Loi de finances pour 2023, mesures relatives aux droits d’enregistrement :
L’article 22 de la loi de finance soumet, à partir du 1er janvier 2023, les baux de durée limitée de plus de 12 ans dans le champ d’application de la formalité fusionnée. Il en résulte qu’ils sont soumis uniquement à la taxe de publicité foncière mais non aux droits d’enregistrement (modification des articles 647 al. 1er et 665 alinéa 2 du CGI).
L’article 23 de la loi de finance clarifie le régime des droits de mutation à titre onéreux applicables à l’entrepreneur individuel.
La loi de finances pour 2022 a ouvert la possibilité à l’entrepreneur individuel, sans modifier son statut juridique, d’être fiscalement assimilé à une société – EURL ou EARL et, partant, d’assujettir ses résultats à l’impôt sur les sociétés par application de l’article 206 du CGI.
La loi de finances pour 2023 assimile expressément les cessions d’entreprises individuelles ou d’EIRL encore en activité ayant exercé l’option d’imposition à l’IS (application de l’article 1655 sexies CGI) à des cessions de droits sociaux (modification de l’article 726 CGI).
Les droits de mutation à titre onéreux sont, selon les travaux parlementaires, assis sur le prix de l’entreprise au moment de sa cession, net des emprunts contractés.
Le taux applicable à ces cessions est de 3% puisque l’entreprise individuelle ne dispose pas d’un capital “divisé en actions” ou de 5% en cas d’activité à prépondérance immobilière.
Ces dispositions s’appliquent, à défaut de précision dans la loi de finances, aux cessions effectuées à partir du 1er janvier 2023.
L’article 24 de la loi de finances pour 2023 établit un nouveau seuil d’exonération applicable aux transmissions de baux ruraux à long terme.
Bénéficient d’une exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit :
- Les biens donnés à bail à long terme, ou à bail cessible, dans les conditions prévues dans le code rural, pour les trois quart de leur valeur.
- Les parts de groupements fonciers agricoles; à concurrence des ¾ de la fraction de la valeur nette des biens donnés à bail à long terme ou à bail cessible.
Ces exonérations sont conditionnées par le fait que le bien demeure la propriétaire du donataire, héritier ou légataire pendant 5 ans à compter de la transmission à titre gratuit.
Lorsque la valeur des biens transmis excède 300 000 €, l’exonération est ramenée à 50% au-delà de cette limite (art. 793 bis al. 3 nouveau du CGI).
La limite d’exonération partielle est portée de 300 000€ à 500 000€ à condition que le donataire, héritier ou légataire conserve le bien pendant une durée supplémentaire de 5 ans, soit une durée totale de 10 ans (art. 793 bis al. 3 nouveau CGI).
Sans précision dans la loi de finances, le seuil de 500 000€ s’applique aux successions ouvertes et aux donations consenties à compter du 1er janvier 2023.
L’article 26 prévoit qu’à compter du 1er janvier 2023, les actes de reconnaissance de filiation devant notaire établis dans les cadre d’une assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneur, ainsi que les procédures prévue pour les couples de femme faites ayant eu recours à l’AMP à l’étranger avant la loi du 2 aout 2021 relative à la bioéthique sont exonérées de droits d’enregistrement (art. 847 bis CGI).
Aussi les actes notariés de consentement au recours à l’AMP par tiers donneur sont soumis à une exonération semblable.
L’article 27 prévoit que l’inscription au livre foncier de Mayotte des actes de notoriété portant sur des immeubles sans titre de propriété ne donne pas lieu à une perception au profit du Trésor (modification de l’article 1043 B du CGI).
- Cette mesure s’applique aux actes de notoriété déposés à compter du 6 octobre 2022.
L’article 66 prévoit que les actes notariés de notoriété acquisitive portant sur les immeubles situés en corse répondant aux conditions fixées par l’article 1er de la loi du 6 mars 2017 (prévues par décret n° 2017-1802 du 28 décembre 2017) sont désormais exonérés de taxe de publicité foncière.
- Cette disposition s’applique aux actes de notoriété dressés et publiés à compter du 1er janvier 2023.
Décret n° 2022-1620 du 23 décembre 2022 :
Ce décret précise les modalités de recours à la signature électronique avancée reposant sur un certificat qualifié par un déclarant.
Il permet au déclarant d’y substituer, avec les mêmes effets juridiques, le recours à une identification par un moyen électronique de niveau substantiel ou élevé figurant au sein du schéma d’identification électronique, associé à une signature électronique simple.
Il prévoit également que les greffiers des tribunaux de commerce et des tribunaux judiciaires statuant en matière commerciale auront accès à l’intégralité des informations contenues sur le Registre national des entreprises (créé par l’ordonnance du 15 septembre 2021) pour l’exercice de leurs missions.
Il ajoute enfin un cas de radiation de ce registre pour les entreprises étrangères sans établissement stable en France qui n’emploient pas de personnes affiliées à un régime de sécurité sociale lorsqu’elles ne respectent pas leur obligation de faire accréditer un représentant assujetti établi en France dans les conditions de l’articles 289 A du CGI.
Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2023.
Réponses ministérielles :
Application de l’encadrement des loyers aux résidences de services pour séniors sous le régime de la copropriété en autogestion : Rép. Min. À la question , n° 2109, JOAN 20 déc. 2022, p. 6569 :
L’article 140 de la loi ELAN fixe le champ d’application du dispositif d’encadrement des loyers ; il exclut de son champ le parc locatif social dont les loyers font l’objet d’une autre réglementation.
Les locations nues des résidences de service pour séniors, sous le régime de la copropriété en autogestion, ne bénéficient pas de dérogation relatives aux loyers, dès lors les règles d’encadrement des loyers s’y appliquent, notamment les règles relatives au complément de loyer.
Ces règles sont précisées à l’article 3 du décret 2015-650 du 10 juin 2015.
Un complément de loyer peut être justifié par les caractéristiques de localisation ou de confort d’un logement, lorsque ces caractéristiques réunissent les conditions suivantes :
- 1° Elles n’ont pas été prises en compte pour la détermination du loyer de référence correspondant au logement.
- 2° Elles sont déterminantes pour la fixation du loyer, notamment par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.
- 3° Elles ne donnent pas lieu à récupération par le bailleur, au titre des charges, ni à la contribution pour le partage des économies d’énergies pour les travaux réalisés par le bailleur (art. 23 et 23-1 de la loi du 6 juillet 1989).
Ainsi un complément de loyer peut être mis en place au sein d’une résidence de services pour séniors dès lors que ces conditions sont remplies.
Jurisprudences :
Condition suspensive d’obtention d’un prêt et indication d’un montant maximal : absence d’obligation d’accepter toute offre inférieure : Cass. civ. 3ème, 14 déc. 2022, n° 21-24.539, publié :
En l’espèce une promesse de vente d’un appartement est conclue. La promesse contient une condition suspensive d’obtention d’un prêt de 414 000 € maximum remboursable sur 25 ans au taux de 2% hors assurance.
Les acquéreurs notifient au vendeur leur renonciation à l’acquisition, la banque ne leur ayant consenti qu’un prêt de 407 000 €.
Le vendeur assigne les acquéreurs à lui verser la somme de 38 000 € au titre de l’indemnité d’immobilisation.
La cour d’appel avait rejeté la demande du vendeur en considérant que les acquéreurs n’étaient pas tenus d’accepter un financement d’un montant inférieur à celui qu’ils avaient estimé nécessaire à l’acquisition du bien. Ainsi la défaillance de la condition n’était pas imputable aux acquéreurs et la promesse était caduque.
Elle rejette l’argument du vendeur selon lequel les acquéreurs étaient tenus d’accepter toute offre de prêt de 414 000 € ou inférieur.
Les vendeurs forment un pourvoi appuyant sur le fait que la stipulation de la condition prévoyait que le financement de l’acquisition par un prêt d’un montant maximum de 414 000 €.
La Cour de cassation rejette l’argument en considérant que l’indication dans la promesse d’un montant maximal du prêt n’était pas de nature à contraindre les acquéreurs à accepter toute offre d’un montant inférieur.
Il s’en déduit que la défaillance de la condition, du fait d’une proposition de prêt formulée par la banque d’un montant inférieur au montant stipulé dans la promesse, n’était pas imputable aux acquéreurs et que la promesse étant devenue caduque, les vendeurs ne pouvaient exiger la perception de l’indemnité d’immobilisation.
Absence de publicité et de mise en concurrence préalables pour les baux portant sur des biens du domaine privé : CE, 7e et 2e ch. réunies, 2 décembre 2022, n° 460100, publié :
L’Hôtel du Palais est un bien qui relève du domaine privé de la commune de Biarritz.
Celle-ci a conclu deux baux commerciaux portant respectivement sur les murs et le fonds de commerce à la société d’économie mixte Socomix, dont elle possédait jusqu’au 15 octobre 2018 68% des actions.
Par une délibération du conseil municipal du 30 juillet 2018, celui-ci a autorisé le maire de la commune a signé avec Socomix un bail emphytéotique d’une durée de 75 ans portant sur les murs et dépendances du bien.
Un conseiller municipal a formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel ayant rejeté sa demande d’annulation de la délibération.
Concernant le cadre juridique, la CJUE, par un arrêt Promoimpresa du 14 juillet 2016 –C-458/14 et C-67/15) a jugé que les dispositions de l’article 12 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2012 (« directive services ») impliquent des obligations de publicité et de mise en concurrence préalablement à la délivrance d’autorisations d’occupation du domaine public permettant l’exercice d’une activité économique.
Ces dispositions ont été transposées à l’article L. 2155-1-1 du CG3P.
En l’espèce le Conseil d’État juge qu’il ne résulte ni des termes de la directive, ni de la jurisprudence de la CJUE que de telles obligations s’appliqueraient aux personnes publiques préalablement à la conclusion de baux portant sur des biens relevant du domaine privé, qui ne constituent pas une autorisation pour l’accès à une activité de service ou à son exercice.
Ce faisant en ne prévoyant pas de telles obligations, l’État ne peut être regardé comme n’ayant pas pris les mesures de transposition nécessaires de l’article 12 de la directive.
En l’espèce, la cour administrative d’appel qui a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de cette directive n’a ni inexactement qualifié les faits, ni commis d’erreur de droit.
Le pourvoi est ainsi rejeté.
Renonciation tacite à la revendication de la qualité d’associé par l’époux commun en biens : Cass. com. 21 septembre 2022, n° 19-26.203 , publié :
Le 17 juillet 1970 M. I et Mme B se sont mariés sous le régime de la communauté légale.
Le 13 juin 2007, M. I a notifié à la SARL Transport dont son épouse était la gérante, son intention d’être personnellement associé à hauteur de la moitié des parts sociales correspondant à l’apport que cette dernière avait effectué (art. 1832-2 c. civ.).
Face au refus de Mme B de lui communiquer les comptes de la sociétés transport, M. I l’a assigné ainsi que la SARL aux de voir constater sa qualité depuis le mois de juin 2007 et obtenir la communication de certains documents.
La société transport reprochait à la cour d’appel d’avoir admis la revendication de la qualité.
Elle arguait d’abord que les articles 223 et 1421 du code civil s’opposent à l’exercice de la revendication de la qualité d’associé lorsque l’époux apporteur exerce une profession séparée et que les parts sociales qu’il a acquises sont nécessaires à l’exercice de sa profession. En somme elle défendait le fait que la revendication de la qualité d’associé porterait atteinte aux droits sociaux de Mme B, celle-ci passant d’associé à hauteur de 50% du capital à 25% du capital par l’effet de le revendication.
Sur ce point la Cour de cassation répond que les textes visés, ayant pour objet de protéger les intérêts de l’époux exerçant une profession séparée, la société Transport n’était pas recevable à se prévaloir de l’atteinte que la revendication par M. I serait susceptible de porter au droit de Mme B d’exercer une telle profession.
Elle arguait ensuite que l’époux revendiquant était dépourvu d’affectio societatis, c’est-à-dire d’une volonté réelle et sérieuse de collaborer activement et de manière intéressée dans l’intérêt commun, avec les autres associés, à la réalisation de l’objet social.
La Cour de cassation considère toutefois que l’affectio societatis n’est pas une condition requise pour la revendication, par un époux, de la qualité d’associé sur le fondement de l’article 1840 du code civil.
Elle arguait enfin que la renonciation à un droit peut être tacite lorsqu’elle résulte d’actes manifestant sans équivoque la volonté de son auteur de renoncer à ce droit.
Elle reprochait alors à la cour d’appel d’avoir considéré que la renonciation à la qualité d’associé ne pouvait être qu’expresse et qu’aucune renonciation tacite ne pouvait faire obstacle à l’exercice de son droit de revendiquer la qualité d’associé.
Sur ce point, la Cour de cassation se fondant sur l’article 1134 al. 1er dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, considère que la renonciation à un droit peut être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon équivoque, la volonté de renoncer.
Refus de transmission d’une QPC sur le droit de préemption du locataire : Cass. civ. 1ère, 15 décembre 2022, n° 22-17.505 :
Par jugement d’adjudication du 16 mai 2019 un local commercial donné à bail est adjugé au profit d’une SCI.
Le 29 mai 2019 le locataire a déclaré exercer son droit de préemption sur le local adjugé.
Le 6 juin 2019 la commune a déclaré exercer son droit de préemption urbain.
Le locataire a demandé au juge de l’exécution de juger irrégulière cette déclaration intervenue postérieurement à la sienne et d’être déclarée adjudicataire en lieu et place de la SCI.
A l’occasion de son pourvoi contre l’arrêt d’appel, le locataire a posé une QPC : L’article L. 145-46-1 du code de commerce est-il conforme à la constitution, notamment à la liberté d’entreprendre (art. 4 DDHC), le principe d’égalité (art. 1er de la constitution de 1958, 1 et 6 DDHC) en ce qu’il prévoit d’accorder au locataire d’un local à usage commercial ou artisanal le bénéfice d’un droit de préemption seulement lorsque le propriétaire envisage de vendre ce local et non en cas de vente forcée dudit local sur adjudication ?
Pour être recevable, une QPC doit être applicable au litige, nouvelle et sérieuse.
La Cour de cassation considère d’abord, sur le terrain de l’égalité des chances que la question ne présente pas de caractère sérieux.
En effet l’hypothèse où le propriétaire d’un local commercial ou artisanal envisage de vendre se distingue de celle de la vente par adjudication.
Aussi cette différence de traitement entre ces deux opérations, qui relève de l’objet, lui-même distinct, de la loi, repose sur une différence de situation.
Elle considère ensuite que la question ne présente pas de caractère sérieux du point de vue de l’atteinte à la liberté d’entreprendre.
En effet l’exercice de la liberté d’entreprendre n’implique aucun droit d’acquérir le bien loué dans lequel est exercé une activité commerciale ou artisanale. Ce faisant la restriction législative du champ d’application du droit de préférence à certaines catégories de ventes n’emporte pas une atteinte à la liberté d’entreprendre.
Enfin, elle considère qu’en tout état de cause le locataire peut, comme toute personne, se porter enchérisseur de la vente par adjudication s’il justifie de garanties de paiement (art. L. 322-7 cpce).
La transmission de la QPC est dès lors rejetée par la troisième chambre civile.