Doctrine administrative :
Droit de préférence du locataire commercial et revente du bien préempté : Rép. Min. n° 3255, JOAN, 21 mars 2023, p. 2667.
En rĂ©sumé : le droit de prĂ©emption sâexerce lorsque le propriĂ©taire des murs fait le choix de vendre et quâil est exclu dans le cadre des ventes contraintes. La libertĂ© contractuelle permet, en outre, au bailleur qui justifie dâun intĂ©rĂȘt lĂ©gitime et sĂ©rieux, dâassortir lâoffre de vente dâune obligation pour lâacquĂ©reur de maintenir lâactivitĂ© commerciale ou dâune clause dâinaliĂ©nabilitĂ©. DĂšs lors le gouvernement rejette les perspectives de modifications lĂ©gislatives interdisant au locataire commercial exerçant son droit de prĂ©emption de rĂ©aliser une opĂ©ration de marchand de bien.
Un dĂ©putĂ© interroge le gouvernement sur la validitĂ©, au vu de lâesprit du droit de prĂ©fĂ©rence du locataire commercial, de lâusage par ce dernier de son droit pour rĂ©aliser une opĂ©ration de commerce dâachat revente/marchand de bien.
Ce dĂ©putĂ© constate que des locataires se portent acquĂ©reur du bien en application de leur droit de prĂ©fĂ©rence pour rĂ©aliser des opĂ©rations de commerce sous le rĂ©gime de marchand de bien (achat pour revendre). Quâainsi le locataire utilise cette prĂ©fĂ©rence pour acquĂ©rir le bien et pour le revendre Ă un meilleur prix, sans avoir Ă effectuer de travaux et aprĂšs avoir rĂ©siliĂ©, de fait le bail. La vente sâeffectue alors Ă un meilleur prix, le bien Ă©tant libĂ©rĂ© de toute contrainte locative et la vente sâeffectue Ă une fiscalitĂ© rĂ©duite. Enfin, il suffit au locataire de modifier lâobjet social pour y intĂ©grer les opĂ©rations de biens et de faire une modification dâactivitĂ© auprĂšs du greffe du tribunal de commerce pour y procĂ©der.
Le gouvernement y rĂ©pond en considĂ©rant que le texte a Ă©tĂ© instaurĂ© pour renforcer la propriĂ©tĂ© commerciale et favoriser la pĂ©rennitĂ© de lâentreprise tout en prĂ©cisant que lâexercice du droit de prĂ©emption nâa Ă©tĂ© soumis Ă aucune condition de poursuite de son activitĂ© commerciale par le locataire dans les lieux acquis pendant une pĂ©riode dĂ©terminĂ©e.
Devenu propriĂ©taire du local quâil exploite commercialement, le nouvel acquĂ©reur dispose alors librement de son bien, Ă lâinstar de tout propriĂ©taire et il peut continuer de lâexploiter ou il peut, plutĂŽt de continuer de valoriser le fonds de commerce quâil y a dĂ©veloppĂ©, choisir de le revendre libre de toute occupation dĂšs lors quâil y trouve un intĂ©rĂȘt financier.
Le gouvernement considĂšre que restreindre la revente du local acquis en application dâun droit de prĂ©emption constituerait une atteinte forte au droit de propriĂ©tĂ© et Ă la libertĂ© dâentreprendre du commerçant acquĂ©reur. Le locataire, usant de son droit de prĂ©emption, rĂ©unit alors sur sa personne la qualitĂ© de propriĂ©taire du fonds de commerce et du local commercial quâil est ensuite libre de dissocier.
Le gouvernement prĂ©cise enfin que le droit de prĂ©emption sâexerce lorsque le propriĂ©taire des murs fait le choix de vendre et quâil est exclu dans le cadre des ventes contraintes et que la libertĂ© contractuelle lui permet, lorsque le bailleur justifie dâun intĂ©rĂȘt lĂ©gitime et sĂ©rieux lorsquâil souhaite vendre, dâassortir son offre de vente dâune obligation pour lâacquĂ©reur de maintenir lâactivitĂ© commerciale en cours dans les lieux ou dâintroduire une clause dâinaliĂ©nabilitĂ©, pendant une durĂ©e limitĂ©e, afin de ne pas vider le droit de propriĂ©tĂ© cĂ©dĂ© de toute substance.
Le gouvernement rejette dÚs lors la perspective de modifier les dispositions en vigueur afin de contraindre le locataire commercial qui use de son droit de préemption lors de la vente du local commercial dans lequel il exerce son activité commerciale à maintenir celle-ci pendant une certaine durée ou à lui interdire de revendre le bien libre de toute occupation.
Jurisprudences :Â
Permis de construire dâĂ©oliennes : CE, 1er mars 2023, n° 459716, stĂ© EDPR France Holding, Lebon.
En rĂ©sumé : Le renforcement de lâeffet de saturation visuelle opĂ©rĂ© par le projet dâun parc Ă©olien peut constituer une atteinte excessive Ă la commoditĂ© du voisinage suffisante pour emporter le rejet dudit projet.
En lâespĂšce la SAS EDPR France Holding a sollicitĂ© le 28 fĂ©vrier 2017 une autorisation portant sur un projet de parc Ă©olien comportant six Ă©oliennes et deux postes de livraison sur la commune de MontlouĂ©.
Par un arrĂȘtĂ© du 20 novembre 2019 le prĂ©fet de lâAisne a dĂ©livrĂ© lâautorisation unique pour une Ă©olienne et les deux postes de livraison et refusĂ© lâautorisation pour les 5 autres Ă©oliennes.
Par un arrĂȘt du 26 octobre 2021 contre lequel la sociĂ©tĂ© EDPR France Holding se pourvoit en cassation, la CAA de Douai a rejetĂ© sa demande en annulation tendant Ă lâannulation de cet arrĂȘtĂ© en tant quâil porte refus dâautorisation des 5 Ă©oliennes.
Le porteur du projet reprochait un refus dâautorisation fondĂ© exclusivement sur lâatteinte portĂ©e par le projet Ă la commoditĂ© du voisinage, intĂ©rĂȘt protĂ©gĂ© par le code de lâenvironnement.
Le Conseil dâĂtat considĂšre que la circonstance que les intĂ©rĂȘts mentionnĂ©s par le code de lâenvironnement incluent la protection des paysages ne fait pas obstacles Ă ce que lâimpact visuel dâun projet, en particulier le phĂ©nomĂšne de saturation visuelle quâil est susceptible de gĂ©nĂ©rer, puisse ĂȘtre pris en compte pour apprĂ©cier ses inconvĂ©nients pour la commoditĂ© du voisinage.
Il considĂšre que des communes auraient eu Ă subir un renforcement de lâeffet de saturation visuelle tel quâil caractĂ©risait une atteinte excessive Ă la commoditĂ© du voisinage suffisante pour emporter le rejet du projet.
En lâespĂšce Ă©taient dĂ©jĂ construits ou autorisĂ©s 2 parcs Ă©oliens comportant un total de 18 Ă©oliennes Ă un kilomĂštres, 7 parcs Ă©oliens comportant un total de 68 Ă©oliennes Ă 5 kilomĂštres et 14 parcs photomontages comportant 126 Ă©oliennes Ă 10 kilomĂštres. Les Ă©oliennes du projet se dĂ©tachaient des nombreux projets dĂ©jĂ prĂ©sents dans son pĂ©rimĂštres immĂ©diat ou plus Ă©loignĂ©, entraĂźnant une perte de lisibilitĂ© du paysage et une occupation continue de lâhorizon.
Expropriation de parties communes dâune copropriĂ©tĂ© et droit dâindemnisation du syndicat des copropriĂ©taires : Cass. Civ. 1Ăšre, 16 mars 2023, n° 22-11. 429 :
En rĂ©sumé : le syndicat des copropriĂ©taires ne peut reprĂ©senter chaque copropriĂ©taire pour la dĂ©fense de ses droits sur son lot et ne peut donc se voir allouer une indemnitĂ© de dĂ©prĂ©ciation du surplus de lâensemble de la copropriĂ©tĂ©.
En lâespĂšce, une portion des parties communes dâune copropriĂ©tĂ© a fait lâobjet dâune procĂ©dure dâexpropriation dâurgence au profit de la sociĂ©tĂ© Autoroute Esterel CĂŽte-dâAzur Provence Alpes.
Le juge de lâexpropriation a fixĂ© lâindemnitĂ© de dĂ©possession revenant au syndicat des copropriĂ©taires de la copropriĂ©tĂ©.
La sociĂ©tĂ© expropriante reproche dâavoir fixĂ© lâindemnitĂ© pour dĂ©prĂ©ciation du surplus Ă une certaine somme.
La cour dâappel avait allouĂ© au syndicat des copropriĂ©taires cette indemnitĂ© en retenant que la dĂ©valorisation du surplus de la copropriĂ©tĂ© rĂ©sultait de la disparition de prĂšs dâun tiers des emplacements de parking matĂ©rialisĂ©s, ce qui, en zone urbaine, Ă©tait de nature Ă dissuader fortement les candidats acquĂ©reurs et Ă diminuer la valeur marchande au mĂštre carrĂ© de la copropriĂ©tĂ© de sorte que cette dĂ©prĂ©ciation, Ă©valuĂ©e Ă 20%, devait sâappliquer au prix moyen de vente au mĂštre carrĂ© dâaprĂšs des exemples de ventes de lots privatifs au sein de la copropriĂ©tĂ©.
La Cour de cassation rappelle dâabord que les indemnitĂ©s allouĂ©es couvrent lâintĂ©gralitĂ© du prĂ©judice direct, matĂ©riel et certain causĂ© par lâexpropriation et que le juge prononce des indemnitĂ©s distinctes en faveur des parties qui les demandent Ă des titres diffĂ©rents.
Elle considĂšre alors que le syndicat des copropriĂ©taires ne peut reprĂ©senter chaque copropriĂ©taire pour la dĂ©fense de ses droits sur son lot et ne peut donc se voir allouer une indemnitĂ© de dĂ©prĂ©ciation du surplus de lâensemble de la copropriĂ©tĂ©.
Elle casse alors lâarrĂȘt en ce quâil fixe lâindemnitĂ© allouĂ©e pour la dĂ©prĂ©ciation du surplus Ă payer au syndicat des copropriĂ©taires.
CompĂ©tence du juge administratif pour juger du refus dâacheter dâune commune : TC, 13 mars 2023, n° C4260, SARL Boucherie Cannoise :
En rĂ©sumé : lâacte dâune personne publique qui modifie le pĂ©rimĂštre ou la consistance de son domaine privĂ© ne se rapporte pas Ă la gestion de ce domaine, de sorte que la contestation de cet acte relĂšve de la compĂ©tence du juge administratif.
Il en va de mĂȘme du refus de prendre un tel acte ou de son retrait, ainsi que du litige par lequel est recherchĂ© la responsabilitĂ© de cette personne publique Ă raison dâun tel acte, du refus de le prendre ou de son retrait.
En lâespĂšce, la SARL Boucherie Cannoise exploitait une boucherie Ă Cannes. Par une dĂ©libĂ©ration du 10 octobre 2016, le conseil municipal a approuvĂ© le principe et le prix dâacquisition du fonds de commerce de la boucherie et a autorisĂ© le maire Ă signer tous les actes nĂ©cessaires Ă cette opĂ©ration.
La commune, par courrier du 9 avril 2018, a informé la SARL, de son intention de ne pas acquérir le fonds de commerce dans les conditions prévues par la délibération du 10 octobre 2016.
La sociĂ©tĂ© a saisi le tribunal administratif de Nice aux fins dâindemnisation de ses prĂ©judices du fait de la non-exĂ©cution de la dĂ©libĂ©ration.
Le tribunal, qui a estimé que le litige dont il était saisi présentait une question de compétence qui soulevait une difficulté sérieuse, a saisi le tribunal des conflits.
Le Tribunal des conflits considĂšre que lâacte dâune personne publique qui modifie le pĂ©rimĂštre ou la consistance de son domaine privĂ© ne se rapporte pas Ă la gestion de ce domaine, de sorte que la contestation de cet acte relĂšve de la compĂ©tence du juge administratif. Il considĂšre en outre quâil en va de mĂȘme du refus de prendre un tel acte ou de son retrait, ainsi que du litige par lequel est recherchĂ© la responsabilitĂ© de cette personne publique Ă raison dâun tel acte, du refus de le prendre ou de son retrait.
Il considĂšre quâen lâespĂšce la SARL Boucherie Cannoise recherche la responsabilitĂ© de la commune de Cannes Ă raison du retrait ou de lâabsence dâexĂ©cution de la dĂ©libĂ©ration du 10 octobre 2016 du conseil municipal, qui dĂ©cide dâune modification du pĂ©rimĂštre ou de la consistance du domaine privĂ© de la commune et quâil en rĂ©sulte quâun tel litige relĂšve de la compĂ©tence de la juridiction administrative.
Darkstores : CE, 23 mars 2023, n° 468360, Ville de Paris, Lebon.
En rĂ©sumé : Des locaux initialement occupĂ©s par des commerces et dĂ©sormais destinĂ©s Ă la rĂ©ception et au stockage ponctuel de marchandises afin de permettre une livraison rapide de clients par des livreurs Ă bicyclette doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des entrepĂŽts dont lâoccupation est soumise Ă dĂ©claration prĂ©alable.
Or le PLU de Paris interdit la transformation en entrepĂŽt de locaux existants en rez-de-chaussĂ©e, ce qui empĂȘche la rĂ©gularisation des sociĂ©tĂ©s occupantes.
Par arrĂȘtĂ©s des 17 et 24 juin 2022 la ville de Paris a mis en demeure la sociĂ©tĂ© Frichti de restituer dans leur Ă©tat dâorigine les locaux quâelle occupe Ă trois adresses parisiennes, dans un dĂ©lai de trois mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Par arrĂȘtĂ©s des 13, 24 et 29 juin et 15 et 28 juillet 2022, la ville de Paris a mis en demeure la sociĂ©tĂ© Gorillas Technologies France de restituer les entrepĂŽts situĂ©s Ă six adresses parisiennes, dans un dĂ©lai de 3 mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Par une ordonnance du 5 octobre 2022, contre laquelle la ville de Paris se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu ces décisions.
Le Conseil dâĂtat considĂšre que les locaux occupĂ©s par les sociĂ©tĂ©s Ă©taient initialement des locaux utilisĂ©s par des commerces et sont dĂ©sormais destinĂ©s Ă la rĂ©ception et au stockage ponctuel de marchandises afin de permettre une livraison rapide de clients par des livreurs Ă bicyclettes. Il considĂšre quâils ne constituent plus des locaux « destinĂ©s Ă la prĂ©sentation et vente de bien directe Ă une clientĂšle » et que, mĂȘme si des points de retrait peuvent y ĂȘtre installĂ©s, ils doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des entrepĂŽts au sens des dispositions du code de lâurbanisme (R. 151-27 et 28).
Le Conseil dâĂtat considĂšre dĂšs lors que lâoccupation de ces locaux par ces sociĂ©tĂ©s pour y exercer les activitĂ©s en cause constitue un changement de destination soumis, en application de lâarticle R. 421-17 du code de lâurbanisme, Ă dĂ©claration prĂ©alable et que la ville de Paris Ă©tait en droit dâexiger des sociĂ©tĂ©s requĂ©rantes le dĂ©pĂŽt dâune dĂ©claration prĂ©alable.
Sur la question de la non-opposition à déclaration préalable
La commune de Paris soutenait en outre quâune telle dĂ©claration prĂ©alable devait donner lieu Ă opposition de la ville si bien que la situation des sociĂ©tĂ©s requĂ©rantes Ă©tait insusceptible dâĂȘtre rĂ©gularisĂ©e.
Le Conseil dâĂtat constate notamment que le PLU de la ville de Paris prĂ©voit que « la transformation en entrepĂŽt de locaux existants en rez-de-chaussĂ©e est interdite ».
Le Conseil dâĂtat considĂšre quâen lâespĂšce lâoccupation des locaux a pour objet de permettre lâentreposage et le reconditionnement de produits non destinĂ©s Ă la vente aux particuliers dans ces locaux, ce qui correspond Ă une activitĂ© relevant de la destination « entrepĂŽt » telle que dĂ©finie par le PLU et que dĂšs lors, le moyen tirĂ© de ce quâil nâĂ©tait pas possible dâopposer les dispositions du rĂšglement du PLU interdisant la transformation en entrepĂŽt de locaux existants en rez-de-chaussĂ©e sur rue au changement de destination opĂ©rĂ©, nâest pas propre Ă crĂ©er un doute sĂ©rieux sur la lĂ©galitĂ© des dĂ©cisions attaquĂ©es.
Bail emphytĂ©otique – prescription de lâaction du bailleur contre lâempiĂštement du preneur : Cass. cv. 3Ăšme, 8 fĂ©vrier 2023, n° 21-20.535, publié :
En rĂ©sumé : lâempiĂštement dĂ©noncĂ© par un bailleur invoquĂ© au titre dâun manquement contractuel du preneur Ă ses obligations issues du bail emphytĂ©otique est soumise Ă la prescription quinquennale de droit commun.
En lâespĂšce le 25 septembre 1963, la SCI des Camoins a consenti Ă la sociĂ©tĂ© Clinique un bail emphytĂ©otique dâune durĂ©e de 99 ans portant sur un terrain afin dây construire une clinique de rhumatologie alimentĂ©e en eau thermale depuis la source situĂ©e sur une parcelle voisine, appartenant Ă©galement Ă la SCI.
Le 6 novembre 1978, les parties ont modifiĂ© leurs relations contractuelles en concluant un protocole, un avenant au bail et un contrat de concession dâeau.
Invoquant des manquements du preneur Ă ses obligations contractuelles, la SCI lâa assignĂ©e en rĂ©siliation du bail, du contrat de concession dâeau et du protocole, en expulsion et en paiement de redevances et de dommages et intĂ©rĂȘts.
La SCI demandait notamment des dommages et intĂ©rĂȘts fondĂ©s sur un empiĂštement imputable au preneur et reprochait Ă la cour dâappel dâavoir dĂ©clarĂ© son action prescrite car exercĂ©e au-delĂ du dĂ©lai de prescription quinquennal de droit commun.
La SCI considĂ©rait que le dommage nĂ© dâun empiĂštement est continu et que mĂȘme si lâaction visant Ă la rĂ©paration des dommages causĂ©s par un empiĂštement peut ĂȘtre regardĂ©e comme personnelle, elle doit ĂȘtre recevable, au moins dans la limite des cinq annĂ©es qui prĂ©cĂšde la demande, dĂšs lors que lâempiĂštement se poursuit et que lâaction rĂ©elle nâest pas prescrite.
Or la Cour de cassation considĂšre que lâempiĂštement dĂ©noncĂ© par la SCI Ă©tait invoquĂ© au titre dâun manquement contractuel du preneur Ă ses obligations issues du bail emphytĂ©otique et quâen consĂ©quence la cour dâappel avait exactement retenu que cette action en responsabilitĂ© contractuelle Ă©tait soumise Ă la prescription quinquennale de lâarticle 2224 du code civil.
En lâespĂšce la SCI connaissait lâexistence de lâempiĂštement au moins depuis le 22 avril 2008, date Ă laquelle elle avait assignĂ© en rĂ©fĂ©rĂ© la sociĂ©tĂ© preneuse, il en rĂ©sultait que lâaction exercĂ©e le 3 septembre 2018 Ă©tait prescrite.
Clause abusive et crédit immobilier : Cass. civ. 1Úre, 22 mars 2023, n° 21-16.044, publié.
En rĂ©sumé : la clause qui prĂ©voit la rĂ©siliation de plein droit du contrat de prĂȘt aprĂšs une mise en demeure de rĂ©gler une ou plusieurs Ă©chĂ©ances impayĂ©es sans prĂ©avis dâune durĂ©e raisonnable, crĂ©e un dĂ©sĂ©quilibre significatif entre les droits et obligations des parties au dĂ©triment du consommateur, lequel est ainsi exposĂ© Ă une aggravation soudaine de ses conditions de remboursement.
Par acte notariĂ© du 22 juillet 2008, une sociĂ©tĂ© a consenti un prĂȘt immobilier Ă M. et Mme W. AprĂšs dĂ©chĂ©ance du terme, elle a engagĂ© une procĂ©dure dâexĂ©cution forcĂ©e sur des immeubles appartenant aux emprunteurs. Ces derniers ont invoquĂ© le caractĂšre abusif de la clause de dĂ©chĂ©ance du terme et de la clause pĂ©nale.
La cour dâappel avait exclu le caractĂšre abusif de la clause stipulant la rĂ©siliation de plein droit du contrat de prĂȘt, huit jours aprĂšs une simple mise en demeure adressĂ©e Ă lâemprunteur par lettre recommandĂ©e avec demande dâavis de rĂ©ception ou par acte extrajudiciaire, en cas de dĂ©faut de paiement de tout ou partie des Ă©chĂ©ances Ă leur date ou de toute somme avancĂ©e par leur prĂȘteur.
La Cour de cassation rappelle, pour apprĂ©cier le caractĂšre abusif de cette clause, la jurisprudence europĂ©enne qui avait jugĂ© dâune part (CJUE, 26 janvier 2017, Branco Primus, C-421/14) quâil incombait aux juridictions nationales dâexaminer :
- 1° si la facultĂ© laissĂ©e au professionnel de dĂ©clarer exigible la totalitĂ© du prĂȘt dĂ©pendait de lâinexĂ©cution par le consommateur qui prĂ©sentait un caractĂšre essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause,Â
- 2° si cette facultĂ© Ă©tait prĂ©vue pour les cas dans lesquels une telle inexĂ©cution revĂȘtait un caractĂšre suffisamment grave au regard de la durĂ©e et du montant du prĂȘt,Â
- 3° si ladite facultĂ© dĂ©rogeait aux rĂšgles de droit commun applicables en la matiĂšre en lâabsence de dispositions contractuelles spĂ©cifiquesÂ
- 4° et si le droit national prĂ©voyait des moyens adĂ©quats et efficaces permettant au consommateur soumis Ă lâapplication dâune telle clause de remĂ©dier aux effets de ladite exigibilitĂ© du prĂȘt.
Et dâautre part (CJUE, 8 dĂ©cembre 2022, Caisse rĂ©gionale de crĂ©dit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre-Ouest, C-600/21) que ce prĂ©cĂ©dent arrĂȘt devait ĂȘtre interprĂ©tĂ© en ce sens que les critĂšres quâil dĂ©gageait pour lâapprĂ©ciation du caractĂšre abusif dâune clause contractuelle, notamment du dĂ©sĂ©quilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, ne pouvaient ĂȘtre compris ni comme Ă©tant cumulatifs, ni comme Ă©tant alternatifs, mais devaient ĂȘtre compris comme faisant partie de lâensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concernĂ©.
En lâespĂšce, la Cour de cassation considĂšre que la clause qui prĂ©voit la rĂ©siliation de plein droit du contrat de prĂȘt aprĂšs une mise en demeure de rĂ©gler une ou plusieurs Ă©chĂ©ances impayĂ©es sans prĂ©avis dâune durĂ©e raisonnable, crĂ©e un dĂ©sĂ©quilibre significatif entre les droits et obligations des parties au dĂ©triment du consommateur, lequel est ainsi exposĂ© Ă une aggravation soudaine de ses conditions de remboursement.
Clause abusive et contrat de prĂȘt : Cass. civ. 1Ăšre, 22 mars 2023, n° 21-16.476, publié :
En rĂ©sumé : les juridictions du fond doivent examiner dâoffice le caractĂšre abusif de la clause des conditions gĂ©nĂ©rales de vente qui autorise la banque Ă exiger immĂ©diatement la totalitĂ© des sommes dues au titre du prĂȘt en cas de dĂ©faut de paiement dâune Ă©chĂ©ance Ă sa date, sans mise en demeure ou sommation prĂ©alable ni prĂ©avis dâune durĂ©e raisonnable.
En lâespĂšce, par acte notariĂ© du 4 dĂ©cembre 2009, une banque a consenti Ă Mme S un prĂȘt immobilier en francs suisses, garanti par une hypothĂšque et comportant une clause de soumission Ă lâexĂ©cution forcĂ©e immĂ©diate.
Ă la suite du dĂ©faut de paiement des Ă©chĂ©ances de ce prĂȘt, la banque a dĂ©livrĂ© Ă lâemprunteuse un commandement aux fins de vente forcĂ©e.
Le 17 fĂ©vrier 2020, le tribunal de lâexĂ©cution forcĂ©e en matiĂšre immobilier a ordonnĂ© la vente forcĂ©e des immeubles garantis, fixĂ© le montant de la crĂ©ance et commis un notaire pour procĂ©der Ă lâadjudication.
Lâemprunteuse a formĂ© un pourvoi. Elle reproche notamment au juge de nâavoir pas soulevĂ© dâoffice le caractĂšre abusif de la clause du prĂȘt, conclu entre un professionnel et un consommateur, par laquelle le crĂ©ancier sâautorise, en raison dâun manquement du dĂ©biteur Ă son obligation de rembourser une seule Ă©chĂ©ance du prĂȘt au jour prĂ©vu, de prononcer la dĂ©chĂ©ance du terme sans mise en demeure prĂ©alable et immĂ©diatement, sans prĂ©avis dâune durĂ©e raisonnable ni mĂ©canisme de nature Ă permettre la rĂ©gularisation dâun tel retard de paiement.
La Cour de cassation vise dâabord la jurisprudence de la CJUE (8 dĂ©cembre 2022, caisse rĂ©gionale de CrĂ©dit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre-Ouest, C-600/21) qui avait notamment jugĂ© que le droit europĂ©en (art. 4 de la directive 93/13) sâopposait Ă ce que les parties Ă un contrat de prĂȘt y insĂšrent une clause qui prĂ©voyait, de maniĂšre expresse et non Ă©quivoque, que la dĂ©chĂ©ance du terme du contrat pouvait ĂȘtre prononcĂ©e de plein droit en cas de retard de paiement dâune Ă©chĂ©ance dĂ©passant un certain dĂ©lai, dans la mesure oĂč cette clause nâavait pas fait lâobjet dâune nĂ©gociation individuelle et crĂ©ait au dĂ©triment du consommateur un dĂ©sĂ©quilibre significatif entre les droits et obligations des parties dĂ©coulant.
Elle considĂšre quâen lâespĂšce la somme rĂ©clamĂ©e par la banque au titre du capital restant dĂ» et des Ă©chĂ©ances Ă©chues impayĂ©es Ă©tait exigible en application dâune clause des conditions gĂ©nĂ©rales du contrats de prĂȘt qui, en cas de dĂ©faillance de lâemprunteur, prĂ©voyait lâexigibilitĂ© immĂ©diate des sommes dues au titre des prĂȘts.
Elle sanctionne alors la cour dâappel de nâavoir pas examinĂ© dâoffice le caractĂšre abusif dâune telle clause autorisant la banque Ă exiger immĂ©diatement la totalitĂ© des sommes dues au titre du prĂȘt en cas de dĂ©faut de paiement dâune Ă©chĂ©ance Ă sa date, sans mise en demeure ou sommation prĂ©alable ni prĂ©avis dâune durĂ©e raisonnable.
Vice cachĂ© et phĂ©nomĂšne naturel : Cass. civ. 3Ăšme, 15 juin 2022, n° 21-13.286, publié :Â
En rĂ©sumé : un phĂ©nomĂšne extĂ©rieur, naturel, dont la survenance Ă©tait imprĂ©visible peut caractĂ©riser un vice dĂšs lors quâil rend la chose impropre Ă lâusage auquel on la destine ou qui en diminue tellement lâusage que lâacheteur ne lâaurait pas acquis, ou quâĂ moindre prix
En lâespĂšce, par acte authentique du 14 novembre 2016, Mme L a vendu une maison dâhabitation, situĂ©e prĂšs de lâocĂ©an, Ă Mme W.
Cette derniĂšre, invoquant un dĂ©faut dâinformation sur les nuisances liĂ©es Ă lâĂ©chouage saisonnier dâalgues sargasses, a assignĂ© la venderesse en annulation de la vente sur le fondement du dol et, subsidiairement, en rĂ©solution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachĂ©s.
La cour dâappel avait rejetĂ© la demande fondĂ© sur le dol en considĂ©rant que bien que la venderesse avait omis dâinformer lâacquĂ©reur sur le phĂ©nomĂšne des Ă©chouages des algues sargasses qui affectait le bien vendu, elle avait considĂ©rait que lâacquĂ©reur nâavait pas Ă©tabli que la venderesse savait que ce mensonge portait sur un Ă©lĂ©ment dĂ©terminant pour son contractant, ni quâelle avait Ă©tĂ© informĂ© de la santĂ© fragile de lâacquĂ©reuse et de son fils.
La Cour de cassation sanctionne ce raisonne en considĂ©rant que la cour dâappel avait constatĂ© que la venderesse avait apportĂ© des rĂ©ponses mensongĂšres aux demandes rĂ©pĂ©tĂ©es de lâacquĂ©reuse relatives Ă la prĂ©sence dâalgues sargasse, avec la volontĂ© de tromper.
La cour dâappel avait Ă©galement rejetĂ© la demande fondĂ© sur le vice cachĂ© en retenant quâun phĂ©nomĂšne extĂ©rieur, naturel, dont la survenance Ă©tait imprĂ©visible, ne constitue pas un vice cachĂ©.
Ici encore la Cour de cassation sanctionne le raisonnement de la juridiction du fond en considĂ©rant que la cour dâappel a ajoutĂ© Ă la loi une restriction quâelle ne comporte pas, le vice Ă©tant caractĂ©risĂ© dĂšs lors quâil rend la chose impropre Ă lâusage auquel on la destine ou qui en diminue tellement lâusage que lâacheteur ne lâaurait pas acquis, ou quâĂ moindre prix.
En somme lâorigine du vice est indiffĂ©rent, seul compte la diminution de lâusage de la chose acquise en raison de la prĂ©sence du vice.
Vice cachĂ© â apprĂ©ciation de la garantie : Cass. civ. 3Ăšme, 11 mai 2023, 21-25.480, inĂ©dit : Â
En rĂ©sumé : le juge saisi dâune demande fondĂ©e sur la garantie des vices cachĂ©s doit rechercher si le vice diminue tellement lâusage de la chose que lâacquĂ©reur en aurait donnĂ© un prix moindre et ne peut se limiter Ă rejeter la demande au motif que lâacquĂ©reur nâĂ©tablit pas que le vice avait tellement diminuĂ© lâusage de la chose quâil ne lâaurait pas acquise.
Par acte authentique du 31 août 2011, des SCI ont vendu à M. M une parcelle.
LâacquĂ©reur, invoquant lâexistence de vices cachĂ©s rĂ©sultant de la prĂ©sence de dĂ©chets en sous-sol a, par acte du 16 octobre 2013, assignĂ© les vendeurs en dĂ©signation dâun expert aux fins dâestimation de la valeur rĂ©elle du terrain et en paiement de dommages et intĂ©rĂȘts.
LâacquĂ©reur reproche Ă la cour dâappel dâavoir rejeter son action estimatoire au motif que celui-ci nâĂ©tablissait pas que lâimpossibilitĂ© dâĂ©tablir un potager aurait tellement diminuĂ© lâusage du terrain quâil ne lâaurait pas acquis, en effet lâacquĂ©reur considĂšre quâil suffisait Ă la cour dâappel, pour accueillir son action, que le vice litigieux diminue tellement lâusage de la chose vendue que lâacquĂ©reur en aurait donnĂ© un moindre prix sâil lâavait connu.
La cour dâappel avait en effet considĂ©rĂ© que lâusage principal de la parcelle tenait Ă la construction dâune maison, qui nâavait Ă©tĂ© rendue difficile que pour des motifs Ă©trangers Ă la prĂ©sence de dĂ©chets dans le sous-sol et que lâargument de lâimpossibilitĂ© dâĂ©tablir un potager nâĂ©tait caractĂ©risĂ© par aucune constatation ou Ă©tude sĂ©rieuse et quâil nâĂ©tait pas Ă©tabli que cette circonstance aurait tellement diminuĂ© lâusage du terrain que lâacquĂ©reur ne lâaurait pas acquis.
La Cour de cassation sanctionne ce raisonnement en considĂ©rant que la cour dâappel aurait dĂ» rechercher si le vice tenant Ă la prĂ©sence de dĂ©chet dans le sous-sol du terrain sur toute sa superficie ne diminuait pas tellement son usage que lâacquĂ©reur nâen aurait pas donnĂ© quâun moindre prix sâil lâavait su.
Qualification du contrat de fourniture et dâinstallation â Cass. civ. 1Ăšre, 17 mai 2023, n° 21-25.670, publié :
En rĂ©sumé : Le contrat mixte porte sur la livraison de biens ainsi que sur une prestation de service dâinstallation et de mise en service doit ĂȘtre qualifiĂ© de contrat de vente soumis au dĂ©lai de rĂ©tractation prorogĂ© de 12 mois en cas dâinformation erronĂ©e quant Ă son point de dĂ©part.
En lâespĂšce, le 21 septembre 2017, N.Z. a conclu hors Ă©tablissement avec la sociĂ©tĂ© Media systĂšme un contrat de fourniture et dâinstallation de douze panneaux photovoltaĂŻques et dâun chauffe-eau thermodynamique dont le prix a Ă©tĂ© financĂ© par un crĂ©dit souscrit le 2 octobre par lâacquĂ©reur auprĂšs dâune banque.
Le 2 novembre 2017, N.Z. a établi une attestation de fin de travaux et de conformité conduisant la banque à débloquer le capital emprunté entre les mains de la société media systÚme.
Le 25 janvier 2018, N.Z. et son Ă©pouse ont informĂ© la sociĂ©tĂ© media systĂšme quâil exerçaient leur droit de rĂ©tractation.
Les 30 et 31 mai 2018, ils ont assigné la société Media system et la banque en constat de la caducité des contrats.
La sociĂ©tĂ© media systĂšme reprochait Ă lâarrĂȘt dâavoir constatĂ© lâexercice par les acquĂ©reurs de leur droit de rĂ©tractation dans le dĂ©lai lĂ©gal prorogĂ© de 12 mois sur le fondement de lâarticle L. 221620 du code de la consommation, de constater lâanĂ©antissement du contrat et de la condamner Ă venir rĂ©cupĂ©rer Ă ses frais les Ă©lĂ©ments installĂ©s et procĂ©der Ă la remise en Ă©tat..
En effet elle considĂ©rait que la fourniture et la pose dâun dispositif destinĂ© Ă produire de lâĂ©nergie relĂšve du contrat de prestation de service, de sorte que le point de dĂ©part du dĂ©lai de rĂ©tractation du consommateur doit ĂȘtre fixĂ© au jour de la conclusion du contrat.
La Cour de cassation rappelle que les dispositions du code de la consommation prévoient que le contrat ayant pour objet à la fois la fourniture de prestation de service et la livraison de biens est assimilé à un contrat de vente.
Elle prĂ©cise que le consommateur dispose dâun dĂ©lai de rĂ©tractation de 14 jours qui, lorsque les informations relatives Ă celui-ci nâont pas Ă©tĂ© fournies au consommateur, est prolongĂ© de douze mois Ă compter de lâexpiration du dĂ©lai de rĂ©tractation initial.
Elle considĂšre ensuite que le contrat litigieux avait pour objet la fourniture dâun kit photovoltaĂŻque et dâun chauffe-eau, leur installation complĂšte et leur mise en service. Elle en dĂ©duit que ce contrat mixte porte sur la livraison de biens ainsi que sur une prestation de service dâinstallation et de mise en service et quâil devait ĂȘtre qualifiĂ© de contrat de vente.
Elle constate que le bon de commande comportait une information erronĂ©e quant au point de dĂ©part du dĂ©lai de rĂ©tractation et en dĂ©duit que ce dĂ©lai, prorogĂ© de douze mois, nâĂ©tait pas expirĂ© lorsque les acquĂ©reurs se sont rĂ©tractĂ©s de leur engagement et quâen consĂ©quence les contrats de vente et de crĂ©dit affectĂ© avaient pris fin.
Elle rejette le pourvoi formĂ© par la sociĂ©tĂ© et, en lâabsence de doute raisonnable sur lâinterprĂ©tation du droit de lâUnion europĂ©enne, rejette la demande de saisine de la CJUE dâune question prĂ©judicielle.