Précisions sur la veille de la semaine précédente : 

Cass. Civ. 3ème, 27 février 2020, n° 18-24.653

Dans cet arrêt la Cour de cassation avait jugé que la délivrance d’un avis mettant fin à un bail à long terme pour cause d’âge du preneur n’ouvre pas à celui-ci la faculté de demander le report de sa date d’effet à la fin de l’année culturale où il deviendra bénéficiaire d’une retraite à taux plein.

En l’espèce par acte prenant effet au 1er mars 1989 des parties ont conclu un bail rural sur plusieurs parcelles pour une durée de 18 ans. 

Le 1er mars 2007 ce bail s’est renouvelé pour une durée de 9 ans.

Par lettre du 13 janvier 2015, l’un des preneurs a informé le bailleur que l’autre preneur avait fait valoir ses droits à la retraite et avait demandé à ce que le bail se poursuive à son seul nom.

Par acte du 12 mai 2015 le bailleur l’a informé qu’il mettrait fin au bail pour cause d’âge le 1er mars 2018.

Le preneur avait obtenu de la cour d’appel la prolongation de la date d’effet du congé à la date où le copreneur aurait atteint l’âge lui permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein, c’est-à-dire à la fin de l’année culturale qui, selon les usages locaux, se situe le 31 octobre 2022.

Elle avait considéré que l’article L. 411-64 du code rural issu de sa modification par la loi du 13 octobre 2014 ouvre la possibilité au preneur évincé en raison de son âge de demander de plein droit le report de la date d’effet du congé.

La Cour de cassation sanctionne le raisonnement en considérant que le régime commun statutaire n’est pas applicable à une relation contractuelle relevant des dispositions spéciales régissant les baux à long terme.

La mesure sociale avait formellement été introduite dans le seul cadre du bail statutaire mais non au profit de l’ensemble des fermiers attributaires de baux partiellement soumis au statut ; le fermier titulaire d’un bail à long terme ne bénéficie donc pas d’une protection équivalente à un preneur titulaire d’un bail statutaire. La solution pourrait toutefois s’expliquer par l’engagement ab initio du bailleur d’une longue mise à disposition qui justifierait l’exclusion du bénéfice d’une prorogation légale.

Cass. civ. 3ème, 4 mars 2021, n° 20-14.141

L’article L. 411-35 alinéa 3 du code rural prévoit que lorsqu’un des copreneurs du bail cesse de participer à l’exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter disposer de 3 mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par LRAR que le bail se poursuive à son seul nom. Cette LRAR doit reproduire cet alinéa et mentionner les motifs allégués pour cette demande ainsi que la date de cessation de l’activité du copreneur.

La Cour de cassation juge que le défaut d’accomplissement de cette obligation d’information à destination du propriétaire constitue un manquement aux obligations nées du bail et que son omission est sanctionnée par la résiliation du bail.

En l’espèce l’un des copreneurs s’était retiré de l’EARL exploitante et partant de l’exploitation des terres, les copreneurs n’avaient pas sollicité dans le délai imparti la continuation de la location en leur nom, partant le bail est résilié.

 

Textes :

Décret n° 2022-1026 du 20 juillet 2022 relatifs aux travaux de rénovation énergétique réalisés aux frais du locataire :

Les articles 6 et 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs précisent que le bailleur ne peut s’opposer aux travaux réalisés par le locataire lorsque ceux-ci constituent des aménagements du logement.

En revanche, lorsque ces travaux constituent une transformation du logement, l’accord écrit du propriétaire est nécessaire. A défaut de cet accord, le propriétaire peut exiger du locataire une remise en l’état aux frais du locataire à son départ des lieux. 

La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a introduit un régime dérogatoire d’autorisation tacite du bailleur lorsque des travaux de transformation permettant l’adaptation du logement aux personnes en perte d’autonomie ou en situation de handicap sont réalisés par le locataire et à ses frais.

Ces travaux font l’objet d’une demande écrite du locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception auprès du bailleur. L’absence de réponse dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande vaut décision d’acceptation. 

Dans cette hypothèse, au départ du locataire, le bailleur ne peut pas exiger la remise en l’état des lieux. La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets étend ce régime dérogatoire d’autorisation tacite du bailleur aux travaux de rénovation énergétique réalisés aux frais du locataire. Le décret fixe la liste des travaux de rénovation énergétique concernés ainsi que les modalités de mise en œuvre.

La liste limitative des travaux de rénovation énergétique mentionnés au f de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 comprend lorsqu’ils constituent des travaux de transformation :

  • L’isolation des planchers bas
  • L’isolation des combles et des plafonds de combles
  • Le replacement des menuiseries extérieures
  • La protection solaire des parois virées ou opaques
  • L’installation ou le remplacement d’un système de ventilation
  • L’installation ou le remplacement d’un système de production de chauffage ou d’eau chaude sanitaire et interfaces isolés.

Lorsque les logements loués se situent dans un immeuble collectif, sont exclus de cette liste les travaux affectant les parties communes ou les éléments d’équipement commun.

Sont également exclus de cette liste les travaux affectant la structure du bâtiment, son aspect extérieur, modifiant sa destination ou soumis aux formalités du livre IV du code de l’urbanisme.

Jurisprudences :

  1. Responsabilité civile professionnelle
  1. Obligations
  2. Délais
  1. Délai de prescription
  2. Délai de recours
  1. Nature de la responsabilité et préjudice réparable
  1. Nature de la responsabilité et évaluation du préjudice
  2. Perte de chance
  1. VEFA
  1. Construction 
  1. Responsabilité du constructeur
  2. Demande de démolition d’une construction édifiée en violation du cahier des charges

 

  1. Responsabilité civile professionnelle

 

  1. Obligations

Obligations du notaire au regard de la situation d’urbanisme du bien vendu :

Cass. civ. 1ère, 8 septembre 2021, n° 19-20.676 : 

Par acte du 19 avril 2010 un propriétaire promet de vendre à un couple un garage et deux appartements sous la condition suspensive de l’obtention d’une autorisation de transformation du garage en logement, purgée de tout recours.

Le 21 juin 2010 la mairie de la localité a répondu favorablement à la demande de déclaration préalable.

Le 5 novembre 2010 la vente est réitérée par acte authentique.

À la suite d’un recours engagé contre l’arrêté municipal autorisant la transformation du garage et du retrait, le 20 mai 2011, de cette autorisation par la mairie, l’acquéreur a assigné en nullité de la vente du garage et en responsabilité des notaires.

La nullité de la vente a été prononcée.

Dans cet arrêt la Cour de cassation juge qu’en l’espèce la déclaration préalable mentionnait de façon lisible la nécessité de procéder à l’affichage de la décision sur le site pour faire courir le délai de deux mois pendant lequel un recours était possible. Cette exigence n’avait dès lors pas pu échapper à l’acquéreur. En outre à la date de la réitération de la vente un délai de plus de deux mois s’était écoulé depuis la décision favorable de la mairie

Elle conclut qu’il n’appartient pas aux notaires de s’assurer du caractère effectif de l’affichage sur site de la décision, qu’ainsi aucune faute ne pouvait lui être imputée.

CA Nîmes, 3 juin 2021, n° 19/04160 :

En l’espèce des acquéreurs achetaient un bien inachevé dont les travaux basés sur un permis ancien mais non périmé au jour de la vente avaient déjà commencé.

La promesse de vente indiquait un choix pour l’acquéreur qui pouvait soit demander le transfert du permis soit acquérir sur la base d’un simple certificat d’urbanisme.

Les acquéreurs ont opté pour l’achat sur la base du certificat d’urbanisme. Ultérieurement ils découvrent que la construction qu’ils devaient réalisé n’était plus possible et ils engagèrent la responsabilité du notaire.

Ils furent déboutés au motif que plusieurs échanges montraient que le notaire les avait informé du risque de se contenter d’un simple certificat et que l’acte de vente rappelait que le certificat d’urbanisme consistait en une simple information sur la constructibilité du terrain et non en une autorisation de construire et qu’avant toute construction un permis régulier devait être délivré ou transféré à condition de ne pas être périmé.

Obligation d’information et de conseil sur le risque de mérule : Cass. civ. 1ère, 16 mars 2022, n° 20-22.341 :

En l’espèce, par acte authentique du 31 mars 2015, une SCI a acquis une propriété immobilière par l’intermédiaire d’un agent immobilier.

L’acte comportait une clause figurant également dans la promesse de vente stipulant que les parties avaient été informées des dégâts pouvant être occasionnées par la présence de mérule dans un bâtiment, que l’acquéreur n’avait pas constaté lors de la visite du bien la présence de certains éléments énumérés parmi les plus révélateurs de la potentialité de la présence de ce champignon, que le vendeur déclarait ne pas avoir constaté jusqu’à ce jour l’existence de tels indices et que l’acquéreur avait dispensé le vendeur et le notaire de faire effectuer la recherche de la présence éventuelle de mérule par un diagnostiqueur spécialisé.

Suite à la constatation d’un champignon de type mérule, l’acquéreur a obtenu la désignation d’un expert judiciaire puis a assigné en responsabilité et indemnisation l’agent immobilier ainsi que la société ayant procédé à d’autre diagnostics techniques.

La Cour de cassation juge que n’était pas rapportée la preuve de la connaissance de l’agent immobilier de la présence de mérule dans l’immeuble et d’une dissimulation de cette information et que l’acquéreur, professionnel de l’immobilier, avait acquis le bien en cause, à un prix peu élevé, en connaissance de son état de vétusté, de son absence d’occupation depuis des années et de la présence d’humidité dans certains murs révélée par les diagnostiques techniques, qu’il était ainsi averti de risques potentiels de mérule et informé par la clause insérée dans la promesse de vente et l’acte de vente des dégâts pouvant être occasionnées par sa présence dans le bâtiment et qu’il avait renoncé devant le notaire à demander au vendeur la réalisation d’un diagnostic portant sur la recherche de ce champignon.

Elle en déduit que l’agent immobilier n’était pas tenu de conseiller à l’acquéreur de procéder à un tel diagnostic et qu’il n’avait pas commis de faute.

Il est recommandé d’insérer une clause d’information hors zone d’information obligatoire de ce type : « L’acquéreur reconnaît avoir été informé par le notaire rédacteur, préalablement à la signature des présents, des conséquences de la présente clause d’exonération de garantie des vices cachés, et notamment de l’absence de recours contre le vendeur de bonne foi, sauf la garantie légale des article 1792 et suivants du Code civil s’il y a lieu, même s’il survenait des problèmes liés à la prolifération de champignons et notamment le champignon mérule et autres parasites du bois, ou à la présence de termites. Il reconnaît également avoir été informé de l’intérêt qu’il avait à faire réaliser avant la signature de l’acte, mais à ses frais, un état parasitaire de l’immeuble par un homme de l’art ». (clause proposée par Jean-Marie Delpérier : JCP N, n° 31-34 du 28 juillet 2022, 1203).

Devoir de conseil lors de la cession d’une ICPE : Cass. civ. 3ème, 30 septembre 2021, n° 20-18.665 :

En l’espèce une société propriétaire d’un immeuble à usage industriel sur lequel elle avait exploité, de 1948 à 2003, une usine de fabrication de mécanique industrielle de précision, a conclu une promesse de vente de ce terrain au prix de 200 000 € sous condition suspensive de la purge du droit de préemption.

La commune de Blois a exercé son droit de préemption le 20 mars 2007 et la vente a été reçue par acte authentique les 18 et 20 juillet 2007 ?

Le 17 octobre 2014, suite à la découverte d’une pollution du sol, la commune de Blois a assigné le vendeur en responsabilité pour manquements à ses obligations d’information et de bonne, à l’obligation d’information prévue par l’article L. 514-20 du code de l’environnement et, subsidiairement, pour dol, afin d’obtenir réparation de ses préjudices et la remise en état du terrain.

Elle a également assigné aux mêmes fins le notaire et son successeur ainsi que leurs assurances.

Le vendeur a soulevé la prescription de l’action et demandé à être entièrement garantie par le notaire des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Sur la responsabilité du vendeur :

D’une part la cour d’appel avait retenu que le vendeur avait fait une fausse déclaration sur ses obligations au regard de la législation sur les installations classées devant le notaire chargé de la vente de son bien immobilier. Elle en a justement déduit que cette faute intentionnelle du vendeur rendant sans effet la clause de garantie mise à la charge de l’acquéreur « au titre de toute pollution qui pourrait survenir ultérieurement.

D’autre part le vendeur avait été mis en demeure, par décision de l’autorité administrative devenue définitive, de remettre le terrain en état conformément aux prescriptions d’un arrêté du 2 février 2011 ; il en résulte que le vendeur en sa qualité de dernier exploitant de l’installation classée ayant fonctionné sur le site était tenu d’une obligation légale, d’ordre public, de remise en l’état et quelle devait, à ce titre, en prendre le coût à sa charge exclusive.

Sur la responsabilité du notaire :

D’une part la Cour de cassation retient que l’acte notarié reprenait les déclarations de chacune des parties, ainsi que, notamment, la lettre du préfet d’Indre-et-Loire en réponse à la lettre du notaire du 5 avril 2007 l’interrogeant sur l’état du terrain objet de la vente au regard des dispositions de la loi du 19 juillet 1976 sur les installations classées et qu’il faisait expressément référence aux arrêtés d’autorisation d’installations classées pour la protection de l’environnement, également annexés à l’acte.

Il en résulte que le notaire n’avait commis aucune faute dans la rédaction de l’acte de vente.

D’autre part il a été constaté que le vendeur qui avait obtenu dès 1948 une autorisation d’exploiter une installation classée pour la protection de l’environnement, était présumé connaître ses obligations au regard de cette législation et qu’en outre les contradictions sur l’existence ou non d’une installation classée soumise à autorisation ou déclaration sur le terrain objet de la vente ne résultaient pas d’une erreur de transcription par le notaire des déclarations de la venderesse, mais de la fausse déclaration de celle-ci selon laquelle elle n’avait jamais exploité dans les biens vendus d’activités soumises à autorisation ou déclaration.

Il en résulte que le vendeur ne pouvait imputer au notaire la faute résultant de ses propres manquements à ses obligations au regard de la législation sur les installations classées et son défaut intentionnel d’information.

En conséquence la Cour de cassation rejette l’action récursoire du vendeur contre le notaire.

  1. Délais

 

  1. Délai de prescription

 

Point de départ du délai de prescription : Cass. civ. 1ère, 9 mars 2022, n° 20-15.012

Des époux avaient divorcé par consentement mutuel le 15 avril 2009. La convention de divorce prévoyait que l’un des époux (M) devait prendre en charge plusieurs prêts et un nantissement sur son fonds de commerce.

Le 29 juin 2010 cet époux cède son fonds de commerce.

Le 16 janvier 2013 cet époux est placé en redressement judiciaire.

Par acte du 7 avril 2015 plusieurs échéances de prêt demeurent impayées et l’autre époux (Mme) est assigné en paiement des mensualités par la banque.

Cet époux (Mme) assigne notamment le notaire en responsabilité et indemnisation.

La cour d’appel avait jugé l’action prescrite en considérant que l’époux demandeur avait eu connaissance de l’absence de publication du nantissement et de l’absence d’efficacité de l’acte liquidatif lors de la cession du fonds de commerce le 29 juin 2010.

La Cour de cassation rejette cette analyse en considération que le dommage subi par l’époux demandeur ne s’était manifesté qu’à compter de la décision passée en force de chose jugée du 6 février 2020 la condamnant au paiement des sommes restants dues au titre des prêts, l’action contre le notaire commençant à courir à cette date.

  1. Délai de recours

Aliénation d’un chemin rural : délai de recours : CE, 5 juillet 2022, n° 459683

Le Conseil d’État juge que le délai de recours contentieux contre une décision d’aliénation de parcelles supportant un chemin rural après sa désaffectation cours pour les propriétaires riverains à compter de la notification de la décision d’aliénation, peu importe que la décision ait été publiée ou affichée.

 

  1. Nature de la responsabilité et préjudice réparable

 

  1. Nature de la responsabilité et évaluation du préjudice

Cass. civ. 1ère, 24 novembre 2021, n° 19-23.591

En l’espèce par acte notarié du 27 avril 1992 des époux souscrivent un prêt d’un montant de 950 000 francs au taux de 13,38% l’an remboursable en deux échéances annuelles.

Le même jour les cautions, après avoir donné mandat à cette fin à un notaire, se sont portés cautions hypothécaire du remboursement du prêt de 950 000 francs au taux de 12% pour une durée de 1 an.

Par avenant du 2 décembre 1994 les emprunteurs et la banque conviennent de proroger la date d’exigibilité de la seconde échéance d’un an et de ramener le taux d’intérêt conventionnel à 10,878%.

Par jugement du 7 janvier 2009, confirmé par un arrêt du 13 septembre 2012, les emprunteurs et les cautions ont été condamnés solidairement à payer à la banque la somme de 228 769,59€ avec intérêts au taux de 13,3%.

Les cautions, soutenant que le cautionnement hypothécaire n’était pas conforme à leur volonté (car elles souhaitaient s’engager au taux d’intérêt de 13,3% et non 12%) ont assigné le notaire en responsabilité contractuelle.

Concernant la nature de la responsabilité, les notaires arguaient que l’action devrait avoir une nature délictuelle et serait, en conséquence prescrite. Ils reprochaient ainsi à la cour d’appel d’avoir fait application du délai de prescription trentenaire applicable aux actions en responsabilité contractuelle.

La Cour de cassation rejette ce raisonnement en considérant que dès lors qu’un mandat spécial avait été confié par les cautions au clerc de notaire qui ne l’avait pas exécuté conformément aux conditions qui y étaient précisées, il fallait appliquer les règles de la responsabilité contractuelle.

La solution se justifie au regard du fait que ce n’était pas la validité ou l’efficacité de l’acte qui était en cause – obligations qui relèvent de la fonction d’officier public du notaire – mais le respect de la volonté des parties par le rédacteur de l’acte. La responsabilité du notaire est donc de nature contractuelle, le notaire étant dans cette hypothèse traité comme un mandataire.

Concernant le préjudice réparable, la cour d’appel avait condamné le notaire à payer in solidum la totalité de la somme due par les cautions à la banque. 

Les notaires reprochaient à la cour d’appel de n’avoir pas vérifié si en l’absence de la faute du notaire – qui consistait en la modification de la durée de l’engagement de prêt et du montant du taux d’intérêt, mais non de l’engagement de la caution – les cautions n’auraient pas été pareillement redevables à la banque d’une somme égale voire supérieure à celle qu’elles avaient été condamnées à payer.

La Cour de cassation accueille ce raisonnement en rappelant d’abord que le droit de la responsabilité ouvre droit à réparation du seul dommage en lien causal direct et certain avec la faute imputée au notaire et en considérant ensuite que la cour d’appel aurait dû rechercher quelles sommes auraient pu être mises à la charge des cautions, en l’absence de faute commise par le notaire et le clerc de notaire.

En somme dès lors que les cautions auraient dû payer une certaine somme en raison de la défaillance du débiteur, le notaire n’aurait dû être condamné qu’à payer la différence entre les intérêts à 13,3% et ceux à 12% mais non la totalité de la somme.

Il conviendra de noter l’incohérence apparente de l’arrêt, retenant la responsabilité contractuelle du notaire dans un premier temps et censurant la décision d’appel sur le fondement de l’ancien article 1382 du code civil. Néanmoins du point de vue de l’évaluation du préjudice, le principe de réparation intégrale s’applique uniformément indépendamment du régime de responsabilité.

  1. Perte de chance

Cass. civ. 1ère, 6 octobre 2021, n° 20-13.526 

Du point de vue du fond la Cour de cassation juge qu’un notaire peut être condamné à indemniser la perte de chance de ne pas contracter dès lors que lors d’un acte de cession de parts sociales il s’est abstenu de révéler à l’acquéreur une information relative à une dissimulation d’une partie du prix lors de l’acquisition du fonds de commerce.

L’apport procédural de l’arrêt consiste à considérer que le juge ne peut pas refuser d’indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage dont il constate l’existence en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée.

  1. VEFA

 

Vente avec travaux et protection du notaire par le rescrit fiscal : CA Montpellier, 9 septembre 2021, n° 16/06217

Des époux font l’acquisition en état futur d’achèvement d’un appartement destiné à servir de résidence de tourisme. Le vendeur-constructeur est placé en liquidation judiciaire avant l’achèvement des travaux et les acquéreurs assignent le notaire en responsabilité lui reprochant de ne pas avoir soumise la vente litigieuse au régime juridique d’immeuble à rénover afin de bénéficier de la garantie extrinsèque d’achèvement.

La cour d’appel juge d’une part que les acquéreurs ne pouvaient ignorer dès la signature de l’acte de vente que la nature des travaux envisagés excluait l’application du régime de la vente d’immeuble à rénover et d’autre part qu’aucune faute ne pouvait être reproché au notaire qui avait pris le soin d’interroger avant la vente l’administration fiscale et que l’acte de vente prenant en compte cette position était parfaitement clair quant à la qualification de l’opération et au régime juridique applicable.

Obligation du notaire et constat du commencement effectif des travaux : Cass. Civ. 3ème, 8 juillet 2021, n° 19-25.774 ; 19-25.775 ; 19-25.778 et 19-25.779 :

En l’espèce, par actes authentiques reçus les 9, 10, 17, 29 avril et 5 mai 2008, une SCI a vendu à divers acquéreurs des lots de copropriété en état futur d’achèvement.

La SCI avait souscrit une garantie financière d’achèvement auprès de la Caisse d’épargne, assortie du nantissement, au profit de celle-ci, des sommes résultant de la vente des lots, lesquelles devaient être portées au crédit d’un compte centralisateur ouvert dans ses livres.

La SCI a été mise en liquidation judiciaire.

Les travaux de construction n’ont jamais commencé et la caisse d’épargne a refusé la mise en œuvre de la garantie d’achèvement en raison de la péremption du permis de construire intervenue le 14 juin 2008.

Les acquéreurs ont assigné le liquidateur judiciaire de la SCI, la société notariale, leur organisme prêteur et le garant d’achèvement en résolution des contrats de vente et de prêt, ainsi qu’en réparation de leurs préjudices.

La société notariale a sollicité la garantie de la caisse d’épargne en sa qualité de garant d’achèvement, recours qui lui fut refusée par la cour d’appel.

Celle-ci avait fait ressortir que le garant d’achèvement n’avait pas connaissance, à la date des actes de vente, ni antérieurement, de la situation financière obérée des sociétés du groupe de promotion immobilière, laquelle lui avait été dissimulée par la remise d’attestations d’avancement de travaux réalisés sur d’autres opérations ne reflétant pas la réalité, ni de l’absence de tout commencement de travaux sur le chantier litigieux

La Cour de cassation considère que la société notariale qui ne s’était pas assurée avant la signature des actes de vente de divers lots de copropriété en l’état futur d’achèvement, du démarrage effectif des travaux, sans lequel le permis de construire encourait la péremption, n’était pas fondée en son recours à l’encontre du garant d’achèvement, au titre des préjudices causés par la résolutions des ventes, exclusivement imputables à la faute de celle-ci.

Il est recommandé de recourir à un commissaire de justice afin de faire constater l’effectivité du commencement des travaux, condition d’efficacité de la garantie d’achèvement avant de procéder à la régularisation des actes.

 

  1. Construction

 

  1. Responsabilité du constructeur

Cass. civ. 3ème, 13 juillet 2022, n° 19-20.231

La Cour de cassation rappelle d’abord que les désordres affectant les éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.

Ensuite que cette règle ne vaut, s’agissant des éléments adjoints à l’existant, que lorsque les désordres trouvent leur siège dans un élément d’équipement au sens de l’article 1792-3 du code civil, c’est-à-dire un élément destiné à fonctionner.

Enfin qu’il en résulte que les désordres, quel que soit leur degré de gravité, affectant un élément non destiné à fonctionner, adjoint à l’existant, relèvent exclusivement de la responsabilité de droit commun du constructeur ou réputé constructeur.

Il en résulte qu’en l’espèce les désordres affectant un carrelage et des cloisons, adjoints à l’existant, lesquels ne sont pas destinés à fonctionner, relèvent de la responsabilité civile de droit commun et non de la garantie décennale.

  1. Demande de démolition d’une construction édifiée en violation du cahier des charges

Cass. civ. 3ème, 13 juillet 2022, n° 21-16.407 : 

La cour d’appel qui fait ressortir l’existence d’une disproportion manifeste entre le coût de la démolition pour le débiteur et son intérêt pour les créancier peut en déduire que la demande d’exécution en nature devait être rejetée et que la violation du cahier des charges devait être sanctionnée par l’allocation de dommages et intérêts.

Il était en l’espèce totalement disproportionné de demander la démolition d’un immeuble d’habitation collective dans l’unique but d’éviter aux propriétaires d’une villa le désagrément de ce voisinage alors que l’immeuble avait été construit dans l’esprit du règlement du lotissement et n’occasionnait aucune perte de vue ni aucun vis-à-vis.

 

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