• Vente d’un immeuble moyennant le paiement d’une rente viagère
  • L’aléa lié à l’espérance de vie

CA Pau, 19 septembre 2013, inédit. En l’espèce une personne, représentée à l’acte par un clerc de notaire, vend sa maison à sa nièce, au prix de 77 200€ converti en rente annuelle viagère de 12 852€, avec réserve du droit d’usage et d’habitation sa vie durant. La venderesse décède trois mois après la vente.

Le fils assigne la débirentière en nullité de la vente pour absence d’aléa et le notaire en responsabilité.

La venderesse était atteinte d’une tumeur cancéreuse au stade IV et le lien de causalité entre la maladie et le décès n’était pas contestable ; il n’y avait donc pas d’aléa attaché à cette vente moyennant rente viagère.

La cour d’appel considère que le notaire, en présence d’un contrat aléatoire, est tenu d’une obligation de conseil renforcée et qu’il ne rapportait pas la preuve d’avoir exécuté son devoir d’information. En outre elle considère qu’il soutient à tort qu’il n’avait pas à vérifier l’état de santé de la venderesse, puisqu’il devait vérifier l’existence de l’aléa.

En somme en ayant accepté de recevoir un contrat aléatoire sans la présence de la venderesse dont il connaissait l’âge avancé (85 ans), représenté par son clerc, sans s’assurer de la réalité de l’aléa, le notaire avait manqué à son obligation de conseil et ne s’était pas assuré de l’efficacité et de la sécurité de l’acte qu’il avait instrumenté.

CA Paris, 24 février 2017, inédit. En l’espèce un crédirentier décède à peine 2 mois après la signature de l’acte. Sa sœur, unique héritière, assigne le notaire et l’acquéreur en nullité de la vente.

La cour d’appel a constaté que l’état de santé du crédirentier s’est dégradé moins d’un mois après la vente en viager mais qu’aucun élément versé aux débats ne prouvait que l’agent immobilier, l’acquéreur ou le notaire avaient connaissance de la gravité de la maladie et de l’imminence du décès du vendeur.

Aussi les déclarations du crédirentier qui souhaitait évincer sa famille de son héritage ne permettaient d’établir que le vendeur aurait fait part au notaire de son proche décès mais démontrent que le notaire l’avait informé des conséquences d’une rente viagère sur la transmission de son patrimoine.

La vente avait donc bien un caractère aléatoire.

  • Le caractère sérieux de la rente

CA Aix-en-Provence, 20 octobre 2020, inédit. En l’espèce une personne âgée de 79 ans vend son bien immobilier au prix de 75 000 € converti en rente annuelle viagère révisable d’un montant de 7 995,72 €. Le vendeur décède 11 mois après et les héritiers intentent une action en rescision pour lésion. L’acquéreur a été condamné à diverses sommes et a assigné le notaire en responsabilité.

La cour d’appel considère que le notaire n’a pas à s’immiscer dans l’appréciation économique de la transition mais il doit éclairer les parties de manière complète et circonstanciée sur la portée et les effets de l’acte qu’il instrumente. Ce faisant il doit les informer d’une possible lésion sur les risques des engagements qu’elles souscrivent dans des conditions manifestement déséquilibrées compte tenu de la modicité du prix.

En l’espèce, le rapport d’expertise établi dans la procédure de rescision pour lésion avait estimé l’immeuble à 197 000 €, soit une différence de 122 000 € avec le prix de vente.

Le notaire ne pouvait ignorer que le prix était particulièrement modique et l’acte manifestement déséquilibré, ce qui aurait dû le conduire à soupçonner un risque de lésion et, partant, soulever la difficulté à l’attention des parties, en particulier le vendeur âgé.

La défense selon laquelle « l’aléa chasse la lésion » a été rejeté au motif que la question n’était pas celle de l’existence d’un aléa mais, au contraire, de l’absence d’aléa en raison de la modicité du prix convenu par les parties.

CA de renvoi Aix-en-Provence, 7 janvier 2020, inédit. En l’espèce une femme vend une maison au prix de 600 000 francs, converti en une rente annuelle viagère de 76 452 francs. La maison est vendue louée et les acquéreurs en perçoive les loyers dès l’acquisition.

La vente a été annulée pour défaut de cause et d’aléa au regard du montant de la rente, la crédirentière aurait dû vivre jusqu’à 115 ans pour percevoir la valeur réelle du prix de vente du bien. Les acquéreurs ont, suite à cette procédure, assigné le notaire en responsabilité.

La cour d’appel de renvoi considère qu’au regard des mentions de l’acte, dont l’entrée en jouissance immédiate des acquéreurs, le notaire aurait dû vérifier le montant exact du loyer perçu immédiatement par les débirentiers pour apprécier l’absence de déséquilibre entre le prix défini à l’acte et sa conversion en rente viagère (étant précisé qu’il n’y avait pas eu de bouquet).

Elle omettant d’apprécier la cohérence de la stipulation quant à la rente au regard du montant du loyer le notaire a commis une faute à l’origine de l’inefficacité de l’acte et sa responsabilité a été retenue.

CA Caen, 15 décembre 2020, inédit. Par acte authentique de juillet 2012 un acquéreur a constitué au profit d’une personne âgée de 83 ans une rente annuelle viagère de 3 665,40 € payable mensuellement jusqu’au décès du crédirentier, en contrepartie du versement par la crédirentière d’une somme de 60 000 €. Il était en outre prévu qu’au décès de la crédirentière, le rente serait reversée en totalité au profit de son fils âgé de 57 ans, dans les mêmes conditions.

L’acquéreur a arrêté de régler la rente viagère à partir de juillet 2012. Le fils est décédé en août 2013. La crédirentière a assigné le notaire en manquement à son devoir de conseil et d’impartialité en considérant que le contrat était économiquement déséquilibré en raison d’un montant anormalement bas de le rente.

La cour d’appel approuve les juges du premier degré d’avoir validé la méthode de calcul du notaire qui s’était basé sur les tableaux de capitalisation applicables, en prenant en compte la réversibilité de la rente au fils âgé de 57 ans à la date de la signature de l’acte.

En effet, le montant de la rente était naturellement moindre que si elle avait été constituée au profit de la seule crédirentière âgée de 83 ans. Dès lors la remise de la somme de 60 000 € avait pour contrepartie une rente viagère correctement déterminée.

CA Bordeaux, 25 février 2021, inédit. Dans une hypothèse similaire, la cour d’appel avait considéré qu’une vente en viager avec occupation du bien par le vendeur impliquait une décote liée au droit d’usage et d’habitation, calculée en fonction de l’âge du crédirentier et de la valeur locative du bien. Ce faisant la responsabilité du notaire ne pouvait être engagée au regard de son obligation d’information et de conseil car le prix de vente fixé n’avait pas été sous-évalué.

CA de renvoi de Toulouse, 25 novembre 2019, inédit. Le notaire doit informer ses clients de la possibilité de recevoir un bouquet, quoiqu’il ne soit pas obligatoire. Il doit en effet informer les parties de l’ensemble des modalités de paiement d’une vente viagère prévues par la loi.

  • Les obligations du notaire en matière de garantie du crédirentier

  • Le devoir de conseil relatif aux garanties

CA Caen, 15 décembre 2020, inédit, précité. Le notaire doit conseiller le crédirentier pour garantir le paiement de la rente soit l’inscription d’une hypothèque légale du vendeur, soit l’insertion d’une clause résolutoire. Ainsi ne commet pas de manquement le notaire qui n’a pas prévu de sûreté en garantie du paiement qui justifiait, par la production d’un avis de reconnaissance, signé par la crédirentière, qu’il lui avait expressément conseillé d’inscrire une hypothèque sur un bien appartenant à l’acquéreur ou de solliciter une autre garantie réelle du paiement de le rente.

Ce document, dressé par acte séparé concomitamment à l’acte authentique a, selon la cour d’appel, une valeur probante.

  • Devoir d’efficacité des garanties

  • Hypothèque légale du vendeur

CA Limoges, 25 mai 2022, inédit. Une personne vend 10 parcelles moyennant le paiement d’une rente viagère. Le débirentier vend, parallèlement, 4 des parcelles. La première vente est, par jugement définitif, résolue, pour défaut de paiement de la rente.

Le crédirentier assigne les nouveaux acquéreurs aux fins de restitution desdites parcelles, ces derniers ont mis en cause le débirentier et le notaire.

L’acte comportait une clause relative au privilège du vendeur et à l’action résolutoire qui stipulait que « à la garantie du service de la rente viagère mise à la charge du débirentier (…) les biens présentement vendus demeureront affectés par privilège expressément réservé au profit du crédirentier ».

La cour d’appel juge que les parties, par cette clause, ont manifesté leur volonté d’étendre le privilège à l’ensemble des 10 parcelles, y compris celles revendues. Or elle constate que le privilège du vendeur n’a pas été inscrit sur ces dernières.

Ce faisant le notaire n’a pas pris toutes les dispositions utiles pour assurer l’efficacité des actes qu’il instrumente, en l’espèce l’inscription initiale du privilège du vendeur. 

  • Clause résolutoire de plein droit

Cass. Civ. 3ème, 13 juillet 2016, inédit a jugé qu’en présence d’un acte de vente qui stipulait que la rente viagère était payable d’avance en 12 termes mensuels égaux et qu’à défaut de paiement à son exacte échéance d’un seul terme de la rente, la vente serait résolue de plein droit et sans mise en demeure, cette clause résolutoire devait produire ses effets.

TJ Dijon, 8 novembre 2021, inédit. Dans cette espèce des époux ont cédé en viager libre leurs droits sur 3 lots de copropriété. Cette vente était assortie d’un privilège de vendeur ainsi que d’une clause résolutoire qui n’a pas été publiée.

Suite à la défaillance de l’acquéreur, les époux ont fait signifier un commandement de payer visant la clause résolutoire, sans succès.

Le tribunal a constaté l’acquisition de la clause résolutoire et a prononcé la résolution de la vente. Entre temps le bien a fait l’objet d’une adjudication et le tiers acquéreur a demandé à ce que le jugement lui soit déclaré inopposable.

Toutefois la responsabilité du notaire a été retenue en n’ayant pas procédé à la publication spéciale requise de la clause résolutoire bien qu’il ait inséré en partie normalisée, au chapitre « charges et conditions » la mention selon laquelle « la présente vente a lieu sous les charges et conditions ordinaires en pareille matière, et notamment sous celles figurant ci-après en seconde parte que l’acquéreur s’oblige à exécuter ».

  • Habilité d’un logement – mise en location

Cass. civ. 3ème, 16 mars 2023, inédit : un propriétaire acquiert pour son usage personnel, à titre de résidence principale, des combles aménagés qu’il met en location 6 ans plus tard.

Suite à une contrôle de l’ARS, le préfet interdit la location du bien, obligeant le propriétaire-bailleur à reloger le locataire.

Le propriétaire-bailleur assigne le notaire en lui reprochant de ne pas l’avoir informé du caractère inhabitable et non louable du bien loué.

La Cour de cassation ne retient pas la responsabilité du notaire en considérant qu’il ne lui appartenait pas de vérifier les conditions d’habitabilité du bien dès lors que l’acquéreur n’avait pas fait part de son intention de louer le bien acheté mais avait indiqué à la fois dans l’acte de prêt et dans celui de vente que le bien était acquis pour un usage personnel. Le notaire n’avait dès lors commis aucun manquement à son obligation d’information au regard d’une mise en location éventuelle future du bien.

CA Lyon, 7 février 2023, inédit : Dix ans après son acquisition, un lot de copropriété d’une superficie de 15.97m2 est déclaré insalubre à titre irrémédiable par un arrêté préfectoral. Ce bien, situé en entresol de l’immeuble étant non-conforme aux règles prescrites par le décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent et par le règlement sanitaire départemental.

L’acquéreur assigne le notaire en responsabilité en lui reprochant de ne pas avoir été informé ni de l’obligation de respecter les prescriptions du règlement sanitaire départemental ni du contenu de cette réglementation.

La cour d’appel retient une faute du notaire qui n’a pas rectifié, dans son acte, la définition erronée du logement décent donnée dans le compromis de vente. Ce dernier mentionnait une hauteur sous plafond minimale de 2.20m tandis que le règlement sanitaire départemental exigeait une hauteur minimale sous plafond de 2.30m.

Elle retient également que le notaire n’établit pas avoir informé l’acquéreur du risque de déclaration d’insalubrité à titre irrémédiable du bien en cas de non-respect des conditions de décence et du règlement sanitaire départemental.

Elle précise que cette obligation d’information n’implique pas un déplacement sur les lieux du notaire mais qu’il explique à l’acquéreur quelles sont les caractéristiques d’un logement décent afin que l’acquéreur acquière le bien en connaissance de cause et que le notaire ne peut s’exonérer de cette obligation en mentionnant dans l’acte de vente que le vendeur déclare que « les biens vendus ne sont pas insalubres et ne font l’objet d’aucune interdiction d’habiter ».

Elle considère aussi que le notaire aurait dû être vigilant sur l’intérêt d’alerter son client compte tenu du fait que le bien vendu était situé dans l’entresol de l’immeuble et que sa surface totale était de 15.97m2.

Enfin elle considère que la circonstance que l’acquéreur soit une professionnel de l’immobilier est sans incidence sur le manquement du notaire à son obligation d’information.

CA Toulouse, 13 septembre 2021, inédit :  En l’espèce un bien situé dans des combles a été acquit dans un but d’investissement locatif. Le lot est décrit dans l’acte notarié comme un local composé initialement de deux pièces dont des travaux postérieurs ont permis l’aménagement en deux appartements, lesquels étaient loués lors de la vente.

Neuf ans plus tard la direction générale de la solidarité et de l’action sociale informe le propriétaire que le bien n’est pas conforme aux normes en vigueur et qu’il est inhabitable. Il est mis en demeure par le préfet de faire cesser la location des appartements et de reloger les locataires.

L’acquéreur assigne le notaire et le vendeur en nullité de la vente fondée sur un dol. Il soutient que la surface du bien dans l’acte notarié est erronée car le notaire s’est fondé dans son acte sur des superficies basées sur une hauteur de 1.80m visées à l’article 4-1 du décret du 17 mars 1967 alors qu’il aurait dû se référer au calcul des superficies opéré par le service communal d’hygiène et de sécurité sur la base d’une hauteur sous plafond de 2.20m. Il soutient également que le notaire a manqué à son obligation de conseil en ce que le bien aurait été, au jour de la vente, impropre à l’habitation et à la location.

La cour d’appel considère que le notaire n’a pas mentionné une surface erronée dans son acte dès lors que celles-ci sont conformes à l’article 4-1 du décret du 17 mars 1967 et que l’acquéreur se réfère à tort au calcul de la superficie opéré par le service communal d’hygiène et de sécurité.

Elle considère également qu’il n’est pas établi que le lot de copropriété acquis soit inhabitable.

Enfin elle considère qu’à défaut de toute contradiction ou distorsion entre les informations communiquées sur l’immeuble par le vendeur et celles recueillies auprès de la Mairie sur la situation d’insalubrité ou de péril de l’immeuble, le notaire n’avait pas à procéder à des vérifications supplémentaires quant à la conformité du bien aux normes d’habitabilité. Elle considère enfin qu’il n’avait pas à informer ou mettre en garde l’acquéreur vis-à-vis de ces normes car il n’existait aucun indice de nature à le faire douter de l’habitabilité des appartements composant le lot vendu.

En effet, celui-ci avait fait l’objet de travaux d’aménagement réalisés depuis plusieurs années et les appartements avaient été donnés à bail à usage d’habitation bien avant leur revente. Les vérifications effectuées par le notaire avaient enfin confirmé que le bien vendu n’avait pas fait l’objet d’un arrêté d’insalubrité ou de péril.

CA Colmar, 12 mai 2021, inédit : En l’espèce une SCI a acquis un immeuble à usage d’habitation composé de logements loués, dont trois studios situés en sous-sol.

Suite à un contrôle opéré par l’ARS, il lui est fait interdiction de louer ces studios compte tenu de leur caractère impropre à l’habitation.

La SCI assigne le vendeur et le notaire leur reprochant de n’avoir attiré son attention ni sur la localisation en sous-sol d’une partie des locaux loués, ni sur la législation applicable, en particulier sur l’interdiction de louer des caves, sous-sols, combles et pièces dépourvues d’ouverture sur l’extérieur.

La cour d’appel retient la responsabilité du notaire en considérant qu’il est tenu d’un devoir d’information et de conseil, portant notamment sur la réglementation applicable, y compris à l’égard d’un client professionnel.

Elle considère qu’à cet égard il lui appartient de donner une information claire et précise à l’acquéreur et attirer son attention sur la règlementation applicable s’agissant de la location à usage d’habitation de locaux situés en sous-sol. En l’espèce elle constate qu’il ne l’a pas fait, l’acte ne faisant pas référence à cette règlementation.

Elle considère également que la délivrance d’un certificat de conformé et les baux d’habitation de la venderesse ne peuvent exonérer le notaire de sa responsabilité. Il ne peut, non plus, se retrancher derrière le fait d’avoir informé son client des dispositions de la loi SRU sur les caractéristiques du logement décent et de l’article L. 1336-3 du code de la santé publique, applicable, qui permettait au préfet de mettre en demeure le bailleur de cesser la location des locaux.

Elle considère enfin que la faute du notaire est en lien direct avec le dommage subi par le client et que le notaire est condamné à l’indemniser intégralement sans pouvoir se prévaloir de sa qualité de professionnel de l’immobilier, qualité qui ne le disposer pas de son devoir d’information, ni du fait que la vente ait été conclue par l’entremise d’un agent immobilier.

CA Dijon, 23 février 2021, inédit : Trois ans après une acquisition, des propriétaires qui n’avaient pas indiqué au notaire qu’ils souhaitaient louer le bien acquis, ont été informés que leur bien a fait l’objet d’un arrêté leur interdisant d’habiter les locaux en raison de sa localisation en sous-sol.

Ils ont assigné le notaire en réparation de leur préjudice et en paiement de dommages et intérêts.

La cour d’appel retient la responsabilité du notaire en considérant que bien que l’acte notarié contienne les dispositions du décret du 30 janvier 2002 sur les caractéristiques du logement décent, il ne contient pas celles de l’article 1331-22 du code de la santé publique relatives à la salubrité des immeubles. Elle en déduit que les acquéreurs n’ont pas été informés que les sous-sols ne peuvent être loués aux fins d’habitation.

Elle considère que cette abstention est fautive et engage la responsabilité délictuelle du notaire qui a manqué à son obligation de mise en garde, d’information et de conseil. Il n’a pas, non plus, assurer l’efficacité juridique de l’acte en s’abstenant d’éclairer les acquéreurs sur l’impossibilité de mettre à disposition un logement situé en sous-sol.

CA Bourges, 17 décembre 2020, inédit : Une personne acquiert un bien désigné dans l’acte notarié comme une studette en sous-sol, dans un but d’investissement locatif. Deux ans après sa mise en location, un arrêté préfectoral déclare le bien insusceptible d’être mis à disposition aux fins d’habitation. Celui-ci retient que le bien est enterré sur une hauteur de 1.50m et qu’il présente une insuffisance d’éclairage naturel et qu’il a, par conséquent, le caractère de sous-sol au sens du code de la santé publique.

Le propriétaire assigne le notaire pour manquement à son devoir de conseil.

La cour d’appel retient la faute du notaire pour n’avoir pas informé l’acquéreur de l’impossibilité de louer le bien. Elle considère que le client doit être conseillé au regard de sa situation, des buts poursuivis par celui-ci qui ont été portés à la connaissance du notaire ou qui apparaissent probables au regard du contexte de l’opération économique.

Elle considère que le notaire aurait dû envisager la possibilité que le bien soit destiné à la location et qu’il devait le renseigner pour que l’acquisition soit faite en toute connaissance de cause. Elle retient que le client résidait en province et se portait acquéreur d’un bien d’une petite surface à Paris et qu’en conséquence l’hypothèse de la mise en location du bien ainsi acquit ne pouvait être raisonnablement exclue par le notaire.

Elle retient également que le notaire avait, avant la signature de l’acte authentique, visité le bien et que celui-ci, ayant constaté la configuration des lieux, devait attirer son client du risque encourue en cas de location du bien, celui-ci pouvant revêtir la qualification de sous-sol au sens du code de la santé publique. Le notaire ne pouvait, dès lors, s’exonérer de son obligation d’information et de conseil par la simple insertion, dans l’acte, d’une clause générale relative à  la notion de logement décent.

  • Secret professionnel

CA Rennes, 17 mai 2022, inédit : Des acquéreurs d’un bien immobilier ont rencontré un ancien candidat à l’acquisition de ce bien qui leur a informé avoir renoncé à l’opération en raison de la découverte de mérule. Il leur précise avoir transmis à son notaire un diagnostic parasitaire positif et qu’il avait indiqué l’avoir communiqué au notaire chargé de la vente des seconds acquéreurs.

Ces derniers, n’ayant pas été informés de la présence de mérule, ont fait établir un diagnostic établissant la présence du champignon.

Ils ont sollicité en justice du notaire de l’ex-candidat à l’acquisition qu’il leur transmette le courriel envoyé à son confrère auquel était joint le diagnostic parasitaire dans l’objectif d’établir la date à laquelle le vice a été porté à la connaissance de leur notaire.

Le juge des référés a ordonné la levée du secret professionnel du notaire pour ce courriel et enjoint sa communication aux acquéreurs.

Le notaire a interjeté appel en opposant son secret professionnel couvrant tout ce qui est porté à sa connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

La cour d’appel considère que le secret professionnel est absolu et ne peut être mis en échec par le droit à la preuve découlant de l’article 6 de la CEDH. Elle précise qu’il couvre l’ensemble des informations et pièces détenues par le notaire et dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et s’étend aux correspondances et échanges entre notaires. Elle considère également que l’obligation au secret persiste quand bien même l’auteur d’une information a autorisé le notaire à rapporter celle-ci.

Elle considère que le courriel a été adressé à son confrère dans le cadre de ses fonctions et qu’il relève des correspondances et échanges entre notaire et est, partant, couvert par le secret professionnel applicable à la profession de notaire.

Elle rappelle enfin que le notaire n’est délié du secret professionnelle que dans les cas strictement énumérés par la loi, c’est-à-dire dans l’intérêt de l’administration fiscale ou ans celui de l’exécution des décisions de justice.

Elle considère que tel n’est pas le cas du courriel visant à établir la date de la transmission d’un diagnostic parasitaire recevant ultérieurement la vente.

Elle conclut à ce que la levée du secret professionnel ne peut être ordonnée.

CA Versailles, 7 octobre 2021, inédit : En garantie d’une créance détenue à l’égard de son client, une banque est autorisée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur l’un de ses immeubles.

Le débiteur a vendu ses biens immobiliers sans désintéresser la banque.

Celle-ci, dénonçant ne pas avoir reçu des fonds a assigné le notaire en responsabilité. Sa demande a été définitivement rejetée, le créancier n’ayant pas procédé aux formalités nécessaires pour rendre son hypothèque opposable au débiteur.

La banque s’est alors retournée contre son avocat dont l’assureur a refusé sa garantie en considérant que le préjudice n’était pas certain en raison de l’existence d’une hypothèque conventionnelle de 1er rang inscrite par un tiers et dont le montant en principal était susceptible d’avoir absorbé l’intégralité du produit de la vente.

Le créancier a mis le notaire en demeure de l’informer du montant versé à ce tiers au jour de la vente. Le notaire lui a opposé son secret professionnel et le créancier l’a assigné.

Le créancier considère que le secret professionnel du notaire ne fait pas obstacle à la communication à un tiers de renseignements en exécution d’une injonction judiciaire ; il argue de l’application d’une exception au secret professionnel concernant « l’exécution des lois et règlements sur le droit d’enregistrement et de ceux relatifs aux actes soumis à publication ».

La cour d’appel approuve les premiers juges d’avoir rappelé que le droit à la preuve ne peut faire échec à l’intangibilité du secret professionnel du notaire qui n’en est délié que par la loi, soit qu’elle impose, soit qu’elle autorise la révélation du secret.

Elle considère qu’en l’espèce le créancier est étranger à l’acte de vente établi par le notaire qui peut, valablement, lui opposer le secret professionnel.

Elle considère en outre que le fait que le montant initial de la créance de premier rang ait antérieurement fait l’objet d’une publicité est sans incidence sur la levée du secret professionnel.

Elle considère enfin que l’information n’est pas sollicité dans le but pour le créancier de poursuivre son débiteur en recouvrement de sa créance en exécution d’une décision de justice et que bien que le droit du créancier à établir la preuve de son préjudice est légitime, sa demande de communication d’information se heurte à l’intangibilité du secret professionnel du notaire.

TJ Nice, 3 octobre 2022, ordonnance de référé, inédit : En l’espèce un vendeur a acquis un bien en VEFA et, en raison du retard de livraison, a souhaité le revendre avant la fin des travaux.

Les nouveaux acquéreurs ont renoncé à l’achat et ont sollicité la restitution de leur dépôt de garantie. Le notaire a indiqué au vendeur qu’il devait le restituer en raison de l’absence de signature d’un contrat de réservation et d’ouverture d’un droit à rétractation.

Le vendeur a demandé le justificatif de la restitution du dépôt de garantie et le notaire lui a confirmé l’avoir restitué tout en lui opposant le secret professionnel qui faisait obstacle à ce qu’il communique le relevé de compte d’un autre client.

Le vendeur l’a alors assigné afin d’obtenir la communication sous astreinte du relevé de compte.

Le juge rappelle qu’une mesure ne peut être ordonnée que si elle est licite et qu’elle doit être utile et opérante, c’est-à-dire nécessaire au demandeur pour établir ou conserver la preuve dans la perspective d’un procès futur, de sorte que si elle est inutile ou inefficace le rejet s’impose.

Il constate ensuite que le vendeur sollicite la production par le notaire d’un relevé de compte étude de l’affaire à titre de justificatif du sort de la somme versée par les époux dans le cadre du projet d’acquisition litigieux. Il constate enfin que le notaire a confirmé à plusieurs reprises et par écrit qu’il avait restitué les fonds de sorte que l’intérêt de la communication d’un relevé de compte de l’étude n’est pas utile pour rapporter la preuve de ce fait, ainsi acquis.

Il considère dès lors que le secret professionnel fait obstacle à la communication à l’un des clients du notaire du relevé de compte d’un autre client du même notaire, une telle communication étant inutile à la solution d’un litige futur car le notaire avait confirmé la restitution des fonds à plusieurs reprises par écrit.

 

 

 

 

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