1. Sur le secret professionnel et l’application stricte de l’article 23 de la loi du 25 ventôse an XI :

Cass. Civ. 1ère, 20 avril 2022, n° 20-23.160

La Cour de cassation rappelle dans cet arrêt l’application stricte de ce texte aux termes duquel « les notaires ne peuvent, sans une ordonnance du président du tribunal judiciaire, délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d’autres qu’aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages et intérêts et d’une amende ».

En l’espèce un syndicat de copropriétaire réclamait la production par une étude notariale de deux éléments : un acte de notoriété et l’identité avec l’adresse de la veuve et d’héritiers réservataires et d’un copropriétaire décédé.

La Cour de cassation sanctionne la cour d’appel d’avoir autorisé la communication de l’identité et de l’adresse desdits héritiers en considérant que le secret professionnel qui s’impose au notaire ne peut être délié par l’autorité judiciaire que pour la délivrance des expéditions et la connaissance des actes qu’il a établis.

En conséquence les notaires ne pouvaient être contraints à communiquer un acte non dressé (l’acte de notoriété) ni les informations détenues et soumise au secret professionnel (l’adresse et l’identité de la veuve et des héritiers réservataires).

  1. Sur les problématiques liées à la perte ou la destruction d’une minute et de la possibilité d’une reconstitution judiciaire :

 

  1. Sur l’obligation de conserver les minutes :

Par principe le notaire est tenue d’une obligation de conservation des minutes (art 1 de l’ord. du 2 nov. 1945). 

De manière générale cette obligation se décline sous la forme d’une obligation de conservation (art. 3.2.2. règlement national – règlement intercours), d’une obligation de garde (art. 26 décret n° 71-941 du 26 nov. 1971) et d’une interdiction de dessaisissement (article 27 décret précité).

De manière plus spécifique cette obligation implique de conserver les minutes des prédécesseurs du notaire.

Elle oblige également le notaire à déposer aux archives départementales ou nationales les actes ayant plus de 75 ans de date ou 100 ans lorsqu’un mineur est concerné.

La perte d’une minute peut dès lors entraîner la responsabilité du notaire :

Au plan pénal : En cas de destruction, détournement ou soustraction par une personne dépositaire de l’autorité publique d’un acte ou d’un titre qui lui avait été remis en raison de ses fonctions ou missions est puni de 10 ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 000 € dont le montant peut être porté au double du produit de l’infraction. (art. 432-15 c. pén.)

Au plan civil : TGI Paris, 14 mars 2018 (inédit) avait jugé qu’il résulte des article 1 de l’ord. du 2 nov. 1945 et 26 et 27 du décret du 26 nov. 1971 que le notaire a une mission impérative de conservation des originaux des actes qu’il a reçu lors de son exercice, mais également des minutes reçues par ses prédécesseurs. En conséquence, à moins de force majeure, le notaire engage sa responsabilité à raison de la disparition, détérioration ou perte de toute minute dont il devait assurer la conservation.

 

  1. Sur la possibilité de reconstituer une minute :

L’article 1430 c.p.c. permet la reconstitution de l’original d’un acte détruit par suite de guerre ou de sinistres, les articles suivants précisent les conditions de la demande (compétence matérielle et territoriale ; caractère gracieux de la demande)

L’article 1434 c.p.c. précise que « le tribunal peut opérer la reconstitution partielle de l’acte dans le cas où la preuve de certaines clauses, se suffisant à elles-mêmes, est seule rapportée ».

La jurisprudence a étendu les causes de sinistres (incendie, vol, inondation) à la perte de l’acte authentique.

Deux décisions ont pu autoriser une telle reconstitution :

TJ Bourg en Bresse, 20 juillet 2021.

En l’espèce une société bénéficiaire d’une promesse de vente a assigné le notaire rédacteur à publier le titre de propriété des vendeurs. Ce titre de propriété n’a pas été retrouvé au rang des minutes par les successeurs du notaires.

Le TJ, a constaté que l’acte de vente litigieux n’avait été ni enregistré, ni publié, mais avait qu’il bien existé car une copie paraphée et signée par les parties et le notaire avait été versée aux débats et que les vendeurs en avaient confirmé la réalité.

Il fait ainsi droit à la demande de reconstitution de l’acte notarié.

CA Limoges, 29 avril 1999.

En l’espèce une mère voulait se prévaloir d’une reconnaissance de dette authentique de son fils reçu par notaire. Ni l’acte, ni le titre exécutoire n’avait été retrouvés par le successeur du notaire, détenteur actuel des minutes.

Les minutes d’un notaire remplacé devant être remises au nouveau titulaire de l’office en vertu de l’art. 13 ancien du décret du 26 nov. 1971, il a été jugé que constitue un sinistre autorisant la procédure de reconstitution, l’impossibilité du nouveau titulaire de l’office de représenter la minute réclamée ou d’une copie.

La cour a ainsi ordonné la reconstitution de l’acte en se fondant sur un faisceau d’éléments probants se corroborant les uns les autres (présence aux archives de l’étude d’une copie susceptible de correspondre à l’acte invoqué, non signé mais dont la cour constate qu’elle correspond en tous points à une copie signée, détenue et produite par la mère portant les mentions de l’enregistrement ; mention au répertoire de l’office d’un acte portant reconnaissance de dette par le fils au profit de sa mère ; apparition dans les pièces comptables pour cet act d’un coût correspondant aux émoluments augmentés des droits d’enregistrements, de timbre et de TVA dus pour une reconnaissance de dette d’une somme importante).

 

 

 

 

  1. Sur le formalisme du testament authentique :

Le notaire qui reçoit un testament authentique doit s’assurer du strict respect du formalisme prévu aux articles 971 et suivants du code civil.

  1. Sur les témoins

  1. Sur la qualité des témoins :

Les articles 971 et suivants du code civil excluent la possibilité pour certaines personne d’être témoins d’un acte authentique en raison de leur qualité. 

L’article 975 c. civ. exclu ainsi les légataires, des parents ou alliés jusqu’au quatrième degré du testateur ainsi que des clercs de notaires. L’objet de ce texte est notamment d’exclure les héritiers du légataire afin d’assurer la sincérité du testament.

En outre l’article 3 alinéa 2 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971 exclu également les parents et alliés du notaire, de l’associé du notaire, des parties contractantes (en ligne directe et en ligne collatérale jusqu’au degré d’oncle ou de neveu inclusivement), ainsi que les clercs de notaire et les employés.

Ainsi n’ont pas la capacité à être témoins :

TGI Versailles, 21 décembre 2017 : le notaire qui reçoit un testament entaché de nullité en raison du fait que l’un des témoins était légataire universel institué par le testament commet une faute engageant sa responsabilité résultant de la nullité de l’acte.

CA Nancy, 20 mai 2014 : prononce l’annulation d’un testament en raison de l’incapacité du témoin qui était, en l’espèce, la mère et grand-mère des légataires.

TJ Nice, 14 décembre 2021 : le notaire qui a requis comme témoins instrumentaires deux préposés de son étude engage sa responsabilité et l’oblige à réparer le préjudice subi par l’héritier du fait de l’annulation du testament.

CA Paris, 12 janvier 2021 : suite à l’annulation d’un testament authentique fondé sur la qualité des témoins (assistantes de vie de la testatrice), le notaire est jugé responsable en raison du manquement à son obligation de diligence l’obligeant à s’assurer de la capacité des témoins instrumentaires. Le préjudice réparable tient en l’espèce au retard pris dans la liquidation des opérations de partage de succession ayant généré des frais de procédure au titre de l’action en nullité du testament.

En revanche peuvent l’être :

Cass. Civ. 1ère. 28 février 2018 : Bull. civ. I, 41 ; Defrénois, 2018, n° 25, p. 24, comm. Thoraval : la Cour de cassation considère que « l’alliance [est] établie par le seul effet du mariage » en conséquence la qualité de partenaire d’un PACS n’emporte pas incapacité à être témoin lors de l’établissement d’un testament authentique instituant l’autre partenaire légataire.

CA Nîmes, 1er juin 2010 : droit de la famille, n° 11, novembre 2010, comm. 170 : la qualité de concubine ne constitue pas une cause de nullité aux regard des prohibitions strictement édictées par l’article 975 du code civil.

Cass. Civ. 1ère , 3 février 2010 : Bull. civ. I, n° 34, JCPN 2010, 1165, comm. G. Rivière : une personne qui n’était pas une employée de la SCP notariale, mais une étudiante effectuant un stage temporaire pendant les vacances au sein de l’office n’entrait pas dans la catégorie des personnes visées à l’art. 975 c. civ.

Certaines capacités sont en revanche requises par l’article 980 c. civ. : les témoins doivent : (1°) comprendre la langue française, (2°) être majeurs, (3°) savoir signer et (4°) avoir la jouissance de leurs droits civils. Le sexe est indifférent mais (5°) le mari et la femme ne peuvent être témoins du même acte.

TJ Cherbourg en Cotentin, 11 janvier 2021 : très logiquement un tribunal a annulé un testament authentique dont les témoins étaient mariés (art. 980 c. civ.).

  1. Sur le choix des témoins :

Cour d’appel de Paris, 5 décembre 2018. Aucun texte n’indique qui doit choisir les témoins. Ainsi le fils héritier peut désigner les témoins dès lors que ceux-ci respectent les qualités précédemment indiquées.

  1. Sur la dictée :

 

  1. Sur la dictée par le testateur 

L’article 972 c. civ. dans ses deux premiers alinéas l’obligation de dicter par le testateur au notaire qui en retranscrit le contenu.

Cass. Civ. 1ère, 1er février 2012 : Bull. civ. 1, n° 24 ; JCP N 2012, n° 1230, comm. Rivière approuve la cour d’appel qui énonce que c’est la partie testamentaire proprement dite qui doit être dictée par le testateur en présence constante des témoins.

N’est pas nul le testament qui comporte une partie dactylographiée prérédigée comportant des mentions légales (date, lieu de signature, adresse de l’étude etc.) et une partie manuscrite rédigée sous la dictée du testateur et relative à ses dernières volontés.

CA Nîmes, 20 mai 2021 (inédit) : doit être annulé le testament qui indique qu’il « a été écrit en entier par [l’un des notaires soussignés] au moyen d’une machine à traitement de texte, tel qu’il lui a été expliqué par le testateur ; puis par le notaire l’a lu au testateur, qui a déclaré le bien comprendre et reconnaître qu’il exprime exactement ses volontés, le tout en la présence non interrompue du [second notaire] ».

En effet, le testament a été rédigé dans des termes très juridiques que le niveau de compréhension de la langue française et l’expression orale de la testatrice ne permettait pas de s’exprimer dans les termes complexes tels que mentionnés dans l’acte.

Surtout le testament n’a pas été dicté par la testatrice mais expliqué au notaire, ce dont il découle que la formalité de la dictée exigée par l’art. 972 C. civ. n’a pas été respectée.

TGI Fontainebleau, 19 oct. 2017 (inédit) : doit être annulé le testament révoquant tout testament ou donation antérieure, privant en l’espèce l’épouse du testateur de tout droit dans la succession qui indique qu’il « a été écrit en entier par le notaire soussigné au moyen d’une machine à traitement de texte ; puis le notaire l’a lu au testateur, qui a déclaré le bien comprendre et reconnaître, de manière gestuelle, qu’il exprime exactement ses volontés, le tout en présence simultanée et non interrompue des deux témoins. Le notaire soussigné validant le consentement gestuel du testateur ».

La nullité est fondée sur le fait que le testateur n’avait pas dicté le testament au notaire mais seulement approuvé, de manière gestuelle, le testament qui lui a été lu.

Dans ce cadre il est recommandé au notaire de conseiller à son client de recevoir une révocation de la donation  faite à son épouse, cet acte n’étant pas soumis aux dispositions impératives de l’article 972 c. civ.

Il y a donc également un manquement au devoir de conseil à la charge du notaire, outre la faute résultant de l’inefficacité de l’acte annulé.

  1. Sur le recours à un interprète ou selon le cas, au notaire

La loi du 16 février 2015 a ajouté plusieurs alinéas à l’article 972 du code civil qui permettent de régler les difficultés liées à la compréhension de la langue française ou à l’incapacité physique du testateur.

Auparavant la 1ère chambre civile de la Cour de cassation (12 juin 2018, Defrénois, 28 juin 2018, n° 25) prévoyait que les dernières volontés de l’intéressé ne pouvaient être reçues avec l’assistance d’un interprète en raison de la condition de dictée.

Désormais lorsque le testateur ne peut s’exprimer en français, la dictée et la lecture peuvent s’effectuer par un interprète choisit par le testateur sur la liste nationale des experts judiciaires dressée par la Cour de cassation ou sur la liste dressée par chaque cour d’appel.

Le notaire n’est pas tenu de recourir à un interprète lorsqu’il ou l’autre notaire ou les témoins comprennent la langue dans laquelle s’exprime le testateur.

Lorsque le testateur peut écrire en langue française mais ne peut parler, le notaire écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement le testament d’après les notes rédigées devant lui par le testateur puis en donne lecture à ce dernier.

Lorsque le testateur ne peut pas entendre, il prend connaissance du testament en le lisant lui-même après lecture faite par le notaire.

Enfin lorsque le testateur ne peut ni parler, ni entendre, ni lire ou écrire, la dictée ou la lecture sont accomplies dans les conditions décrites par le recours à l’interprète.

  1. Sur les mentions expresses

  1. Les mentions devant apparaître 

L’article 972 dernier alinéa prévoit que le testament doit à peine de nullité mentionner que toutes les formalités ont été accomplies, à savoir mention de la dictée (1°), de l’écriture (2°), de la lecture (3°), de la présence simultanée et non interrompue des témoins (4°) et du second notaire (5°).

  1. La signature du testateur

L’article 973 c. civ. prévoit l’obligation de la signature du testament par le testateur. À défaut de la capacité du testateur à signer l’acte, il doit être fait mention expresse de sa déclaration qu’il ne peut pas signer (1°) et de la cause l’empêchant de signer (2°).

À défaut de ces dernières mentions, l’acte est nul.

C. Cass. 1ère civ. 17 juin 2009 (n° 08-12.896) exige la signature manuscrite du testateur en condition nécessaire et incontournable de la validité de l’acte.

Ainsi le testament qui n’a pas été signé et qui ne comporte pas de mention expresse énonçant la déclaration et la cause de l’impossibilité de signer est nul.

Le TJ Saintes, le 8 janvier 2021 (inédit) a ainsi jugé que la seule mention d’une maladie corporelle du testateur ne suffit pas à remplir les exigences de l’article 973 du code civil, à défaut de la mention de la déclaration du testateur de ne pas pouvoir signer.

La double condition de la déclaration d’impossibilité et de la cause d’impossibilité sont donc impératives.

Toutefois la 1ère chambre civile le 12 septembre 2012 (Defrénois flash, 2012, n° 39) a jugé valide le testament comportement la mention de l’impossibilité pour la testatrice de le signer en raison de sa maladie indépendamment de la précision de la nature de la maladie (en l’espèce une sclérose en plaque) qui était connue de tous.

  1. Sur la responsabilité civile du notaire face au dol du client

Attention le dol du client ne prive pas celui-ci de tout recours contributif à l’encontre le notaire ; ce dernier peut être tenu à une garantie partielle en cas de faute professionnelle.

En résumé si la réticence émane du vendeur, la faute du notaire est établie dès lors qu’il n’a pas procédé aux vérifications élémentaires alors qu’il possédait les informations pour ce faire.

Ainsi le notaire sera déclaré responsable à chaque fois qu’il aurait pu constater par un ensemble de vérifications le caractère erroné des informations données par les parties à l’acte.

Les hypothèses de responsabilité du notaire :

Cass. Civ. 1ère, 11 janvier 2017, n° 15-22.776 a considéré que la faute intentionnelle ne prive pas le vendeur de tout recours contributif contre le notaire contre le notaire qui a participé à l’acte dolosif, lequel peut dès lors être tenu d’une garantie partielle en considération de la faute professionnelle commise.

En l’espèce l’arrêt concernait la déchéance du droit de se prévaloir d’une clause de non garantie pour les vendeurs qui avaient dissimulé, de mauvaise foi, un arrêté ministériel reconnaissant l’état de catastrophe naturelle..

En l’espèce le notaire ne pouvait ignorer la publication de l’arrêté ministériel, il ne pouvait s’abstenir de renseigner les parties sur l’existence de cet arrêté, par une mention ou une annexion ; ce qui relève du devoir d’investigation du notaire.

Le notaire est dès lors tenu de vérifier les déclarations faites par le vendeur et qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l’efficacité de l’acte.

CA Nîmes, 30 sept. 2021 (inédit) :

La CA, après avoir caractérisé le dol du vendeur en raison de « la non révélation intentionnelle de l’information déterminante portant sur les restrictions affectant le bien vendu » relève que le notaire ne peut se contenter des indications communiquées par les parties et doit procéder à des vérifications sur la situation et les caractéristiques du bien. Il en résulte un manquement à son obligation de conseil résultant du fait que l’acquéreur n’avait pas été en mesure de connaître précisément les caractéristiques du bien.

En l’espèce la vente d’un ensemble immobilier avait échoué en raison de la découverte par l’acquéreur que le bien était situé dans une zone d’activité économique interdisant l’habitat hors logement de fonction lié à cette activité. Cette information ne lui avait pas été communiquée par le vendeur.

Le préjudice constitue une perte de chance pour l’acquéreur de n’avoir pas pu acquérir le bien à un moindre cout.

Le notaire est condamné in solidum avec le vendeur. La CA réduit néanmoins l’indemnisation due par le notaire en considérant que le vendeur qui est directement à l’origine du préjudice est mal fondée à appeler le notaire en garantie.

TJ Metz, 26 mai 2021 à propos d’une vente dans laquelle les vendeurs avaient déclaré qu’aucun sinistre n’avait donné lieu au versement d’une assurance. 

Lors de la revente de ce bien, l’agence immobilière chargée de la vente constate que contrairement aux déclarations faites par les précédents propriétaires, ceux-ci avaient reçu une indemnisation en raison d’un sinistre à la suite duquel le bien avait déclaré économiquement non réparable.

La revente a été suspendue et le propriétaire a assigné le vendeur et le notaire.

Le tribunal constate le dol du vendeur en considérant que l’existence d’un sinistre passé et non réparé aurait dû être porté à la connaissance de tout acquéreur potentiel.

La responsabilité du notaire est retenu car il n’avait procédé à aucune vérification élémentaire alors même qu’il possédait les informations pour se faire.

En l’espèce celui-ci avait dressé un acte de partage de la communauté au terme duquel le vendeur était devenu seul propriétaire du bien vendu, lequel mentionnait une procédure suite aux affaissements miniers et que l’attributaire de l’immeuble sera bénéficiaire d’une indemnisation.

De plus le notaire n’avait pas perçu la contrariété entre le classement en E. zone blanche/orange résultant du document d’urbanisme de la mairie et l’affirmation du vendeur selon laquelle le bien n’était pas situé dans une zone couverte par un plan des risques technologiques ou naturels.

Encore une fois si la réticence émane du vendeur, la faute du notaire est établie dès lors qu’il n’a procédé à aucune vérification élémentaire alors qu’il possédait les informations pour ce faire.

Les hypothèses d’absence de responsabilité du notaire : 

CA Versailles, 14 septembre 2021 (pourvoi en cours) à propos de la vente de terrains à bâtir qui avaient préalablement étaient reçus par donation et avaient fait l’objet d’une division par acte notarié et pour lesquels la promesse de vente indiquée qu’ils étaient raccordés au réseau d’eau potable alors que ce raccordement n’avait pas été effectué au réseau public d’eau potable mais sur le réseau privé du terrain appartenant à un autre donataire.

Le notaire fut assigné par les acquéreurs en paiement de diverses sommes à titre provisionnel, au titre des frais de raccordement de leur terrain au réseau public d’eau potable, outre des dommages et intérêts.

Par un arrêt confirmatif la cour d’appel a d’abord constaté la réticence dolosive des vendeurs dont le silence traduisait l’intention de tromper leur cocontractants eu égard au caractère inhabituel de l’installation.

Elle a ensuite considéré que les notaires n’avaient pas eu de raison de douter des énonciations des vendeurs car les terrains étaient raccordés au réseau d’eau bien qu’il ne s’agissait pas du réseau public.

Ainsi, eu égard aux circonstances il ne pouvait leur être reproché de ne pas avoir procédé à des recherches complémentaires pour satisfaire leur devoir de conseil d’autant qu’il n’est pas démontré que les vendeurs avaient révélé de manière complète la situation au notaire. En conséquence aucune collusion frauduleuse ne peut être reconnue à l’égard du notaire.

Contrairement aux décisions précédentes, les vérifications élémentaires à la charge du notaire qui tenaient à vérifier le raccordement à un réseau d’eau potable semblent avoir été effectuées ce qui semble protéger le notaire.

Néanmoins un pourvoi est en cours et il convient de procéder, par précaution aux vérifications précises pour soulever toute équivoque ; en l’espèce la portée de la différence entre un réseau d’eau potable et le réseau public d’eau potable.

CA Toulouse, 6 avril 2021 à propos de la vente d’un immeuble constitué de plusieurs logements loués.

Dans l’acte authentique, le notaire a produit un certificat de la mairie relatif à la salubrité de l’immeuble et une attestation de celle-ci indiquant l’absence d’arrêté de péril ou d’une procédure.

Postérieurement à la vente, l’acquéreur a reçu un rapport du comité d’hygiène et de sécurité concluant à l’existence de plusieurs infractions au règlement sanitaire départemental.

Il a en outre été informé de l’existence d’arrêtés d’insalubrité antérieurs à la vente pour deux de ses appartements avec interdiction faite au propriétaire vendeur de les destiner à l’habitation.

Le vendeur et le notaire sont assignés et le vendeur appelle en garantie l’agence immobilière et le notaire.

La CA déboute le vendeur de ses appels en garantie en considérant que celui-ci n’invoque aucune faute de la part du notaire et de l’agence immobilière.

Le vendeur ne peut dès lors pas être garanti par le notaire qui a procédé aux diligences utiles auprès de la mairie et des services de publicité foncières, le défaut d’actualisation de ces services ne pouvant lui être imputé, ni à l’agence immobilière auxquels il a dissimulé l’existence des arrêtés d’insalubrité.

CA Pau, 18 décembre 2020 à propos de l’acquisition d’un appartement à usage locatif dans le cadre d’une opération de défiscalisation.

Suite à la perte de valeur du bien en raison d’une conjoncture économique défavorable, les acquéreurs ont assigné le vendeur en nullité du contrat de réservation et de vente fondée sur le dol, ainsi que les notaires instrumentaires et les procurateurs en contestant la sincérité et la justesse de la simulation utilisée pour la commercialisation du bien et en soulevant un manquement des notaires à leur devoir de conseil.

Si le dol du vendeur est retenu eu égard aux instruments de simulation utilisée, qualifié de « seul outil de tromperie utilisé », la demande formulée à l’encontre du notaire est rejetée au motif que les acquéreurs n’avaient pas demandé au notaire d’examiner ce document.

Plus fondamentalement le dol n’aurait pas pu être évité même si les notaires avaient attiré expressément l’attention de l’acquéreur sur le risque encouru dès lors qu’en raison de la longueur de l’emprunt , le déficit mensuel perdurerait au-delà de la fin des avantages fiscaux et que pour ne pas perdre cet avantage les acquéreurs auraient dû revendre immédiatement le bien à l’issue de la période de 9 ans, ce qui ressortait de la simulation, indépendamment de son exactitude.

  1. Droit de préférence du locataire commercial

L’article L. 145-46-1 du code de commerce issu de la loi Pinel du 18 juin 2014 crée un droit de préférence au profit du locataire commercial. Il s’agit d’une règle d’interprétation stricte étant donné qu’elle constitue une limite au droit de propriété.

Ce texte prévoit plusieurs exceptions, en particulier (mais non exhaustivement) :

1° en cas de cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial.

2° en cas de cession unique de locaux commerciaux distinct ou de cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial.

3° en cas de cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou à la cession d’un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou descendant du bailleur ou de son conjoint. 

Rép. Min. n°21155 : JO Sénat 22 avr. 2021, p. 2702 : l’exclusion relative à la cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux s’entend également en cas de cession d’un immeuble comprenant un seul local commercial.

L’article L. 321-5 du code de tourisme crée par la loi du 21 février 2022 a ajouté une nouvelle exception tenant à la possibilité pour l’exploitant d’une résidence de tourisme située en montagne (au sens de l’art. 3 de la loi du 9 janvier 1985) de céder à titre gratuit ce droit de préemption à un établissement public.

 

 

  1. Les cas d’exclusion du droit de préférence
  1. Les exclusions fondées sur l’objet de la vente
  1. Cession unique de locaux commerciaux distincts

CA Paris, 17 mars 2021 : Loyers et copropriété, mai 2021, comm. 73 ; pourvoi en cours.

En l’espèce selon une promesse de vente une propriétaire s’est engagée à vendre plusieurs lots distincts, deux boutiques louées ainsi qu’un appartement et trois caves situés dans le même immeuble.

Les deux locataires se sont prévalus du droit de préemption de l’article L. 146-46-1 du code de commerce mais la vente a été réitérée au profit d’un tiers.

Par un arrêt confirmatif rejetant la nullité de la vente, la cour d’appel a considéré qu’il s’agit d’une cession unique de locaux commerciaux distincts, c’est-à-dire une opération juridique globale constatée dans un seul acte, qui porte sur au moins deux locaux commerciaux sans qu’ils aient à se situer dans des immeubles et même si, en sus des locaux commerciaux, sont vendus des lots ayant une autre destination.

CA Amiens, 14 janvier 2021 : Loyers et copropriété, mars 2021, comm. 38.

Une SCI a mis en vente un portefeuille de 25 biens comprenant des biens loués à usage de commerce. Elle s’engage par une promesse synallagmatique à vendre à une société deux immeubles à usage de commerce situés dans deux communes.

La vente a été réitérée par actes authentiques distincts.

La cour a rejeté la demande de nullité de la vente en considérant que « le fait qu’une opération globale soit matérialisée par deux actes distincts pour les besoins pratiques de la publicité foncière ne modifie pas l’accord des parties qui se sont entendues sur une vente globale de locaux commerciaux distincts. ».

Ainsi le fait que les deux biens ont fait l’objet d’actes authentique de cession distincts à la même date n’empêche pas de considérer qu’ils concernent une opération de cession globale.

  1. Cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux

C. Cass. Civ. 3ème, 20 juin 2021 : JCP N, n° 50, 17 déc. 2021, 1350, chron.).

En l’espèce les biens loués n’étaient pas identiques à ceux mis en vente en raison de l’ajout de combles. La 3e chambre civile approuve ainsi la cour d’appel qui avait considéré que le preneur ne bénéficiait pas d’un droit de préférence malgré la présentation, à tort, d’une offre d’acquérir le bien après signature de la promesse de vente.

Il s’en déduit que la promesse stipulant la condition suspensive de purge du droit de préférence n’était pas caduque et que la vente était parfaite.

TJ Strasbourg, 24 juin 2021 (inédit).

La responsabilité du notaire est retenue lorsqu’il ne compare pas les locaux donnés à bail commercial à ceux vendus.

En l’espèce le notaire qui, postérieurement à la notification informe le locataire que celle-ci a été faite par erreur engage sa responsabilité. 

Il est condamné à payer des dommages et intérêts aux vendeurs qui ont subi une procédure initiée par le locataire.

  1. Les exclusions fondées sur la nature de la vente

Cass. Com. 23 mars 2022, n° 20-19.174 (publié)  : la vente de gré à gré d’un actif immobilier dépendant d’une liquidation judiciaire est une vente faite d’autorité de justice qui ne peut donner lieu à l’exercice du droit de préférence ; la vente n’est pas décidée par le propriétaire mais autorisée par le juge commissaire.

  1. Les modalités d’exercice du droit de préférence

  1. Illicéité de la clause de renonciation au droit de préférence

Cass. Civ. 3ème, 28 juin 2018 : Bull. civ. III, n° 76 : L’article L. 145-46-1 c. com étant d’ordre public, les parties ne peuvent insérer dans un bail commercial une clause de renonciation anticipée au droit de préférence.

CA Rennes, 11 janvier 2022 (inédit, pourvoi en cours) : une clause d’un bail commercial prévoyait que le preneur renonçait à son droit de préférence en cas de vente.

Le bailleur a décidé de céder les lieux loués à un tiers. 

Le notaire a tout de même informé le locataire de la vente afin qu’il exerce son droit de préférence. Ce dernier a accepté l’offre et la vente a été réalisée.

L’acquéreur évincé a assigné son vendeur qui a appelé en garantie le notaire.

La cour a jugé que compte tenu de l’activité commerciale exercée par le locataire, le statut des baux commerciaux était applicable de plein droit. 

La clause n’étant pas licite, c’est à bon droit que le notaire avait purgé le droit de préférence de la société locataire en lui notifiant la vente afin d’éviter tout risque de nullité.

  1. Le moment de la notification

Cass. Civ. 3ème, 23 septembre 2021 (publié ; loyers et copropriété, novembre 2021, comm. 176) : une association cultuelle a acquis un immeuble à usage d’hôtel donné en location à une société.

Elle a signifié à cette dernier l’offre de vente incluant une commission d’agence immobilière aux frais de l’acquéreur.

Le locataire a contesté la régularité de l’offre.

L’association propriétaire ayant postérieurement consenti à un tiers une promesse unilatérale de vente, a assigné le locataire aux fins de constatation de la purge du droit de préférence.

La cour d’appel a considéré que l’association propriétaire avait régulièrement signifié une offre de vente qui n’avait pas été acceptée.

La Cour de cassation approuve la cour d’appel considérant que la notification de l’offre avait été faite préalablement à la vente et que celle-ci n’avait pas été invalidée par une promesse unilatérale de vente sous condition suspensive tenant au droit de préférence du preneur.

 

  1. Le contenu de la notification

  1. Mentions obligatoires

TGI Nice, 15 avril 2019 (inédit) : en présence d’une notification reprenant in extenso les dispositions des quatre premiers alinéas, en particulier le délai de 4 mois pour réaliser la vente en cas de recours à un prêt, la locataire est mal fondé à reprocher au notaire un manquement à son devoir d’information dès lors que la notification contenait toutes les informations utiles et que la réponse de la locataire démontrait qu’il avait compris les règles et modalités d’exercice de son droit préférentiel en cas de recours à un prêt, et les conséquences de la non réalisation de la vente à son profit avant la date butoir, date mentionné par ladite locataire dans son courrier.

  1. Bénéficiaires

Rép. Ministérielle n° 21155 : JO Sénat, 22 avr. 2021, p. 2702 : sont seuls bénéficiaires du droit de préférence le titulaire du bail portant sur un local commercial.

L’exercice de l’activité professionnelle doit être effectif ; le locataire ayant déclaré la cessation de son activité ne saurait ainsi se prévaloir du droit de préférence.

Si ce titulaire est une société, le droit de préférence ne peut bénéficier individuellement à un actionnaire, un dirigeant ou un salarié, bien qu’il occupe les lieux.

Les sous-locataires, occupants à titre précaires et usufruitiers sont exclus du bénéfice de ce droit.

TGI Bourg en Bresse 21 mars 2019 (inédit) : l’article L. 145-46-1 ne prévoit aucune faculté de substitution.

Commet ainsi une faute le notaire qui permet au locataire qui avait accepté l’offre de vente de se faire substituer par une société lors de la réitération de l’acte.

  1. Commission de l’intermédiaire

Cass. civ. 3ème, 28 juin 2018 : Bull. civ. III n° 76 : l’offre de vente ne pouvant inclure les honoraires de négociation, le preneur est admis à faire connaître au bailleur sont acceptation au seul prix de vente.

Cass. civ. 3ème, 23 sept. 2021, n° 20-17.799 : l’offre ne vente ne peut inclure les honoraires de négociation car aucun intermédiaire n’est nécessaire ou utile pour réaliser la vente qui résulte de l’effet de la loi.

La mention des honoraires outre la mention du prix principal clairement identifié n’est dès lors pas une cause de nullité de l’offre de vente car elle n’introduit aucune confusion dans l’esprit du preneur qui sait ne pas avoir à en supporter la charge.

TJ Aix-en-Provence, 3 sept. 2020 : Inversement le notaire commet une négligence fautive en omettant de préciser de manière distincte le montant des honoraires d’intermédiaire et le prix auquel le locataire pouvait acquérir le bien. En l’espèce l’indication dans une offre du prix de vente de 250 000€, commission d’intermédiaire incluse, ne permet pas au locataire de se porter véritablement acquéreur.

  1. Locaux à usage de bureaux

CA Paris, 1er décembre 2021 a jugé que les locaux à usage de bureaux ne sont ni inclus expressément, ni exclus expressément du champ d’application de l’article L . 145-46-1 c. com.

C’est la nature de l’activité exercée au sein de locaux qui détermine alors l’application de ce texte.

En l’espèce les locaux loués étaient destinés à l’usage exclusif de bureaux pour l’activité d’administrateur de biens, syndic de copropriété, location et transaction.

Cette activité étant une activité commerciale par nature en vertu de l’article L. 110-1 C. com, les locaux sont affectés à un usage commercial et les locataires bénéficient du droit de préférence prévu à l’article L. 145-46-1 c. com.

CA Rennes, 11 janvier 2022 : l’activité d’administration de bien pour le compte d’autrui exercée à partir de bureaux loués suffit à lui conférer un usage commercial.

CA Aix-en-Provence, 20 nov. 2018 : le notaire qui purge le droit de préférence d’un local loué à des experts comptables inscrits au registre du commerce et des sociétés fait preuve de prudence dès lors qu’il n’existait aucune jurisprudence permettant de considérer que la société locataire n’aurait pas pu bénéficier du droit de préférence.

Faute de notification, l’acte de vente au profit du tiers encourait la nullité. L’acte le plus sécurisé juridiquement est donc celui que le notaire a reçu au profit du preneur.

  1. Non-respect du délai pour réitérer la vente

À compter de l’acceptation de l’offre, le preneur a soit deux mois pour réaliser la vente soit quatre mois en cas de recours à un prêt.

Le notaire doit s’assurer que ce délai est écoulé pour recevoir la vente au profit d’un tiers acquéreur.

CA Lyon, 9 mars 2021 (inédit) : commet une faute le notaire qui a reçu l’acte de vente sans s’assurer que le droit préférentiel du preneur était purgé et (pire) en mentionnant dans l’acte que c’était le cas alors que le délai n’était pas expiré.

Dans ce cas le notaire doit garantir le vendeur de sa condamnation au paiement de dommages et intérêts au profit de l’acquéreur évincé.

Cass. civ. 3ème, 24 novembre 2021, n° 20-16.238 : le locataire qui, par sa seule négligence, ne réalise pas la vente dans le délai de quatre mois ne peut obtenir une dérogation ou une prorogation de ce délai.

L’assignation en réalisation de la vente délivrée le jour de l’expiration du délai ne permet pas de pallier l’absence de signature de l’acte de vente.

  1. Droit de préemption urbain : déclaration d’intention d’aliéner (DIA)

Textes applicables : L. 213-1 et s. c. de l’urbanisme.

Tout retard, erreur ou omission dans la déclaration d’intention d’aliéner est susceptible d’engager la responsabilité professionnelle du notaire dès lors que la commune peut préempter aux prix et conditions mentionnés dans cette déclaration.

Si le notaire ne purge pas le droit de préemption de la commune, les parties s’exposent à l’annulation de la vente dont l’action se prescrit par 5 ans à compter de la publication de l’acte portant transfert de propriété (art. L. 213-2 in fine c. urb.).

  1. La notification de la DIA

  1. Délai

CA Aix-en-Provence, 11 février 2014 (inédit) : s’il n’existe aucun délai imposé pour faire parvenir la DIA à la commune, le notaire des vendeurs doit procéder aux formalités de purge du droit de préemption dès sa saisine du dossier. Il engage sa responsabilité s’il procède à l’envoi avec un retard de plus de dix mois.

  1. Conséquences de l’absence de notification

CA Reims, 1er sept. 2020 (inédit) : commet une faute le notaire qui ne notifie pas à la commune la DIA, la privant de la possibilité d’exercer son droit de préemption.

En l’espèce le terrain objet de la vente était situé à l’intérieur d’un périmètre dans lequel s’appliquait un droit de préemption de la commune, commune qui menait au demeurant une politique de préemption dans le périmètre du terrain vendu depuis de nombreuses années.

Le notaire avait en outre participé à certaines transactions réalisées sur des biens situés dans ce périmètre.

  1. Nouvelle notification en cas de vente à des condition plus avantageuses : respect du délai de préemption

CA Aix-en-Provence, 25 juin 2020 (inédit) : Une première DIA avait été notifiée à une commune en septembre 2003.

La commune n’a pas exercé son droit de préemption.

En février 2004 une seconde DIA est adressée à la commune, l’informant d’un prix de vente inférieur à la première DIA.

Quelques jours plus tard deux contrats de vente sont signés, rédigés par un confrère du notaire du vendeur.

La commune a exercé par la suite son droit de préemption.

Dans le premier contrat de vente il est indiqué que le droit de préemption avait été purgé, la commune ne s’étant pas prévalu de son droit préférentiel dans les deux mois de l’envoi de la DIA de septembre 2003, l’acte ne faisant pas mention de la DIA de février 2004.

Le second contrat de vente concernait une VEFA du même terrain à un tiers pour l’implantation d‘une surface de vente, non soumise au droit de préemption.

Le vendeur, l’acquéreur et le tiers ont assigné le notaire en indemnisation.

La cour a jugé que :

L’annulation des deux contrats de vente était due à la faute du notaire qui n’avait pas attendu l’expiration du délai de préemption de deux mois pour recevoir la vente et n’avait pas mentionné la DIA en cours dans le premier acte de vente.

Le notaire a manqué à ses obligations professionnelles en ne prévenant pas les parties que la commune avait exercé son droit de préemption

Le notaire avait manqué à son obligation de conseil par sa légèreté dès lors qu’étant chargé de recevoir deux actes de cession d’un terrain grevé d’un droit de préemption, il n’a pas estimé utile d’établir une seconde DIA en rapport avec le projet de vente.

Bien qu’il ignorait l’existence de la seconde DIA établie par son confrère, il n’aurait pas dû se satisfaire de la première DIA dès lors que le projet de vente était manifestement nouveau.

Sa négligence a contribué au dommage certain et direct subi par les parties signataires des actes annulés car sans sa légèreté, ils n’auraient pas été reçus.

  1. Omissions dans la DIA des conditions de la vente

  1. Omission de la commission d’agence

Cass. civ. 3ème, 12 mai 2021, n° 19-25.226 (publié) : pour que la commission d’agence soit prise en charge par la commune, il faut que son montant et que le fait qu’elle soit à la charge de l’acquéreur soient indiqués dans l’avant contrat.

Elle doit en outre figurer de manière distincte dans la DIA sous peine d’inopposabilité à la commune.

À défaut de mention de la commission dans la DIA, le notaire peut être condamné au paiement de son montant.

CA Fort-de-France, 6 juillet 2012 : la DIA qui n’a pas été rédigée conformément aux prévisions des parties, lesquels avaient prévu une rémunération de l’intermédiaire à hauteur de 10% du montant de l’opération, à la charge de l’acquéreur ou du préempteur en cas d’exercice de son droit, caractérise une faute du notaire susceptible de mettre en jeu sa responsabilité.

Le préjudice est constitué par la perte du droit à la commission qui était dû au titre de la prestation effectuée sur la base du compromis d’origine et non sur celui du prix payé au titre du droit de préemption dans lequel l’agent immobilier n’a joué aucun rôle.

  1. Omission de la rémunération d’un intermédiaire autre qu’un agent immobilier

CA Toulouse, 13 avril 2015 (inédit) : un ordre de mission comportant une rémunération de 22 000 € pour la préparation du montage d’une opération immobilière payable par l’acquéreur a été signé entre un acquéreur et l’intermédiaire-prestataire.

Le notaire a notifié la DIA sans faire référence à cette charge, la commune a exercé son droit de préemption.

La cour rappelle d’une part que la DIA doit comporter obligatoirement l’indication du prix et des conditions de la vente et d’autre part que toute condition relative à la cession envisagée non portée dans la DIA ou son annexe est inopposable à l’autorité préemptrice.

Le notaire commet une faute en omettant de faire figurer dans la DIA les conditions de la prise en charge de la rémunération de l’intermédiaire, lesquelles constituent une condition financière de la vente.

Le notaire aurait dû solliciter la production de l’ordre de mission nécessaire à assurer la validité et l’efficacité du compromis qu’il rédigeait.

Le notaire est condamné à indemniser l’intermédiaire de 22 000 €, cette somme correspondant au préjudice tiré de la perte de la chance de percevoir sa rémunération.

  1. Omission d’une cession antérieure des droits de densification

CA Versailles, 10 sept. 2015 (inédit) : un ensemble immobilier fait l’objet d’une division en deux lots A et B.

La SCI propriétaire promet de vendre à une société le lot B ainsi que les droits de densification du lot A afin de permettre à l’acquéreur du lot B de ne pas être redevable de la taxe instituée par la commune en cas de dépassement du plafond légal de densité.

La SCI promet, par un autre acte, à un tiers un bâtiment à usage industriel correspondant au lot A, l’acquéreur étant informé que les droits de densification y afférents avaient été cédés.

Le lot A est compris dans une zone soumise au droit de préemption, lequel est exercé par la commune.

Les droits de densification qui avaient fait l’objet de la promesse de cession du lot B ne sont pas mentionnés dans la DIA.

La commune acquiert le lot A avec les droits de densification attachés, au prix indiqués (en raison de l’inopposabilité des éléments non compris dans la DIA).

Le vendeur, qui a dû renégocier les conditions de la cession du lot B, a assigné le notaire en réparation de son préjudice.

La cour a jugé que le notaire devait mentionner dans la DIA l’étendue réelle des droits faisant l’objet de l’intention d’aliéner en vue de purger le droit de préemption.

L’omission de la promesse de cession des droits de densification caractérise ainsi une faute engageant la responsabilité du notaire dès lors que la perte des droit à densification est causé par la rédaction défectueuse de la DIA par le notaire.

Le préjudice correspondant à une perte de chance de pouvoir valoriser les droits de densification du lot A.

  1. Omission des factures devant être prises en charge par l’acquéreur

CA Aix-en-Provence, 10 février 2015 (inédit) : une promesse de vente est rédigée par un notaire mentionnant le prix de 960 000 €, le bénéficiaire devant verser en outre la TVA d’un montant de 118 160 €.

Le coût global de l’opération comprenait en outre les frais de l’acte de vente d’un montant d’environ 13 800 €, le remboursement par le bénéficiaire des factures annexés à la promesse de vente d’un montant de 800 709 € et la facturation du maître d’œuvre pour 11 068 €. Enfin il était stipulait que le promettant réglerai la commission d’agence.

Le notaire a rédigé une DIA au prix de 960 000 € « hors taxe à la valeur ajoutée » et la commission d’agence toutes taxes comprises.

L’établissement public foncier a préempté au prix.

Le propriétaire assigne le notaire en paiement des différentes sommes dont les factures acquittées et à acquitter, des dommages et intérêts relatifs aux procédures judiciaires et au préjudice moral.

La cour a considéré que le notaire avait commis une faute en rédigeant une DIA incomplète en ne reprenant pas l’engagement de l’acquéreur à acquitter au propriétaire diverses factures d’un montant global de 807 709 €.

Elle précise que le notaire doit s’assurer au titre d’une précaution élémentaire que les conditions auxquelles l’autorité préemptrice devra se conformer ne puissent porter atteinte aux intérêts du vendeur.

En l’espère la DIA était incomplète en ne mentionnant pas le coût global de l’opération dans des proportions extrêmement dommageables, la faute du notaire étant l’origine directe de la perte du remboursement des factures de travaux auquel s’était engagé l’acquéreur.

  1. Permis de construire

 

Le notaire doit informer l’acquéreur du caractère définitif ou non du permis de construire et des conséquences d’un recours.

Le notaire doit être prudent lorsqu’aucune condition suspensive d’obtention d’un permis définitif n’a été stipulée.

En vertu de l’art. A. 424-8 C. Urb., le permis de construire est définitif en l’absence de recours des tiers dans le délai de 2 mois à compter de son affichage sur le terrain ou de retrait par l’autorité compétente dans le délai de 3 mois après la date du permis.

 

  1. Recours contre le permis de construire – devoir d’information et de conseil

  1. Délai de recours non expiré – absence d’information du notaire

 

En vertu de l’article R. 600-2 C. Urb., le délai de recours des tiers contre le permis court à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain.

TGI Angers, 7 mai 2013 (inédit) : le notaire engage sa responsabilité pour n’avoir pas informé les acquéreurs de la nécessité d’attendre que le délai de recours des tiers contre le permis soit expiré.

En l’espèce des époux signent un compromis pour l’achat d’un terrain sous condition suspensive de l’obtention d’un permis de construire.

Ils obtiennent leur permis de construire et l’affichent sur le terrain.

L’acte de vente est reçu alors que le délai de recours des tiers n’était pas expiré.

Le permis fait l’objet d’un recours et les acquéreurs reprochent au notaire de leur avoir fait signer l’acte authentique de vente avant la purge du délai de recours des tiers.

Dès lors que le notaire connaissant le but poursuivi par les époux acquéreurs, à savoir acquérir le terrain en vue de la construction d’une maison, il lui appartient de s’assurer de la date d’affichage du permis de construire et de les mettre en garde sur les risques encourus à signer l’acte authentique avant l’expiration du délai de recours par les tiers.

Ne le faisant pas il manque à son obligation d’information et de conseil et commet une faute engageant sa responsabilité.

Le préjudice réparable consiste en la perte de chance de n’avoir pu faire retarder l’acquisition du terrain et s’évalue au regard de la mobilisation du prix et des intérêts versés sur le prix à compter de la signature.

CA Aix-en-Provence, 10 avril 2012, sur renvoi (inédit) : une personne s’engage à acquérir un terrain à bâtir sous condition suspensive de l’obtention d’un permis de construire, réputée réalisée dès l’obtention de cette pièce.

La vente est signée avant expiration du délai de recours, le permis a été annulé et l’acquéreur a recherché la responsabilité du notaire.

Par un arrêt du 9 décembre 2010 la Cour de cassation avait cassé la décision d’appel qui avait débouté les acquéreurs au motif qu’il appartenait au notaire d’informer l’acquéreur des risques inhérents à la signature de l’acte authentique de vente avant l’expiration du délai de recours contre le permis de construire.

La cour de renvoi a considéré que le notaire, ayant connaissance de l’intention de l’acquéreur de faire construire une maison sur le terrain objet de la vente, avait l’obligation de lui donner tous les éléments nécessaires à l’efficacité de l’acte et de le mettre en garde des risques inhérents à la signatures de l’acte alors que le permis de construire obtenu n’avait pas été purgé du recours contre les tiers.

En l’espèce une prudence particulière était requise dès lors que le certificat d’urbanisme annexé à l’acte de vente mentionnait que le terrain était inclut dans le périmètre de protection d’un monument historique ce qui rendait le risque d’annulation du permis plus important.

La faute du notaire est constituée par un manquement à son devoir d’informer tandis que le préjudice réparable constitue une perte de chance de construire dans un délai raisonnable ainsi que la perte de jouissance et les frais induits par le retard outre le préjudice moral.

  1. Persistance dans l’acquisition malgré le caractère non définitif du permis

Le notaire a un devoir d’information et de conseil à l’égard des acquéreurs désireux d’acquérir alors que les délais de recours ne sont pas expirés. Il doit s’en ménager la preuve.

CA Fort-de-France, 24 avril 2018 (inédit) : l’information trop générale se limitant à rappeler le caractère définitif du permis de construire à l’expiration des délais légaux est insuffisante et engage la responsabilité du notaire.

Cass. Civ. 1ère, 11 mars 2020, n° 18-24.950 : il ne peut être reproché au notaire un défaut de conseil relatif à l’insertion d’une clause résolutoire dès lors que les acquéreurs, informés du risque encouru de la possibilité du retrait du permis de construire, avaient manifesté leur volonté de passer l’acte en pleine connaissance de cause.

En l’espèce les acquéreurs qui avaient annulés le permis de construire transféré par le vendeur s’étaient vus accorder un nouveau permis de construire qui avait été retiré par la commune en raison d’un risque d’inondation.

Le notaire avait averti de manière pertinente et non équivoque les acquéreurs sur le risque du retrait du permis de construire eu égard à la modification récente du plan de prévention des risques. Ces derniers avaient demandé au notaire, malgré cette information, de passer outre le délai de quatre mois de retrait possible du permis.

Ainsi informés de la situation, les acquéreurs auraient signé l’acte malgré l’absence d’une clause résolutoire, de sort  qu’ils n’avaient subi aucun préjudice résultant de la faute alléguée à l’encontre du notaire.

Cass. Civ. 3ème, 26 nov. 2014 : Defrénois flash, 15 déc. 2014, n° 49, p. 11 : l’acquéreur qui savait que la validité du permis de construire n’était pas définitivement acquise en l’absence d’expiration des délais de recours par les tiers car le notaire l’avait rappelé dans une annexe de l’acte et qui, en pleine de connaissance de cause, a néanmoins poursuivi l’acquisition de la parcelle, acceptant ainsi le risque d’annulation, ne peut reprocher au notaire un manquement à son devoir de conseil. 

 

  1. Condition suspensive de l’obtention d’un permis de construire – devoir d’information et de conseil

  1. Renonciation à la condition suspensive

Cass. Civ. 1ère, 13 mars 2019 : Defrénois, 7 nov. 2019, p. 35, comm. Latina : Il appartient au notaire de mettre en garde ses clients sur les conséquences de la renonciation expresse à toute condition suspensive d’obtention du permis en cas de refus de délivrance du permis de construire.

Le notaire qui n’informe pas les acquéreurs de telles conséquences commet un manquement à son obligation d’information et de conseils constitutive d’une faute engageant se responsabilité.

Il est recommandé aux notaires de préciser, dans l’hypothèse où la promesse de vente contient une clause de renonciation à la condition suspensive de l’obtention d’un permis de construire, qu’en y renonçant ils ne sont plus protégés contre un refus de délivrance du permis de construire ou son annulation et que la vente ne pourra pas être remise en cause si cette hypothèse se présente.

 

  1. Absence de condition suspensive

CA Montpellier, 1er juillet 2021 (inédit, sur renvoi) : des époux ont acquis un terrain à bâtir dans un lotissement. Ils ont sollicité, deux après, un permis de construire qui leur a été retiré au motif que le lot était situé dans un zone où l’aléa feu était qualifié de fort à très fort.

La cour rappelle que le projet des acquéreurs était connu des notaires et que ces derniers ne peuvent se soustraire à leur devoir de conseil au motif que les acquéreurs ont déposé leur demande de permis 2 ans après la transaction.

La cour précise qu’en exécution du devoir d’information et de conseil le notaire devait d’une part attirer les acquéreurs sur les risques encourus en s’engageant dans une acquisition immobilière avant d’avoir obtenu un permis de construire ayant un caractère définitif et d’autre part les informer de la possibilité d’insérer une condition résolutoire dans l’acte de vente.

La cour considère que le fait que l’inconstructibilité du terrain résultant d’un changement des règles d’urbanisme postérieur à l’acte notarié n’exonère pas le notaire de son manquement dès lors qu’il n’a pas alerté les acquéreurs sur le risque inhérent à l’absence de permis de construire définitif obtenu à la date de l’acte.

Le dépôt tardif de la demande de permis par les acquéreurs ne dispense pas le notaire d’insérer une condition suspensive ou une clause résolutoire en cas d’inconstructibilité du terrain quoique le terrain était constructible au jour de la vente.

Les notaires ne peuvent se prévaloir de l’argument tiré du fait que la délivrance de ce conseil aurait nui aux intérêts du vendeur, lequel demeurait libre d’accepter ou non les conditions exigées par les acquéreurs en vertu de la liberté contractuelle ; en effet l’insertion d’une condition résolution d’obtention du permis n’aurait pas été potestative et les parties auraient pu l’assortir d’un délai maximal pour procéder à son dépôt. 

 

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