Textes :
Précisions sur les veilles précédentes :
Décret du 10 septembre 2022 relatif au droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine.
L’article L. 218-1 du code de l’urbanisme dispose qu’ “à la demande de la commune, du groupement de commune ou du syndicat mixte compétent pour contribuer à la préservation de la ressource en eau (…) l’autorité administrative de l’état peut instituer un droit de préemption des surfaces agricoles sur un territoire délimité en tout ou partie dans l’aire d’alimentation de captage utilisés pour l’alimentation en eau destinée à la consommation humaine. Ce droit de préemption a pour objectif de préserver la qualité de la ressource en eau dans laquelle est effectuée le prélèvement”.
Le titulaire du droit de préemption est celui qui peut solliciter l’institution de ce droit : une commune, un groupement de communes, un syndicat mixte compétent. Ce droit peut être délégué à un établissement public local par délibération de l’organe délibérant de la personne publique titulaire du droit.
Lorsque le droit de préemption est exercé pour acquérir une fraction d’une unité foncière, le propriétaire peut exiger que le droit porte sur l’ensemble de l’unité foncière (art. L. 218-7 C; urb.). Le titulaire du droit peut accepter cette acquisition aux prix et conditions fixées ou y renoncer ; sa décision doit parvenir au notaire dans le délai de 30 jours à compter de la date de réception de la décision du vendeur, le silence vaut renonciation et rétractation.
Le droit de préemption urbain, le droit de préemption dans les ZAD, le droit de préemption dans les espaces naturels sensibles du département et du conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres priment sur le droit de préemption des ressources en eau destinées à la consommation humaine.
Le droit de préemption des ressources en eau destinées à la consommation humaine prime sur le droit de préemption de la SAFER sur les zones concernées.
La procédure de préemption des ressources en eau destinées à la consommation humaine est soumise aux règles applicables au droit de préemption urbain, le décret du 10 septembre 2022 procédant à ce renvoi.
Application du règlement Bruxelles 2 ter depuis le 1er août 2022
Depuis le 1er août 2022, le règlement (UE) 2019/1111 du 29 juin 2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale et à l’enlèvement international d’enfants est devenu pleinement applicable, remplaçant le règlement Bruxelles 2 bis.
Ce dernier continue à s’appliquer aux poursuites judiciaires intentées avant le 1er aout 2022 et aux décisions rendues dans le cadre de telles poursuites, aux actes authentiques dressés ou enregistrés formellement et aux accords devenus exécutoires dans l’état membre dans lequel ils ont été conclus avant cette même date et qui relèvent du champ d’application dudit règlement.
Jurisprudences :
- Droit patrimonial de la famille
- Droit des successions et des libéralités
- Droit des régimes matrimoniaux
- Droit fiscal
- Droit immobilier
- Droit patrimonial de la famille
- Droit des successions et des libéralités
Caractère personnel de l’action en réduction d’une donation-partage : Cass. com. 2 mars 2022, n° 20-20.173 :
Il résulte de l’article 1077-1 du code civil que la faculté d’agir en réduction d’un donation-partage est ouverte à l’héritier réservataire qui n’a pas concouru à la donation ou qui a reçu un lot inférieur à sa part de réserve.
L’héritier est libre, en fonction de considérations non seulement patrimoniales, mais aussi morales ou familiales, d’exercer ou non l’action en réduction pour préserver sa réserve, la Cour de cassation en déduit que cette action est attachée à sa personne et que malgré son incidence patrimoniale, elle échappe, lorsqu’il est soumis à une procédure de liquidation judiciaire, au dessaisissement prévu par l’article L. 641-9 du code de commerce.
Doit ainsi être cassé l’arrêt d’appel qui a annulé l’acte introductif d’instance délivré à la requête d’un débiteur mis en liquidation judiciaire qui tend à la réduction d’une donation-partage au motif que cette action étant patrimoniale, il n’avait pas qualité pour l’exercer aux lieux et place du liquidateur.
Détermination de l’indemnité de rapport et mise à disposition gratuite d’un bien démembré: Cass. Civ. 1ère, 2 mars 2022, n° 20-21.641 :
Une personne cède la nue-propriété d’une maison à ses deux fils en s’en réservant l’usufruit. Ultérieurement elle donne l’usage gratuit de cette maison à l’un de ses deux fils pour un usage personnel et professionnel. Au décès de l’usufruitier, des difficultés successorales se révèlent et l’un des nus-propriétaires assigne son frère occupant à titre gratuit du bien pour obtenir le rapport de l’avantage indirect dont ce dernier a bénéficié.
Du point de vue du calcul des sommes à rapporter à l’indivision, la Cour de cassation considère que le donataire cumulant les devoirs d’un locataire, auquel sa position d’occupant l’assimilait, et les obligations du nu-propriétaire, il ne peut réclamer à l’usufruitier le remboursement de travaux qui, tout en constituant des réparations autres que locatives mises à la charge du bailleur par l’article 1720 du code civil, relevaient des grosses réparations imputées au nu-propriétaire par l’article 605 du code civil.
Il s’en déduit que celui-ci était tenu d’une indemnité de rapport égale aux loyers qui auraient dû être payés si les lieux avaient été loués, après déduction du seul montant des réparations et frais d’entretien incombant normalement à l’usufruitière.
Le montant des grosses réparations à la charge du nu-propriétaire ne peut dès lors pas être déduit des sommes à rapporter à la succession.
Renonciation à percevoir des fermages non prescrits et libéralité rapportable à la succession : Cass. Civ. 1ère. 21 septembre 2022, n° 20-22.139 :
Suite au décès de deux époux communs en biens laissant pour leur succéder deux filles, des difficultés apparaissent quant au rapport de fermages dus par l’une d’elle à leur mère entre le 1er janvier 1984 et le 9 mai 2011, date de son décès.
L’héritière débitrice des fermages reproche à la cour d’appel de dire que le montant de ces fermages devait être réintégré dans l’actif de la succession alors que seule une dette existante peut faire l’objet d’une libéralité et que les fermages dus entre 1994 et 2005 étaient prescrits.
La Cour de cassation rejette l’argumentaire de la demanderesse en considérant que la renonciation par la mère à recouvrer les fermages échus entre 1994 et 2005 l’avait été dans une intention libérale et qu’ainsi la cour d’appel avait pu se fonder sur le rapport des libéralités et non sur le rapport des dettes et, qu’ayant considéré que la remise de ces fermages était intervenue à une époque où ceux-ci n’étaient pas prescrits, elle pouvait en déduire l’existence d’une libéralité rapportable à la succession.
Délivrance du legs et titre exécutoire : refus d’assimilation : Cass. civ. 1ère. 21 septembre 2022, n° 19-22.693 :
À la suite du décès de M. A le 3 janvier 1993, se prévalant d’un testament authentique dressé le 21 juin 1991, par lequel M. A l’avait institué légataire à titre particulier d’une somme d’argent, M. F a assigné les héritiers de M. A en délivrance de son legs.
Un arrêt rendu par la 1ère chambre civile le 3 juillet 2013 a cassé et annulé l’arrêt rendu le 13 mars 2012 sur cette action sauf en ce qu’il avait dit que M. F était fondé à solliciter la délivrance de son legs dans les limites de la quotité disponible.
Par acte du 5 janvier 2016, M. F a fait délivrer un commandement de payer aux fins de saisie-vente sur le fondement des arrêts des 13 mars 2012 et du 3 juillet 2013. Les héritiers ont contesté la mesure d’exécution en considérant que la délivrance d’un legs a pour seul objet de reconnaître les droits du légataire et doit être distingué du paiement du legs.
Or la cour d’appel avait considéré que les arrêts constatant la délivrance de ce legs étaient constitutifs d’un titre exécutoire pour avoir paiement de ce legs.
La Cour de cassation considère à l’inverse que la délivrance d’un legs particulier a pour seul objet la reconnaissance des droits du légataire, permettant l’entrée en possession de l’objet du legs et l’acquisition des fruits et se distingue, ainsi, du paiement du legs. Il en résulte qu’une décision accueillant une demande en délivrance d’un legs de somme d’argent ne constitue pas un titre exécutoire autorisant le légataire à procéder à des mesures d’exécution forcée en application de l’article L. 111-2 du cpce.
Ce faisant les arrêts reconnaissance la délivrance du legs par le défunt ne peuvent servir de fondement à la signification d’un commandement afin de saisie-vente, ceux-ci se limitant à constater la délivrance du legs et non son paiement.
- Droit des régimes matrimoniaux
Saisie de la résidence principale de l’entrepreneur en instance de divorce : Cass. com. 18 mai 2022, n° 20-22.768 :
Selon la Cour de cassation il résulte de la combinaison de l’article L. 526-1 du code de commerce et de l’article 255 3° et 4° du code civil que lorsqu’au cours de la procédure de diverse de deux époux dont l’un exerce une activité indépendante, le juge aux affaires familiales a ordonné leur résidence séparée et attribué au conjoint de l’entrepreneur la jouissance du logement familial, la résidence principale de l’entrepreneur, à l’égard duquel a été ouverte postérieurement une procédure collective, n’est plus située dans l’immeuble appartenant aux deux époux dans lequel se trouvait le logement du ménage.
Il en résulte que les droits qu’il détient sur ce bien ne sont plus de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de son activité professionnelle.
Doit ainsi être cassée la décision qui pour déclarer la demande du liquidateur tendant à la réalisation de l’immeuble au titre des opérations de liquidation irrecevable, retient que la décision judiciaire attribuant la jouissance exclusive de la résidence de la famille à l’épouse de l’entrepreneur est sans effet sur les droits de ce dernier sur le bien et sur son insaisissabilité légale.
Appréciation du montant de la prestation compensatoire : absence de prise en compte de la part de communauté revenant à l’ex-époux : Cass. Civ. 1ère. 21 septembre 2022, n° 21-12.344 :
Suite au divorce d’époux mariés sous le régime de communauté légale, un jugement a fixé le montant de la prestation compensatoire due par l’un des époux à l’autre.
L’époux débiteur de la prestation compensatoire demandait à fixer le montant de la prestation compensatoire en tenant compte du patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial.
Il arguait qu’il fallait prendre en compte la liquidation du régime matrimonial afin d’apprécier la disparité que la rupture du mariage allait créer dans les conditions de vie respectives des époux et souhaitait qu’il soit recherché si la liquidation de l’important patrimoine commun n’était pas de nature à réduire sensiblement les besoins de l’époux créancier de la prestation compensatoire.
La Cour de cassation rejette l’argumentation en considérant d’une part qu’il tendait à remettre en cause le pouvoir souverain d’appréciation de la cour d’appel et d’autre part que la liquidation du régime matrimonial des époux étant par définition égalitaire, il n’y avait pas lieu de tenir compte de la part de communauté devant revenir à l’époux créancier de la prestation compensatoire pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal dans les situations respectives des époux.
- Droit fiscal
Requalification de l’usufruit et régime fiscal : CE, ch. réunies, 31 mars 2022, n° 458518 :
En l’espèce par acte du 23 juillet 2013 une personne consent à sa fille une donation-partage portant sur l’usufruit viager de 36 parts sociales d’une société en nom collectif.
Par acte du 2 décembre 2013 le donataire constitue une société par actions simplifiées et y apport pour une durée de 30 ans l’usufruit des 36 parts sociales de la SNC en rémunération de cet apport elle reçoit la pleine de propriété de 12480 actions de la SAS lui permettant de disposer de 99,84% de son capital.
À l’issue d’un contrôle, l’usufruitier des parts est assujettie au titre de l’année 2013 sur le fondement du 1° du 5 de l’article 13 du CGI dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à raison de la somme reçue en contrepartie de l’apport consenti à la SAS.
Ce texte prévoit que le produit résultant de la première cession à titre onéreux d’un même usufruit temporaire ou, si elle est supérieure, la valeur vénale de cet usufruit temporaire est imposable au nom du cédant, dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache, au jour de la cession, le bénéfice ou revenu procuré ou susceptibles d’être procuré par le bien ou le droit sur lequel porte l’usufruit temporaire cédé.
Le Conseil d’État en déduit que cette disposition s’applique à l’usufruit temporaire consenti pour une durée fixe, à savoir tant à (1°) la cession à titre onéreux, par le propriétaire d’un bien ou droit, d’un usufruit portant sur celui-ci qu’à (2°) la première cession à titre onéreux, par son titulaire, d’un usufruit préconstitué, dans le cas où le cessionnaire bénéficie du droit d’usufruit pour une période qui n’est pas exclusivement déterminée par la durée de la vie humaine.
Elle requalifie alors l’apport des parts sociales de la SNC à la SAS de cession d’usufruit temporaire soumise au régime de l’article 13, 5 du CGI en raison de la mention d’une durée fixe de cession de 30 ans dans l’acte d’apport bien que l’usufruit avait été préconstitué à titre viager.
Il s’ensuit que dès lors que la SAS était soumise au régime fiscal des sociétés de personnes et qui exerçait une activité de nature industrielle et commerciale, la rémunération de l’apport de parts sociales à celle-ci était taxable entre les mains de celui qui a procédé à l’apport dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
Notion d’ayant droit économique unique en matière fiscale : CE, ch. réunies, 12 mai 2022, n° 444994 :
Le Conseil d’État revient dans cet arrêt sur la notion d’ayant droit économique unique dont la qualification est une condition d’application de l’article 123 bis du code général des impôts.
Par ce texte, rappelle le Conseil d’État, le législateur a entendu imposer les résidents fiscaux à raison des bénéfices réalisés à l’étranger par certaines entités établies dans des États ou territoires dans lesquelles elles sont soumises à un régime fiscal privilégié, sur lesquelles ces résidents exercent un contrôle, même partagé, quelle que soit sa forme juridique et, dans le cas où il est quantifiable, supérieur à 10%.
En l’espèce un résident fiscal français avait fait l’objet d’une rectification par l’administration fiscale de sa déclaration d’impôt dans la catégorie « revenus de capitaux mobilier » en vertu de l’article 123 bis du CGI car il détenait des avoirs par l’intermédiaire d’une société panaméenne sur un compte bancaire suisse ainsi qu’en vertu de l’article 120, 1° du CGI pour des comptes israéliens non déclarés.
Le Conseil d’État relève que le compte de la société panaméenne dans les livres de la banque suisse avait été alimenté pendant des années par les revenus professionnels du résident, non déclarés en France.
Celui-ci avait indiqué par courriers du 16 novembre 2011 ses intentions quant aux modalités de legs à ses enfants des avoirs détenus sur ce compte ainsi qu’un appartement situé à Paris acquis grâce aux fonds détenus par la même société dont les documents comptables indiquaient qu’il était le seul associé.
La cour administrative d’appel a ainsi pu juger que l’administration établissait que ce résident exerçait seul le contrôle de cette société et devait par suite être imposé, sur le fondement de l’article 123 bis du code général des impôts, à raison de la totalité du produit des actifs de la société panaméenne.
La qualification d’ayant-droit économique unique peut donc être déduite d’un faisceau d’indices dispensant l’administration fiscale de démontrer la condition de 10% de détention de l’entité par le résident fiscal, qualité lui permettant de rehausser la base imposable par application de l’article 123 bis du CGI et d’imposer la totalité des actifs détenus.
Acte anormal de gestion résultant de la mise à disposition gratuite sans contrepartie de biens immobiliers appartenant à une société de capitaux : CE, ch. réunies, 22 juillet 2022, n° 444942 :
Dans cet arrêt le Conseil d’État, après avoir rappelé que constitue un acte anormal de gestion l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt, considère que la circonstance qu’une renonciation à recettes par une société de capitaux au bénéfice de ses associés serait conforme à l’objet social de l’entreprise n’est pas à elle seule de nature à faire regarder cette renonciation comme étant dans l’intérêt propre de l’entreprise, ni que satisfaire par cette gratuité l’un des objets pour lequel la société a été créée soit une contrepartie suffisante.
Elle en déduit qu’en mettant à la disposition de son unique associé deux appartements situés à Cannes, la société avait renoncé sans contrepartie à percevoir des recette qu’une gestion normale de ses biens eut procurées.
En conséquence l’administration fiscale pouvait réintégrer les sommes qu’elle aurai pu tirer de la location de ses deux biens immobiliers dans l’assiette imposable à l’IS.
- Droit immobilier
Construction ou installation destinée à l’exercice d’un culte : consultation – ou pas – du préfet ? CE, 25 juillet 2022, n° 463525 :
L’article L. 422-5-1 du code de l’urbanisme, issue de l’article 7 de la loi du 24 aout 2021 confortant le respect des principes de la République, exige l’avis du représentant de l’État pour tout projet portant sur des constructions et installations destinées à l’exercice d’un culte.
Le Conseil d’état juge que l’avis du préfet n’a pas à être nécessairement recueilli si le projet ne crée par un nouveau lieu de culte ou n’étend pas de manière significative des constructions ou installations existantes affectées à l’exercice d’un culte.
En l’espèce le permis modificatif portait sur l’aménagement intérieur de salles de prières et la création d’une surface commerciale liée à l’exercice du culte mais qui ne lui était pas destinée.
Faute de construction nouvelle, ou d’extension significative de l’existant, le projet n’entrait pas dans le champ de la consultation obligatoire du préfet.