1. Bail

La résiliation du bail en cas de sous-location irrégulière : Cass. Civ. 3ème, 22 juin 2022, n° 21-18.612

Dans cet arrêt la Cour de cassation juge d’abord qu’un changement de destination des locaux loués peut être caractérisé par l’utilisation répétée et lucrative d’une partie du logement. Celui-ci constitue une faute susceptible d’entraîner la résiliation du bail.

Elle juge ensuite que le loyer constitue un fruit civil qui appartient au propriétaire et que le preneur, auteur d’une sous-location interdite ne pouvait en être possesseur de bonne foi. Elle rejette ainsi le calcul de la cour d’appel qui s’était limitée à condamner le preneur à rembourser une somme moindre des sous-loyers perçus par le preneur en déduisant les loyers perçus par le bailleur en exécution du bail.

 

  1. Droit rural

L’entreprise de rééquilibrage du statut de fermage par la Cour de cassation, synthèse à partir de l’étude de M. H. Bosse-Platière publiée au JCP N 2022, n° 27, 1192 (égal. publiée à la RD rur. 2022, étude 8).

  1. La remise en cause du statut du fermage.

Par plusieurs arrêts inédits rendus en 2019 et 2020 la Cour de cassation a écarté l’application du statut du fermage malgré la présence a priori de l’ensemble de ses éléments constitutifs.

L’article L. 411-1 du code rural dispose, en son alinéa 1er, que « toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour une activité agricole » est régie par les dispositions applicables au statut du fermage.

La Cour de cassation semble néanmoins enjoindre aux juridictions de vérifier l’intention des parties, en particulier leur conscience de conclure un bail rural.

Ainsi la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt du 7 février 2019 (n° 17-26.246), a jugé que le maintien dans les lieux à titre de simple tolérance et le règlement d’une somme en contrepartie ne suffisaient pas à caractériser un bail rural.

La même chambre, par un arrêt du 10 septembre 2020 (n° 19-11.770), a jugé que la preuve d’un bail rural supposait, à la charge de celui qui en sollicite la reconnaissance en justice, d’établir que le propriétaire d’un bien foncier agricole a accepté de la mettre à disposition à titre onéreux aux fins d’exploitation, de sorte que la seule démonstration d’une occupation des lieux n’est pas suffisante, peu important qu’elle donne lieu au recouvrement de cotisations obligatoires par la mutualité agricole.

De même, la 3ème chambre civile avait déjà jugé, par un arrêt du 12 septembre 2019 (n°18-14.406) que pour bénéficier du statut du fermage, il faut prouver la commune intention des parties sur le principe d’une mise à disposition des terres et sur un fermage en contrepartie, de même que la volonté non équivoque du propriétaire de consentir un bail rural.

Selon l’auteur de cette étude, si ces solutions sont les bienvenues en tant qu’elle permette d’éviter à un propriétaire d’être pris au piège du statut du fermage à son insu, il n’en demeure pas moins que le caractère impératif du statut du fermage invite à exclure exceptionnellement le statut du fermage lorsque ses éléments constitutifs sont présents.

  1. Le domaine d’application du fermage

Selon l’auteur de l’étude « le domaine d’application du statut du fermage connaît davantage de dérogations partielles que d’exceptions totales ».

La Cour de cassation (3ème civ. 27 février 2020, n° 18-24.653) a ainsi considéré que la délivrance d’un avis mettant fin à un bail à long terme pour cause d’âge du preneur n’ouvrait pas la faculté à celui-ci de demander le report de sa date d’effet à la fin de l’année culturale où il deviendra bénéficiaire d’une retraite à taux plein.

Elle justifie la solution en considérant que le régime commun statutaire prévu en matière de refus ou de limitation du renouvellement du bail lorsque le preneur a atteint l’âge de la retraite retenu en matière d’assurance vieillesse des exploitants agricoles n’est pas applicable à l’avis mettant fin à une relation contractuelle relevant des dispositions spéciales régissant les baux à long terme.

  1. Au stade de la formation du contrat

Depuis un arrêt rendu par la 3e chambre civile le 29 novembre 2018 (n° 17-17.442), la condition de concours du nu-propriétaire s’applique à tous les baux portant sur un fonds rural, qu’ils paraissent ou non soumis au statut du fermage lors de la conclusion du contrat. Elle excluait toutefois cette condition dans l’hypothèse de la tolérance d’une occupation précaire.

Cette solution fut appliquée à une convention de mise à disposition de diverses parcelles signée entre un usufruitier et la SAFER, la 3ème chambre civile Cour de cassation considérant dans un arrêt du 22 octobre 2020 (n° 19-11.555) qu’une telle convention s’analysait en un bail rural sur un fonds rural nécessitant en conséquence l’accord du nu-propriétaire.

  1. Au stade de l’exécution du contrat

À propos de la conversion du métayage en fermage, un arrêt de la 3ème chambre civile du 10 octobre 2019 (n°17-28.862) exige désormais d’appliquer un contrôle de proportionnalité au titre du droit au respect des biens, la conversion ne devant pas porter une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens du bailleur au regard du but légitime poursuivi. En l’espèce une telle conversion, susceptible de priver le bailleur de la perception en nature des fruits de la parcelle louée alors qu’elle était dépourvue de tout système effectif d’indemnisation portait atteinte aux droits du bailleur.

En revanche, en appliquant un tel contrôle de proportionnalité, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation avait déjà autorisé, dans un arrêt du 1er mars 2017 (n° 15-20.817), à un héritier de parts sociales d’un groupement foncier agricole de solliciter judiciairement son un retrait judiciaire de la structure de la société contre l’avis des associés et ce malgré les dispositions contraires de l’article L. 322-23 du code rural.

  1. Vente du bien et droit de préemption du fermier

Par un arrêt du 1er décembre 2016 (n° 15-23.410), la 3e chambre civile avait considéré que pour prétendre bénéficier d’un droit de préemption, le preneur devait établir qu’il remplit les conditions d’ancienneté, d’exploitation personnel et de conformité avec sa situation administrative.

Elle l’avait en l’espèce exclu pour un GAEC qui avait bénéficié de ventes d’herbe sur pied pendant deux années en contrepartie d’un prix en absence de déclaration de cette exploitation à la mutualité sociale agricole et d’autorisation administrative d’exploiter.

Plus récemment, la 3e chambre civile, par un arrêt du 24 mai 2017 (n° 16-13.434) a rejeté un tel droit au preneur qui avait eu recours aux services d’une entreprise de travaux agricole, considérant que le preneur qui soutenait être titulaire d’un bail rural verbal ne caractérisait pas une participation effective et permanente aux travaux, laquelle ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l’exploitation.

L’auteur de l’étude remarque que la condition posée par la Cour de cassation – à savoir la participation effective et permanente aux travaux – est plus exigeante que celle posée par l’art. L. 412-12 du code rural qui vise une « exploitation personnelle ».

Aussi celui-ci note-t-il les difficultés que rencontrerons les notaires pour procéder à la vérification des conditions posées par la Cour de cassation au moment de purger le droit de préemption.

  1. Fin du bail

Par un arrêt du 4 mars 2021 (n° 20-14.141) la 3e chambre civile de la Cour de cassation a créé un cas prétorien de résiliation judiciaire automatique pour défaut d’accomplissement de l’obligation du propriétaire en cas de cessation d’activité par l’un des copreneurs.

 

  1. Droit de la personne et de la famille

 

  1. Personnes vulnérables 

Synthèse établie à partir de la chronique jurisprudentielle établie par MM N. Peterka, L. Fabre, S. Moisdon-Chataigner, P-A. Soreau et A. Tani au JCP N du 15 juillet 2022, n° 28, 1195.

 

  1. Majeurs hors mesure de protection

Appréciation à la date du testament de l’incapacité de défiance posée par l’article L. 116-4 al. 2 du CASF : Cass. civ. 1ère, 23 mars 2022, n° 20-17.663

À propos de l’application de l’article L. 116-4 alinéa 2 du CASF dans sa version applicable au 22 janvier 2016 (date du décès du testateur) instituant des incapacités de recevoir à titre gratuit (en l’espèce il s’agissait d’une auxiliaire de vie), la Cour de cassation considère que les actes juridiques étant régis par la loi en vigueur au jour où ils ont été conclus, ce texte qui était postérieur à la date d’établissement du testament ne pouvait pas s’appliquer.

Il conviendra de noter que ce texte, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 a été déclaré partiellement inconstitutionnel (Cons. Const. 12 mars 2021, n° 2020-888 QPC), celui-ci excluant de l’interdiction de recevoir édictée par le texte les personnes assurant un service à la personne (visée à l’article L. 723-1 du code du travail) ainsi que les salariés employés à domicile pour réaliser des travaux à caractère familial ou ménager (art. L. 722-1 du code du travail).

  1. Majeurs sous mesure de protection

Refus d’aggravation de la mesure de protection à défaut de certificat médical : Cass. civ. 1ère, 2 mars 2022, n° 20-19.767

La Cour de cassation a considéré dans cet arrêt que la requête tendant au renforcement d’une mesure de protection était irrecevable faute d’être accompagnée d’un certificat médical circonstancié établi à cette fin.

Une telle requête ne peut dès lors pas reposer sur un certificat médical qui avait été établi dans le cadre d’une autre finalité.

En l’espèce le certificat médical qui avait été établi pour l’activation d’un mandat de protection future ne pouvait pas servir à justifier la substitution d’une curatelle renforcée à une curatelle simple, peu importe qu’il ait été établi par un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République.

Suppression de l’émolument de rédaction et d’envoi d’une requête au juge des tutelles.

Suite à la suppression de l’émolument de 37,73€ HT de rédaction et d’envoi d’une requête au juge des tutelles, depuis le 1er mars 2022, cette prestation doit être rémunérée par un honoraire, conformément aux dispositions de l’article L. 444-1 alinéa 3 du code de commerce.

Communication du compte de gestion : Cass. Civ 1ère, 23 mars 2022, n° 20-20.155

La Cour de cassation juge que la demande de communication du compte de gestion du majeur protégé par une mesure de tutelle devait être rejetée dès lors que la personne objet de la protection avait exprimé son refus catégorique de voir communiques ses comptes à sa sœur tant devant le juge des tutelles que lors des entretiens avec son tuteur.

  1. Majeurs sous mesure de protection et mineurs

Adoption de la personne protégée : Loi n° 2022-219 du 21 février 2022

Désormais un majeur protégé qui est dans l’incapacité de manifester sa volonté peut être adopté par une décision judiciaire.

Le nouvel article 348-7 du code civil prévoit, à ce titre, que le tribunal peut prononcer l’adoption plénière d’un majeur protégé hors d’état d’y consentir personnellement si elle est conforme à son intérêt, après avoir recueilli l’avis d’un administrateur ad hoc ou de la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation.

Cette procédure est également applicable à l’adoption d’un mineur de plus de treize ans.

Si le majeur peut exprimer son consentement, celui-ci doit être donné devant notaire ou devant les agents diplomatiques ou consulaires français.

Il peut rétracter son consentement à tout moment jusqu’au prononcé de l’adoption par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la personne ou au service qui a reçu le consentement à l’adoption.

L’adoption peut être révoquée par le juge pour motifs graves, à la demande du majeur protégé ou de l’adoptant.

Le notaire chargé de rédiger un acte de consentement à l’adoption devra vérifier : 1° la capacité des parties (leur état civil, leur âge, la différence d’âge entre adopté et adoptant) ; 2° les conditions de l’adoption ; 3° la compétence du tribunal judiciaire devant obtenir un jugement d’adoption, le tribunal compétent étant celui du domicile de l’adoptant ou, si l’adoptant réside à l’étranger, le tribunal du domicile de l’adopté.

Le notaire devra avertir dans cet acte, les conséquences de l’adoption, ses effets sur le nom de famille et la possibilité de rétracter le consentement.

Changement de nom : Loi n° 2022-301 du 2 mars 2022

La loi du 2 mars 2022 prévoit la possibilité pour toute personne de demander à l’officier de l’état civil un changement de nom, cette possibilité n’est pas exclue pour les majeurs protégés.

Le législateur a supprimé, à cet égard, la représentation obligatoire du tuteur, ce qui permet à la personne protégée de procéder seule aux démarches de changement de nom auprès de l’officier de l’état civil.

Nom d’usage :

La loi du 2 mars 2022 prévoit la faculté pour les parents de prévoir un nom d’usage pour leur enfant mineur.

Si l’un des parents fait l’objet d’une mesure de protection, la déclaration du choix ou du changement de nom de l’enfant est un acte strictement personnel qui ne peut donner lieu à assistance ou représentation.

Lorsque les parents sont dépossédés de l’autorité parentale, le juge peut statuer sur le changement de nom de l’enfant sous réserve de son consentement personnel s’il est âgé de plus de 13 ans.

Le parent qui n’avait pas transmis son nom peut désormais l’adjoindre à titre d’usage au nom de famille de l’enfant dans la limite du premier nom de famille de chacun des parents. Le parent devra, pour le faire, en informer préalablement en temps utile l’autre parent exerçant l’autorité parentale. En cas de désaccord le juge aux affaires familiales pourra être saisie pour statuer dans l’intérêt de l’enfant.

  1. Mineurs

Nullité relative de l’absence d’autorisation du juge des tutelles : Cass. 1ère civ. 16 mars 2022, n° 21-11.958

En l’espèce plusieurs personnes, dont des mineurs, étaient propriétaires indivis d’un immeuble. L’administratrice légale des enfants avait signé en leur nom un protocole et, face aux obstructions des autres indivisaires, elle avait solliciter son homologation judiciaire.

Les autres indivisaires invoquèrent la nullité du protocole au motif qu’il avait été signée par l’administratrice sans l’autorisation du juge des tutelles.

La Cour de cassation juge que selon l’article 387-1 du code civil, l’administrateur légal ne peut, sans autorisation du juge des tutelles, transiger au nom du mineur. Elle précise que le non-respect de cette formalité est une nullité relative qui ne peut être invoquée que par le mineur ou son représentant, le juge de l’homologation ne pouvant, dès lors, examiner une contestation tirée de l’absence d’une telle autorisation formée par une autre partie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Études 

 

 

L’exonération Dutreil n’est pas conditionnée au maintien du rôle d’animation exercé par la holding jusqu’au terme des engagements de conservation : synthèse à partir de l’étude de M. Fruleux, JCP N 8 juillet 2022, n° 27.

La chambre commerciale, par un arrêt du 25 mai 2022 (n° 19-25.513) a eu à se prononcer sur les conditions d’application de l’exonération Dutreil (article 787 B du CGI) au profit d’une holding animatrice de son groupe.

En l’espèce une fille avait reçu avec son frère la nue-propriété de parts sociales d’une société qualifiée de holding animatrice de groupe. Celle-ci avait revendiqué le bénéfice de l’exonération des droits de succession au titre de l’exonération Dutreil en prenant l’engagement de conserver les parts de société pendant une durée de quatre ans à compter de leur transmission.

L’administration fiscale remettait en cause le bénéfice de cette exonération au motif que la société, peu de temps après le décès, la holding céda ses participations dans certaines de ses filiales, en conséquence la holding était devenue purement financière.

La cour d’appel avait admis que l’administration fiscale était fondée à soutenir que la perte, par la société, de sa fonction d’animatrice de groupe avant l’expiration du délai légal de conservation des pars rendait la transmission de ces parts inéligible à l’exonération partielle.

La Cour de cassation rejette cette analyse en considérant que la cour d’appel avait ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas. Ainsi le bénéfice de cette exonération partielle n’est pas conditionnée au maintien du rôle d’animation joué par la holding jusqu’à la fin des engagements fiscaux de conservation.

Ce faisant ce rôle d’animation doit être apprécié lors de la transmission mais non postérieurement.

L’arrêt se justifie en partie au regard de la sécurité juridique. En effet la Cour de cassation permet, par cette décision, au contribuable, de ne pas être rétroactivement redevable du bénéfice d’une exonération pour n’avoir pas respecté une exigence non imposée par le texte.

L’auteur de l’étude remarque néanmoins la fragilité de la décision au regard de la ratio legis de l’exonération Dutreil qui est destinée à assurer la pérennité de l’entreprise. Le risque étant que des sociétés bénéficieraient de l’exonération en changeant à court terme son activité pour une activité qui n’aurait pas pu donner lieu à cette exonération si elle avait été exercée lors de la transmission.

Il conclut à la possibilité d’une modification législative pour neutraliser les risques de dévoiement de ce mécanisme fiscal et considère par ailleurs que l’absence de condition objective posée par le texte quant au maintien de l’animation n’empêchera pas l’administration fiscale de placer son raisonnement sur le terrain du dévoiement du régime de faveur.

 

Dispositif renforçant l’encadrement des organismes bénéficiaires de dons éligibles à la réduction d’impôt mécénat : BOI-BIC-RICI-20-30-10-10, 8 juin 2022.

La DGFIP précise d’une part que pour ouvrir droit à la réduction d’impôt, le versement doit procéder d’une intention libérale de l’entreprise et non être la contrepartie d’une prestation que l’organisme a effectuée à son profit.

D’autre part que le don, qui peut être effectué en numéraire ou en nature, ne peut pas venir en déduction pour la détermination du résultat imposable ; son montant ou sa valeur devant être réintégré de manière extracomptable.

  1. Forme des dons et valorisation des biens donnés
  1. Dons en numéraire

En cas de don en numéraire, le montant pris en compte par la détermination de la réduction d’impôt est égal au montant effectivement versé.

Peuvent aussi ouvrir droit au bénéfice de la réduction d’impôt les « abandons de recettes » par lesquelles l’entreprise donatrice demande à son client de verser, pour son compte, directement à l’organisme éligible au régime fiscal du mécénat qu’elle lui aura désigné, tout ou partie de sa vente ou de sa prestation.

Illustration : 

Une entreprise vend des produits pour 100€ HT, auxquels s’ajoute une TVA collectée de 20€.

1° Elle donne la moitié du produit HT de sa vente à un organisme répondant aux conditions prévues par l’article 238 bis CGI et demande à son client de procéder, pour son compte, au versement de la somme correspondant à ce don à l’organisme.

L’entreprise doit constater un produit imposable de 100€ HT, un don de 50€ et collecter une TVA de 20€.

2° L’entreprise demande à son client de procéder, pour son compte, au versement d’une somme de 120€ à l’organisme.

Dans ce cas l’entreprise doit constater un produit imposable de 100€ HT, un don de 120€ et collecter une TVA de 20€.

Dans ces deux situations, aucune régularisation de TVA déductible n’est à effectuer.

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  1. Dons en nature

En cas de dons en nature, il faut procéder à leur valorisation.

La valorisation relève de la responsabilité du donateur et non de l’organisme bénéficiaire, lequel doit simplement se faire communiquer par tout moyen le montant de la valorisation déterminée par l’entreprise donatrice.

La valorisation des biens et prestations de service s’effectue au coût de revient (art. 238 bis 1° avant-dernier alinéa CGI), lequel comprend les coûts supportés par l’entreprise pour acquérir ou produire le bien ou la prestation donnée.

La valorisation des biens inscrits dans un compte d’immobilisation s’effectue au regard de sa valeur de cession retenue pour la détermination de la plus-value ou moins-value liée à la sortie du bien de l’actif (II § 350 et s. du BOI-BIC-PVMV-10-20-10).

La valorisation de la mise à disposition de personnel s’effectue à son coût de revient, à savoir la somme de la rémunération du salarié mis à disposition et des charges sociales y afférentes dans la limite de 3 fois le montant du plafond mentionné à l’article L. 241-3 CSS.

  1. Justification du don à l’organisme éligible

À compter du 1er janvier 2022, le bénéfice de la réduction d’impôt est subordonné à la condition que le contribuable soit en mesure de présenter, à la demande de l’administration fiscale, un reçu fiscal répondant à un modèle fixé par l’administration et attestant la réalité des dons et versements.

La délivrance du reçu fiscal incombe à l’organisme bénéficiaire du don.

Lorsque le don en numéraire prend la forme d’un abandon de recettes, l’organisme bénéficiaire du don se fait communiquer par le client-intermédiaire l’ensemble des renseignements nécessaires à l’établissement du reçu fiscal.

Lorsque l’entreprise effectue un don en nature, l’organisme bénéficiaire ne peut émettre de reçu fiscal qu’à la condition que la valorisation lui soit communiquée. À défaut l’entreprise ne pourra pas disposer du reçu requis ni, en conséquence, bénéficier de la réduction d’impôt.

Lorsque l’organisme bénéficiaire n’accepte pas tout ou partie des dons en nature, il ne peut délivrer un reçu fiscal qu’à raison des seuls dons acceptés. Corrélativement l’entreprise ne peut pas prétendre au bénéfice de la réduction d’impôt à raison des dons en nature refusés par l’organisme.

L’organisme bénéficiaire peut établir un reçu unique pour plusieurs dons ou versement effectués par une même entreprise au cours d’un période donnée sous réserve de fournir une description exhaustive des biens et services reçus, des salariés mis à disposition et de leur valorisation globale.

Illustration :

Une entreprise dont l’exercice correspond à l’année civile N a donné à un organisme éligible à la réduction d’impôt mécénat, qui les a acceptés : 

  • 50 kg de pommes de terre le 01/02/N
  • 10 kg de pâtes le 27/03/N
  • 30 kg de riz le 28/03/N
  • 15 kg de tomates et 15 kg de pommes le 05/06/N
  • 10 kg de plats cuisinés en boîte de conserve le 08/12/N

L’organisme bénéficiaire des dons a la possibilité de délivrer à l’entreprise donatrice un reçu fiscal par don (elle délivrera alors à l’entreprise cinq reçus fiscaux), mais elle peut également délivrer un reçu fiscal par mois (soit quatre reçus fiscaux) ou par trimestre (soit trois reçus) ou encore choisir de délivrer un reçu fiscal unique au titre de l’exercice fiscal de l’entreprise donatrice qui correspond dans l’exemple à l’année civile.

Indépendamment du choix de l’organisme bénéficiaire, le ou les reçus fiscaux délivrés à l’entreprise donatrice devront faire apparaître une description exhaustive des biens et prestations reçus et acceptés sur la période sur laquelle porte le reçu.

//

Lorsque les dons et versement sont réalisés par l’intermédiaire d’un organisme qui n’intervient qu’à titre de simple collecteur de fonds, cet organisme n’est pas lui-même éligible au régime fiscal du mécénat et ne peut, en conséquence, émettre de reçus fiscaux.

Mais les dons et versement effectués auprès de cet organisme ouvrent droit à la réduction d’impôt lorsque l’organisme bénéficiaire des dons est éligible au régime fiscal du mécénat.

C’est le cas des dons organisés par les sociétés d’amis, de même que ceux reçus par les fondations et associations reconnues d’utilité publique pour le compte d’organismes d’intérêt général mentionné au a du 1 de l’art 238 bis du CGI.

Dans cette hypothèse il appartient à l’organisme collecteur de transmettre au bénéficiaire du don l’identité de l’entreprise donatrice afin de pouvoir lui délivrer un reçu fiscal.

Dans l’hypothèse où les versements sont effectués au profit des fonds de dotation dont la gestion est désintéressée pour financer des organismes éligibles au régime du mécénat dans les conditions prévues au 2° du g du 1 de l’article 238 bis du CGI, les fonds de dotation délivrent aux entreprises donatrices les reçus fiscaux correspondants aux versements qu’ils ont reçus.

  1. Réintégration extra-comptable du don de l’entreprise

L’article 238 du CGI prévoit que les versements ne sont pas déductibles pour la détermination du résultat imposable.

S’il s’agit d’un don en numéraire, son montant doit être réintégré extra-comptablement sur le tableau n° 2058-A-SD de la liasse BIC/IS.

S’il s’agit d’un don en nature, les entreprises doivent réintégrer extra-comptablement le montant correspondant à la valorisation des dons acceptés par l’organisme.

S’il s’agit de dons de biens immobiliers, la réintégration fiscale de leur valorisation est effectué sans préjudice du régime des plus-values et moins-values afférent à la sortie du bien de l’actif immobilisé, qui reste applicable.

Une telle opération conduit dans un premier temps à constater par voie extracomptable le prix de cession correspondant à la valeur vénale du bien transmis à la date de la donation. Si la donation ouvre droit à la réduction d’impôt, l’opération extracomptable est assurée par le dispositif prévu à l’article 238 bis du CGI.

Dans un second temps la plus ou moins-value elle-même peut faire l’objet de corrections extracomptables (application du régime du long terme ou d’étalement d’imposition).

Illustration 1 (plus-value d’une immobilisation corporelle non amortissable) :

Une entreprise fait don d’une immobilisation corporelle non amortissable (ex : terrain) évaluée à sa date d’entrée dans le patrimoine de l’entreprise pour un montant de 100 000 € et à la date du don pour une valeur de 120 000 €. Elle constate alors une charge comptable de 100 000 €, procède à une réintégration extracomptable du don de 120 000€ sur le tableau n° 2058-A-SD, ouvrant droit à une réduction d’impôt de 72 000 €.

Il en résulte une plus-value de 20 000 €.

Si l’entreprise est passible de l’impôt sur les sociétés, la plus-value est à court terme ; elle est ajoutée au résultat imposable de l’entreprise et imposée dans les conditions de droit commun. En l’espèce l’entreprise n’aura aucune régularisation à opérer compte tenu de la réintégration déjà opérée sur le tableau 2058-A-SD pour l’application de l’article 238 bis CGI.

Si l’entreprise est redevable de l’impôt sur le revenu et que le bien est détenu depuis au moins deux ans, la plus-value est à long terme. Sauf si l’entreprise souhaite imputer cette plus-value sur son déficit d’exploitation, elle doit être déduite extra-comptablement pour être taxée séparément au taux réduit ou pour être affectée à la compensation des moins-values à long termes subies au cours des dix exercices antérieurs et non encore imputées.

Si le bien est détenu depuis moins de deux ans, la plus-value est à court terme et l’entreprise n’a aucune régularisation à opérer (sauf répartition par parts égales sur l’année de leur réalisation et sur les deux années suivantes, prévue au 1 de l’article 39 quatredecies du CGI).

Illustration 2 (moins-value d’une immobilisation corporelle non amortissable):

Dans une hypothèse similaire à celle de la première illustration mais avec une valorisation du don pour une valeur de 70 000 €. L’entreprise constate alors une charge comptable de 100 000 €, procède à une réintégration extra-comptable du don de 70 000 € sur le tableau n° 2058-A-SD, ouvrant droit à une réduction d’impôt de 42 000 €.

Il en résulte une moins-value de 30 000 € (100 000 € – 70 000€).

Si l’entreprise est sujette à l’impôt sur les sociétés, la moins-value est à court terme et doit être prise en compte dans le résultat imposable de droit commun ; en l’espèce l’entreprise n’a aucune régularisation à opérer compte tenu de la réintégration déjà opérée sur l’imprimé n° 2058-A-SD pour l’application de l’article 238 bis CGI.

Si l’entreprise relève de l’impôt sur le revenu et que le bien est détenu depuis plus de deux ans, la moins-value est à long terme et donc faire l’objet d’une réintégration extra-comptable pour s’imputer sur d’éventuelles plus-value de même nature réalisées au cours des dix exercices suivants.

Si le bien est détenu depuis moins de deux ans, la moins-value est à court terme et aucune régularisation est à opérée.

Illustration 3 (plus-value d’une immobilisation corporelle amortissable) : 

Une entreprise fait don d’une immobilisation corporelle amortissable (ex : fourgonnette) acquise pour 50 000 €, d’une valeur nette comptable de 10 000 € (amortissements pratiqués pour 40 000 €) et valorisée pour 20 000 € à la date du don.

L’entreprise constate une charge exceptionnelle de 10 000 €, procède à une réintégration extra-comptable du don de 20 000 € sur le tableau n° 2058-A-SD, ouvrant droit à une réduction d’impôt de 12 000 €.

Il en résulte une plus-value de 10 000€ (20 000 € -10 000 €).

Si l’entreprise est passible de l’impôt sur les sociétés, la plus-value est à court terme et doit être prise en compte dans le résultat imposable dans les conditions de droit commun. En l’espèce l’entreprise n’a aucune régularisation à opérer compte tenu de la réintégration opérée sur le tableau n° 2058-A-SD.

Si l’entreprise relève de l’impôt sur le revenu et que le bien est détenu depuis au moins deux ans, la plus-value est à court terme à hauteur des amortissements pratiqués, soit en l’espèce l’intégralité de la plus-value et l’entreprise n’a aucune régularisation à opérer (sauf répartition prévue au 1 de l’article 39 quaterdecies du CGI).

  1. Contrepartie des versements effectués au titre du mécénat

Le dispositif de faveur du mécénat peut être remis en cause s’il existe une disproportion marquée entre les sommes données et la valorisation de la « prestation » rendue par l’organisme bénéficiaire des dons.

  1. Principe

Les organismes d’intérêt général visés par l’article 238 bis CGI peuvent associer le nom de l’entreprise donatrice aux opérations qu’ils réalisent, ce qui ne remet pas en cause le dispositif de faveur du mécénat.

Cette faculté ne s’étend pas aux prestations publicitaires réalisées par les organismes bénéficiaires, lesquelles relèvent du parrainage. Dans une telle hypothèse, il faut considérer que l’organisme bénéficiaire réalise une prestation publicitaire lucrative au profit de l’entreprise versante.

Ce faisant l’organise sera assujetti aux impôts commerciaux au titre de cette activité sous réserve du bénéfice de la franchise prévue à l’article 206, 1 bis CGI.

En somme le versement effectué par l’entreprise ne constitue pas un don mais la rémunération d’une prestation publicitaire rendue par l’organisme dans le cadre d’une opération de parrainage ne donnant pas droit à la réduction d’impôt.

  1. Distinction entre mécénat et parrainage

Le mécénat relève de la donation tandis que dans le cadre du parrainage, l’entreprise qui parraine retire un bénéfice direct de l’organise parrainé en contrepartie d’un soutien.

Dans le parrainage, les opérations ont pour but de promouvoir l’image du parrain dans une finalité commerciale. Ce faisant, dans le cadre du parrainage le versement de l’entreprise équivaut à la rémunération d’une prestation.

Un mécénat sera identifié lorsque l’association du nom de l’entreprise donatrice se limite à la mention du nom du donateur à l’exception de tout message publicitaire.

Le régime du mécénat n’est remis en cause que s’il n’existe pas de disproportion marquée entre les sommes données et la valorisation de la « prestation » rendue par l’organisme (par ex. CE, 20 mars 2020, n° 423664).

Ainsi les contreparties fournies par l’organisme bénéficiaire ne remet pas en cause l’intention libérale du donateur dès lors que le versement de ce dernier est disproportionné par rapport aux contreparties obtenues.

La qualification de l’opération peut résulter de la concordance du traitement fiscal dans le comptes du donataire et du donateur (non-lucratif = mécénat ; lucratif = parrainage).

Illustration 1.

Une association sportive locale ayant un caractère non-lucratif qui n’est pas remis en cause perçoit 100 000 € par an d’une entreprise locale dont le nom est inscrit sur un des panneaux du stade.

La contrepartie obtenue ne peut être qualifiée de simple prestation publicitaire, le don est simplement « signé » par l’entreprise et le dispositif du mécénat est applicable.

Illustration 2.

Une association sportive amateur est qualifiée pour jouer un tour de coupe de France contre un club professionnel. Une entreprise de la région verse une somme de 250 000 € en contrepartie de laquelle des panneaux publicitaires à son nom sont installés dans l’axe des caméras de télévision.

La contrepartie ici obtenue ne peut être assimilée à un don « signé » par l’entreprise mais constitue une opération publicitaire.

Illustration 3.

Une association de lutte contre une maladie rare édite des travaux de recherche dans une revue interne. La revue est financée par des sommes versées par des entreprises et des particuliers dont le nom apparaît sur le dos de la revue.

La seule mention du nom des donateurs ne permet pas de qualifier l’opération d’opération publicitaire et les sommes reçues peuvent bénéficier du dispositif de faveur du mécénat.

Illustration 4.

Une association de lutte contre une maladie rare édite des travaux de recherche dans une revue interne. La revue est financée par des sommes versées par des entreprises et des particuliers. La revue comprend des pages de publicité en faveur des entreprises donatrices.

Il ne s’agit pas d’une simple signature mais d’une prestation publicitaire, le régime de faveur du mécénat n’est pas applicable.

Illustration 5.

Une entreprise transmet sa collection d’art contemporain à un musée de province. Le nom de l’entreprise est inscrit sur l’ensemble des supports de communication du musée et médiatisé par la presse locale et nationale. L’entreprise bénéfice de 200 invitations gratuites pour son personnel, quatre soirées réservées à des fins de relations publiques (dont elle assure le paiement des frais supplémentaire induits pour le musée) et crée sur son site une vitrine valorisant son acte outre une proposition de visite virtuelle du musée.

Le nom du mécène est associé aux opérations menées par l’organisme bénéficiaire mais il existe une disproportion manifeste entre les contreparties offertes (publicité et « prestations) par le musée et le montant du don, il s’agit du mécénat.

Illustration 6.

Une entreprise de boisson soutient financièrement une manifestation festive, sa marque phare apparaît sur l’ensemble des supports de communication de l’événement et est utilisée dans les slogans publicitaires de l’entreprise. L’organisme offre en contrepartie une exclusivité de vente de cette boisson pendant la manifestation.

La contrepartie ayant un objet commercial manifeste, il s’agit d’un parrainage.

Illustration 7.

Une entreprise informatique fourni gratuitement à un musée la création d’une base de données informatique de ses collections de dessins. L’apport de l’entreprise correspond à des heures d’ingénieurs ainsi que sa technologie dont la valorisation de cet apport en nature est estimé à 80 000€ par an pendant deux ans. En contrepartie le musée installe un cartel indique le nom de l’entreprise dans les salles consacrées aux dessins et sur les supports de communication. L’entreprise bénéficie en outre de quatre soirées réservées par an pour une cinquantaine de clients et 100 invitations gratuites pour son personnel.

Il y a une disproportion marquée entre le don et les contreparties reçues, il s’agit d’une opération de mécénat.

En revanche si l’entreprise obtenait, en contrepartie, que le musée équipe son centre de recherche exclusivement de son matériel informatique, la contrepartie serait une prestation directe de services qui qualifierait l’opération de parrainage.

 

 

 

 

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