Résumé synthétique des notes établies en vue des assemblées générales des compagnies par la caisse centrale de garantie de la responsabilité professionnelle des notaires – mai 2023 – 1ère partie

  • Dépôt de la déclaration de succession

En matière de déclaration de succession, une réponse ministérielle du 15 février 2022 a rappelé les obligations du notaire en application d’une jurisprudence constante :

  • S’il n’a pas accompli toutes les diligences nécessaires, permettant d’assurer le dépôt de la déclaration de succession et le paiement des droits dans les délais fiscaux, sa responsabilité peut être engagée.
  • Si le règlement de la succession est complexe et ne permet pas au notaire de déposer la déclaration dans les délais, il doit attirer l’attention de ses clients sur la possibilité de souscrire une déclaration partielle et de verser un acompte sur les droits afin d’éviter le paiement de pénalités de retard. À défaut sa responsabilité peut être engagée sur le fondement de son devoir de conseil.

Seront traités successivement des illustrations jurisprudentielles touchant à l’obligation de diligence du notaire afin de déposer la déclaration dans les délais (A), à l’obligation d’information du notaire sur les sanctions encourues à défaut de dépôt dans les délais (B) et à la preuve du conseil donné (C).

  • Délais pour déposer la déclaration de succession : obligation de diligence du notaire

CA Montpellier, 27 février 2020, JCPG 2020, n° 15, act. 470. M. Monnier a jugé que la complexité de la succession ne suffit pas à justifier le dépôt tardif de la déclaration de succession lorsque le notaire ne rapporte pas la preuve d’avoir fait toutes les diligences nécessaires dans les six mois prescrits pour déposer la déclaration de succession et ce malgré l’information donnée sur le délai de 6 mois et les conséquences fiscales.

CA Versailles, 19 décembre 2019, inédit, a jugé que la procédure judiciaire engagée par un des héritiers un an après le décès en annulation du legs, ne justifie pas le dépôt tardif de la déclaration de succession. En effet, la procédure judiciaire doit être introduite dans le délai de 6 mois pour que l’administration admette le report du délai. En l’espèce la procédure ayant été engagée après l’expiration de ce délai, celui du dépôt ne pouvait être reporté.

CA Nancy, 17 octobre 2022, inédit, a jugé que le notaire, commis judiciairement, chargé du règlement d’opérations susceptibles de connaître des incidences fiscales requérant le dépôt d’une déclaration auprès de l’administration doit, notamment s’il ne procède pas lui-même à ce dépôt, donner toutes les informations utiles et d’avertir les personnes intéressées à la succession des difficultés relatives à la déclaration de succession et au paiement des droits dus à l’administration fiscale et les sanctions encourues. Le fait qu’il soit nommé judiciairement ne le libère pas de ces obligations.

Elle a jugé en outre que dès lors que certains légataires universels étaient défaillants dans les versements des droits et qu’il n’existait pas de solidarité entre eux, il devait être souscrit à des déclaration de succession à titre individuel, les faisant ainsi échapper aux pénalités et intérêts de retard du fait de la défaillance des autres légataires dès lors que l’intégralités de leurs propres droits était versée lors du dépôt. Le notaire devait soit leur conseiller de déposer une déclaration à titre individuel en donnant les éléments pour y procéder, soit déposer pour leur compte uniquement des déclarations de succession à titre individuel.

CA Amiens, 5 avril 2022, inédit, en l’espèce une défunte laisse pour lui succéder un neveu en qualité de légataire universel, une légataire particulière et son fils héritier. Le notaire a rencontré des difficultés et a déposé la déclaration de succession 4 ans après le décès aux seuls noms du fils et de la légataire.

Le neveu, après avoir reçu un courrier de l’administration fiscale indiquant qu’en l’absence de déclaration il était procédé à une taxation d’office, a assigné le notaire.

Les juges ont considéré que le notaire avait été diligent, en particulier face aux réticences persistantes de l’héritier et aucune faute de sa part ne pouvait être mise en évidence qui était en relation de causalité avec le redressement fiscal ou un quelconque préjudice.

CA Nancy, 3 décembre 2019, inédit, a jugé que peu importe la complexité de la succession, il incombe au notaire, dans le cadre des diligences à effectuer pour permettre le dépôt de la déclaration de succession et le paiement des droits dans les délais prévus, d’attirer l’attention de ses clients sur la possibilité de souscrire une déclaration partielle accompagnée d’un acompte sur les droits afin d’éviter le paiement de pénalités de retard.

Il a été précisé par l’administration fiscale que les déclarations partielles ne sont acceptées en principe qu’avant l’expiration du délai légal imparti pour souscrire la déclaration (BOI6ENR-DMTG-10-60-10).

  • Sanction du dépôt tardif de la déclaration : information des héritiers

CA Paris, 20 septembre 2020, inédit, a retenu une faute du notaire en considérant qu’il était tenu d’informer les héritiers des conséquences du dépassement du délai légal pour le dépôt de la déclaration de succession et la possibilité de verser un acompte au titre des droits de succession afin de limiter l’ampleur des intérêts et pénalités de retard d’ores et déjà encourus. En effet, le notaire avait été saisi en l’espèce 16 mois après le délai.

CA Paris, 14 septembre 2022, inédit, a retenu que le notaire a manqué à son devoir de conseil et son obligation de diligence en s’abstenant de conseiller à la légataire de verser un acompte en règlement des droits de succession dès l’envoi en possession et en n’en versant aucun dans le délai légal de 6 mois suivant le décès puis dans le délai de 12 mois alors que des liquidités étaient disponibles.

TJ Lille, 10 janvier 2023, inédit, a jugé que lorsque les héritiers reçoivent une mise en demeure d’effectuer le dépôt de la déclaration de succession dans les 90 jours, le notaire doit leur expliquer les conséquences et les inciter à déposer la déclaration de succession.

  • Preuve du conseil donné aux héritiers

Cass. civ. 1ère, 8 décembre 2021, inédit, la charge de la preuve du conseil donné repose sur le notaire (arrêt rendu en matière de déclaration de succession).

CA Paris, 4 mars 2021, inédit. En l’espèce des héritiers ont assigné le notaire en raison du retard dans le dépôt de la déclaration de succession.

Il leur avait remis par courrier une note portant sur « le volet fiscal du règlement d’une succession » qui les informait de leurs obligations et options en la matière, notamment l’obligation de dépôt de la déclaration de succession dans les 6 mois. Cette note était accompagnée d’un courrier les invitant à « la lire attentivement ».

La cour d’appel a toutefois considéré que ce document, bien que mentionnant cette obligation, ne comportait pas de signe – caractère gras ou autre – destiné à attirer l’attention sur cette mention et sans y associer les sanctions qui n’était exposée qu’au bas de la page suivante, faisant corps avec les explications relatives au paiement des droits.

Il ne comportait pas non plus une signature ou mention propre à indiquer que le notaire en avait donné lecture aux héritiers ou qu’il s’était attaché à vérifier qu’ils en avaient effectivement pris connaissance.

Enfin, le paragraphe de rappel qui figure dans l’acte de notoriété, sous le paragraphe fiscal est considéré comme une information des héritiers mais donnée dans le cadre de l’exercice formel de lecture de l’ensemble de l’acte en l’étude, et n’attire pas, selon la cour d’appel, spécialement l’attention.

En somme, selon la cour d’appel, l’information donnée a été purement formelle et n’a pu dispenser le notaire d’avoir à rappeler cette obligation de déclaration aux héritiers, ni à leur donner les conseils appropriés permettant d’y satisfaire.

CA Versailles, 18 février 2020, inédit. En l’espèce des héritiers ont sollicité d’un notaire de préparer la déclaration. Celle-ci a été déposée 15 mois après le décès, dans l’attente de la vente d’un bien immobilier et les héritiers ont dû verser des pénalités et ont assigné le notaire en réparation de leur préjudice.

L’acte de notoriété mentionnait que les ayants droits avaient reconnu avoir été informés de l’obligation de déposer la déclaration de succession dans un délai de 6 mois à compter du décès, à défaut de quoi des intérêts de retard étaient dus. Il précisait également qu’ils avaient été avertis qu’en cas d’impossibilité de déposer la déclaration complète, avec paiement intégral des droits, des acomptes pouvaient être réglés ; réduisant l’assiette de calcul des intérêts de retard mais non des pénalités.

Le notaire avait, en outre, réitéré ces informations par un courrier qui a été retourné signé par les quatre héritiers, sur lequel trois d’entre eux avaient porté la mention « lu et pris connaissance ».

La cour d’appel a jugé que ce courrier apportait une réponse circonstanciée au courriel d’un des héritiers qui demandait à compter de quand le délai de 6 mois était décompté et quelles étaient les conséquences si la promesse de vente était exécutoire après les six mois.

En somme le notaire avait, en l’espèce, exécuté son devoir de conseil et d’information relatif aux conséquences fiscales du non-respect du délai.

 

  • Vente d’immeuble et servitudes grevant le bien – devoir d’investigation et d’information du notaire

Dans l’hypothèse d’une vente d’immeuble, le notaire doit rechercher d’éventuelles servitudes (A) pour informer l’acquéreur de leur teneur et d’assurer l’efficacité de son acte (B).

  • La recherche de servitudes existantes

  • Vérification des déclarations du vendeur

CA Nîmes, 2 novembre 2010, inédit. En l’espèce des époux ont créé une servitude temporaire d’épandage au bénéfice de parcelles vendues sur les parcelles restant en leur possession, en attendant la construction d’un égout municipal. La servitude a été régulièrement publiée.

10 ans plus tard, ils ont échangé les fonds servant avec d’autres immeubles sans que la servitude n’ait été rappelée dans l’acte et les co-échangistes, souhaitant effectuer des travaux, n’ont pas pu les réaliser.

La cour d’appel considère que la servitude ayant été publiée, il appartenait au notaire de s’assurer que le bien n’était grevé d’aucune servitude et qu’il avait commis une faute en n’effectuant pas les recherches nécessaires et élémentaires en ayant omis de mentionner l’existence de la servitude d’épandage.

La cour d’appel a néanmoins partagé la responsabilité à concurrence de 2/3 à la charge des époux vendeurs et de 1/3 à la charge du notaire en considérant que les premiers, à l’origine de la création de la servitude, se devaient de contracter loyalement et de rappeler l’existence de celle-ci.

  • Vérification de l’état hypothécaire et lecture des actes antérieurs

Cass. civ. 1ère, 1er février 2022, inédit : Bien que le notaire doit lever un état hypothécaire complet, être particulièrement vigilant en effectuant éventuellement des recherches au-delà de 30 ans en cas de doute sur l’existence de servitudes et investiguera de façon approfondie en s’appuyant sur son expérience et en fonction de la nature urbaine ou rurale du bien, il n’a pas à rechercher systématiquement de servitudes dans les titres des parcelles voisines.

CA Grenoble, 1er février 2022, inédit : Une vente de trois parcelles ne faisant état d’aucune servitude est réalisée en 2013. Une propriétaire voisine revendiquait sur son fonds le bénéfice d’un droit de passage matérialisé par un chemin carrossable sur l’une des parcelles. L’existence de la servitude n’étant plus contestée, l’acquéreur a assigné le vendeur et le notaire en réparation du préjudice causé par l’absence de mention de la servitude dans l’acte d’achat.

La cour d’appel a considéré que le notaire n’était pas fautif en ayant accompli toutes les obligations qui lui incombaient en mentionnant les actes translatifs jusqu’au 1974 dont aucun ne faisait référence à la servitude litigieuse.

Elle a en outre considéré que le notaire n’a aucune obligation de se rendre sur les lieux et que dans le silence du vendeur il ne disposait d’aucun élément lui permettant de suspecter l’existence d’une servitude.

CA Pau, 4 avril 2017, inédit : En l’espèce des époux acquièrent un terrain en 2012. Le vendeur avait indiqué qu’à sa connaissance aucune servitude ne grevait le bien vendu et le notaire a levé un état hypothécaire avant la vente.

Après la signature de l’acte, les acquéreurs ont été informés de l’existence d’une servitude conventionnelle, régulièrement publiée, grevant le bien. Elle était mentionné sur l’état levé par le notaire.

La cour d’appel considère que le notaire a commis une faute en ne décelant pas la servitude conventionnelle de passage, publiée le 1er avril 207 au service de la publicité foncière et reportée sur l’état hypothécaire levé sur la vente.

  • La présence d’autres indices

Le notaire ne doit approfondir ses recherches, en cas de servitude ni publiée, ni apparente, qu’en présence d’indices permettant d’en suspecter l’existence.

 CA Lyon, 21 mai 2015, inédit, a considéré que la connaissance du notaire n’était pas rapportée quand l’acte créant la servitude n’avait été ni enregistré, ni publié, ni régularisé sous la forme authentique et que la servitude n’apparaissait pas au cadastre.

Cass. civ. 3ème, 8 février 2018, inédit. En l’espèce des époux acquièrent un ensemble immobilier comprenant deux maisons d’habitation à rénover. Suite à la vente des voisins invoquent une servitude de passage sur une des parcelles pour desservir leur propre parcelle et occuper la pièce située au-dessus de la cuisine des acquéreurs. Une expertise constate l’état d’enclave et une copropriété de fait qui justifiait une servitude de passage s’étendant à l’escalier extérieur.

Les acquéreurs assignent le vendeur, le notaire et l’agent immobilier en résolution de la vente, en restitution du prix et des dépenses engagées ainsi qu’en dommages et intérêts.

La Cour de cassation rejette le pourvoi dirigé contre le notaire en considérant que la preuve n’était pas rapportée qu’avaient été fournis au notaire des éléments ou indices de nature à lui faire supposer l’existence de servitudes de passage pour état d’enclave et qu’il ne pouvait lui être reproché de n’avoir pas procédé à des recherches pour apporter des conseils utiles aux acquéreurs.

En revanche la responsabilité du vendeur, qui connaissait les lieux, et de l’agent immobilier, qui avait visité les lieux, ont été reconnues.

  • Information relative à la teneur de la servitude

CA Limoges, 5 avril 2018, inédit. En l’espèce une parcelle cédée supportait une servitude de passage établie du fait de l’homme. Celle-ci était mentionnée sur un extrait de plan cadastral annexé à l’acte authentique et décrite dans le titre antérieur de 2011. Elle avait été par ailleurs publiée.

Le propriétaire du fonds dominant faisait valoir que l’assiette était incomplète en se référant à la description présente dans son titre de propriété datant de 1949, lequel instaurait la servitude et intégralement publié.

La cour d’appel considère que le notaire aurait dû lever toute incertitude sur l’étendue de l’assiette de la servitude de passage pesant sur le bien cédé, y compris par la consultation du titre du fonds contigu dominant au service de la publicité foncière, contenant la retranscription intégrale de la servitude litigieuse.

CA Rouen, 13 septembre 2017, inédit. Un acte de vente faisait état d’une servitude de passage profitant à l’acquéreur et précisait que l’assiette du droit avait fait l’objet d’un litige définitivement jugé. Toutefois la décision n’était pas annexée à l’acte.

La décision reconnaissait un droit de passage moins général que celui que le notaire avait repris d’un acte précédemment entaché d’une erreur d’interprétation de la décision.

La cour d’appel retient une faute du notaire « en faisant référence dans son acte à une décision de justice qu’il ne s’est pas donné les moyens d’obtenir pour en contrôler le contenu. »

Vous ne pouvez pas copier le contenu de cette page.