 2023, n° 20-21.579, publié :

En résumé : en cas de résolution unilatérale par le créancier, celui-ci est dispensé de procéder à la mise en demeure préalable du débiteur défaillant lorsqu’il résulte des circonstances qu’une telle mise en demeure s’avère vaine. Tel est le cas lorsque le dirigeant de la société débitrice était d’une gravité telle qu’il avait rend manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles.

En l’espèce, la société Calminia qui a pour activité la taille et le façonnage du calcaire et du marbre, a fait appel durant plusieurs années à la société Sodileve spécialisée dans l’installation et l’entretien de machines et équipements mécaniques.

En décembre 2016, la société Calminia a accepté un devis proposé par la société Sodileve relatif à une prestation de maintenance sur une scie comptant comme l’un de ses équipements majeurs. En dépit de différentes interventions sur cet outil, la société Calminia a indiqué être insatisfaite des réparations et réglages effectués par la société Sodileve et les relations entre les parties se sont dégradées.

Par lettre du 22 mars 2017, la société Sodileve a indiqué à la société Calminia qu’en raison du comportement du dirigeant de cette dernière elle n’entendait pas poursuivre sa prestation, puis l’a assigné en paiement de diverses factures.

La société Calminia reproche à la cour d’appel de l’avoir condamné au paiement de diverses factures au motif que la rupture du contrat n’avait pas été précédée d’un manquement grave de sa part à ses obligations susceptible de justifier la résiliation et n’avait été précédée d’aucune mise en demeure de mettre un terme à un tel manquement.

La cour d’appel avait en effet constaté que le dirigeant de la société Calminia avait tenu des propos insultants et méprisants à l’égard de l’un des collaborateurs de la société Sodileve, mis en cause sa capacité à faire et à suivre le chantier, donné des ordres directs à l’un des salariés de celle-ci sans en informer sa hiérarchie.

Elle avait en conséquence considéré que ce comportement fautif ne permettait plus de poursuivre une intervention dans des conditions acceptables et justifiait le retrait des équipes de l’entreprise, empêchées dans leur exécution contractuelle.

Elle en avait déduit que dans ce contexte d’extrême pression et de rupture relationnelle, la société Sodileve n’était pas en mesure de poursuivre son intervention.

La Cour de cassation rappelle que la résolution peut résulter d’une notification du créancier au débiteur en cas d’inexécution suffisamment grave et que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification, auquel cas et sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

Elle vient apporter une précision importante en considérant qu’une telle mise en demeure n’a pas à être délivrée lorsqu’il résulte des circonstances qu’elle est vaine.

En l’espèce, le comportement du dirigeant de la société Calminia était d’une gravité telle qu’il avait rendu manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles, il en résulte que la mise en demeure eu été vaine.

Location meublé de tourisme et champ d’application de l’amende civile pour défaut d’information de la commune : Cass. civ. 3ème, 7 sept. 2023, n° 22-18,101, publié :

En résumé : l’amende civile prévue par l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, d’interprétation stricte en raison de son caractère de punition, n’est applicable qu’aux seules personnes offrant à la location un meuble de tourisme déclaré comme leur résidence principale qui omettent de transmettre à la commune l’ayant demandé depuis plus d’un mois, l’information relative au nombre de jours de l’année précédant la demande, au cours desquels ce meuble a été loué.

En l’espèce, une commune assigne le propriétaire d’un appartement située sur celle-ci pour obtenir, notamment, le paiement de l’amende civile pour en avoir changé l’usage en le louant de manière réputée pour de courtes durées à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile et l’une pour ne pas avoir transmis à la commune, dans le mois suivant sa demande, le nombre de jours au cours desquels il avait été loué.

La Cour de cassation rappelle d’abord que toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme à sa résidence principale ne peut le faire au-delà de 120 jours au cours d’une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

Dans ce cadre la commune peut, jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle un meuble de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meuble a été loué, le loueur devant transmettre ces informations dans un délai d’un mois, à défaut il est passible d’une amende civile.

La Cour de cassation précise que cette amende civile a le caractère d’une punition en application de sa jurisprudence (Cass. civ. 3ème, 26 janvier 2022, QPC n° 21-40.026, publié) et que dès lors son champ d’application est d’interprétation stricte en vertu du principe de légalité des délits et des peines.

L’amende civile ici en cause est applicable aux seules personnes offrant à la location un meublé de tourisme déclaré comme leur résidence principale et qui omettent de transmettre à la commune les informations relatives au nombre de jours loués au-delà du délai d’un mois.

En l’espèce, le logement mis en location ne constituait pas la résidence principale du loueur, il en résulte qu’il n’était pas passible de cette amende civile.

Appréciation de la résidence habituelle du défunt : Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2023, n° 21-10.905, inédit :

En l’espèce, un homme décède le 20 novembre 2016 au Portugal laissant pour lui succéder ses deux filles nées d’une première union et son épouse.

Quelques années plus tôt le de cujus avait souscrit un contrat d’assurance-vie et désigné plusieurs bénéficiaires dont sa femme.

Soutenant que le de cujus avait sa résidence habituelle en France au jour de son décès, ses filles, représentées par leur mère en qualité de tutrice, ont assigné l’épouse de leur père en partage de la succession devant une juridiction française.

Cette dernière avait soulevé l’incompétence du juge français. 

La cour d’appel avait considéré qu’au jour du décès, le de cujus n’avait pas établi de manière stable et effective sa résidence habituelle au Portugal et avait retenu la compétence des juridictions françaises.

La Cour de cassation rappelle qu’en application du règlement Succession (n° 650/2012), sont compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence principale.

L’article 23 du règlement précisant, pour déterminer la résidence habituelle, que l’autorité chargée de la succession doit procéder à une évaluation d’ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, en prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l’État concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence, la résidence habituelle ainsi déterminée devant révéler un lien étroit et stable avec l’État concerné.

En l’espèce, la cour d’appel avait constaté que le défunt :

  • N’avait résidé que 5 mois au Portugal.
  • Avait entrepris tardivement d’apprendre le portugais.
  • Était toujours inscrit sur les listes électorales françaises.
  • Bien que propriétaire avec son épouse d’au moins un bien immobilier au Portugal, où ils étaient officiellement domiciliés, détenaient toujours une maison en France
  • Qu’enfin les familles des époux, la plupart de leurs relations amicales ainsi que les principaux bénéficiaires du contrat d’assurance-vie étaient domiciliés en France.

La Cour de cassation considère ainsi qu’elle avait pu souverainement en déduire qu’à la date du décès, le défunt avait sa résidence principale en France.

 

Études :

Synthèse du dossier spécial publié à la Revue Lamy droit civil du 1er octobre, « L’immeuble dans l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux » sous la direction de Camille Delran, Aurore Fournier et Marc Dupré, 3ème partie :

  1. Les « réputés constructeurs », une qualification à parachever

Article 1792-1 :  « Est réputé constructeur de l’ouvrage : 

1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ; 

2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire à titre professionnel ; 

3° Toute personne qui, bien qu’agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage ; 

4° Tout vendeur d’immeuble à construire ou à rénover, même s’il vend après achèvement ; 

5° Tout constructeur de maison individuelle, avec ou sans fourniture du plan ; 

6° Tout promoteur immobilier. Est assimilée à un constructeur, toute personne profane qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a fait construire si elle ne communique pas à l’acquéreur, dans l’acte de vente, l’identité des constructeurs et de leurs assureurs. »

L’article 1792-1 de l’avant-projet élargit le domaine des réputés constructeurs. 

Il y intègre d’abord les constructeurs de maison individuelle, y compris lorsqu’il procède à la vente après achèvement.

Ensuite, les vendeurs d’immeuble à construire ou à rénover, avec ou sans fourniture de plan.

L’auteur s’inquiète toutefois sur l’influence de l’intégration des vendeur d’immeuble à rénover dans cette catégorie sur la qualification d’ouvrage. En effet, l’auteur remarque un renforcement de l’exigence de qualification préalable d’ouvrage, en tant que l’article 1792-7 de l’avant-projet revient sur la jurisprudence applicable aux désordres affectant les éléments d’équipement.

La Commission critiquait la jurisprudence ayant soumis à la garantie décennale les éléments d’équipements en considérant qu’elle était contrat legem en réputant constructeur l’installateur de cet élément qu’équipement alors même que sa prestation ne consiste pas en la construction d’un ouvrage.

L’auteur propose ainsi de conditionner la responsabilité du vendeur d’immeuble à rénover à la qualification des travaux réalisés en ouvrage.

Enfin, les promoteurs immobiliers intègrent la catégorie des réputés constructeurs. La Commission précise que sont visés tant le promoteur qui vend un immeuble neuf clé en main, après achèvement, que le marchand de biens qui vend l’immeuble après achèvement de travaux de rénovation ou encore le maître d’ouvrage profane qui vend sa maison dans le délai de 10 ans suivant la réception des travaux.

D’autres débiteurs sont en revanche exclus de cette catégorie.

Il s’agit d’abord de l’entrepreneur qui installe un élément d’équipement sur un bien existant.

Est également exclu, outre l’installateur d’un élément d’équipement, le fournisseur d’un tel équipement

Enfin est réputé constructeur le profane qui vend après achèvement un ouvrage qu’elle a fait construire si elle ne communique pas à l’acquéreur, dans l’acte de vente, l’identité des constructeurs et de leurs assureurs.

Cette dernière catégorie permet de ne plus engager la responsabilité du particulier qui a fait construire son bien et qui procède à sa revente dans les 10 ans de la réception.

En pratique le maître d’ouvrage devra dès lors s’assurer de l’effectivité de l’assurance des constructeurs et conserver leur identité ; cela implique également une vigilance des notaires au moment de la vente.

La référence au terme profane renverrait à la qualité de professionnel, ce qui exclurait le « castor » de cette catégorie. Aussi cette catégorie ne vise que ceux qui a fait construire, et l’on peut alors s’interroger sur la place de celui qui a construit lui-même. Celui-ci est visé parmi les réputés constructeurs à la condition qu’il ait construit à titre professionnelle (2° du texte). Encore une fois, l’on peut s’interroger sur la place du « castor ».

Une clarification devra également être opérée sur la qualification à retenir du « castor ».

 

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