Responsabilité du notaire et déclaration erronée dans l’acte de vente : Cass. civ. 1ère, 22 septembre 2021, 19-23.506 : 

 

Une personne vend à une SCI deux lots d’un ensemble immobilier en août 2022.

 

Au titre des déclarations fiscales, l’acte mentionnait que le bien vendu constituait la résidence principale de la venderesse, laquelle pouvait alors bénéficier d’une exonération d’impôt sur la plus-value résultant de la mutation du bien.

 

Un redressement fiscal a été notifié à la venderesse au motif qu’à la date de la vente le bien ne constituait plus sa résidence principale.

 

La venderesse a assigné le notaire en responsabilité et indemnisation du préjudice résultant du redressement.

 

La cour d’appel avait rejeté sa demande au motif que la veille de la vente la venderesse avait déclaré aux notaires avoir établi son domicile dans le bien jusqu’au 31 mars 2010 mais que le 12 août 2011 elle avait signé l’acte mentionnant que le bien constituait son domicile.

Elle en déduisait que la venderesse était à l’origine de son redressement fiscal, ne pouvant reprocher aux notaires un manquement à son devoir de conseil, ceux-ci n’étant pas comptable du lieu d’établissement réel de leur cliente.

 

La décision est partiellement cassée. Au visa de l’article 1240 du code civil la Cour de cassation estime que le notaire rédacteur doit mentionner les coordonnées des parties conformément aux éléments dont il a connaissance. Or les notaires avaient connaissance avant la vente de la fausseté de l’affirmation selon laquelle le bien constituait à cette date la résidence principale de la venderesse.

 

Responsabilité du notaire au titre d’une erreur sur l’imposition des plus-values : Cass. Civ. 1ère, 17 février 2021, n° 19-16.379 : 

 

Suite à la vente d’un immeuble, les vendeurs font l’objet d’une rectification de l’administration fiscale au titre de l’imposition sur les plus-value.

 

Ils ont assigné le notaire en responsabilité, en lui reprochant d’avoir distingué dans l’acte de vente d’une part la partie maison et une partie de terrain et d’autre part le surplus de terrain à bâtir, et d’avoir précisé que cette opération est totalement exonérée du paiement de l’impôt sur la plus-value.

 

La question posée à la Cour de cassation portrait sur l’étendu du préjudice causé par la faute du notaire.

 

En effet les vendeurs reprochaient à la cour d’appel d’avoir limité la condamnation du notaire au remboursement de la somme correspondant aux seuls intérêts de retard sur le paiement de l’impôt.

Celle-ci avait constaté que le notaire avait manqué à son obligation de conseil en n’indiquant pas aux vendeurs que la vente de leur propriété serait de nature, pour le terrain attenant à la partie bâtie, à générer un impôt sur les plus-values.

 

Toutefois elle considère que selon l’administration fiscale un terrain à bâtir ne peut être regardé comme une dépendance immédiate et nécessaire à la résidence principale et que la qualification de terrain à bâtir est acquise, dès lors que des constructions peuvent être autorisées en application des documents d’urbanisme.

 

Elle précise que les vendeurs avaient connaissance, dès la signature du compromis du caractère de terrain à bâtir de leur propriété et qu’étant contraints de le vendre car ils ne pouvaient plus en assurer l’entretien quotidien, même s’ils avaient été mieux informés, ils l’auraient vendu et auraient été, hormis pour la maison et ses abords immédiats, soumis à l’impôt sur la plus-value, mais qu’ils auraient versé les droits immédiatement et n’auraient pas subi le paiement des intérêts de retard.

 

La Cour de cassation approuve ce raisonnement aboutissant à considérer que le manquement des notaires n’avait pas fait perdre aux vendeurs de chance d’être exonérés totalement de l’impôt sur la plus-value et avait seulement conduit au paiement des intérêts de retard ajoutés par l’administration fiscale au montant des droits.

 

 

Installation classée – inefficacité de la clause de non garantie en cas de fausse déclaration du vendeur : Cass. Civ. 3ème, 30 septembre 2021, n° 20-18.665 : 

 

En l’espèce une société propriétaire d’un immeuble à usage industriel sur lequel elle avait exploité une installation classée pendant plus de 50 ans conclut une promesse de vente sous condition suspensive de la purge du droit de préemption.

 

La commune a exercé son droit de préemption et la vente a été réitérée.

 

7 ans plus tard, à la suite de la découverte d’une pollution du sol, la commune assigne la société venderesse en responsabilité pour manquements à ses obligations d’information et de bonne, à l’obligation d’information prévue en matière d’installations classées (art. L. 514-20 C. envir.) et subsidiairement pour dol afin d’obtenir réparation de ses préjudices et la remise en état du terrain. Le vendeur avait formé une action récursoire contre le notaire.

 

Concernant la condamnation du vendeur :

 

La société venderesse reprochait à la cour d’appel d’avoir déclaré sans effet la clause de garantie mise à la charge de l’acquéreur au titre de “toute pollution qui pourrait survenir ultérieurement”, considérant que cette sanction n’était pas prévue par le code de l’environnement. Elle contestait en outre sa condamnation à la remise en état arguant du caractère disproportionnée de cette sanction par rapport au prix de vente.

 

La Cour de cassation considère que la société venderesse avait fait une fausse déclaration  selon laquelle elle n’avait jamais exploité sur les biens vendus d’activités soumises à autorisation ou déclaration devant le notaire chargé de la vente.

Elle approuve la cour d’appel qui avait déduit que cette faute intentionnelle privait de tout effet la clause de garantie mise à la charge de l’acquéreur.

Finalement elle approuve la condamnation à la remise en état en rejetant toute recherche de la disproportion de la sanction, celle-ci étant une obligation légale, d’ordre public, dont le coût exclusif est à la charge du dernier exploitant.

 

Concernant l’action récursoire contre le notaire : 

 

La société venderesse reprochait à la cour d’appel d’avoir rejeté son action récursoire contre le notaire en considérant que ses obligations légales impliquait qu’il ne pouvait instrumenter un acte contenant des mentions contradictoires (en l’espèce : information des activités exercées ; précision qu’aucun équipement de l’immeuble ne relève de la législations sur les installations classées et que le terrain n’est frappé d’aucune pollution) susceptibles de faire perdre effet à ses clauses.

 

Toutefois la société venderesse connaissait ses obligations au regard de la législation relative aux installations classées en sa qualité d’exploitant depuis plus de 50 ans. En outre, les contradictions ne résultaient pas d’une erreur de transcription par le notaire des déclarations de la venderesse mais de la fausse déclaration de celle-ci.

 

Il en résulte que la venderesse ne pouvait imputer au notaire ses propres manquements à ses obligations au regard de la législation sur les installations classées et son défaut intentionnel d’information à l’égard du vendeur. L’action récursoire est donc rejetée.

 

Responsabilité du notaire et absence de clause de reprise des apports en cas de changement de régime matrimonial – critère de l’intérêt : Cass. Civ. 1ère, 3 mars 2021, n° 19-16.065 : 

 

Des époux séparés de biens ont adopté, par acte notarié du 10 septembre 2008, le régime de la communauté universelle.

 

Un jugement du 19 mai 2014 a prononcé leur divorce et homologué l’acte de partage par moitié de la communauté.

 

L’un des époux (M. I) a assigné le notaire en responsabilité pour manquement à son devoir de conseil lors du changement de régime matrimonial, lui reprochant de ne pas avoir proposé d’intégrer une clause de reprise des apports (“clause alsacienne”) en cas de divorce.

 

La Cour de cassation rappelle que le notaire est tenu d’informer et d’éclairer les parties sur la portée et les effets ainsi que sur les risques de l’acte auquel il prête son concours et que cette obligation implique de prendre en considération les mobiles des parties, extérieurs à l’acte, lorsque le notaire en a eu précisément connaissance.

 

La cour d’appel avait constaté d’une part que lors de l’établissement de l’acte de changement de régime matrimonial, chacun des époux à déclaré apporter à la communauté la moitié indivise d’une maison acquise ensemble en 1999 et un emplacement appartenant en propre à un époux (Mme M), à l’exclusion de tout autre bien. D’autre part qu’au regard des termes de l’acte, que les époux ont reçu une information du notaire relative à la communauté, à son ampleur ainsi qu’aux conséquences de l’inclusion ou de l’exclusion des biens de celle-ci et que l’époux demandeur (M. I) avait manifestement eu l’intention d’équilibrer les droits patrimoniaux des deux époux.

 

La Cour de cassation conclut que la cour d’appel avait pu en déduire que le notaire n’était pas tenu d’informer les époux de la possibilité d’insérer une clause alsacienne dès lors qu’au regard de l’équilibre des éléments d’actif que, selon les déclarations des époux, ceux-ci apportaient à la communauté, une telle clause ne présentait pas d’intérêt.

 

Responsabilité du notaire en cas de saisie-attribution : CA Paris, 7 septembre 2021.

 

Une convention de divorce prévoyait le versement de diverses pensions par l’ex époux. Ce dernier s’est vu attribuer plusieurs appartements et une somme importante suite à la succession de sa mère.

 

Son ex-épouse, se plaignant de l’absence de versement des pensions, a procédé à une saisie-attribution un 1er juin auprès du notaire chargé de la succession.

 

Le notaire a répondu à l’huissier qu’il ne détenait aucune somme à l’exception d’une somme sur le compte de la succession correspondant au solde de la provision au titre des frais d’actes établis par l’étude.

 

Le notaire a reçu le 15 juin une somme représentant la soulte revenant à l’ex-époux dans la succession de sa mère et l’a adressé par chèque à ce dernier.

 

L’ex-époux lui a reproché d’avoir manqué à ses obligations en n’informant pas l’huissier qu’il disposerait prochainement d’une somme importante.

 

La question se posait donc de savoir si le notaire en sa qualité de tiers-saisie, devait informer l’huissier de la réception de fonds à venir.

 

En vertu de l’article L. 112-1 du code des procédures civiles d’exécution, les saisies peuvent porter sur les créances conditionnelles, à terme ou à exécution successive.

 

Au regard de la liquidation de la succession, l’un des héritiers devait verser une soulte à l’ex-mari au plus tard fin septembre. Il ressort du compte de l’indivision successorale tenu par le notaire que cette somme a été versée le 15 juin alors que la saisie-attribution a été effectuée le 1er juin.

 

Selon la cour d’appel, si la soulte était une créance à terme au profit de l’ex-époux, la saisie-attribution ne pouvait, au 1er juin, être effectuée qu’auprès du débiteur de la soulte et non auprès du notaire qui n’avait pas reçu les fonds dans sa comptabilité.

 

En vertu de l’article L. 211-3 du CPCE le tiers-saisie n’est que tenu de déclarer au créancier saisissant l’étendu de ses propres obligations à l’égard du débiteur de la créance et non celles d’un autre débiteur au profit de ce dernier.

 

Le notaire, tiers saisi, n’avait donc aucune obligation envers l’ex-épouse de faire état de cette créance à terme du débiteur et il n’a commis aucune faute en ne déclarant pas à l’huissier qu’une soulte devait être versée à l’ex-mari très prochainement.

 

études : 

La perte de la convention de PACS – synthèse de l’étude établie par Christiane Sarto-Le-Martret publiée à la JCP N, n° 47, du 25 novembre 2022, 1274. (1ère partie)

 

L’auteur s’interroge sur la résolution des problématiques dues à la perte de la convention de PACS, en particulier lorsque les partenaires pacsés sont sur le point d’acquérir un bien immobilier.

 

L’auteur rappelle d’abord que les futurs partenaires pacsés doivent établir une convention de Pacs et que cette convention prend effet par son enregistrement par les parties en application de l’article 515-3 du code civil.

 

Lorsque la convention est conclue par acte authentique, le notaire instrumentaire procédera à son enregistrement. Lorsqu’il est établie sous seing privé, c’est l’officier d’état civil de la commune de la résidence principale des partenaires qui procède à son enregistrement en vertu du texte précité.

 

Parfois, la convention de pacs établie sous seing privé est perdue ; la problématique se posant essentiellement pour les pacs postérieurs au 1er janvier 2007 car auparavant le régime du pacs prévoyait une présomption d’indivision.

 

La loi du 23 juin 2006 instaurant deux régimes (régime légal de la séparation des patrimoines ou régime de l’indivision conventionnelle d’acquêts), la perte de la convention de pacs comportant le choix de l’un d’eux peut, dès lors, se révéler problématique.

 

La problématique de la perte de la convention se pose car l’officier d’état civil, bien qu’en charge de l’enregistrement, ne conserve pas de copie de la convention ; au moment de l’enregistrement il vise et date l’original de la convention puis la restitue aux parties.

 

Face à ce risque, l’auteur distingue la situation de la perte de la convention en cours de PACS (I) puis à la dissolution du PACS (II).

 

  1. La perte de la convention de Pacs en cours de Pacs

 

En cas de perte de la convention de pacs en cours de pacs, il peut être nécessaire de procéder à sa modification (A), selon une procédure spécifique (B) aboutissant à une reformulation du contenu du pacs (C).

 

  1. La nécessité de procéder à une modification de la convention de Pacs

 

Les partenaires peuvent constater la perte de leur convention en dehors ou au moment d’une acquisition immobilière.

 

S’ils déclarent cette perte à un notaire, leur situation patrimoniale devra être clarifiée.

 

Le problème tient au fait que l’acte de naissance, bien qu’indiquant la date et l’existence du Pacs, n’indique pas le régime du pacs auquel les partenaires sont soumis.

 

Or la détermination de ce régime est indispensable au moment de l’acquisition d’un immeuble pour la qualification du bien :

  • Sous le régime de l’indivision conventionnelle d’acquêts, le bien financé par l’un des partenaires au moyen d’un prêt sera automatiquement indivis à concurrence de moitié chacun, sans recours entre eux (art. 515-5-1 c. civ.).
  • De même, sous ce régime, les partenaires ne peuvent acquérir un bien immobilier dans des proportions inégales sans formaliser le remploi.

 

Cette situation peut conduire à procéder à la modification du pacs afin d’avoir la certitude sur le régime applicable aux partenaires, avant l’acquisition projetée du bien immobilier.

 

  1. La procédure de modification du Pacs

 

Le notaire ne procédera pas à l’enregistrement de la convention modificative du pacs, laquelle est réalisée par l’officier d’état civil.

 

En effet l’enregistrement par le notaire de la convention modificative d’une convention initialement dressée par acte sous seing privé est inefficace, la répartition des compétences entre l’officier d’état civil et le notaire pour enregistrer la convention étant déterminée par la forme de la convention initiale (parallélisme des formes).

 

C’est donc l’officier d’état civil du lieu de résidence principale des époux à la date de l’enregistrement de la convention modificative qui sera compétent ou, lorsqu’il s’agit de modifier une convention initiale enregistrée par le greffe du tribunal d’instance antérieurement au 1er novembre 2017, c’est l’officier d’état civil de la commune dans laquelle est établi ce tribunal qui sera compétent (circulaire du 10 mai 2017, p. 16).

 

Le notaire doit insister sur la nécessité de l’enregistrement avant la réalisation de l’opération projetée.

 

Il doit, à ce titre, informer sur les délais d’enregistrement car il n’en a pas la maîtrise et que l’enregistrement peut prendre plusieurs jours (art. 515-3 al. 6 c. civ.).

 

Vous ne pouvez pas copier le contenu de cette page.