• TEXTE

Dispositif de lutte anti-blanchiment appliqué aux notaires : les précisions de TRACFIN sur les mesures de vigilance

À propos d’une relation d’affaires et de son éventuel bénéficiaire effectif, le Code monétaire et financier impose aux notaires d’ajuster leur niveau de connaissance du client et d’assurer une vigilance adaptée.

Le type de vigilance applicable dépend du niveau de risque déterminé pour chaque relation d’affaires, à partir « d’une analyse fondée sur les critères d’alertes identifiés dans la classification ». Il s’agit de risques :

clients (pays de résidence ou de profession, revenus et patrimoine estimés, personne politiquement exposée – PPE -)… ;

produits (localisation, immobilier de luxe, justification économique…) ;

opérations (type de financement, origine des fonds, opération favorisant l’anonymat…) ;

géographiques (liste du Groupe d’action financière – GAFI -…) ;

ou encore, liés à la distribution (relation intermédiée, à distance…). 

C’est selon le degré de risque affecté à chaque critère que sont prises les mesures de vigilance adéquates.

En présence d’un risque faible justifié, lorsque le professionnel estime et justifie que le risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme est faible, une simple vigilance simplifiée pourra s’appliquer. Il s’agira donc de recueillir les informations justifiant cette classification en risque faible, et d’aménager, au sein du dispositif général de surveillance et d’analyse des opérations, le Know Your Customer (KYC) et l’intensité des mesures de vigilance.  

En présence d’un risque courant, c’est une vigilance constante qui s’applique, et ce tout au long de la relation d’affaires, quel que soit le degré de risque calculé. Dans ce cas, il faut recueillir tout élément d’information pertinent relatif à la nature et l’objet de la relation d’affaires, avoir de cette dernière une connaissance appropriée et actualisée, mais aussi identifier et analyser les opérations incohérentes.  

Si le risque est élevé au regard de la classification des risques, la vigilance renforcée imposera de recueillir des informations supplémentaires sur la connaissance du client et d’intensifier les contrôles de cohérence des opérations avec la connaissance actualisée de la relation d’affaires.  

 

Une vigilance complémentaire s’applique dans les cas particulier, par exemple :  

lorsque l’opération est en lien avec un État ou un territoire figurant sur les listes publiées par le GAFI ou par la Commission européenne ;

ou en présence d’une PPE.

Il est alors nécessaire de recueillir des informations supplémentaires sur la connaissance du client (origine des fonds ou du patrimoine, objet des opérations envisagées…) mais aussi de s’assurer de la cohérence des opérations avec la connaissance actualisée de la relation d’affaires.

 

  • JURISPRUDENCE

Mérule et devoir de conseil de l’agent immobilier

Dans une décision du Cass. 1re civ., 16 mars 2022, n° 20-22.341 Lorsque l’acquéreur est averti de risques potentiels de mérule, informé par les actes notariés des dégâts pouvant être occasionnés par sa présence et a renoncé à demander au vendeur la réalisation d’un diagnostic, l’agent immobilier n’est pas tenu de lui conseiller de procéder à un tel diagnostic.

En l’espèce, la connaissance de l’agent immobilier de la présence de mérule dans l’immeuble et d’une dissimulation de cette information n’étaient pas prouvées. L’acquéreur, professionnel de l’immobilier, avait acquis le bien en cause, à un prix peu élevé, en connaissance de son état de vétusté, de son absence d’occupation depuis des années et de la présence d’humidité dans certains murs révélée par les diagnostics techniques. Il était ainsi averti de risques potentiels de mérule et informé par la clause insérée dans la promesse de vente et l’acte de vente des dégâts pouvant être occasionnés par sa présence dans le bâtiment. Et il avait renoncé devant le notaire à demander au vendeur la réalisation d’un diagnostic portant sur la recherche de ce champignon.

 

Rapport et de réduction des primes manifestement exagérées en présence d’un contrat racheté

Par une décision du 9 février 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation est venue exclure l’application de l’article L. 132-13 du Code des assurances concernant le rapport et la réduction des primes manifestement exagérées, lorsque le contrat a été totalement racheté par le souscripteur. En l’espèce, une personne avait souscrit un premier contrat d’assurance-vie sur lequel elle avait investi environ 120 000 € par des versements multiples. Elle procède ensuite au rachat total de son contrat pour réinvestir le montant de ce rachat dans un second contrat d’assurance-vie. À son décès, sa fille, considérant que ces différents versements étaient manifestement exagérés, demande la réintégration de l’ensemble des primes dans la succession. Sa demande est rejetée par la cour d’appel de Versailles. La position des juges du fond est confirmée par la Cour de cassation qui énonce que l’article L. 132-13 du Code des assurances « ne s’applique pas aux primes versées sur un contrat d’assurance sur la vie racheté par son souscripteur ». Autrement dit, le rachat total du contrat exclut tout débat quant au rapport et à la réduction des primes sur le fondement de ce texte.

Cet arrêt invite à s’interroger sur le rôle du rachat dans l’application de l’article L. 132-13 du Code des assurances. On sait que le contrat d’assurance-vie dispose d’un statut particulier en droit patrimonial de la famille en raison de sa dimension de prévoyance. Mais si cette dimension passe au second plan au profit d’une logique de pure transmission, le droit des successions reprend tout son empire. C’est notamment le cas lorsque les primes investies au sein du contrat sont manifestement exagérées au regard des facultés du souscripteur. On rappellera que faute de définition légale de l’excès, sa détermination dépend d’un faisceau d’indices. L’excès s’apprécie ainsi au jour du versement des primes « au regard de l’âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur et de l’utilité du contrat pour ce dernier » (V. not. Cass. 2e civ., 4 déc. 2008, n° 07-20.544 : JurisData n° 2008-046152).

 

Bail à ferme : notification d’un nouveau congé pour reprise en cas de prorogation

Dans une décision du 11 mars 2022, le Conseil Constitutionnel énonce que sont contraires à la Constitution les dispositions du Code rural et de la pêche maritime imposant au bailleur qui souhaite reprendre son bien au terme de la période de prorogation de délivrer, au moins 18 mois avant son expiration, un nouveau congé au preneur.

Dispositions en cause. – Le bailleur qui entend refuser le renouvellement d’un bail rural aux fins de reprise de l’exploitation doit délivrer au preneur, 18 mois au moins avant l’expiration du bail, un congé présentant les motifs et les conditions de cette reprise (C. rur., art. L. 411-47). Le preneur peut toutefois s’y opposer s’il se trouve à moins de 5 ans de l’âge de la retraite retenu pour les exploitants agricoles ou de l’âge lui permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein. Le bail est alors prorogé de plein droit pour une durée égale à celle lui permettant d’atteindre l’âge correspondant (C. rur., art. L. 411-58, al. 2). Étaient contestées, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), les dispositions imposant au bailleur qui souhaite reprendre son bien au terme de la période de prorogation de délivrer, au moins 18 mois avant son expiration, un nouveau congé au preneur (C. rur., art. L. 411-58, al. 3).

Non-conformité totale. – En adoptant ces dispositions, le législateur « a entendu garantir la continuité des exploitations agricoles en s’assurant qu’à l’issue de la période de prorogation, le bailleur souhaite toujours reprendre son bien en vue de l’exploiter et remplit les conditions pour ce faire », retient le Conseil constitutionnel ; mais pour autant, il en résulte que, dans le cas où le preneur s’oppose à la reprise moins de 18 mois avant l’expiration de la période de prorogation, le bailleur est placé dans l’impossibilité de notifier un nouveau congé, dans le délai imparti.

Dès lors, ces dispositions « portent au droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi ». Elles « doivent donc être déclarées contraires à la Constitution ».

Effet différé. – Jugeant que, en l’espèce, l’abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles « entraînerait des conséquences manifestement excessives », les Sages ont décidé qu’il y avait lieu de reporter au 31 décembre 2022 la date de leur abrogation.

 

Cautionnement : devoir de mise en garde et charge de la preuve

Dans son arrêt du 9 mars 2022, la Cour de cassation estime que la circonstance que la banque a octroyé le prêt sans disposer d’éléments comptables sur l’activité prévisionnelle de l’emprunteur ne dispense pas la caution non avertie qui soutient que la banque était tenue à son égard d’un devoir de mise en garde, d’établir qu’à la date à laquelle son engagement a été souscrit, il existait un risque d’endettement né de l’octroi du prêt, lequel résultait de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

En l’espèce, une banque a consenti un prêt à une société dont le président et associé majoritaire s’est rendu caution. La société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné en paiement la caution qui lui a opposé d’avoir manqué à son devoir de mise en garde à son égard.

Pour la Cour de cassation, il résulte des constatations souveraines des juges du fond que la caution n’apportait pas la preuve lui incombant que le prêt litigieux était inadapté aux capacités financières de l’emprunteur ou à ses propres capacités financières ; en ce qu’ils avaient relevé que la caution, président de la société, n’avait produit aucun document comptable relatif à la société lors du démarrage de son activité, que les échéances du prêt cautionné avaient été payées jusqu’à la date de l’ouverture de la procédure collective et retenu qu’il ne pouvait pas être considéré que l’engagement de la caution n’était pas adapté à ses capacités financières, compte tenu du patrimoine qu’elle avait déclaré à la date du cautionnement. Le pourvoi est rejeté.

 

Action en demande de radiation d’une inscription hypothécaire et prescription

Dans une décision du 16 mars 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation énonce que selon l’article 2438 du Code civil, la radiation d’une inscription hypothécaire doit être ordonnée par les tribunaux, lorsqu’elle a été faite sans être fondée ni sur la loi, ni sur un titre, ou lorsqu’elle l’a été en vertu d’un titre soit irrégulier, soit éteint ou soldé, ou lorsque les droits d’hypothèque sont effacés par les voies légales. Il reprend ainsi les principes déjà posés par l’ancien article 2443. La radiation permet de mettre en conformité une inscription en réalité inexistante avec la réalité de la situation juridique.

Elle intervient à la requête du constituant, d’un tiers acquéreur ou d’un autre créancier auquel l’inscription, dont la radiation est demandée, nuit. Compte tenu de sa gravité résultant de ses conséquences pratiques, cette opération est soumise à des conditions très strictes. Elle résulte d’un jugement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée. Les juges des référés ou les juges de l’exécution ne sont pas compétents pour la prononcer (Cass. 1re civ., 9 mars 1977 : JCP 1978, II, 18977, note Goubeaux. – Cass. 2e civ., 19 oct. 2000, n° 98-22.328 : JurisData n° 2000-006302). La procédure est intentée contre le bénéficiaire de la sûreté. Par un arrêt du 16 mars 2022, la Cour de cassation a été saisie d’une question a priori inédite, celle de savoir si cette action était ou non soumise à prescription extinctive.

En l’espèce, une banque avait consenti à une société un prêt dont le capital devait être débloqué en plusieurs tranches. Ce prêt était garanti par une hypothèque portant sur des immeubles appartenant à l’emprunteur. L’une des tranches du crédit n’ayant pas été débloquée, ce dernier a demandé la mainlevée de l’hypothèque. Sa demande a été rejetée par les juges du second degré aux motifs qu’elle était prescrite, puisque 8 ans s’étaient écoulés après l’expiration du délai dans lequel le troisième déblocage pouvait intervenir. Selon eux, il y avait lieu d’appliquer la prescription quinquennale qui est celle de droit commun. Le constituant s’est alors pourvu en cassation en faisant valoir que « l’action tendant à faire prononcer la radiation d’une hypothèque en raison de l’extinction de la créance qu’elle garantit doit pouvoir être exercée tant que l’inscription subsiste ».

Au visa de l’ancien article 2443, la Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel en indiquant que « tant que l’inscription d’une hypothèque subsiste, sa radiation peut toujours être demandée » dès lors que ses conditions de fond sont réunies.

Cette solution, rendue sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 15 septembre 2021, n’est pas remise en cause par la réforme du droit des sûretés. Il est logique que l’action en radiation d’une inscription hypothécaire puisse toujours être demandée, même si le nombre des actions imprescriptibles est limité. Si l’on reprend les hypothèses dans lesquelles elle peut être demandée, on s’aperçoit qu’en réalité il s’agit d’hypothèses où il n’existe pas de droit et où il faut protéger la propriété. Il en était ainsi en l’espèce de l’inscription hypothécaire. Pourquoi alors maintenir une telle inscription alors qu’elle peut nuire à certains ? On peut certes faire valoir que compte tenu du système de la péremption, l’inscription, à terme plus ou moins éloigné, est amenée à tomber, même s’il existe des possibilités de renouvellement. Admettre l’existence d’une prescription conduirait à consolider une situation juridique inexacte.

 

  • DOCTRINE ADMINISTRATIVE

Date d’évaluation du bien donné et aménagements conventionnels sur le montant du rapport

Interrogé par un parlementaire sur l’opportunité de réévaluer, au moment de l’ouverture de la succession, la valeur des donations consenties par le défunt « en cas de changement de circonstance de faits et de droits », le ministre de l’Économie a répondu que « cette problématique relative au rapport successoral est déjà réglée par la loi et la jurisprudence ».

Le ministère rappelle que l’article 860 du Code civil dispose que le rapport de la donation « est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation ». L’objectif poursuivi est en effet de reconstituer le patrimoine successoral comme si le donateur avait gardé le bien donné. Il est donc tenu compte les évolutions du bien, qui ne sont pas du fait du gratifié, et permet dès lors de faire respecter l’égalité dans le partage.

Ainsi, en cas de changement de destination du bien donné, qui était par exemple constructible à l’époque de la donation et ne le serait plus au jour du partage, hypothèse évoquée par le parlementaire dans sa question, la Cour de cassation a précisé que ce changement devait être pris en compte pour évaluer le bien (Cass. 1re civ., 22 oct. 2014, n° 13-24.911, 13-24.970, 13-24.975 : JurisData n° 2014-025141 ; Dr. famille 2015, comm. 18, note S. Torricelli-Chrifi. – V. Ph. Favre-Reguillon, Yoyo des valeurs d’un terrain constructible puis déclassé : quelle articulation avec le rapport des donations ? : JCP N 2014, n° 24, 1204). Cette circonstance est en effet fortuite ou étrangère au gratifié, comme elle le serait au donateur. L’héritier doit donc rapporter la valeur du terrain non constructible, et ceci même s’il était constructible à l’époque de la donation.

Enfin, le ministère rappelle qu’il est possible d’aménager, d’un commun accord entre le donateur et le donataire, les modalités du rapport originairement prévues. Ainsi « le donateur peut par exemple réaliser une donation-partage, qui répartit ses biens entre ses enfants, et fige leur montant au jour de la donation, afin que les biens ne soient pas réévalués au jour de la succession. Il évite ainsi tout conflit potentiel futur entre les héritiers autour de la valeur des biens donnés. Il s’agit là d’un choix que le donateur, conseillé par son notaire, peut faire au moment où il fait la donation ».

 

On ajoutera que si la licéité de ces aménagements n’est pas contestable puisque les modalités du rapport peuvent être fixées conventionnellement, le recours à ces diverses clauses peut être source de surprises et, par exemple, laisser une place excessive à l’initiative du donataire qui, en choisissant certains placements ou leur époque, peut réduire considérablement le montant du rapport (V. JCl. Notarial Formulaire, V° Rapport successoral, fasc. 110, par M. Mathieu). Il suppose donc des circonstances particulières et une compréhension des intéressés aussi complète que possible. Le notaire se gardera bien de faire signer à ses clients une reconnaissance de conseils donnés ou de leur remettre une consultation écrite (V. pour des formules d’aménagements conventionnels du rapport, JCl. Notarial Formulaire, V° Rapport successoral, fasc. 125, par M. Mathieu, spéc. form. 7 : Reconnaissance de conseil donné, et form. 8 : Cadre de consultation).

 

Squat d’un logement vide avant sa vente : quelles procédures exercer ?

Un parlementaire interpelle la ministre chargée du Logement sur la situation suivante : une résidence principale est vidée de ses meubles suite à sa mise en vente ; puis dans un court délai avant sa vente, se retrouve squattée. Considérant qu’un bien vide ne peut être considéré comme un domicile ou une résidence secondaire, un arrêt de la Cour de cassation en date du 15 février 1955 empêche les propriétaires se trouvant dans une telle situation de pouvoir bénéficier de la procédure d’évacuation forcée en cas de « squat » telle que réformée par la loi ASAP. Il lui demande quelles actions le Gouvernement envisage-t-il pour aider les personnes se trouvant dans une telle situation. Invitée à répondre à cette question, la ministre chargé du Logement a rappelé le cadre législatif en vigueur et précisé qu’« il n’apparaît pas à ce stade nécessaire de modifier la législation ».

Le ministère rappelle que l’élargissement de la notion de domicile aux résidences secondaires n’a toutefois pas pour effet de lever la condition tenant au fait que le bien constitue le domicile du demandeur ; la prise en compte de la protection constitutionnelle spécifique du domicile justifie en effet la possibilité de déroger à la procédure judiciaire d’expulsion des occupants d’un bien. À cet égard, comme le rappelle la circulaire du 22 janvier 2021 la notion de domicile doit être entendue ici au sens de la jurisprudence pénale amenée à statuer sur l’application de l’article 226-4 du Code pénal, et non au sens du droit civil : il s’agit du « lieu où une personne, qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux » (Cass. crim., 22 janv. 1997, n° 95-81.186 : JurisData n° 1997-001013 ; Bull. crim., n° 31). 

La Cour de cassation considère en effet qu’il n’y a pas lieu d’effectuer une distinction entre l’habitation effectivement occupée au moment des faits et celle qui est momentanément vide de tout habitant. L’occupation effective au moment de l’intrusion n’est donc pas requise dès lors que le local comporte les éléments minimaux, notamment mobiliers, nécessaires à l’habitation et qu’il puisse servir à tout moment de refuge à celui qui dispose de droits sur lui. En revanche, la procédure n’est pas applicable lorsque le local est destiné à un autre usage que l’habitation (hangar, etc.).

Néanmoins, le ministère rappelle que cette même circulaire a invité les préfets à ne pas faire preuve d’un formalisme excessif quant à la preuve de la qualité de domicile. Il s’agit de pouvoir tenir compte de situations spécifiques, comme celle, notamment, décrite par la question, lorsqu’un délai très court se produit entre le départ d’une personne et l’installation de la suivante. Par ailleurs, la jouissance du bien constitue, selon l’article 544 du Code civil, une caractéristique essentielle du droit de propriété, il appartient à l’acquéreur d’un bien de s’assurer, au moment de la réalisation de la vente devant notaire, que le bien est effectivement libre de toute occupation.

Enfin, en tout état de cause, si les conditions de mise en œuvre de cette procédure administrative ne sont pas réunies, il reste toujours possible d’obtenir l’expulsion d’occupants sans droit ni titre en saisissant le juge des référés du tribunal judiciaire. À cet égard il est rappelé par le ministère que, en application de l’article L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution, les squatteurs ne bénéficient pas de la trêve hivernale, de sorte que l’exécution de la décision rendue par le tribunal judiciaire est possible à tout moment

 

  • PROJETS, PROPOSITIONS ET RAPPORTS 

Rapport « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France »

Le 17 mars 2022, le Gouvernement s’est vu remettre le rapport de Laurent Guillot qui formule des propositions pour simplifier et accélérer les procédures d’implantation d’activités industrielles et logistiques en France. Les mesures que le rapport contient ont pour objectif, d’une part, de réduire les délais de procédure et de renforcer la participation du public et, d’autre part, de mieux orienter les porteurs de projets vers des sites « clés en main » pour en limiter l’impact environnemental.

 

  • ECHOS ET OPINIONS 

3 questions à Katarzyna Passelègue. Particulier employeur : « Si le défunt n’a pas d’héritiers, le notaire va établir les documents »

Un particulier peut embaucher un ou plusieurs salariés à son domicile afin de satisfaire des besoins relevant de sa vie personnelle. Il devient alors un particulier employeur. Cette relation de travail peut être interrompue par le décès du particulier. Les ayants droit, en cas d’acceptation de la succession, sont responsables du passif représentant les dettes du défunt. Cela comprenant notamment les sommes dues à son salarié telles le dernier salaire dû au jour du décès, l’indemnité égale à l’indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité dont le montant est calculé de la même manière que l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective, l’indemnité compensatrice de congés payés, le cas échéant. Les documents de fin du contrat doivent être également remis au salarié : le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte et l’attestation Pôle emploi. 

Il convient toutefois de préciser que, selon la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, les actes liés à la rupture du contrat de travail du salarié du particulier employeur décédé, le paiement des salaires et indemnités dus au salarié ainsi que la remise des documents de fin de contrat ne valent pas acceptation de la succession. Les montants dus peuvent donc être versés volontairement par les ayants droit et cela même avant l’ouverture de la succession, sans l’autorisation préalable du juge. Cela a pour effet d’accélérer les délais de règlement des salaires et indemnités dus par un particulier employeur décédé. Si le défunt n’a pas d’héritiers, le notaire va établir les documents de fin du contrat.

 

Quels points de vigilance et quels outils utiliser en ce cas ?

En cas de non-paiement des montants dus au salarié et non-remise des documents de fin du contrat par les héritiers, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes.

Si la succession n’est pas définitivement réglée, le salarié peut sommer les ayants droit par acte extrajudiciaire d’opter pour l’acceptation ou non de la succession. Selon l’article 772 du Code civil, après deux mois suivant la sommation, l’héritier doit prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge. À défaut d’avoir pris parti à l’expiration de ce délai ou du délai supplémentaire accordé, l’héritier est réputé acceptant pur et simple.

La Fepem a mis en place des outils pour accompagner les héritiers des particuliers employeurs dans les calculs des indemnités dues et les informer sur les démarches à accomplir. Ils peuvent souscrire une consultation juridique à ce titre. Un modèle de courrier pour informer le salarié du décès de l’employeur a également été annexé à la convention collective.

En outre, depuis le 1er trimestre 2014, l’attestation Pôle emploi n’est plus exigée par l’Unédic. Pour bénéficier de l’allocation chômage, il suffit au salarié de présenter une demande d’indemnisation à Pôle emploi accompagnée de bulletins de paie et du certificat de décès.

Le rapport spécial du conjoint survivant

Dans une décision du 12 janvier 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation énonce que les libéralités consenties au conjoint survivant doivent être prises en compte pour la détermination de ses droits légaux en pleine propriété.

Elles ne donnent pas lieu au rapport de l’article 843 du Code civil, étant soumises à un rapport spécial.

Les présomptions de l’article 843 du Code civil ne s’y appliquent pas lorsqu’il est fait application des articles 758-5 et 758-6 du Code civil.

Impact. – La Cour de cassation, dans deux arrêts publiés au Bulletin et au rapport, apporte pour la première fois des réponses aux questions relatives à la détermination des droits légaux en pleine propriété du conjoint survivant lorsqu’il a été gratifié d’une libéralité. Ces réponses doivent être prises en considération tant lors de la rédaction des libéralités consenties entre époux que lors de la liquidation de la succession.

S’agissant des libéralités consenties au conjoint survivant et pour l’application des articles 758-5 et 758-6 du Code civil, il y a lieu de retenir que :

  • ces libéralités doivent être prises en compte pour la détermination des droits légaux en pleine propriété du conjoint survivant ;
  • elles ne donnent pas lieu au rapport de l’article 843 du Code civil, étant soumises à un rapport spécial ;
  • les présomptions de l’article 843 du Code civil ne s’y appliquent pas lorsqu’il est fait application des articles 758-5 et 758-6 du Code civil.

 

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