Doctrine administrative :

Précisions sur le domaine et les conditions d’un permis modificatif en cas d’erreur sur la superficie des lots : Rép. Min. n° 1919, JO Sénat 1er déc. 2022, p. 6175 :

La question portait sur la nécessité de demander un permis d’aménager modificatif dans l’hypothèse où une société avait sollicité et obtenu un permis d’aménager pour la réalisation de travaux, au moment du dépôt des permis des erreurs dans les surfaces des lots sont constatées.

Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires y répond en considérant que la modification de la superficie dans le lotissement n’apporte pas au projet de lotissement un bouleversement tel qu’il en changerait la nature et qu’elle est ainsi possible au moyen d’un permis modificatif.

Toutefois ce ne serait pas le cas si la modification aboutit à une extension du lotissement en dehors du périmètre autorisé par le permis d’aménager initial car il s’agirait alors d’un nouveau lotissement devant faire l’objet d’une nouvelle demande.

Il précise ensuite que la demande de permis modificatif son instruction procède des même délais que l’instruction d’un permis d’aménager initial et que cette nouvelle instruction prend en compte l’ensemble des éléments du dossier modifié et qu’il doit comporter les modifications cohérentes des différentes pièces qui complètent ou se substituent à celle de l’arrêté initial.

Il précise enfin qu’indépendamment de la nature et de l’importance des modifications envisagées, y compris pour une erreur dans les surfaces, une demande d’autorisation d’urbanisme modificative devra être déposée car l’autorisation d’urbanisme n’ouvre des droits que pour le projet qu’elle autorise. Qu’ainsi une autorisation erronée, différente du projet réalise, même si ce dernier est conforme aux règles d’urbanisme, expose son titulaire au risque de se voir infliger des sanctions au titre du code de l’urbanisme.

Non-application des sanctions de l’article L. 480-4-1 du code de l’urbanisme en cas de construction illégale en lotissement : Rép. Min. n° 2241, JO Sénat, 1er déc. 2022, p. 6179 : 

La question était de savoir si l’article L. 480-4-1 du code de l’urbanisme ne s’applique que dans les cas d’une mise en conformité de la construction ou si ces dispositions s’appliquent également à une construction illégale et sans permis de construire.

Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires répond que la sanction prévue par l’article L. 480-4-1 d’amende de 15 000 € en cas de vente ou de location de terrains bâtis ou non bâtis dans un lotissement n’ayant pas fait l’objet d’un permis d’aménager ou de déclaration préalable) s’applique aussi dans le cas de vente ou de location et de non-respect des prescriptions prévues par l’arrêté de permis d’aménager ou de non opposition à déclaration préalable si cette dernière a été obtenue.

Il considère toutefois que le texte traite uniquement des ventes de lots réalisées en l’absence d’une autorisation de lotir (permis d’aménager et déclaration préalable) et non de la situation des constructions illégales devant faire l’objet d’un permis de construire de régularisation.

Régime fiscal de l’entrepreneur individuel et extinction de l’EIRL : BOI-BIC-CHAMP-70-10, 23 nov. 2022 ; BOI-BIC-CHAMP-70-30, 23 nov. 2022 :

  1. Régime fiscal de droit commun

En vertu de l’article 6 du CGI, l’entrepreneur individuel est personnellement assujetti à l’impôt sur le revenu à raison des bénéfices réalisés lorsqu’il est :

  • Une personne seule
  • Une personne mariée lorsque l’époux fait l’objet d’impositions distinctes en vertu de l’art. 4 du CGI.
  • Une personne mariée ou liée par un Pacs lorsque les époux ou les partenaires font l’objet d’impositions distinctes en application de l’art. 5 du CGI à condition qu’ils aient opté de manière irrévocable pour l’imposition distincte des revenus dont chacun a personnellement disposé dans les délais prévus de la déclaration initiale des revenus mentionnés à l’art. 170 CGI.
  • Un enfant mineur imposé distinctement en application de l’article 6, 2 du CGI.

En revanche les bénéfices sont rattachées au foyer fiscal et donnent lieu à une imposition commune aux deux époux ou deux partenaires pacsés lorsque l’entrepreneur individuel est :

  • Une personne mariée ou pacsé (sous réserve de l’article 6, 4 et 5 du CGI).
  • Un enfant considéré comme à charge (sous réserve de l’article 6, 2 du CGI).
  • Un enfant majeur rattaché (art. 6, 3 CGI).

Nb : seul l’époux ou le partenaire pacsé qui exerce une activité industrielle, commerciale ou artisanale est compétent pour souscrire la déclaration spéciale de son bénéfice industriel et commercial et pour suivre les procédures de fixation des bases d’imposition ou de rectification des déclarations relatives à cette catégorie de revenues.

L’administration fiscale considère ainsi que la création d’une entreprise individuelle relevant du droit commun n’entraine pas la création d’une personne fiscale distincte de celle de l’entrepreneur individuel quoiqu’elle emporte des conséquences sur le plan juridique.

Il en résulte que le transfert des biens du patrimoine personnel dans le patrimoine professionnel ne constitue pas un fait générateur d’imposition et n’entraîne pas la réalisation de plus-value.

Aussi si un déficit est constaté, il est imputé sur le revenu global de l’exploitant l’année de sa constatation et si après imputation un reliquat déficitaire subsiste il est reporté sur le revenu global des années suivantes jusqu’à la sixième inclusivement (art. 156, 1, CGI).

Toutefois les déficits des loueurs en meublé non professionnels ne sont imputables que sur les bénéfices retirés de la même activité et des autres activités non professionnelles du foyer fiscal (art. 15, I-1° ter CGI).

  1. Le régime fiscal optionnel

 

  1. L’option pour l’assimilation à une EURL ou une EARL

Les entrepreneurs peuvent opter pour l’assimilation de l’entreprise individuelle à une EURL ou une EARL qui emporte assujettissement à l’impôt sur les sociétés.

  1. Les modalités d’option (art. 350 bis de l’annexe III du CGI).

 

  1. La forme de l’option

L’entrepreneur individuel doit adresser une notification au service des impôts du lieu de son principal établissement, ledit service lui délivre un récépissé de cette notification.

La notification doit indiquer :

  • La dénomination et l’adresse de l’entreprise individuelle.
  • Les noms et prénom, adresse et signature de l’entrepreneur individuel exerçant son activité dans le cadre de cette entreprise.

 

  1. Le délai d’option

Cette option doit être notifiée avant la fin du 3e mois de l’exercice au titre duquel l’entrepreneur individuel souhaite que son entreprise individuelle soit assimilée à une EURL ou une EARL (art. 1655 sexies).

  1. Le règles applicables aux transferts de biens

 

  1. Les règles applicables aux biens provenant du patrimoine personnel de l’EI

La prise en compte d’un bien issu du patrimoine personnel dans le patrimoine professionnel n’est pas générateur d’une plus-value imposable.

En cas de cession ultérieure du bien, il faudra en revanche déterminer deux plus-values distinctes soumises à des régimes fiscaux différents :

  • Une plus-value à caractère privée qui correspond à celle réalisée pendant la période de détention dans le patrimoine personnel du contribuable. Elle est imposable selon le régime des plus-values des particuliers.
  • Une plus-value à caractère professionnel qui correspond à celle acquise par le bien depuis sa date d’inscription au bilan (ou au tableau des immobilisations) jusqu’au jour de sa cession effective. Elle est soumise au régime des plus-value professionnelles.

 

  1. Règles applicables aux entrepreneurs individuels ayant opté pour l’assimilation à une EURL ou à une EARL

Les conséquences fiscales de l’option sont les suivantes :

  • Le transfert des biens inscrits au patrimoine de l’entreprise individuelle à celui de l’entreprise individuelle à une EURL ou une EARL doit être fiscalement traité de la même façon que l’apport de ces biens du patrimoine de l’entreprise individuelle à celui d’une EURL ou une EARL.
    • Un tel transfert entraîne la constatation des plus-values ou de moins-values professionnelles. Les plus- values professionnelles dégagées à cette occasion peuvent bénéficier des exonérations et abattements prévus à l’article 151 septies et 151 septies B du CGI.
    • Lorsque le bien a d’abord figuré dans le patrimoine personnel de l’EI puis a transité par le patrimoine professionnel de l’EI avant d’intégrer celui de l’EI assimilée à une EURL ou une EARL, la fraction de la plus-value acquise pendant la période où le bien a figuré au patrimoine personnel est immédiatement imposable selon les règles applicables aux plus-values des particuliers.
    • La valorisation des biens correspondant à des éléments d’actif immobilisé inscrits au patrimoine de l’EI assimilée à une EURL ou une EARL se fait dans les conditions de droit commun (conformément à l’article 38 quinquies d l’annexe III du CGI), c’est-à-dire pour leur valeur d’origine.
      • La valeur d’origine est entendue comme la valeur réelle du bien au jour de l’assimilation de l’entreprise individuelle à une EURL ou une EARL.
      • Pour l’application des règles fiscales et la détermination des résultats de l’entreprise individuelle ainsi assimilée, seule est prise en compte la valeur réelle du bien au jour de l’assimilation de l’EI.
    • L’amortissement des biens inscrits au patrimoine de l’EI assimilée est pratiquée dans les conditions du droit commun. En vertu de l’art. 39, 1, 2° du CGI, la durée d’amortissement correspond à la durée réelle d’utilisation appréciée à la date d’assimilation. La base d’amortissement fiscal correspond à la valeur d’origine des biens. La déduction des amortissements est, enfin, subordonnée à leur inscription en comptabilité.
  • La cessation de l’entreprise individuelle, les activités de cette entreprise étant exercées par l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou une EARL.
    • La cessation de l’EI emporte taxation immédiate des bénéfices non encore imposés (201 et 202 CGI).

Dès lors que le transfert des biens au patrimoine professionnel est assimilé fiscalement à un apport, les reports d’imposition des plus-values et les sursis d’imposition des profits sur stock (art. 151 octies CGI) sont susceptibles d’être appliquées, peu importe que l’EI soit imposée selon le régime des sociétés de personne ou à l’impôt sur les sociétés.

Si les conditions sont remplies, l’EI peut appliquer aux plus-values professionnelles dégagées à cette occasion les exonérations et abattements prévus par l’article 151 septies et 151 septies B du CGI.

Les dispositifs de faveur dont le bénéfice est conditionné à la réalisation d’un apport dans les condition de l’article 151 octies du CGI sont susceptibles d’être appliquées.

NB : le dispositif prévu à l’article 151 octies n’étant pas cumulable avec l’exonération prévue par l’article 151 septies, les entrepreneurs qui peuvent bénéficier des deux régimes peuvent choisir le plus favorable.

Les dispositions (de l’art. 151 sexies CGI) relatives au régime des « biens migrants » s’appliquent aux biens utiles à l’exercice de l’activité professionnelle du contribuable.

Les biens utiles comprennent les biens, droits, obligations sûretés qui par nature ou destination contribuent à l’activité ainsi que les biens utilisés en partie à titre professionnel et à titre personnel.

L’entrée dans le patrimoine professionnel d’un tel bien ne constitue pas une cession à titre onéreux et ne donne pas lieu à la constatation de la plus-value immédiatement imposable entre les mains de l’entrepreneur suivant le régime des plus-values des particuliers.

En revanche le transfert d’un bien qui n’est pas utile à l’exercice de l’activité professionnelle constitue un apport en société immédiatement imposable en application du régime des plus ou moins-values des particuliers.

Ces biens sont réputés apportés du patrimoine personnel à une EURL ou une EARL, ce qui constitue une cession à titre onéreux. La plus-value résultant de l’apport est immédiatement imposable entre les mains de l’entrepreneur par application du régime des plus-values des particuliers (art. 150-0 A  et art. 150 VH du CGI).

La valorisation de ces biens est effectuée selon les conditions de droit commun, pour leur valeur d’origine.

L’amortissement des biens est pratiquée dans les conditions de droit commun ; la durée d’amortissement correspond à la durée probable d’utilisation appréciée à la date de l’assimilation. La base d’amortissement fiscal correspond à la valeur d’origine des biens et la déduction des amortissements est subordonnée à leur inscription en comptabilité.

  1. Règles applicables au retour d’un bien dans le patrimoine personnel

À finir

 

Jurisprudences :

L’équilibre de l’article 270 du code civil au regard des intérêts respectifs des époux : Cass. civ. 1ère, 30 nov. 2022, n° 21-12.128 , publié :

La première chambre civile a rendu un arrêt pédagogique sur la prestation compensatoire.

Suite au prononcé d’un divorce, l’un des époux reproche, en se fondant sur le droit au respect de ses biens prévu par l’article 1er du protocole additionnel n° 1 à la CEDH, à une cour d’appel d’avoir fixé à 50 000 € la prestation compensatoire à sa charge.

L’époux mécontent attaque, sous plusieurs angles, l’article 270 du code civil.

Elle considère d’une part que le texte pose un principe général d’attribution d’une prestation compensatoire à un époux vivant visant à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, sans prise en compte des causes du divorce, de la situation financière de l’époux demander qui devrait se trouver dans une situation de besoin ou de la cause de la disparité dans les conditions de vie respectives et que le texte ne pose que des exceptions résiduelles et insuffisantes à ce principe.

Elle considère d’autre part que la compensation est allouée sans limite de temps, au regard de la durée de vie restante des époux après leur divorce.

Qu’ainsi ce texte n’aboutit pas à un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux, en particulier le droit au respect de ses biens.

La Cour de cassation va répondre à ces griefs de façon pédagogique, point par point :

Elle considère d’abord que l’article 270 du code civil qui prévoit la possibilité d’une condamnation pécuniaire de l’époux débiteur de la prestation compensatoire est de nature à porter atteinte au droit de celui-ci au respect de ses biens.

Elle précise toutefois que l’objet de ce texte est de compenser, autant que possible, la disparité que la rupture du mariage crée, avec la disparition des devoirs attachés au lien marital (en particulier le devoir de secours), dans les conditions de vie respectives des époux. Qu’ainsi il poursuit un but d’intérêt général tendant à la protection du conjoint dont la situation économique est moins favorable au moment du divorce et la célérité dans le traitement des conséquences de celui-ci.

Elle précise ensuite que, contrairement à ce qu’avance le demandeur, l’octroi de la prestation compensatoire repose sur plusieurs critères objectifs, définis par le législateur et appréciés souverainement par le juge.

Elle considère ainsi que du point de vue de la cause de la disparité, l’article 270 alinéa 2 du code civil n’ouvre droit au bénéfice d’une prestation compensatoire au profit de l’époux qui subit une disparité que si celle-ci résulte de la rupture du mariage, à l’exclusion de toute autre cause.

Elle considère ensuite, au regard des exceptions à la prestation compensatoire et à son rapport au temps, que l’article 270 alinéa 3 du code civil, permet au juge de refuser d’accorder une prestation compensatoire si l’équité le commande soit en considération des critères prévus à l’article 27 tels que l’âge des époux, leur situation au regard de l’emploi ou les choix professionnels qu’ils ont opéré ; soit en considération des circonstances particulière de la rupture ayant aboutie au prononcé d’un divorce pour faute au torts exclusifs de l’époux sollicitant ladite prestation.

Elle en conclut que l’article 270 du code civil ménage un juste équilibre entre le but poursuivi et la protection des biens du débiteur et ne fait pas peser sur ce dernier une charge spéciale et exorbitante.

Elle rejette ainsi la demande de l’époux d’être déchargée de la prestation compensatoire fixée à 50 000€ en capital par la juridiction d’appel.

Reconnaissance de paternité à l’égard d’un enfant ayant déjà une filiation établie : absence de nullité : Cass. civ. 1ère, 30 nov. 2022, n° 21-14.726, publié : 

Le 26 aout 2010, un enfant né en Allemagne est déclaré à l’état civil comme née de Mme Z et M. U, son époux.

Le 10 mars 2015 un jugement a dit que M. U n’était pas le père de l’enfant.

Le 28 aout 2015, M. I a reconnu l’enfant devant l’officier d’état civil.

Les époux contestent la constatation de la reconnaissance de paternité admise par la cour d’appel de Paris dans un arrêt, rendu sur renvoi après cassation, du 16 mars 2021, en considérant qu’en application de l’article 320 du code civil, tant qu’elle n’a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l’établissement d’un autre lien de filiation qui la contredirait.

Ainsi, le 28 aout 2015, à la date de la reconnaissance de paternité de M. I à l’égard de l’enfant, le lien de filiation de ce dernier avec M. U, constaté par l’acte de naissance, n’était pas anéanti puisqu’il ne l’avait été, en raison de l’effet suspensif de l’appel, que par l’arrêt du 16 mars 2021. Il en résulte que les juges du fond auraient dû s’opposer au constat des effets d’une reconnaissance de paternité au profit de M. I.

La Cour de cassation considère qu’il résulte de l’article 320 du code civil que la reconnaissance d’un enfant qui a déjà une filiation légalement établie n’est pas nulle mais seulement privée d’effet tant que cette filiation n’a pas été anéantie en justice.

Elle retient ainsi que la cour d’appel n’a constaté la reconnaissance de paternité de M. I sur l’enfant qu’après avoir retenu que M. U n’était pas son père en avait déduit à bon droit que cette reconnaissance produisait ses effets en dehors de toute action en établissement de paternité.

Point de départ du délai de prescription pour l’interdiction de gérer : Cass. com. 23 nov. 2022, n° 21-19.431, publié : 

Le 5 juillet 2012, M. F est mis en redressement judiciaire, la procédure étant étendue à trois sociétés dont il est le gérant.

Par jugement du 7 avril 2016, le plan de redressement arrêté a été résolu faute d’avoir été respecté et la liquidation judiciaire de M. F et des trois sociétés a été ouverte.

Par un arrêt du 7 novembre 2016 ce jugement a été annulé.

Le 19 septembre 2019 la société désignée liquidateur a assigné M. F pour voir prononcer son interdiction de gérer.

M. F reproche à la cour d’appel d’avoir déclaré l’action recevable comme non prescrite en considérant que l’annulation par la cour d’appel du jugement qui prononce la liquidation judiciaire pour une irrégularité de procédure n’affectant pas l’acte introductif d’instance ne reporte pas le point de départ de la prescription à la date de cet arrêt.

La Cour de cassation considère que le jugement prononçant une liquidation judiciaire après résolution d’un plan entraîne l’anéantissement rétroactif de cette décision et que les actions en faillite personnelle ou interdiction de gérer se prescrivent par 3 ans à compter du jugement qui ouvre la procédure de redressement ou liquidation judiciaire (art. L. 653-1, II c. com.).

Elle considère en outre que l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire après la résolution du plan de redressement constitue une nouvelle procédure et qu’il s’en déduit que le délai de prescription de 3 ans commence à courir à compter de la décision d’ouverture de la nouvelle procédure.

Elle considère enfin que l’annulation du jugement du 7 avril 2016 privant rétroactivement ce dernier de tout effet, le point de départ du délai de prescription de 3 ans ne peut être la date du jugement annulé mais doit être fixé à la date de l’arrêt ayant annulé le jugement et ouvert la liquidation judiciaire.

En l’espèce ce dernier ayant été rendu le 7 novembre 2016, l’action du liquidateur introduite par assignation du 19 septembre 2019 est recevable, l’action n’étant pas prescrite.

Interruption de la prescription de la déclaration de créance à l’égard de la caution jusqu’à la clôture de la procédure collective : Cass. com. 23 novembre 2022, n° 21-13.386, publié :

Une société souscrit un contrat d’ouverture de crédit en compte courant auprès d’une banque. Le 2 mai 2007, M. K s’est rendu caution de la société en faveur de la banque.

Par un jugement du 13 mars 2009 la société est mise en redressement judiciaire.

Le 6 avril 2009 la banque déclare sa créance.

Par ordonnance du 5 février 2010 la créance est admise.

Le 12 mars 2010 un tribunal arrête le plan de redressement.

Le 11 octobre 2013 le plan est résolu et la société mise en liquidation judiciaire.

Le 13 décembre 2016 la banque assigne la caution en exécution de son engagement.

La banque reproche à la cour d’appel d’avoir déclaré son action prescrite alors que la déclaration de créance interrompt la prescription à l’égard de la caution jusqu’à la clôture de la procédure.

La Cour de cassation considère qu’en vertu des articles 2241 et 2246 du code civil la déclaration de créance au passif du débiteur principal de la procédure collective interrompt la prescription à l’égard de la caution et que cet effet interruptif se prolonge jusqu’à la clôture de la procédure collective.

Elle considère ensuite qu’en vertu de l’article L. 631-20 du code de commerce la caution ne peut se prévaloir des dispositions du plan de redressement dont bénéficie le débiteur principal mais que ce texte ne fait pas échec à l’interruption de la prescription à son égard jusqu’au constat de l’achèvement du plan ou, en cas de résolution de celui-ci et d’ouverture de la liquidation judiciaire, jusqu’à la clôture de la procédure.

Elle considère ainsi qu’en l’espèce la banque avait déclaré sa créance le 6 avril 2009, le plan de redressement avait été arrêté le 12 mars 2010 et avait été résolu et la société mise en liquidation judiciaire le 11 octobre 2013. Il en résulte que l’action introduite par la banque le 23 décembre 2016 n’était pas prescrite. (Elle précise au demeurant qu’il s’agit d’une prescription quinquennale (art. L. 110-4 c. com)).

Elle casse alors la décision de la cour d’appel qui avait retenu que l’action de la banque été à nouveau possible contre la caution à partir de l’arrêté du plan de redressement.

Études :

Ch. Goldie-Génicon, « Donation-partage et indivision », JCP N, 9 déc. 2022, n° 49, 1281.

Malgré les arrêts du 6 mars (n° 11-21.892) et du 20 novembre 2016 (n° 12-25.681) ayant condamné la donation de quotes-parts indivises, l’auteur constate que cette pratique résiste aujourd’hui. Elle s’interroge ainsi sur les raisons du maintien de cette pratique avant d’aborder des propositions pour tenter de réduire la distance entre la jurisprudence et la pratique notariale.

  1. Les raisons de la survivance

 

  1. Le flou entourant le périmètre de la disqualification

Sur le principe de la disqualification

L’auteur considère qu’il était possible de reprocher au raisonnement de la Cour de cassation d’avoir admis la disqualification en donation ordinaire alors que les disposants étaient toujours en vie ; la sanction ne pouvant intervenir qu’au décès de ces derniers, lorsque tout espoir de partage était perdu.

L’auteur s’interroge ensuite sur la situation, non tranchée par les arrêts de 2013, des lots panachés mêlant, pour chaque attributaire, biens divis et indivis.

Elle s’interroge si la présence de biens divis au sein de chaque lot suffirait à faire obstacle à la disqualification de la donation-partage. Néanmoins elle exclut cette possibilité en raison de la clarté de l’attendu de principe des arrêts de 2013 (« Il n’y a de donation-partage que dans la mesure où l’ascendant effectue une répartition matérielle de ses biens entre ses descendants »). En effet la donation-partage exige un partage, un acte répartiteur, son principe étant de prévenir l’indivision.

Malgré la possibilité de procéder à un partage partiel quant aux biens dans le cadre du partage ordinaire, un tel partage partiel de l’indivision réduit le périmètre d’une indivision préexistante là où la donation-partage avec lots panachés crée une indivision qui ne préexistait pas (citant M. Grimaldi, Defrénois, 30 déc. 2013, n° 24, 1259.

Sur l’étendue de la disqualification

L’auteur s’interroge sur le fait de savoir si la disqualification est totale ou partielle ; si elle saisit l’acte intégralement ou uniquement les lots ou portions de lots indivis en laissant survive une donation-partage partielle couvrant les lots et portions de lots divis à côté d’une ou plusieurs indivisions ordinaires.

Elle considère que l’arrêt du 20 novembre semble indiquer une disqualification totale. En effet l’arrêt du 6 mars 2013 avait précisé que « l’acte qui n’attribuait que des droits indivis à 5 des gratifiés (sur 6) n’avait pu, à leur égard, opérer un partage » tandis que l’arrêt du 20 novembre avait retenu que « l’acte qui n’attribuait que des droits indivis à 2 des 3 gratifiés n’avait pu opérer un partage ». Ainsi, ce dernier arrêt disqualifie l’acte dans son intégralité tandis que l’arrêt du 6 mars avait, semble-t-il, maintenu les effets de l’acte au profit du gratifiés ayant reçu un lot divis.

L’auteur approuve la disqualification totale à la fois pour préserver la cohérence de l’acte et la volonté des donateurs mais aussi pour se prémunir d’une inégalité entre les gratifiés, les gratifiés de lots indivis subissant la requalification en donation ordinaire étant soumis au rapport tandis que ceux des lots divis y échapperaient.

La même solution devrait être retenue en présence de lots panachés.

L’auteur conseille alors que le disposant qui souhaite transmettre des biens divis et indivis devrait conclure deux actes : une donation-partage pour les biens divis et une donation ordinaire pour les biens indivis, afin d’éviter une disqualification totale.

Le trouble jeté par l’arrêt du 13 février 2019

Un arrêt ultérieure de la 1e chambre civile du 13 février 2019 (n° 18-11.642) rendu à propos de lots panachés qui avait fait l’objet d’un partage ultérieur des biens indivis par le disposant en application de l’article 1076 et que seule une partie des gratifiés avait accepté avait semé le doute.

La Cour de cassation y avait précisé que « le partage d’ascendants se forme dès que l’un des enfants a accepté son lot » alors qu’il était traditionnellement considéré que deux gratifiés étaient nécessaires pour former une donation-partage. Aussi la solution entraîne l’application du régime de la donation-partage au seul lot accepté alors que les autres attributaires étaient soumis au régime d’une donation ordinaire de quotes-parts indivises.

Cela aboutit à une division temporelle de la donation et du partage et un dépeçage de la donation en deux régimes, ce qui aboutit au même résultat qu’une disqualification partielle.

Ce faisant ce qui a été exclu par les arrêts de 2013 semble possible lorsque l’acte portant sur des lots panachés et formé en deux temps et que seule une partie des gratifiés acceptent leur lot.

L’auteur propose à cet égard d’introduire dans la donation-partage de quotes-parts indivises initiale une condition résolutoire de non-acceptation des lots proposés par le disposant. Le grief de la potestativité serait exclu car la condition ne dépendrait pas de la seule volonté du disposant mais de la volonté du gratifié. Elle aurait le mérite d’éviter le maintien d’une donation de quotes-parts indivises à côté d’une donation-partage en cas d’acceptation partielle des lots.

Contrairement à la jurisprudence civile, la doctrine administrative fiscale considère que « l’acte qui se borne à une simple attribution de quotité à chaque donataire, sans division matérielle des biens entre les descendants, est également considérée comme une donation-partage ».

Cette différence peut expliquer le maintien de la pratique notariale, prête à prendre le risque d’une disqualification civile.

  1. Le risque assumé de disqualification

La résistance de la pratique notariale peut s’expliquer par les dispositions fiscales de faveur pour les donations-partages tels que :

  • L’article 748 du CGI qui soustrait à certaines conditions les soultes au régime des actes translatifs à titre onéreux lorsque les biens indivis objets du partage avec soulte ont pour origine une donation-partage de quotes-parts indivises.
  • L’article 750 du CGI qui écarte dans les mêmes conditions pour les licitations portant sur des biens indivis issus d’une donation-partage, le régime des droits de mutation à titre onéreux pour leur appliquer le droit de partage.

Ces dispositions ont notamment pour effet d’exclure le régime des plus-values immobilières ce qui peut justifier la résistance de la pratique.

Ainsi dans la situation où les gratifiés bénéficient de lots indivis de même proportion, les effets de la disqualification seront indolores (obligation d’indemnisation d’un même montant pour chaque gratifié), de même que le gel de valeur le jour de la donation-partage pour le calcul de la réserve sera subi de la même manière par les gratifiés tout en profitant aux personnes exclues de la donation-partage en les protégeant du risque de surévaluation de leurs biens par rapport à ceux issus de la fausse donation-partage (citant M. Grimaldi, infra).

L’auteur remarque tout de même des effets négatifs de la requalification : gonflement de la masse de calcul du conjoint, remise en cause possible des donations incorporées dans la donation-partage ; anéantissement de l’acte en cas de donation-partage transgénérationnelle.

Surtout il y aurait un risque de subrogation dans le lot de chaque attributaire qui pourrait le rendre redevable d’un indemnité de rapport distincte de celles des autres en fonction de l’évolution de la valeur des biens ainsi acquis.

L’auteur note toutefois qu’il serait possible de limiter le risque par une clause d’inaliénabilité pendant la vie des disposant, en particulier lorsque la donation est assortie d’une réserve d’usufruit au profit du donateur.

Elle conseille, à cette égard, que si la donation est assortie d’une réserve d’usufruit, de prévoir au moment de la vente du bien indivis une convention de quasi-usufruit au profit du donateur sur le prix de vente ce qui écarterait la difficulté liée aux rapports de montants distincts (proposition reprise de celle faite par G. Bonnet et D. Vincent, Dr. & patr. 2015, n° 247, 20).

 

 

 

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