• TEXTE

Les modalités de partage de la pension de réversion en cas de pluralité de conjoints ou anciens conjoints

Pris pour l’application de l’article 29 et du II de l’article 93 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (JCP N 2021, n° 35, act. 810), un décret du 25 mars 2022 précise les conditions de calcul et de versement de la pension de réversion lorsque coexistent, à la date du décès de l’assuré, plusieurs conjoints survivants et divorcés, en organisant l’attribution de la pension en fonction du rapport entre la période de leur mariage en situation de monogamie conformément à l’article 147 du Code civil et la somme des durées de mariage de l’assuré décédé.

• Entrée en vigueur : les dispositions du décret s’appliquent aux pensions de réversion attribuées à compter du 25 août 2021 (publication de la loi confortant le respect des principes de la République).

 

  • JURISPRUDENCE 

Assurance-vie et modification de la clause bénéficiaire

Dans une décision du 10 mars 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a énoncé que la désignation ou la substitution du bénéficiaire d’un contrat d’assurance sur la vie, que l’assuré peut, selon l’article L. 132-8 du Code des assurances dans sa rédaction applicable au litige, opérer jusqu’à son décès n’a pas lieu, pour sa validité, d’être portée à la connaissance de l’assureur lorsqu’elle est réalisée par voie testamentaire.

Par suite, c’est à bon droit que les juges d’appel, retenant que le défunt avait indiqué dans un écrit, s’analysant en un testament olographe, que le capital décès de son assurance-vie devait revenir à son fils, ont décidé que ce dernier soutient à juste titre que la substitution de bénéficiaire peut être effectuée par voie testamentaire, cette modalité étant expressément prévue par l’article L. 132-8 précité, peu important que l’assureur n’en ait pas été avisé.

 

Quelle répartition de la taxe d’aménagement en cas de pétitionnaires multiples ?

Dans une décision du 17 mars 2022, le Conseil d’Etat a énoncé que l’autorité administrative peut indifféremment poursuivre le recouvrement de la taxe d’aménagement contre l’un des bénéficiaires du permis de construire ou contre chacun d’entre eux. Il convient alors, dans cette dernière hypothèse, que le montant cumulé des titres de perception émis n’excède pas celui de la taxe due à raison de la délivrance de l’autorisation. La solution ignore la division du terrain avant le dépôt de la demande de permis de construire par les constructeurs. Elle néglige également le fait que l’administration avait connaissance, avant l’établissement de la taxe, de la répartition des surfaces de plancher entre les bénéficiaires du permis.

Le juge de cassation confirme ainsi aujourd’hui l’unicité de la taxe d’aménagement attachée à une autorisation de construire, quand bien même serait-elle accordée à plusieurs constructeurs.

Si un seul pétitionnaire est poursuivi en paiement, il conserve la faculté de réclamer aux autres constructeurs la part de la taxe correspondant aux constructions dont la propriété leur a été dévolue par la division.

 

Servitude par destination du père de famille

Dans une décision du 23 mars 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a énoncé que la destination du père de famille vaut titre à l’égard des servitudes discontinues lorsqu’existent, lors de la division du fonds, des signes apparents de la servitude et que l’acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien.

Des propriétaires d’une parcelle bâtie donnée en location, assignent la propriétaire de la parcelle voisine, en remise en état d’une canalisation d’évacuation des eaux usées, selon eux obstruée, et en indemnisation, en invoquant l’existence d’une servitude par destination du père de famille entre les 2 parcelles, issues de la division d’un seul fonds par acte du 30 septembre 1997.

La cour d’appel (CA Caen, 15 déc. 2020) rejette leurs demandes et retient que, s’il n’est pas contesté que leur parcelle et celle de la propriétaire voisine sont issues de la division d’un seul fonds, suivant un acte du 30 septembre 1997 qui ne mentionne pas l’existence d’une servitude d’écoulement des eaux usées, il est constant qu’une telle servitude a un caractère discontinu, de sorte qu’elle ne peut s’acquérir par destination du père de famille, quand bien même elle présenterait un signe apparent matérialisé par un regard.

L’arrêt d’appel est cassé. En statuant ainsi, alors que la destination du père de famille vaut titre à l’égard des servitudes discontinues lorsqu’existent, lors de la division du fonds, des signes apparents de la servitude et que l’acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien, la cour d’appel a, par refus d’application, violé l’article 694 du Code civil duquel il résulte que, si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l’un des héritages, sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d’exister activement et passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné.

 

Loi applicable à l’action en contestation d’une reconnaissance de paternité

Cass. 1re civ., 23 mars 2022, n° 21-12.952, F-B

L’article 311-17 du Code civil énonce une règle spéciale de conflit de lois selon laquelle « la reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l’enfant ». La Cour de cassation rappelle, dans un arrêt en date du 23 mars 2022, que cette règle spéciale prévaut sur la règle générale édictée par l’article 311-14 du Code civil.

En 2006, une Suédoise épouse un Français. En 2010, l’époux déclare reconnaître – devant l’officier d’état civil monégasque – l’enfant né de sa femme, en 2004, en Californie. En 2016, les parents divorcent et la mère intente, un an après la rupture, une action en contestation de la reconnaissance de paternité.

Dans ce conflit de lois, la cour d’appel de Paris fait application de l’article 311-17 du Code civil et apprécie la recevabilité de l’action au regard de la loi personnelle de l’auteur de la reconnaissance. Le père étant de nationalité française, elle examine la recevabilité au regard de la loi française et juge ainsi l’action de la mère irrecevable, la possession d’état de l’enfant à l’égard de son père ayant duré plus de 5 ans depuis la reconnaissance (C. civ., art. 333).

La Cour de cassation valide le raisonnement et rejette le pourvoi.

 

  • DOCTRINE ADMINISTRATIVE 

Conséquences du défaut de transcription des actes de mariage ou de divorce étrangers

Est-il possible d’effectuer une demande auprès des autorités françaises de transcription d’un mariage et d’un divorce prononcés à l’étranger en même temps ? En cas de décès de l’un des deux époux, lorsque le divorce n’a pas été encore retranscrit, quelles sont les conséquences juridiques en matière de succession au profit de l’époux survivant ? Invité à répondre à ces questions posées par un parlementaire, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères rappelle les modalités de transcription sur les registres de l’état civil français des actes de mariage et de divorce étrangers et précise qu’« un notaire pourra tenir compte d’un jugement de divorce prononcé à l’étranger n’ayant pas fait l’objet d’une mention en marge de l’acte de mariage français, s’il estime que cette décision est définitive et qu’elle est opposable en France ».

 

Le ministère rappelle tout d’abord les modalités de transcription sur les registres de l’état civil français des actes de mariage et de divorce étrangers :

  • La transcription des actes de mariage étrangers concernant des ressortissants français, sur les registres de l’état civil français, est de la compétence des officiers de l’état civil dans les postes diplomatiques et consulaires, à raison du lieu d’enregistrement du mariage ;
  • La transcription des décisions étrangères de divorce sur les registres de l’état civil français est effectuée sur instruction du procureur de la République territorialement compétent (lieu où est conservé l’acte de mariage, en marge duquel la mention de divorce doit être apposée).

Concernant la possibilité d’effectuer la transcription du mariage et du divorce de manière simultanée, question posée par le parlementaire, le ministère opère une distinction entre les décisions de divorce prononcées dans un des pays de l’Union européenne (sauf Danemark) et les autres pays :

  • Dans le premier cas : en application du règlement n° 2201/2003 du Conseil de l’Union européenne du 27 novembre 2003 , les mentions sont directement apposées par l’officier de l’état civil français du lieu de célébration du mariage. Par conséquent, si le mariage a été célébré dans un pays de l’Union européenne (sauf Danemark) et que le divorce a été prononcé dans ce même pays, les demandes de transcription de l’acte de mariage et d’apposition de la mention de divorce peuvent être effectuées simultanément ;
  • Dans le second cas : il convient au préalable de demander la transcription de l’acte de mariage étranger auprès du poste diplomatique et consulaire compétent, puis de demander la vérification d’opposabilité de la décision étrangère de divorce auprès du procureur de la République de Nantes.

Concernant enfin les conséquences juridiques en matière de succession au regard du conjoint survivant du défaut de transcription du divorce sur les registres d’état civil français, le ministère rappelle qu’« en application de la rubrique 582 de l’ instruction générale relative à l’état civil du ministère de la justice , en matière d’état des personnes, il est de jurisprudence constante que les jugements étrangers produisent leurs effets en France, indépendamment de toute déclaration d’exequatur ou d’une procédure de vérification d’opposabilité. En cas de problème, l’ex-conjoint survivant pourra aussi faire la demande de vérification d’opposabilité auprès du parquet compétent, ou d’exéquatur devant le tribunal judiciaire du lieu de son domicile ».

 

Absence de mise en conformité des statuts et modalités de distraction d’un immeuble de l’ASL

Interrogée par un parlementaire sur « la position du ministère sur une potentielle évolution du cadre juridique relatif à la mise en conformité des statuts ASL, notamment au regard de la possibilité pour les propriétaires d’user d’un droit de distraction d’un lot », la ministre chargée du Logement a répondu que « le Gouvernement n’envisage pas d’évolution de l’ordonnance du 1er juillet 2004 sur ce point ».

 

On rappelle que l’article 60 de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 impose la mise en conformité des statuts des associations syndicales de propriétaires dans un délai de 2 ans à compter de la publication du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006, soit jusqu’au 5 mai 2008 (V. Guide de la publicité foncière, fasc. 360 ). À défaut de mise en conformité de leurs statuts, elles perdent non seulement leur capacité à agir en justice, mais aussi leur capacité d’acquérir, de vendre, d’échanger, de transiger, d’emprunter et d’hypothéquer. Les ASL peuvent cependant recouvrer les droits mentionnés à l’article 5 de l’ordonnance du 1er juillet 2004, au-delà du 5 mai 2008.

L’article 3 du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 dispose que les modalités de distraction d’un des immeubles de l’ASL doivent désormais être fixées par les statuts. Le ministère reconnaît que si la mise en conformité n’a pas été effectuée, il est en effet possible que, dans les faits tels que soulevés par le parlementaire, les statuts d’une ASL ne prévoient aucune règle quant à la faculté de distraction des membres. Celle-ci s’expose alors aux effets mentionnés ci-dessus.

En réponse à la question parlementaire, le ministère rappelle, d’une part, que « les ASL demeurant des personnes privées, il n’appartient pas au préfet de s’immiscer dans leur fonctionnement. Il n’exerce pas de contrôle de légalité de leurs statuts et il ne dispose pas de la possibilité de leur imposer des modifications statutaires ». D’autre part, « sous réserve du respect de la procédure fixée par les statuts, les membres de l’ASL peuvent initier ou solliciter des modifications statutaires permettant d’intégrer des règles concernant les modalités de distraction. Ils disposent également de la faculté de saisir le juge judiciaire et d’assigner l’ASL en mise en conformité des statuts »..

 

  • DOSSIER

Assistance médicale à la procréation et pratique notariale : nouvelles familles, nouveaux réflexes

Etude et formules rédigées par Nathalie Baillon-Wirtz maître de conférences HDR à l’université de Reims Champagne-Ardenne et Pierre Dauptain notaire et essayiste

 

À l’occasion de l’Université des Notaires du Grand Paris (UNGP) 2022, qui s’est tenue le 5 janvier 2022 dans le grand amphithéâtre de l’université de Paris Panthéon-Assas, Nathalie Baillon-Wirtz et Pierre Dauptain ont présenté les conséquences sur la pratique notariale de la loi bioéthique du 2 août 2021.

 

1. L’acte de consentement à l’AMP avec tiers donneur

A. – Qui peut signer cet acte ?

Personnes concernées. – Si l’acte de consentement à l’AMP était, avant la loi du 2 août 2021, ouvert uniquement aux couples hétérosexuels – mariés, pacsés ou simples concubins – le voilà à présent proposé également aux couples de femmes – quel que soit, là aussi, leur statut matrimonial ; il est également destiné aux femmes non mariées. En revanche, cet acte ne s’adresse pas aux couples d’hommes ou aux hommes seuls. La raison étant que la gestation pour le compte d’autrui, qui est la seule possibilité pour eux de concevoir un enfant, reste interdite. Il ne s’adresse pas non plus aux femmes vivant seules mais qui sont mariées. Le notaire doit donc vérifier que la cliente qui le sollicite dans le cadre d’une AMP à titre individuel est bien célibataire ou définitivement divorcée et non remariée. La raison qui a été mise en avant par le législateur est que cela évite qu’un mari se voie imposer une filiation par le biais de la présomption de paternité. (ne déclare pas son nom, mais nécessairement mariée à un homme)

5. – S’agissant des couples vivant en concubinage (hétérosexuels ou de femmes), ils n’ont plus à démontrer, depuis la loi bioéthique du 7 juillet 2011, une certaine durée de vie commune, mais le notaire doit demander un justificatif de vie à deux. Pour les couples mariés ou pacsés, la communauté de vie est implicite.

Dans l’hypothèse d’une séparation du couple avant la conception de l’enfant, la femme restée seule, pour bénéficier d’une AMP, devra changer de procédure et venir régulariser un nouvel acte de consentement chez le notaire, mais cette fois à titre individuel. Si elle est mariée, elle devra attendre que son divorce soit devenu définitif pour consentir à une AMP.

De leur côté, les femmes non mariées n’ont pas à justifier qu’elles vivent seules, alors que, dans le langage courant, on continue à évoquer l’ouverture de l’AMP aux femmes seules. Ainsi, une femme vivant en couple, y compris si elle est pacsée (ou en concubinage), peut valablement signer cet acte, sans que le notaire n’ait à y faire intervenir la personne avec qui elle cohabite pour donner son consentement.

Ainsi, un couple ne peut pas initier une AMP avec tiers donneur s’il ne cohabite pas, mais une femme peut le faire individuellement même si elle vit en couple.

 

Nationalité. – La loi bioéthique du 2 août 2021 étant une loi de police, le notaire doit recevoir l’acte quelle que soit la nationalité des futurs parents. Toutefois, il est recommandé au notaire de rédiger une reconnaissance de conseil donné par laquelle les requérants reconnaissent qu’ils ont été informés du fait que la filiation qui sera établie en France à l’égard de leur enfant à naître pourrait ne pas être opposable dans leur pays d’origine dès lors que la loi de ce dernier n’autorise pas l’AMP avec tiers donneur.

Cas des Français de l’étranger. – S’agissant des Français résidant à l’étranger, ils doivent, tout comme les Français vivant en France, signer un acte notarié de consentement à l’AMP et, pour les couples de femmes, un acte de reconnaissance conjointe anticipée (voire un acte de reconnaissance conjointe a posteriori). 

 

Conditions d’âge. – Une AMP peut être réalisée jusqu’au 45e anniversaire de la femme qui portera l’enfant et jusqu’au 60e anniversaire de sa compagne ou de son compagnon. En principe, le notaire ne devrait pas avoir à vérifier si ces conditions sont remplies car, avant de le solliciter, les couples ou les femmes seules auront eu un premier contact avec l’équipe médicale. La question pourrait toutefois se poser pour des personnes qui auraient décidé de mener à bien le parcours d’AMP à l’étranger, le cas échéant dans un pays où les conditions d’âge seraient différentes. Il nous semble qu’un notaire pourrait alors refuser de prêter son ministère s’il constatait que les futurs parents ont dépassé les limites fixées par la loi française. On notera que si la loi détermine un âge à ne pas dépasser, il n’existe aucune règle pour dire à partir de quel âge il est possible de recourir à une AMP. Ainsi, un couple ou une femme non mariée de 18 ans tout juste pourront solliciter que soit constaté leur consentement à une AMP avec tiers donneur, même en dehors de toute pathologie, puisque l’AMP ne concerne plus les situations pathologiques. Son but est à présent de répondre à un projet parental.

 

12. – AMP en France ou à l’étranger. – Pour rappel, une circulaire du ministère de la Justice du 21 septembre 2021 Note 7 précise que l’acte de consentement à l’AMP doit être établi par le notaire, peu importe qu’elle ait lieu en France ou à l’étranger. Et la mention du pays où elle sera pratiquée n’a pas à être rapportée dans l’acte.

 

En ce qui concerne le tiers donneur : 

De l’impossibilité d’agir en responsabilité à l’encontre du tiers donneur et du fait qu’aucun lien de filiation ne pourra être établi entre le donneur et l’enfant né du don. – Cette règle a principalement pour but de mettre à l’abri le donneur contre une requête en fin d’établissement de filiation : action en recherche de paternité ou action en recherche de maternité.

19. – De l’interdiction d’exercer une action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation au nom de l’enfant. – Ceci, à moins qu’il ne soit soutenu que celui-ci n’est pas issu de l’AMP ou que l’acte de consentement a été privé d’effet.

20. – Des cas où l’acte de consentement est privé d’effet. -Ces cas, s’ils interviennent avant la conception de l’enfant, correspondent aux situations suivantes :

  • le décès de l’un des membres du couple. Rappelons à ce sujet que la procréation posthume reste interdite ;
  • l’introduction d’une demande en divorce ou en séparation de corps (qui vise ici le cas d’une demande formulée en justice) ;
  • la signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel (pour les séparations déjudiciarisées) ;
  • la cessation de la communauté de vie ;
  • et, enfin, la révocation du consentement par l’un des membres du couple. Auparavant, la révocation unilatérale devait être faite par écrit devant le médecin chargé de mettre en œuvre l’AMP. Désormais, selon le nouvel article 342-10 du Code civil (C. civ., art. 342-10, al. 3), elle peut aussi être faite auprès du notaire qui a reçu le consentement. 

Conseil pratique :

Il est selon nous opportun que le notaire, au moment de la réception du consentement des membres du couple, leur conseille, s’ils souhaitent un jour révoquer leur consentement, de le faire par écrit non pas auprès de lui mais auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l’AMP.

De même, si malgré ce conseil, le notaire recevait une notification de révocation de la part de l’un des membres du couple, il sera avisé de demander à l’auteur de la révocation de la réitérer auprès de l’équipe médicale et d’en informer l’autre membre du couple.

 

Sur la levée de l’anonymat du donneur

L’acte notarié devra informer les futurs parents de la possibilité qui sera offerte à leur enfant, une fois majeur, d’obtenir des données non identifiantes relatives au donneur, voire son identité auprès d’une commission dédiée placée auprès du ministère de la Santé (à ce jour, elle n’a pas encore été créée).

L’acte de consentement à l’AMP avec donneur doit impérativement contenir un paragraphe relatif à cette nouvelle disposition de la loi, car certains futurs parents pourraient, réalisant les conséquences éventuelles de la levée de l’anonymat du donneur dans leur vie future, renoncer à leur projet.

Les dispositions relatives au don et à la levée de l’anonymat n’entreront en vigueur qu’au moment de la publication au Journal officiel du décret d’application, au plus tard le 1er septembre 2022. Cela implique que les personnes ayant donné leurs gamètes avant cette date auront la garantie que ni leur identité ni leurs données non identifiantes ne seront révélées aux personnes issues de leur don si elles n’y ont pas expressément consenti. En revanche, les personnes qui donneront leurs gamètes à compter de cette date devront, préalablement au don, consentir à l’accès à leurs données non identifiantes ou à leur identité. À défaut de consentement, le don ne pourra pas être effectué. En conséquence, qu’ils approuvent cette transparence ou qu’ils la regrettent, certains futurs parents que les notaires recevront prochainement ne seront pas concernés par la mesure.

Conseil pratique :

Il est conseillé au notaire instrumentaire d’insérer la clause suivante dans l’acte de consentement à l’AMP, à la suite du paragraphe les informant de la levée de l’anonymat du donneur :

« Les requérants reconnaissent avoir été avisés par le notaire soussigné que les dispositions figurant à l’article L. 2143-2 du Code de la santé publique relatives à l’accès, par la personne née du don, aux données non identifiantes ou à l’identité du tiers donneur, n’entreront en vigueur qu’au moment de la publication au Journal Officiel d’un décret d’application.

En conséquence, si l’enfant est conçu grâce à un don réalisé avant la publication de ce décret, il ne pourra pas profiter de cet accès aux données non identifiantes ou à l’identité du tiers donneur [sauf si le donneur a expressément consenti à ce que ces données soient révélées].

Pour autant, le notaire soussigné précise que cet accès aux données non identifiantes ou à l’identité du tiers donneur ne sera possible que dans la mesure où le donneur ou la donneuse de gamètes auront pratiqué leur don en France ou dans un pays où la règle en vigueur n’est pas celle de l’anonymat du donneur. »

Une fois le décret d’application publié au Journal officiel, seul le dernier paragraphe de cette clause subsistera.

 

2. L’AMP pour les couples de femmes : la reconnaissance conjointe anticipée

Particularités de l’acte. – Sur le plan formel, l’acte, comme pour celui du consentement à l’AMP, n’a pas à désigner la femme qui engagera le parcours d’AMP. Il n’est pas non plus nécessaire de procéder à ce stade au choix du nom de famille de l’enfant. Cela pourra être fait au moment de la déclaration de sa naissance. Par ailleurs, l’acte doit être signé par les deux femmes (il s’agit d’une reconnaissance « conjointe ») mais il n’aura, en définitive, d’effet que pour l’une d’entre elles. Et ce n’est que très discrètement que l’acte de naissance distinguera d’un côté la femme qui a accouché et de l’autre côté, sa compagne. Celle qui aura mis au monde l’enfant sera désignée dans la première case « MÈRE », sa compagne dans la seconde case « MÈRE ».

Un parcours, un acte. – Comme pour l’acte de consentement à l’AMP, l’acte de reconnaissance conjointe anticipée ne peut être utilisé que pour un seul parcours d’AMP. Toutefois, un seul acte suffit en cas de grossesses multiples. Dès lors, en cas de deux projets d’AMP parallèles, il faudra signer deux actes, en recourant aux mêmes précautions de forme que celles évoquées plus haut.

32. – Remise d’une seule copie authentique. – Il est recommandé, dans la circulaire du 21 septembre 2021, de ne remettre au couple qu’une seule copie de l’acte, sans doute pour éviter que celui-ci soit tenté de l’utiliser plusieurs fois. Cependant, dans cette hypothèse, si la filiation de l’aîné d’une fratrie à l’égard de sa seconde mère serait incontestable, celle de ses jeunes frères et sœurs serait en revanche très fragile : au moment du règlement d’une succession, s’il apparaissait que le même acte de reconnaissance conjointe anticipée a été produit plusieurs fois à l’officier d’état civil, le notaire ne pourrait considérer la filiation des plus jeunes légalement établie à l’égard de leur seconde mère. Et, dans l’état actuel de la loi, cette situation ne pourrait être corrigée ni par une adoption (puisque l’adoptante sera décédée) ni par une notoriété constatant une possession d’état, puisque celle-ci n’est réservée qu’aux couples hétérosexuels.

Conseil pratique :

Nous suggérons d’introduire dans l’acte la clause suivante :

« Les requérantes reconnaissent avoir été informées par le notaire soussigné que le présent acte ne peut être produit à l’officier d’état civil qu’à l’issue d’un seul parcours d’AMP (que celui-ci débouche sur une seule naissance ou sur des naissances multiples).»

Prise d’effet de la reconnaissance. – La question s’est posée de l’effet de l’acte dans le cas du décès de la seconde mère après la conception de l’enfant, mais avant sa naissance. Alors que la loi et la circulaire affirment que l’acte de reconnaissance conjointe anticipée prend effet au jour de sa présentation à l’officier d’état civil, une position inverse pourrait être de faire remonter les effets de la reconnaissance à la conception de l’enfant. Une incertitude demeure donc et le notaire en charge du règlement de la succession de la seconde mère, s’il se range à l’idée d’un effet rétroactif de la reconnaissance, devra, pour établir sa dévolution successorale, attendre de connaître si l’enfant est né vivant et viable.

 

Droit de l’immeuble

Cette chronique couvre une partie des décisions rendues au cours de l’année 2021. On ne peut pas passer sous silence l’arrêt du 23 juin 2021 qui a mis fin tardivement à une jurisprudence qui n’aurait jamais dû avoir lieu sur la rétractation des promesses unilatérales. La condition suspensive d’obtention de prêt continue à susciter un abondant contentieux où régulièrement de nouvelles difficultés apparaissent.

 

1. Les avant-contrats

A. – Règles générales applicables aux avant-contrats

1. – Condition suspensive de prêt et montant sollicité. -La première diligence imposée au consommateur consiste à demander à un établissement un prêt conforme aux caractéristiques prévues dans le contrat principal. Il appartient à l’emprunteur de démontrer qu’il a bien sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans l’acte principal. Si tel n’était pas le cas, la condition suspensive serait réputée accomplie. Mais tel n’est pas le cas tout du moins lorsque le candidat acquéreur sollicite un prêt à un taux inférieur à celui mentionné dans l’avant-contrat (Cass. 3e civ., 20 nov. 2013 : JCP E 2014, n° 3, 1023, obs. S. Piédelièvre ; RDI 2014, p. 99, obs. H. Heugas-Darraspen ; Defrénois 2014, 176, obs. J.-B. Seube ; RDC 2014, p. 211, note M. Latina). La Cour de cassation est régulièrement saisie de cette difficulté, comme le démontre une nouvelle fois un arrêt de la Cour de cassation du 14 janvier 2021 Au visa de l’article 1103 du Code civil, la Cour de cassation les censure en indiquant qu’un prêt accordé à un montant inférieur au montant maximal prévu est conforme aux stipulations contractuelles. 

2. – Condition suspensive de prêt et montant du taux. -Par un arrêt du 20 novembre 2013, la Cour de cassation avait censuré des juges du fond qui avaient considéré que le seul fait de demander un taux légèrement inférieur au taux prévu par la promesse synallagmatique constitue une faute justifiant la mise en jeu de la clause pénale prévu au contrat. Par un arrêt du 1er avril 2021, elle infléchit légèrement sa position, elle rejette le pourvoi en précisant que l’acquéreur peut échapper à l’application des dispositions de l’article 1178 du Code civil, alors applicable, lorsqu’il démontre que, s’il avait présenté une demande conforme aux caractéristiques stipulées dans la promesse de vente, cette demande aurait aussi été rejetée. 

3. – Renonciation à la condition suspensive d’obtention de prêt et acte authentique. -Selon l’article L. 313-40 du Code de la consommation, « l’acte écrit, y compris la promesse unilatérale de vente […] ayant pour objet de constater l’une des opérations mentionnées au 1° de l’article L. 313-1, doit indiquer si le prix sera payé directement ou indirectement, même en partie, avec ou sans l’aide d’un ou plusieurs prêts régis par les sections 1 à 5 du présent chapitre ». Dès que l’acte mentionnera l’intention de l’emprunteur de recourir à un prêt pour le paiement de l’opération projetée, il sera automatiquement soumis à la condition suspensive. Cette mention manuscrite est exigée dès lors que l’avant-contrat est passé par acte sous seing privé. Par un arrêt du 18 mars 2021, la Cour de cassation est obligée de préciser que tel n’est pas le cas pour les actes authentiques. La Cour de cassation censure les juges du fond aux termes d’un raisonnement tout à fait pertinent. Elle relève qu’aux termes de l’article 1317 du Code civil (désormais 1369), l’acte reçu en la forme authentique par un notaire est, sauf disposition dérogeant expressément au présent article, dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi, et que le législateur n’a pas prévu expressément de dispositions dérogeant à ce principe. La conclusion est alors simple : la mention manuscrite n’est pas requise en cas de renonciation à la condition suspensive d’obtention de prêt figurant dans un contrat de prêt. 

4. – Condition suspensive de prêt et caducité. -Compte tenu des prix actuels de l’immobilier, de nombreux avant-contrats comportent des conditions suspensives d’obtention de prêt. Leur non-réalisation suscite toujours d’importantes difficultés, comme le démontre une nouvelle fois un arrêt de la Cour de cassation du 4 février 2021. Dans cet arrêt elle rejette le pourvoi aux motifs « que le caractère non extinctif du délai fixé par la promesse de vente pour procéder à la signature de l’acte authentique de vente avait pour seule conséquence de permettre à l’une des parties d’obliger l’autre à s’exécuter si les conditions suspensives étaient réalisées à cette date, mais ne permettait pas à une partie de disposer d’un délai supplémentaire pour remplir ses obligations ». Elle ajoute « que l’obtention d’un prêt postérieurement à la date fixée pour la signature de l’acte authentique était sans incidence sur la caducité de la promesse, celle-ci pouvant, à partir de cette date, être invoquée par les deux parties »..

5. – Promesse de vente et dol. 

6. – Promesse de vente et droit de préférence du locataire commercial. 

B. – Offre d’achat

7. – Offre d’achat et rencontre de volonté. -La conclusion d’un avant-contrat ou d’une vente passe par l’émission d’une offre, encore dite pollicitation, faite par un vendeur ou par un acquéreur. Pour conduire à la formation de l’avant-contrat ou de la vente, elle devra faire l’objet d’une acceptation. Celle-ci est définie par l’article 1118 du Code civil comme « la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre ». Cette règle, en apparence simple, suscite certaines difficultés, comme le démontre un arrêt de la Cour de cassation du 17 novembre 2021( Cass. 3e civ., 17 nov. 2021, n° 20-20.965 ). La Cour reprend les arguments des juges du fond en relevant que leur recours avait été effectué « en pleine connaissance du caractère manifestement voué à l’échec de leurs prétentions, que cette persistance à maintenir des demandes juridiquement insoutenables ne pouvait exprimer qu’une intention de nuire à l’intimée en exerçant sur elle des pressions notamment par l’insinuation de tentative de fraude fiscale et en abusant de la générosité dont elle avait fait preuve en mettant gracieusement à leur disposition, pendant les vacances, la propriété litigieuse pour en tirer des arguments fallacieux en faveur de leur thèse ».

C. – Promesse unilatérale de vente

8. – Promesse unilatérale de vente et rétractation. –

9. – Promesse unilatérale et délai d’option. 

D. – Pacte de préférence

10. – Pacte de préférence et crédit-bail immobilier

2. Financement

11. – Crédit immobilier et domaine d’application. 

12. – Taux effectif global et frais de financement. 

3. Vente

A. – Formation de la vente

 

Vous ne pouvez pas copier le contenu de cette page.