Doctrine administrative 

Régime fiscal de l’entrepreneur individuel et extinction de l’EIRL : BOI-BIC-CHAMP-70-10, 23 nov. 2022 ; BOI-BIC-CHAMP-70-30, 23 nov. 2022 :

 (suite de la veille du 30 janvier 2023) :

  1. Règles applicables au retour d’un bien dans le patrimoine personnel
  1. Retour isolé d’un bien figurant au patrimoine professionnel
  1. Règles de droit commun

Le retour d’un bien dans le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel constitue le fait générateur d’une plus ou moins-value soumise à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des plus ou moins-values professionnelles.

Cette plus ou moins-value est déterminée à partir de la valeur d’origine dans le patrimoine de l’entreprise individuelle.

En cas de plus-value, elle bénéficie des exonérations et abattements prévus à l’article 151 septies et 151 septies B du CGI.

  1. Règles applicables aux EI assimilées à une EURL ou une EARL

La sortie d’un bien du patrimoine professionnel vers le patrimoine personnel doit être traité comme la sortie d’un bien du patrimoine social d’une EURL ou une EARL. Elle équivaut à une cession qui est suivie, le cas échéant, de la distribution des sommes réputées perçues en rémunération de cette cession.

Cette sortie est génératrice d’une plus ou moins-value imposée au titre de l’IS ou de l’IR lorsque l’EI assimilée a renoncé à l’assujettissement à l’IS.

En cas d’assujettissement à l’impôt sur les sociétés, les sommes perçues en rémunération de la cession et distribuées à l’entrepreneur individuel sont imposées à l’IR dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Ils sont soumis au taux forfaitaire d’imposition prévus à l’article 200 A, 1, B, 1° du CGI. Une fois le taux forfaitaire appliqué, il s’impute sur l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année au cours de laquelle il a été opéré.

Par dérogation il est possible d’opter pour l’intégration de ces revenus dans l’assiette du revenu global soumis au barème progressif de l’IR.

Ces revenus sous soumis aux prélèvements sociaux dans les conditions de l’art. 136-7 du code de la sécurité sociale.

La répartition correspondant à un remboursement d’apports ou de primes d’émission n’est toutefois pas assimilable à une distribution et les sommes réputées distribuées ne sont pas soumises à l’impôt à hauteur de ce remboursement.

Les réserves incorporées au capital et les bénéfices incorporés directement au capital ne sont pas considérés comme des apports.

Aussi la répartition ne peut constituer un remboursement d’apport qu’autant que tous les bénéfices et réserves autres que la réserve légale aient été préalablement répartis.

L’entreprise individuelle doit virer le résultat de l’exercice au compte de capital, le retrait d’un bien d’une telle entreprise ne pourra être assimilé à un remboursement d’apport que si tous les bénéfices ont été auparavant prélevés par l’entrepreneur individuel.

Lorsque le bien retiré avait figuré dans le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel et que son transfert avait généré une plus-value professionnelle dont l’imposition avait été reportée (art. 151 octies CGI), le retrait met fin au report.

  1. Liquidation de l’entreprise
  1. Situation de droit commun

La liquidation de l’entreprise individuelle génère une imposition immédiatement sur les bénéfices d’exploitation réalisés depuis la fin du dernier exercice taxé, sur des plus-values d’actif résultant de la cession ou de la cessation et sur tous les bénéfices en sursis d’imposition, provisions ou plus-values dont l’imposition avait été différée.

La liquidation emporte réunion du patrimoine professionnel et personnel.

  1. Situation des entrepreneurs individuels ayant opté pour l’assimilation

La liquidation emporte :

  • L’imposition des résultats non encore imposés à la date de la cession, dont les plus-values latentes, à l’IS ou à l’IR selon le régime fiscal.
  • Lorsque l’entrepreneur n’a pas renoncé à l’assujettissement à l’IS, l’imposition du boni de liquidation dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Le boni de liquidation correspondant à la différence entre le montant de l’actif net réel à la date de liquidation et les sommes correspondant, par assimilation, à des apports.

Elle peut emporter imposition immédiate des plus-values en report (art. 151 octies ou 151 nonies CGI)

Le décès de l’entrepreneur individuel associé à l’impossibilité pour les héritiers ou ayants droit de reprendre le patrimoine professionnel entraîne la dissolution et la cessation fiscale de l’entreprise individuelle.

La cessation fiscale peut également intervenir en cas de cessation totale ou partielle de l’activité, le changement réel d’activité ou le changement du régime d’imposition.

Jurisprudences :

Recouvrement de la somme due au titre d’une condamnation pour recel successoral sur les biens communs : Cass. civ. 2ème, 8 décembre 2022, n° 20-14.302, publié : 

En vertu de l’article 1413 du code civil, le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu’il n’y ait eu fraude de l’époux débiteur et mauvaise foi du créancier.

Il résulte de la combinaison des articles 1410 et 1411 du code civil que le paiement des dettes dont se trouvent grevées les successions échoient aux époux durant le mariage, lesquelles leur demeurent personnelles, ne peut être poursuivi que sur les biens propres et les revenus de l’époux débiteur.

La condamnation d’un époux au paiement d’une somme au titre d’un recel successoral, de nature délictuelle, ne grève pas la succession au sens de ces dispositions.

En l’espèce la Cour de cassation confirme que la paiement d’une hypothèque inscrite sur un bien immobilier prise au profit d’un héritier pour garantir la somme due à la suite d’une condamnation successoral pouvait être poursuivi sur ce bien.

 

 

Incompétence du notaire liquidateur pour trancher les contestations soulevées par les parties : Cass. civ. 1ère, 30 novembre 2022, n° 21-14.251, inédit :

En vertu de l’article 4 du code civil, il incombe au juge de trancher lui-même les contestations soulevées par les parties, lequel ne peut se dessaisir et déléguer ses pouvoirs à un notaire liquidateur.

Viole cette disposition la cour d’appel qui retient qu’un compte d’administration et de charges sera établi par le notaire en charge des opérations de partage, prenant en compte des dépenses de conservation exposées par l’un des héritiers pour un lot de copropriété appartenant au de cujus.

Donation d’un usufruit viager : extinction de l’usufruit à la mort du donateur : Cass. Civ. 1ère, 5 janvier 2023, n° 21-13.966, publié : 

En l’espèce le 19 octobre 1983 une personne consent à ses deux filles et son fils une donation de la nue-propriété de ses droits sur deux immeubles dépendant de la communauté ayant existé avec son époux prédécédé, puis consent le 5 juillet 2013 à son fils une donation portant sur l’usufruit de ces immeubles dont elle était titulaire pour moitié, pour se l’être réservé à la suite à la première donation et à concurrence de l’autre moitié, en qualité de donataire de la totalité de l’usufruit des biens dépendant de la succession de son époux.

Le 13 juillet 2014 l’épouse donataire décède.

Suite à des difficultés survenues au cours des opérations de partage des successions, les deux filles ont assigné leur frère en partage de l’indivision successorale et en paiement d’une indemnité d’occupation.

En vertu de l’article 595 alinéa 1er du code civil, l’usufruitier peut céder son droit à titre gratuit tandis qu’en vertu de l’article 617 du code civil, l’usufruit s’éteint par la mort de l’usufruitier.

Il résulte de la combinaison de ces textes qu’en cas de donation d’un usufruit déjà constitué à titre viager, l’usufruit s’éteint à la mort du donateur et non du donataire.

Viole ces textes la cour d’appel qui rejette la demande en indemnité d’occupation en retenant que l’usufruit donné le 5 juillet 2013 se serait éteint à la mort de la donatrice si celle-ci n’en avait fait donation à son fils de son vivant et que, si les trois enfants étaient nus-propriétaires des immeubles, le fils disposait de la totalité de l’usufruit.

Action en réduction visant une donation de biens : Cass. civ. 1ère, 5 janvier 2023, n° 21-13.151, publié :

En vertu de l’article 920 les libéralités directes ou indirectes qui portent atteinte à la réserve héréditaire sont réductibles à la quotité disponible lors de l’ouverture de la succession.

En vertu des articles 1438 et 1439 du code civil, sauf clause contraire, la donation de biens communs est réputée consentie à concurrence de moitié par chacun des époux, de sorte que sa réduction ne peut être demandée par leurs enfants communs qu’à due proportion, à l’ouverture de chacune des successions des co-donateurs.

La cour d’appel avait considéré que l’action « en déclaration de simulation » a pour but de révéler des biens communs, et que sa prescription court du jour du décès du premier donateur, soit le 6 octobre 2001 en l’espèce, et que le délai de 30 ans applicable antérieurement était toujours en cours au 19 juin 2008, date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008. Elle en déduit que l’action engagée par assignations des 25 et 2 mai 2016, soit 5 ans après le 19 juin 2008, était prescrite.

La Cour de cassation sanctionne ce raisonnement en considérant qu’à concurrence de la moitié de la donation, l’héritière demanderesse disposait d’un délai de 5 ans à compter du décès de son père, soit le 23 décembre 2013, pour engager une action en réduction relative à la succession de celui-ci, son action engagée en 2016 n’étant dès lors pas prescrite.

Études :

Ch. Goldie-Génicon, « Donation-partage et indivision », JCP N, 9 déc. 2022, n° 49, 1281.

Malgré les arrêts du 6 mars (n° 11-21.892) et du 20 novembre 2016 (n° 12-25.681) ayant condamné la donation de quotes-parts indivises, l’auteur constate que cette pratique résiste aujourd’hui. Elle s’interroge ainsi sur les raisons du maintien de cette pratique avant d’aborder des propositions pour tenter de réduire la distance entre la jurisprudence et la pratique notariale.

  1. Les raisons de la survivance

 

  1. Le flou entourant le périmètre de la disqualification

Sur le principe de la disqualification

L’auteur considère qu’il était possible de reprocher au raisonnement de la Cour de cassation d’avoir admis la disqualification en donation ordinaire alors que les disposants étaient toujours en vie ; la sanction ne pouvant intervenir qu’au décès de ces derniers, lorsque tout espoir de partage était perdu.

L’auteur s’interroge ensuite sur la situation, non tranchée par les arrêts de 2013, des lots panachés mêlant, pour chaque attributaire, biens divis et indivis.

Elle s’interroge si la présence de biens divis au sein de chaque lot suffirait à faire obstacle à la disqualification de la donation-partage. Néanmoins elle exclut cette possibilité en raison de la clarté de l’attendu de principe des arrêts de 2013 (« Il n’y a de donation-partage que dans la mesure où l’ascendant effectue une répartition matérielle de ses biens entre ses descendants »). En effet la donation-partage exige un partage, un acte répartiteur, son principe étant de prévenir l’indivision.

Malgré la possibilité de procéder à un partage partiel quant aux biens dans le cadre du partage ordinaire, un tel partage partiel de l’indivision réduit le périmètre d’une indivision préexistante là où la donation-partage avec lots panachés crée une indivision qui ne préexistait pas (citant M. Grimaldi, Defrénois, 30 déc. 2013, n° 24, 1259).

Sur l’étendue de la disqualification

L’auteur s’interroge sur le fait de savoir si la disqualification est totale ou partielle ; si elle saisit l’acte intégralement ou uniquement les lots ou portions de lots indivis en laissant survive une donation-partage partielle couvrant les lots et portions de lots divis à côté d’une ou plusieurs indivisions ordinaires.

Elle considère que l’arrêt du 20 novembre semble indiquer une disqualification totale. En effet l’arrêt du 6 mars 2013 avait précisé que « l’acte qui n’attribuait que des droits indivis à 5 des gratifiés (sur 6) n’avait pu, à leur égard, opérer un partage » tandis que l’arrêt du 20 novembre avait retenu que « l’acte qui n’attribuait que des droits indivis à 2 des 3 gratifiés n’avait pu opérer un partage ». Ainsi, ce dernier arrêt disqualifie l’acte dans son intégralité tandis que l’arrêt du 6 mars avait, semble-t-il, maintenu les effets de l’acte au profit du gratifié ayant reçu un lot divis.

L’auteur approuve la disqualification totale à la fois pour préserver la cohérence de l’acte et la volonté des donateurs mais aussi pour se prémunir d’une inégalité entre les gratifiés, les gratifiés de lots indivis subissant la requalification en donation ordinaire étant soumis au rapport tandis que ceux des lots divis y échapperaient.

La même solution devrait être retenue en présence de lots panachés.

L’auteur conseille alors que le disposant qui souhaite transmettre des biens divis et indivis devrait conclure deux actes : une donation-partage pour les biens divis et une donation ordinaire pour les biens indivis, afin d’éviter une disqualification totale.

Le trouble jeté par l’arrêt du 13 février 2019

Un arrêt ultérieure de la 1e chambre civile du 13 février 2019 (n° 18-11.642) rendu à propos de lots panachés qui avait fait l’objet d’un partage ultérieur des biens indivis par le disposant en application de l’article 1076 et que seule une partie des gratifiés avait accepté avait semé le doute.

La Cour de cassation y avait précisé que « le partage d’ascendants se forme dès que l’un des enfants a accepté son lot » alors qu’il était traditionnellement considéré que deux gratifiés étaient nécessaires pour former une donation-partage. Aussi la solution entraîne l’application du régime de la donation-partage au seul lot accepté alors que les autres attributaires étaient soumis au régime d’une donation ordinaire de quotes-parts indivises.

Cela aboutit à une division temporelle de la donation et du partage et un dépeçage de la donation en deux régimes, ce qui aboutit au même résultat qu’une disqualification partielle.

Ce faisant ce qui a été exclu par les arrêts de 2013 semble possible lorsque l’acte portant sur des lots panachés et formé en deux temps et que seule une partie des gratifiés acceptent leur lot.

L’auteur propose à cet égard d’introduire dans la donation-partage de quotes-parts indivises initiale une condition résolutoire de non-acceptation des lots proposés par le disposant. Le grief de la potestativité serait exclu car la condition ne dépendrait pas de la seule volonté du disposant mais de la volonté du gratifié. Elle aurait le mérite d’éviter le maintien d’une donation de quotes-parts indivises à côté d’une donation-partage en cas d’acceptation partielle des lots.

Contrairement à la jurisprudence civile, la doctrine administrative fiscale considère que « l’acte qui se borne à une simple attribution de quotité à chaque donataire, sans division matérielle des biens entre les descendants, est également considérée comme une donation-partage ».

Cette différence peut expliquer le maintien de la pratique notariale, prête à prendre le risque d’une disqualification civile.

  1. Le risque assumé de disqualification

La résistance de la pratique notariale peut s’expliquer par les dispositions fiscales de faveur pour les donations-partages tels que :

  • L’article 748 du CGI qui soustrait à certaines conditions les soultes au régime des actes translatifs à titre onéreux lorsque les biens indivis objets du partage avec soulte ont pour origine une donation-partage de quotes-parts indivises.
  • L’article 750 du CGI qui écarte dans les mêmes conditions pour les licitations portant sur des biens indivis issus d’une donation-partage, le régime des droits de mutation à titre onéreux pour leur appliquer le droit de partage.

Ces dispositions ont notamment pour effet d’exclure le régime des plus-values immobilières ce qui peut justifier la résistance de la pratique.

Ainsi dans la situation où les gratifiés bénéficient de lots indivis de même proportion, les effets de la disqualification seront indolores (obligation d’indemnisation d’un même montant pour chaque gratifié), de même que le gel de valeur le jour de la donation-partage pour le calcul de la réserve sera subi de la même manière par les gratifiés tout en profitant aux personnes exclues de la donation-partage en les protégeant du risque de surévaluation de leurs biens par rapport à ceux issus de la fausse donation-partage (citant M. Grimaldi, infra).

L’auteur remarque tout de même des effets négatifs de la requalification : gonflement de la masse de calcul du conjoint, remise en cause possible des donations incorporées dans la donation-partage ; anéantissement de l’acte en cas de donation-partage transgénérationnelle.

Surtout il y aurait un risque de subrogation dans le lot de chaque attributaire qui pourrait le rendre redevable d’un indemnité de rapport distincte de celles des autres en fonction de l’évolution de la valeur des biens ainsi acquis.

L’insertion de clauses pour limiter les risques de requalification :

L’auteur note toutefois qu’il serait possible de limiter ce risque par une clause d’inaliénabilité pendant la vie des disposant, en particulier lorsque la donation est assortie d’une réserve d’usufruit au profit du donateur.

Une autre solution, si la donation est assortie d’une réserve d’usufruit, consisterait à prévoir au moment de la vente du bien indivis une convention de quasi-usufruit au profit du donateur sur le prix de vente ce qui écarterait la difficulté liée aux rapports de montants distincts (proposition reprise de celle faite par G. Bonnet et D. Vincent, Dr. & patr. 2015, n° 247, 20).

En revanche, l’insertion dans la donation-partage d’une clause dite « pénale » qui priverait un gratifié de ses droits sur la quotité disponible s’il conteste la qualification de la fausse donation-partage est écartée par l’auteur. D’une part la présence d’une telle clause n’interdit pas ceux qui n’y sont pas tenus d’agir en requalification. D’autre part leur validité est sujette à des réserves au regard d’une potentielle atteinte excessive au droit d’agir en justice protégé par l’article 6, § 1 de la CEDH (Cass. civ. 1ère, 16 décembre 2015, n° 14-29.285).

Les hypothèses de régularisation ultérieures :

La fausse donation-partage pourrait faire l’objet d’une régularisation ultérieure.

Une première possibilité consisterait à partager les biens donnés dans un acte séparé en application de l’article 1076 du code civil. Une telle possibilité est toutefois conditionnée par le fait que le disposant soit toujours vivant, que le partage soit matériellement possible et que l’ensemble des gratifiés l’accepte. Aussi l’accord des gratifiés pourra être difficile à obtenir, surtout lorsqu’il y a eu un recours aux soultes pour composer les lots.

Aussi cette solution de la décomposition en deux temps de la donation-partage donnera lieu à l’application du droit de partage de 2.5% sur les biens partagés (BOI-ENR-DMTG-20-20-10, 12 sept. 2012, § 80). Pour y échapper le donateur devra être associé à la vente du bien indivis en respectant les prescriptions de l’article 1076 du code civil pour, ensuite, procéder au partage du prix de vente aux termes d’un partage verbal ou sous seing privé.

Mais, lors de la période intermédiaire séparant la donation des quotes-parts indivises du partage, la possibilité ouverte aux gratifiés de provoquer le partage empêchera la qualification de donation-partage. L’insertion d’une clause de maintien forcé dans l’indivision en interdisant aux gratifiés de provoquer le partage permettrait de restreindre ce risque mais la validité d’une telle clause est sujette à caution compte tenu de la défense du droit absolu au partage par la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 13 avril 2016, n° 15-13.312) et par le Conseil Constitutionnel (Cons. const. 9 nov. 1999, n° 99-419, DC).

Toutefois l’invalidité de la clause n’est pas forcément acquise en tant que le droit au partage n’est pas totalement écarté par une telle clause mais simplement conditionné au fait que le partage soit réalisé en y associant le disposant.

Une dernière difficulté résultant de la décomposition en deux temps de la donation-partage tient à la fixation de la date de la donation-partage pour fixer la valeur des biens donnés. L’insertion dans l’acte de donation initial d’une clause fixant cette date à la donation (ou une date ultérieure) permettrait toutefois d’écarter cette difficulté.

Une deuxième possibilité consisterait à incorporer les quotes-parts indivises données dans une nouvelle donation-partage. Mais cela implique que le disposant ait d’autres biens à partager elle ne résoud pas tous les inconvénients (possibilité de partage matériel ; nécessité d’une acceptation des gratifiés ; coût fiscal important).

  1. Des substituts peu satisfaisants

L’auteur remarque que le maintien de la pratique de donations de quotes-parts indivises peut s’expliquer par l’insuffisance des substituts :

  • L’insertion d’une clause de préciput dans la donation-partage n’est pas satisfaisante car elle reporte l’imputation de la donation sur la quotité disponible et prive le disposant d’une partie de ses facultés de gratifier les tiers.
  • La stipulation d’une clause de rapport forfaitaire qui fixerait la valeur du bien donné au jour de la donation et qui évince le paiement d’indemnités de rapport de montants distincts en cas de subrogation. Mais cette alternative conduit à imputer sur la quotité disponible la fraction non rapportable de la donation qui excède le forfait fixé.
  • La constitution d’une SCI permettrait de rendre divis les biens qui ne le seraient pas en octroyant aux gratifiés des parts sociales. Mais l’apport en société est générateur d’impôts, en particulier l’imposition sur la plus-value. Aussi la création d’une SCI implique de la faire vivre.
    • Pour échapper à l’imposition de la plus-value, l’auteur considère qu’il est possible de faire précéder l’apport en société des quotes-parts par les indivisaires de la SCI par la donation des quotes-parts indivises.
    • Néanmoins l’apport qui mets certes fin à l’indivision ne constitue pas un partage au sens de l’article 1076 du code civil et ce substitut s’analyserait alors en une donation simple de quotes-parts indivises suivi d’un apport en société, sans application des règles de la donation-partage.

 

  1. Les propositions de réforme

Le 116e Congrès des notaires en 2020 avait proposé d’autoriser un pacte de famille qui permettrait d’étendre au-delà de la donation-partage certains de ses avantages.

Il s’agirait, par exemple, d’étendre le gel des valeurs le jour de l’acte à des donations ordinaires en respectant les conditions de l’article 1078 du code civil sous réserve que le pacte de famille soit accepté par tous les réservataires gratifiés.

Il est également proposé d’étendre aux partages et aux licitations de biens indivis ayant pour origine une donation ordinaires certains avantages fiscaux (art. 748 et 750 du CGI), en particulier l’exonération des plus-values.

Aussi le pacte de famille pourrait être assortit d’une clause de rapport forfaitaire. Le gel des valeurs le jour de l’acte permettrait de contourner l’inconvénient résultant de l’imputation subsidiaire sur la quotité disponible car l’identité des valeurs entre le forfait et la valeur à retenir pour la masse de calcul de la réserve fait obstacle à un avantage non rapportable au sens de l’article 860 al. 2 du code civil.

Enfin, l’auteur s’interroge sur l’incorporation des donations antérieures dans ce pacte de famille. Elle considère que rien n’interdit sur le terrain civil d’incorporer une donation antérieure dans une donation ordinaire car ni le mutuus dissensus (dans l’hypothèse d’un changement de gratifié), ni la novation par changement de but n’est incompatible avec la donation ordinaire.

Sur le terrain fiscal le risque serait toutefois que l’administration tente d’y trouver un fait générateur de droits de mutation à titre gratuit. Aussi, en cas de changement de gratifié l’administration pourrait qualifier l’opération d’une donation indirecte au profit du nouveau gratifié.

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