Jurisprudences :

Nature de l’action en rĂ©solution de la vente et prescription : Cass. Civ. 3Ăšme, 2 mars 2022, n° 20-23.602, publié :

En l’espĂšce, en exĂ©cution d’un jugement du 19 janvier 2006, l’administrateur d’une succession a procĂ©dĂ© Ă  la licitation d’une parcelle faisant partie de l’actif successoral.

Le 2 octobre 2007 cette parcelle a été adjugée à une société.

Le 24 octobre 2007 M. DS a dĂ©clarĂ© se substituer Ă  l’adjudicataire, la sociĂ©tĂ© l’a assignĂ© ainsi que l’administrateur en nullitĂ© de la dĂ©claration de substitution.

Le 22 septembre 2008 un arrĂȘt irrĂ©vocable a jugĂ© que le droit de substitution avait Ă©tĂ© valablement exercĂ© par M. DS et l’a dĂ©clarĂ© adjudicataire de la parcelle litigieuse.

Le 1er fĂ©vrier 2016 un arrĂȘt statuant sur la contestation de la vente formĂ©e par M. UT a donnĂ© acte Ă  celui-ci de son renoncement Ă  la nullitĂ© de la licitation, laquelle a dĂšs lors prospĂ©rĂ©e.

Le 15 mars 2016, l’administrateur a assignĂ© M. DS en rĂ©solution de la vente en invoquant l’absence de paiement du prix de l’adjudication.

La cour d’appel avait jugĂ© l’action recevable en considĂ©rant que l’imprescriptibilitĂ© du droit de propriĂ©tĂ© emporte celle de l’action en revendication et que l’action en rĂ©solution judiciaire de la vente aux enchĂšres pour dĂ©faut de paiement de prix Ă©tait une action destinĂ©e Ă  protĂ©ger le droit de propriĂ©tĂ© et se trouvait, dĂšs lors, soumise Ă  la prescription trentenaire.

La troisiĂšme chambre civile, rappelle d’abord que l’action en rĂ©solution de la vente tend Ă  sectionnaire le dĂ©faut d’exĂ©cution de l’obligation de payer le prix, est de nature personnelle et se prescrit par 5 ans Ă  compter du jour oĂč le titulaire d’un droit a connu ou aurait dĂ» connaĂźtre les faits lui permettant de l’exercer.

Elle prĂ©cise ensuite que le point de dĂ©part de cette action est l’expiration du dĂ©lai dont disposait l’adjudicataire pour s’acquitter du prix de vente.

En pratique mĂȘme en cas de contestation sur les principes et sur les modalitĂ©s de la vente le dĂ©lai de l’action en paiement court et peut donc s’expirer rapidement, exposant le vendeur Ă  une prescription de son action en rĂ©solution de la vente pour dĂ©faut de paiement du prix.

ResponsabilitĂ© de l’acquĂ©reur pour troubles anormaux du voisinage : Cass. Civ. 3Ăšme, 16 mars 2022, n° 18-23.954, publié :

En l’espĂšce, Mme EZ et M. IZ sont respectivement usufruitiĂšre et nu-propriĂ©taire d’un pavillon constituant la rĂ©sidence principale de Mme EZ.

Le 26 janvier 2007, M. et Mme F. acquiĂšrent le pavillon voisin, vendu par MM. S et LG et Mme D, Ă©pouse G.

Le 3 mars 2007, Mme Z dĂ©clare Ă  son assureur un sinistre dĂ©gĂąt des eaux dans son pavillon et assigne M et Mme F sur le fondement des troubles anormaux du voisinage en rĂ©alisation des travaux rendus nĂ©cessaires par les infiltrations et au paiement de dommages et intĂ©rĂȘts.

M et Mme F reprochent Ă  la cour d’appel de les avoir jugĂ© responsables sur le fondement de la thĂ©orie des troubles anormaux du voisinage Ă  proportion de 60 %. Ils considĂšrent que le vendeur doit ĂȘtre responsable de tels troubles causĂ©s par l’immeuble vendu avant sa cession (en l’espĂšce les premiers dĂ©sordres remontaient Ă  1997 et 2005.

La Cour de cassation rejette toutefois cet argument en considĂ©rant que l’action fondĂ©e sur le trouble anormal du voisinage est une action en responsabilitĂ© extra-contractuelle qui, indĂ©pendamment de toute faute, permet Ă  la victime de demander rĂ©paration au propriĂ©taire de l’immeuble Ă  l’origine du trouble, responsable de plein droit.

Elle considĂšre ainsi que le trouble ayant subsistĂ© lorsque M et Mme F sont devenus propriĂ©taires du fonds Ă  l’origine des dĂ©sordres, la cour d’appel pouvait en dĂ©duire que leur responsabilitĂ© pouvait ĂȘtre retenue, peu importe qu’ils n’aient pas Ă©tĂ© propriĂ©taires de ce fonds au moment oĂč les infiltrations avaient commencĂ© Ă  se produire.

Les acquĂ©reurs peuvent toutefois actionner leur garantie au titre de leur assurance d’habitation au titre des dĂ©gĂąts des eaux, l’assureur Ă©tant tenu Ă  garantie dĂšs lors que le sinistre est survenu pendant la pĂ©riode de validitĂ© du contrat d’assurance.

Aussi les acquĂ©reurs pourront exercer une action rĂ©cursoire contre le vendeur au titre de sa responsabilitĂ© contre les vices cachĂ©s, toute clause exclusive de garantie devant ĂȘtre Ă©cartĂ©e dĂšs lors que les dĂ©sordres s’étaient dĂ©jĂ  produits, le vice n’étant dĂšs lors pas cachĂ©.

Pouvoirs de l’usufruitier de parts sociales : refus de provoquer une dĂ©libĂ©ration sur la rĂ©vocation du gĂ©rant : Cass. civ. 3Ăšme, 16 fĂ©vrier 2022, n° 20-15.164, publié :

En l’espĂšce des usufruitiers de parts sociales d’une SCI ont demandĂ© Ă  la gĂ©rante de la sociĂ©tĂ© de provoquer la dĂ©libĂ©ration des associĂ©s concernant la rĂ©vocation de la gĂ©rante de cette sociĂ©tĂ© et la nomination de co-gĂ©rants.

En raison du silence de la gérante, les usufruitiers ont saisi le juge afin de voir désigner un mandataire chargé de provoquer ladite délibération des associés.

La question se posait de savoir si l’action Ă©tait recevable au regard des pouvoirs dont disposent les usufruitiers de parts sociales.

La Cour de cassation rappelle d’abord que l’usufruitier de part social n’a pas la qualitĂ© d’associĂ©, laquelle n’appartient qu’au nu-propriĂ©taire et qu’en application de sa jurisprudence il peut nĂ©anmoins provoquer une dĂ©libĂ©ration des associĂ©s sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.

Elle juge ensuite qu’en l’espĂšce les demandeurs n’avaient pas la qualitĂ© d’associĂ© et n’avaient pas soutenu que la question Ă  soumettre Ă  l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale avait une incidence sur le droit de jouissance des parts dont ils avaient l’usufruit et juge leur demande irrecevable.

En thĂ©orie le critĂšre retenu par la Cour de cassation selon lequel la question doit ĂȘtre « susceptible d’avoir une incidence directe sur le droit de jouissance de l’usufruitier » a un domaine qui reste Ă  dĂ©finir en grande partie.

En pratique la Cour de cassation ne juge pas irrecevable la demande par principe, au regard du fond de la question que les usufruitiers voulaient soumettre Ă  l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, mais au regard d’une question de forme tenant Ă  la formulation de leur prĂ©tention, ceux-ci n’ayant pas soutenu qu’il existait un lien entre la question et leur droit de jouissance.

Études :

A. Germain, « Les outils juridiques de protection des arbres », Le journal du village des notaires, n° 94, sept-oct. 2022. 230.

Si l’arbre est un immeuble par nature en vertu de l’article 518 du code civil, son caractĂšre vivant justifie quelques rĂšgles spĂ©cifiques.

Il en est ainsi, par exemple, en matiĂšre civile, des droits accordĂ©s aux voisins de propriĂ©taires d’arbres de couper les branches ou racines de l’arbre voisin qui empiĂštent sur son fonds (art. 673 du code civil).

Mais le rĂŽle particulier de l’arbre dans l’environnement a donnĂ© lieu Ă  une Ă©volution lĂ©gislative protectrice.

La dĂ©claration des droits de l’arbre :

Tout d’abord l’AssemblĂ©e Nationale a adoptĂ© une DĂ©claration des droits de l’arbre le 5 avril 2019 non contraignante qui entĂ©rine toutefois le rĂŽle de l’arbre dans le quotidien des personnes et l’environnement en gĂ©nĂ©ral.

L’obligation rĂ©elle environnementale :

Ensuite l’article 72 de la loi du 8 aoĂ»t 2016 pour la reconquĂȘte de la biodiversitĂ©, de la nature et des paysages a crĂ©Ă© une obligation rĂ©elle environnementale Ă  l’article L. 132-3 du code de l’environnement.

Ce texte prĂ©voit la possibilitĂ© pour les propriĂ©taires de biens immobiliers de conclure avec une collectivitĂ© publique, un Ă©tablissement public ou une personne morale de droit privĂ© agissant pour la protection de l’environnement, une obligation rĂ©elle ayant pour finalitĂ© le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’élĂ©ments de la biodiversitĂ© ou de fonctions Ă©cologiques.

Une telle obligation, de nature rĂ©elle, sera Ă  la charge du propriĂ©taire qui l’a conclue, mais Ă©galement des propriĂ©taires ultĂ©rieurs du bien.

Sa durée de ne peut excéder 99 ans et les possibilités de résiliation et de révision doivent figurer au contrat.

Elle doit ĂȘtre Ă©tablie en la forme authentique et le contrat constitutif de cette obligation rĂ©elle environnementale n’est ni passible de droits d’enregistrement, ni ne donne lieu Ă  la perception de la taxe de publicitĂ© fonciĂšre, ni au paiement de la contribution de sĂ©curitĂ© immobiliĂšres prĂ©vue par l’article 879 du code gĂ©nĂ©ral des impĂŽts.

La classification parmi les sites patrimoniaux remarquables :

La loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 prĂ©voit la possibilitĂ© de classer des espaces au titre des sites patrimoniaux remarquables, permettant de favoriser leur protection lorsque leur conservation, leur restauration, leur rĂ©habilitation ou leur mise en valeur prĂ©sente un intĂ©rĂȘt public du point de vue historique, architectural, archĂ©ologique, artistique ou paysager.

À ce titre les espaces ruraux et les paysages qui « forment avec ces villes, villages ou quartiers un ensemble cohĂ©rent ou qui sont susceptibles de contribuer Ă  leur conservation ou leur mise en valeur » peuvent ĂȘtre classĂ©s parmi les sites patrimoniaux remarquables. Les arbres participant aux espaces ruraux et aux paysages peuvent donc ĂȘtre soumis Ă  un tel classement.

Les clauses protectrices de l’arbre dans le contrat de vente :

Par un arrĂȘt du 6 juin 2019, n° 17-13.771, la troisiĂšme chambre civile a pu reconnaĂźtre la validitĂ© d’une clause de protection d’un arbre.

Cette clause prĂ©voyait que l’acquĂ©reur s’engage Ă  conserver la bordure de cyprĂšs sur la limite Nord du terrain objet de la vente dans la mesure oĂč les arbres ne prĂ©sentaient pas un danger.

La Cour de cassation a jugĂ© que le vendeur avait instaurĂ© cette clause comme une condition essentielle de la vente et avait rejetĂ© l’argument de la perpĂ©tuitĂ© de l’engagement des acquĂ©reurs en considĂ©rant que cette servitude in faciendo obligeant les propriĂ©taires successifs Ă©tait uniquement fondĂ©e sur la durĂ©e de vie des arbres et n’était pas, partant, perpĂ©tuelle.

La protection par voie testamentaire :

Quoique l’affaire n’ait pas fait l’objet d’un contentieux, un notaire (Me Hartenstein) a pu insĂ©rer une clause testamentaire protectrice d’arbres objets d’un legs. Celui-ci a prĂ©vu, dans le testament d’imposer au lĂ©gataire l’interdiction d’abattre des arbres mais Ă©galement de les conserver tant qu’il ne prĂ©sente pas de danger.

En cas de manquement à cette clause, le testament prévoit la possibilité de traduire en justice le légataire par une association exécutrice du testament.

 

J. Lafond : « Copropriété, comment vendre une partie commune spéciale ? », JCP N, n° 38 du 23 sept. 2022, 1223.

Suite Ă  l’arrĂȘt rendu par la 3Ăšme chambre civile le 1er juin 2022 (n° 21-16.232), l’auteur s’interroge sur la vente de parties communes spĂ©ciales compte tenu des incertitudes et flottements issues de l’imparfaite reconnaissance du statut desdits parties communes par l’ordonnance du 30 octobre 2019.

De façon classique l’auteur Ă©nonce d’abord le cadre thĂ©orique de la vente des parties communes spĂ©ciales (I) avant de s’intĂ©resser Ă  la dĂ©termination d’une procĂ©dure Ă  respecter pour procĂ©der Ă  une telle vente (II).

  1. Les principes Ă  respecter

 

  1. Qui décide de la vente ?

L’auteur rappelle d’abord qu’en vertu des articles 4 et 6-2 de la loi du 10 juillet 1965, les parties communes spĂ©ciales ne sont la propriĂ©tĂ© indivise que d’une partie des copropriĂ©taires.

L’article 6-2 de la loi prĂ©citĂ©e dispose Ă  cet Ă©gard que seuls prennent part au vote d’une dĂ©cision affĂ©rente Ă  une partie commune spĂ©ciale, les copropriĂ©taires, propriĂ©taires indivis de ces parties.

RĂ©ciproquement les autres copropriĂ©taires n’ont pas qualitĂ© pour prendre des dĂ©cisions Ă  leur sujet (Cass. 3Ăšme civ. 21 fĂ©vr. 1978, n° 76-14.288).

C’est d’ailleurs le sens de la dĂ©cision prĂ©citĂ©e rendue par la troisiĂšme chambre civile le premier juin 2022, celle-ci ayant Ă©noncĂ© que « seuls les propriĂ©taires des parties communes spĂ©ciales peuvent dĂ©cider de l’aliĂ©nation de celles-ci ».

  1. Quel est l’objet de la dĂ©cision Ă  prendre ?

L’auteur remarque que la prĂ©sentation chronologique classique des dĂ©cisions Ă  prendre pour procĂ©der Ă  la cession d’une partie commune spĂ©ciale est erronĂ©e.

En effet, traditionnellement il est considĂ©rĂ© que la dĂ©cision Ă  prendre aurait un double objet : d’abord l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale donne son accord Ă  la vente, ensuite il faut s’accorder sur la modification des documents constitutifs de la copropriĂ©tĂ© consĂ©cutive Ă  la « privatisation » de cette partie commune.

L’auteur met en exergue une impasse dans cette chronologie rĂ©sultant d’une pratique des syndics tenant Ă  proposer Ă  l’assemblĂ©e une dĂ©cision formulĂ©e comme suit : « Vente Ă  M/Mme
 du couloir situĂ© au droit de son lot pour le prix de  ».

Or, remarque l’auteur, une telle dĂ©cision ainsi approuvĂ©e ne peut pas ĂȘtre exĂ©cutĂ©e car l’on ne peut pas vendre une partie commune (1) ; une telle dĂ©cision d’aliĂ©nation doit ainsi nĂ©cessairement ĂȘtre prĂ©cĂ©dĂ©e de la transformation de la partie commune en lot, lequel seul sera objet de la vente (2).

  1. On ne peut pas vendre « une partie commune  »

 

  1. La raison d’ĂȘtre d’une impossibilitĂ©

L’impossibilitĂ© d’exĂ©cuter une telle dĂ©cision, quoique votĂ©e en assemblĂ©e, provient de la dĂ©termination de l’objet de la vente et non de son prix.

Un arrĂȘt rendu par la cour d’appel de Paris (CA Paris, 23e ch. sect. B, 26 avril 2007) a considĂ©rĂ© que « s’agissant de la vente de parties communes (
) l’objet n’est dĂ©terminĂ© que lorsque les parties communes ont Ă©tĂ© constituĂ©es en lot », prĂ©cisant que « le consentement des parties sur les conditions essentielles de la vente n’est rĂ©alisĂ© que lorsqu’une dĂ©cision de l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des copropriĂ©taires, devenue dĂ©finitive, a approuvĂ© l’état descriptif de division crĂ©ant le nouveau lot et attribuant des milliĂšmes de parties communes ».

Toutefois la Cour de cassation n’a pas Ă©tĂ© aussi franche dans ses dĂ©cisions relatives Ă  l’apprĂ©ciation de l’objet de la vente.

  1. Les fluctuations de la Cour de cassation

L’analyse retenue par la cour d’appel de Paris a Ă©tĂ©, dans un premier temps, rejetĂ©e par la Cour de cassation.

Par un arrĂȘt du 10 septembre 2008, la troisiĂšme chambre civile (n° 07-16.858) a cassĂ© la dĂ©cision prĂ©citĂ©e de la cour d’appel de Paris en considĂ©rant que l’objet de la vente Ă©tait dĂ©terminable dĂšs lors que l’assemblĂ©e des copropriĂ©taires avait dĂ©cidĂ© la cession des combles et partie du couloir Ă  M. X au prix offert par ce dernier et ce malgrĂ© l’absence d’un Ă©tat descriptif de division crĂ©ant le ou les nouveaux lots.

Toutefois la mĂȘme chambre, dans un arrĂȘt du 11 fĂ©vrier 2009 (n° 07-20.237), a considĂ©rĂ© que lorsque la dĂ©termination de la quote-part de parties communes affĂ©rentes au bien vendu constituait pour les parties un Ă©lĂ©ment essentiel de la convention, l’absence de leur mention dans la vente empĂȘchait sa perfection pour absence de dĂ©termination suffisante de l’objet de la vente.

Par un arrĂȘt du 22 septembre 2010 (n° 09-68.967), la mĂȘme chambre admet la validité  de la vente d’un lot dĂ©terminĂ© dans sa consistance et dans sa superficie, considĂ©rant que la modification du rĂšglement de copropriĂ©tĂ© et des tantiĂšmes ne pouvait intervenir que postĂ©rieurement Ă  la dĂ©cision de principe relative Ă  la cession.

L’ensemble de ces dĂ©cisions tend Ă  considĂ©rer que, finalement, l’absence de dĂ©termination des quotes-parts des parties communes n’entraĂźne pas nĂ©cessairement l’indĂ©termination de l’objet de la vente. L’indĂ©termination de l’objet devant rĂ©sulter d’une stipulation particuliĂšre des parties.

Les juges du fond devant, dĂšs lors, rechercher l’intention des parties pour en dĂ©duire la nĂ©cessitĂ©, ou non, de constituer un lot prĂ©alablement Ă  la vente.

MalgrĂ© une dĂ©cision ultĂ©rieure (Cass. civ. 3Ăšme, 24 avril 2013, n° 12-17.506) qui semble ĂȘtre retournĂ©e Ă  l’exigence de la transformation prĂ©alable de la partie commune en lot, l’idĂ©e fut instillĂ©e dans la pratique qu’une telle transformation n’était pas nĂ©cessaire Ă  la validitĂ© de la vente, ce qui explique qu’elle s’en affranchisse parfois.

L’auteur dĂ©veloppe ensuite les critiques thĂ©oriques et pratiques vis-Ă -vis de cette pratique

  1. La vente doit ĂȘtre prĂ©cĂ©dĂ©e de la transformation de la partie commune en lot

 

  1. Raisons théoriques

Du point de vue thĂ©orique, l’auteur considĂšre que la vente d’une partie commune matĂ©riellement dĂ©signĂ©e (par ex. « un couloir », « un comble ») est insuffisante. En effet, parce que la vente concerne une fraction de l’immeuble, celle-ci ne pourrait avoir pour objet qu’un lot de copropriĂ©tĂ©.

L’auteur considĂšre que la constitution prĂ©alable du lot est une exigence rĂ©sultant de l’article 7 du dĂ©cret du 4 janvier 1955 et de l’article 71 du dĂ©cret du 14 octobre 1955 relatifs Ă  l’état descriptif de division.

Plus encore l’objet de la vente serait indĂ©terminĂ© car bien qu’ayant une consistance matĂ©rielle, Ă  dĂ©faut de constitution du lot, il serait dĂ©pourvu de consistance juridique. Or Ă  dĂ©faut de dĂ©termination juridique de l’objet de la vente, un accord sur la cession du seul objet dĂ©terminĂ© matĂ©riellement ne pourrait consister en une vente Ă  proprement parler mais en un simple accord de principe sur la cession.

L’accord sur « la chose » procĂ©derait alors nĂ©cessairement de la crĂ©ation du lot, les parties devant avoir connaissance d’élĂ©ments rĂ©sultant de cette crĂ©ation, tels que : 

  • Les tantiĂšmes de copropriĂ©tĂ© attachĂ©s au lot.
  • Les tantiĂšmes de charges spĂ©ciales et gĂ©nĂ©rales affĂ©rents au lot vendu.
  • La superficie « loi Carrez » du lot vendu, qui doit ĂȘtre communiquĂ© Ă  l’acquĂ©reur sous peine de nullitĂ© en vertu de l’article 14 al. 1er de la loi du 10 juillet 1965.

 

  1. Raisons pratiques

L’auteur met en exergue plusieurs raisons pratiques de procĂ©der Ă  la crĂ©ation prĂ©alable du lot.

D’une part d’un point de vue fiscal, la vente opĂ©rĂ©e prĂ©alablement Ă  la crĂ©ation du lot rend les droits de mutation immĂ©diatement exigibles. Or, des intĂ©rĂȘts de retard peuvent ĂȘtre rĂ©clamĂ©s par l’administration fiscale en raison du temps susceptible de s’écouler entre la date de la vente et la prĂ©sentation de l’acte authentique Ă  la publicitĂ© fonciĂšre, temps nĂ©cessaire Ă  l’établissement du rĂšglement de copropriĂ©tĂ© et de l’état descriptif modificatif.

D’autre part l’assemblĂ©e peut refuser d’accepter le projet de rĂšglement de copropriĂ©tĂ© et d’état descriptif de division modificatif qui lui est proposĂ© a posteriori.

L’ensemble de ces raisons conduisent Ă  conclure Ă  la nĂ©cessitĂ© de procĂ©der Ă  la transformation de la partie commune en lot prĂ©alablement Ă  la saisine des assemblĂ©es qui seront alors Ă  mĂȘme de se prononcer Ă  la fois sur les conditions de la vente, les projets de modification de l’état descriptif de division et du rĂšglement de copropriĂ©tĂ©.

  1. La procĂ©dure Ă  mettre en Ɠuvre.

 

  1. La premiÚre étape : la préparation des documents à soumettre aux assemblées

Cette Ă©tape consiste dans un premier temps en la crĂ©ation d’un lot ou la modification de l’état descriptif de division et du rĂšglement de copropriĂ©tĂ© et dans un second temps par l’établissement d’un projet d’acte de vente.

  1. La crĂ©ation d’un lot et la modification de l’état descriptif de division et du rĂšglement de copropriĂ©tĂ©

Si la nĂ©cessitĂ© de procĂ©der prĂ©alablement Ă  ces formalitĂ©s a Ă©tĂ© soulignĂ©e, la question de la charge des frais de modification de l’état descriptif de division et du rĂšglement de copropriĂ©tĂ© peut ĂȘtre soulevĂ©e.

L’auteur souligne que la charge de ces frais relĂšve de la nĂ©gociation entre l’acquĂ©reur potentiel et le syndicat des copropriĂ©taires. Si ce dernier peut se dĂ©faire d’une partie commune inutile et gĂ©nĂ©ratrice de charges, il sera plus enclin Ă  payer ou participer Ă  ses frais ; Ă  l’inverse si l’acquĂ©reur est le seul Ă  retirer un bĂ©nĂ©fice de cette cession, les frais seront trĂšs probablement Ă  sa charge.

  1. L’établissement d’un projet d’acte

 

  1. Le fondement

La nĂ©cessitĂ© d’établir un projet d’acte dĂ©coule de l’article 11, I, 3° du dĂ©cret du 17 mars 1967 qui prescrit de joindre aux convocations « les conditions essentielles du contrat ».

En matiÚre de vente, les conditions essentielles reposent avant tout sur la détermination du prix et de la chose.

Mais l’auteur remarque que le caractĂšre essentiel des conditions n’est pas totalement objectif et que le projet d’acte doit, en outre, comporter l’ensemble des clauses et conditions ayant une importance dĂ©cisive dans la dĂ©cision d’achat (par ex. les clauses d’exonĂ©ration de garantie).

L’auteur remarque que le texte visant les seules conditions essentielles, il convient en pratique de trier ces conditions, des Ă©lĂ©ments qui sans ĂȘtre essentiels sont dĂ©terminants.

L’auteur propose alors d’établir un projet d’acte qui sera joint aux convocations et notifiĂ© avec elle afin d’informer les copropriĂ©taires de l’ensemble des incidences de l’opĂ©ration. Il prĂ©cise que pour respecter strictement la lettre du dĂ©cret il convient de joindre au projet d’acte une note attirant l’attention sur les Ă©lĂ©ments qui peuvent lĂ©gitimement ĂȘtre qualifiĂ©s d’essentiels.

Il note aussi qu’une difficultĂ© pratique peut ĂȘtre soulevĂ©e lorsque la copropriĂ©tĂ© n’est pas dotĂ©e d’un espace en ligne sĂ©curisĂ© dans lequel seront mis Ă  disposition les documents concernĂ©s. À dĂ©faut d’un tel systĂšme, le notaire devra Ă©tablir une note circonstanciĂ©e reprenant l’ensemble des conditions essentielles, ce qui suppose que le dossier de vente ait Ă©tĂ© prĂ©alablement constituĂ© de maniĂšre complĂšte.

  1. Le contenu

Le projet d’acte devra mentionner impĂ©rativement la superficie « loi Carrez » de la partie privative du lot vendu.

Il devra en outre ĂȘtre accompagnĂ© de l’ensemble des documents exigĂ©s par l’article L. 721-1 du CCH (mention que le lot relĂšve de la copropriĂ©té ; nombre de lots ; montant annuel de la quote-part et du budget prĂ©visionnel) et du DPE prĂ©vu par l’article L. 271-4 du mĂȘme code.

  1. Quelques problĂšmes pratiques

 

  1. Comparutions

En vertu de l’article 46 du dĂ©cret du 10 juillet 1965 et des articles 4-1 Ă  4-4 du dĂ©cret du 17 mars 1967 l’acte de vente des parties communes est « valablement passĂ© par le syndicat lui-mĂȘme et de son chef ».

Le syndic reprĂ©sentera le syndicat ; les copropriĂ©taires n’ayant dĂšs lors pas besoin d’intervenir Ă  l’acte, ni du point de vue civil, ni du point de vue de la publicitĂ© fonciĂšre.

Le bulletin de l’association mutuelle des conservateurs considĂšre que le syndicat qui donne son consentement Ă  un acte de disposition portant sur des parties communes agit comme mandataire de l’ensemble des copropriĂ©taires et non en son nom personnel, celui-ci n’étant pas propriĂ©taire de la partie commune objet de la vente.

L’auteur en dĂ©duit que la certification de l’identitĂ© du syndicat n’est pas nĂ©cessaire.

Aussi le mandat du syndicat est un mandat global qui lui permet d’engager l’ensemble des copropriĂ©taires sans distinction.

  1. Effet relatif

Parce que le syndicat agit globalement pour l’ensemble des copropriĂ©taires intĂ©ressĂ©s, il n’est pas nĂ©cessaire d’indiquer l’identitĂ© de l’ensemble des copropriĂ©taires au nom desquels le syndicat agit, ni Ă  prĂ©ciser la rĂ©fĂ©rence Ă  la publication du titre de propriĂ©tĂ© de chacun d’eux.

  1. La seconde étape : les décisions des assemblées

Deux procĂ©dures peuvent ĂȘtre suivies :

  • Les dĂ©cisions peuvent ĂȘtre prises dans le cadre d’une assemblĂ©e spĂ©ciale autonome suivie de la saisine de l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des copropriĂ©taires.
  • Les dĂ©cisions peuvent ĂȘtre prises en assemblĂ©e spĂ©ciale dans le cadre d’une assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des copropriĂ©taires.

 

  1. DĂ©cision de l’assemblĂ©e spĂ©ciale

 

  1. La convocation et la tenue de l’assemblĂ©e spĂ©ciale

Par un arrĂȘt de la troisiĂšme chambre civile rendue le 11 octobre 1995 (n° 94-11.309), celle-ci a dĂ©cidĂ© que l’administration et la disposition des parties communes spĂ©ciales Ă©taient rĂ©gies par les dispositions de la loi du 10 juillet 1965.

  • Si l’assemblĂ©e spĂ©ciale se rĂ©unit de maniĂšre autonome, elle est soumise aux rĂšgles des assemblĂ©es de copropriĂ©taires en gĂ©nĂ©ral : elle est convoquĂ©e par le syndic (syndic du syndicat secondaire s’il existe, syndic du syndicat principal Ă  dĂ©faut).
  • Si l’assemblĂ©e spĂ©ciale se tient dans le cadre d’une assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, la convocation et l’ordre du jour devront distinguer les dĂ©cisions qui devront ĂȘtre prises par l’ensemble des copropriĂ©taires de celles qui devront par les seuls copropriĂ©taires de la partie commune spĂ©ciale.

 

  1. Les majorités requises

L’assemblĂ©e ainsi saisie devra se prononcer sur deux questions :

  • La crĂ©ation d’un nouveau lot et l’approbation du projet de modification de l’état descriptif de division et du rĂšglement de copropriĂ©tĂ©.
  • La vente du lot.

 

  1. La création du nouveau lot

Le lot Ă  crĂ©er devra ĂȘtre dotĂ© de tantiĂšmes de copropriĂ©tĂ© spĂ©ciaux dans les parties communes.

Cette dĂ©cision doit ĂȘtre prise, en vertu de l’article 11 de la loi du 10 juillet 1965, Ă  la mĂȘme majoritĂ© que l’aliĂ©nation elle-mĂȘme.

L’auteur considĂšre que ce texte comporte un principe implicite selon lequel les mesures accessoires (modification du rĂšglement de copropriĂ©tĂ©, rĂ©partition des tantiĂšmes de copropriĂ©tĂ©) peuvent ĂȘtre prises Ă  la majoritĂ© de l’article 26, c’est-Ă -dire au moins les deux tiers des voix.

L’auteur prĂ©cise que si la dĂ©cision est illicite car elle porterait atteinte Ă  des droits fondamentaux des copropriĂ©taires, elle est Ă  l’abri de toute contestation passĂ© le dĂ©lai de 2 mois de l’article 2 de la loi du 10 juillet 1956.

  1. Décision de vendre le lot nouvellement créé

La dĂ©cision de vendre le lot ainsi crĂ©Ă© est soumise Ă  la majoritĂ© de l’article 26 ou la majoritĂ© rĂ©duite de l’article 26-1 sauf dans l’hypothĂšse oĂč la vente porte atteinte Ă  la destination de l’immeuble ou aux droits des autres copropriĂ©taires.

Dans ce dernier cas la dĂ©cision est soumise Ă  l’unanimitĂ©.

Dans l’hypothĂšse oĂč le lot se situe dans une petite copropriĂ©tĂ©, la dĂ©cision sera prise dans les conditions prĂ©vues aux articles 41-8 et suivants de la loi du 10 juillet 1965 et aux articles 41-13 et suivants si le nombre de voix est rĂ©partit entre deux copropriĂ©taires.

  1. La dĂ©cision de l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale

Le lot crĂ©Ă© devant ĂȘtre dotĂ© de milliĂšmes dans les parties communes gĂ©nĂ©rales et participer aux charges communes gĂ©nĂ©rales, les modifications des documents correspondants devront ĂȘtre soumises Ă  une dĂ©cision de l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale.

La majoritĂ© requise est celle de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 avec application Ă©ventuelle de la majoritĂ© rĂ©duite de l’article 26-1 de la mĂȘme loi.

 

 

Vous ne pouvez pas copier le contenu de cette page.