Détermination du montant du rapport successoral dans le cadre d’une donation avec charge : Cass. Civ. 1ère, 16 nov. 2022, n° 21-11.837, publié :

Dans le cadre d’une succession, l’un des enfants héritier successible avant reçu la nue-propriété d’un immeuble sous condition de règlement d’une charge consistant en un versement d’une certaine somme à la date de la donation.

L’héritier donataire reprochait à  la cour d’appel d’avoir considéré que le rapport était dû à hauteur de l’émolument gratuit procuré par la donation, déterminé en déduisant de la valeur du bien déterminée au jour du partage (336 000€), la valeur nominale de la charge fixée au jour de la donation (60 369,91€).

Il arguait que le montant du rapport dû en vertu d’une donation avec charge ne devait être que la différence entre la valeur du bien donné et la charge, déterminée au jour où la charge a été exécutée et ensuite réévaluée au jour du partage.

La question se posait donc de savoir s’il fallait prendre en considération la valeur de la charge au jour de la donation et au jour du partage pour fixer le montant du rapport.

La Cour de cassation considère que lorsqu’une donation est assortie de la charge pour le donataire de régler une certaine somme, le rapport n’est dû qu’à concurrence de l’émolument net procuré par la libéralité.

Celui-ci se calcule en déduisant de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation, le montant de la charge étant déterminé au jour de son exécution.

Ce faisant la valeur nette de l’émolument s’établit par la déduction du montant de la charge grevant la donation, sans réévaluation de celle-ci au jour du partage.

Continuation du bail rural par l’épouse du preneur décédé : Cass. civ. 3ème, 16 novembre 2022, n° 21-18.527, publié :

Par acte du 28 mars 1991, un bail rural portant sur des bâtiments à usage d’exploitation et d’habitation et diverses parcelles est conclu.

Le 10 février 2018, le preneur à bail est décédé, laissant pour lui succéder son épouse et leurs deux enfants.

Le 11 juillet 2018, les bailleurs ont saisi le TPBR afin de faire constater le refus de continuation du bail par les ayants-droit du preneur et obtenir leur expulsion. Le lendemain ils ont notifié aux ayants droit du preneur à bail la résiliation du bail.

Le 16 novembre 2018, les bailleur ont saisi le TPBR en résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages.

Les ayants-droit du preneur à bail ont saisi le TPBR le 23 aout 2018 en contestation de la résiliation du bail notifié le 12 juillet 2018.

Les bailleurs reprochaient à la cour d’appel d’avoir rejeter leur demande de résiliation car l’époux survivant n’avait épousé le preneur à bail que 49 jours avant son décès. Ils considéraient que la continuation du bail rural au profit du conjoint survivant était conditionné par sa participation pendant un temps suffisant à son exploitation.

Or l’article L. 411-34 al. 1er du code rural prévoit la continuation du bail rural au profit, notamment, du conjoint ayant participé à son exploitation  ou y ayant effectivement participé au cours des cinq années antérieures au décès.

En l’espèce la cour d’appel avait constaté que l’épouse du preneur décédé avait participé de manière régulière et effective aux travaux de l’exploitation depuis plus de cinq ans, il en résulte qu’elle pouvait bénéficier à compter de la date du décès du preneur, du statut de preneur du bail dont son conjoint était titulaire, peu important qu’elle ait acquis la qualité de conjoint que peu de temps avant son décès.

Garantie décennale et usufruit : qualité pour agir et nature de l’action : Cass. civ. 3ème, 16 novembre 2022, n° 21-23.505, publié :

Une société confie la réalisation de travaux de charpente métallique et de revêtement d’un bâtiment à usage commercial dont elle a l’usufruit.

Suite à une injonction de payer, la société forme une opposition et des demandes reconventionnelles aux fins d’indemnisation de ses préjudices.

Elle reprochait à la cour d’appel d’avoir rejeté sa demande en garantie décennale au motif que celle-ci, usufruitière, n’aurait pas qualité pour agir alors même qu’elle était liée par contrat avec l’entrepreneur.

La Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel en considérant que l’usufruit, quoique titulaire du droit de jouir de la chose comme le propriétaire, n’en est pas le propriétaire et ne peut donc exercer en sa qualité d’usufruitier et sans mandat du nu-propriétaire, l’action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l’ouvrage et non à sa jouissance.

Toutefois, la Cour de cassation précise que bien qu’ayant pas la qualité pour agir sur le fondement de la responsabilité décennale, l’usufruitier lié par un contrat avec l’entrepreneur peut agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit en réparation des dommages causés par la mauvaise exécution du contrat de construction de l’ouvrage, y compris pour les dommages affectant l’ouvrage.

Compétence exclusive du géomètre-expert pour l’établissement des études et travaux topographiques fixant les limites des biens fonciers : Cass. civ. 1ère, 29 juin 2022.

Selon les articles 1, 1 et 2 de la loi n° 46-949 du 7 mai 1946, seuls les géomètres-experts inscrits à leur ordre peuvent réaliser les études et les travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers.

Il en est ainsi notamment des plans de division, de partage, de vente et d’échange des biens fonciers, les plans de bornage ou de délimitation de la propriété foncière.

Doit être cassé l’arrêt qui, pour dire qu’un plan annexé aux acte d’une copropriété est régulier et s’impose aux propriétaires successifs, retient qu’il importe peu qu’il n’ait pas été réalisé par un géomètre(expert, alors que le plan annexé aux actes de copropriété délimite les droits foncier des copropriétaires.

Faute du notaire et dépôt de garantie entre les mains du vendeur : CA Aix-en-Provence, 23 novembre 2021 :

En l’espèce un compromis de vente sous condition suspensive d’obtention d’un prêt est conclu entre les propriétaires et les locataire d’un bien.

Le dépôt de garantie, fixé à 60 000 € a été séquestré pour moitié en la comptabilité de l’office notariale et pour moitié versé directement entre les mains du vendeur.

Suite à la non-obtention du prêt, les locataires ont sollicité la restitution du dépôt de garantie. Les vendeurs ont conditionné cette restitution au départ des locataires. Un protocole d’accord prévoyant les modalités de restitution a été conclu entre les parties et la somme séquestrée a été restituée le même jour aux acquéreurs.

La cour d’appel a considéré, au visa de l’article L. 271-2 du code de la construction et de l’habitation qui interdit tout versement avant le délai de rétractation, que le notaire avait commis une faute en acceptant que soit prévu dans le compromis de vente le versement de la moitié du dépôt de garantie directement dans les mains du vendeur eu égard au risque du défaut de remboursement immédiat qui s’est réalisé en l’espèce.

Il est précisé que l’avertissement intégré dans le compromis qui prévoit que les parties sont averties des inconvénients pouvant résulter d’un tel versement avant la constatation de l’acte authentique n’est pas suffisant pour exonérer le notaire de sa responsabilité compte tenu de l’interdiction formelle et absolue de versement entre les mains d’un particulier ne présentant aucune garantie de représentation des fonds, à la différence des professionnels de l’immobilier.

Les fautes commises par le notaire et le vendeur ont causé un préjudice direct et certain aux locataires consistant en la privation pendant 4 ans de la somme qu’ils auraient pu notamment utiliser pour l’acquisition d’un autre bien.

Absence de faute du notaire en raison d’un état daté erroné : CA Versailles, 16 novembre 2021 :

Un TGI avait ordonné sur poursuite du syndicat des copropriétaires, la vente aux enchères d’un bien immobilier appartenant à des époux. Ces derniers avaient confié concomitamment un mandat de vente à une agence immobilière qui avait trouvé un acquéreur.

La vente a été reçue en avril 2016 alors que parallèlement une SCI avait été déclarée adjudicataire du bien le 24 mars 2016.

L’état hypothécaire, levé le 18 mars par le notaire, mentionnait l’assignation à comparaître ainsi que la délivrance d’un commandement valant saisie à la même date.

Mais le notaire, le 15 mars, avait requis du syndic, l’état daté qui lui avait été adressé dans le délai de 1 mois avant la vente, ce document indiquait expressément qu’il n’y avait pas de procédure en cours.

Le jugement qui avait retenu un manquement du notaire à son obligation d’assurer l’efficacité juridique de l’acte passé par son entremise est cassé.

En effet il ne pouvait être exigé de la part du notaire des diligences supplémentaires alors que le créancier saisissant, mandant du syndicat des copropriétaires, lui avait répondu qu’il n’y avait pas de procédure en cours et que le notaire n’avait pas de raison de mettre en doute ; cette réponse le fondant à penser qu’il avait été mis fin à la procédure mentionnée sur l’état hypothécaire.

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