Droit immobilier :
- Installation de panneaux photovoltaïques dans les copropriétés
Droit de l’urbanisme :
- Les frais contentieux de la régularisation du permis de construire
- Action en démolition par une commune d’une construction irrégulièrement édifiée sur une propriété privée et permis de construire tacite : répartition de compétences
- Anéantissement du contrat de construction : charge de la preuve du caractère disproportionné de la sanction
Droit fiscal :
- Présentation du projet de loi de finances rectificative pour 2021 : mesures fiscales
Droit des sociétés :
- Société créée de fait entre concubins : acquisition du logement via une SCI
Droit de la famille :
- Évolutions réglementaires relatives à l’assurance-vie
- La clause d’exclusion des biens professionnels insérée dans une participation aux acquêts : confirmation de la qualification d’avantage matrimonial révoqué de plein droit en cas de divorce
- Partage judiciaire : sort des créances nées avant le mariage
Profession :
- À propos de la responsabilité du notaire en cas de réalisation par le vendeur de travaux illégaux
Droit de l’immobilier :
Installation de panneaux photovoltaïques dans les copropriétés
Réponse ministérielle 8 juin 2021
Interrogée par une parlementaire sur l’installation de panneaux photovoltaïques dans les copropriétés, la ministre de la Transition écologique rappelle la réglementation applicable. Elle revient également sur les ambitions du Gouvernement en matière de développement du photovoltaïque.
Des panneaux solaires peuvent être installés sur un bâtiment en copropriété. Toutefois, cet aménagement est soumis à une réglementation stricte. Cette opération nécessite le consentement de la majorité des voix de tous les copropriétaires.
S’il s’agit d’une décision collective, tous les copropriétaires sans exception devront convenir : du type d’installation, du budget d’aménagement, des prestataires à engager, de la localisation des équipements, de la finalité des panneaux solaires (autoconsommation ou vente) et des répartitions énergétiques en cas d’autoconsommation.
Dans le cas d’une installation individuelle au sein d’une copropriété immobilière, chaque membre a le droit d’installer sur son terrain, sa terrasse, balcon ou sur le toit de sa maison des panneaux photovoltaïques. La ministre rappelle que ce droit n’est pas absolu : cette liberté d’utilisation ne vaut qu’à la condition de ne porter atteinte ni aux droits des copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble.
Elle précise ensuite qu’afin de favoriser la mise en place de panneaux photovoltaïques au sein des ensembles immobiliers soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, les règles de majorité ont été assouplies : la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a, en effet, abaissé les règles de majorité pour la réalisation de travaux d’économie d’énergie à la majorité de l’article 25.
Par ailleurs, le coût d’installation, ainsi que les charges de fonctionnement et d’entretien de ces équipements, seront réparties entre les copropriétaires en fonction du critère dit de l’utilité objective, c’est-à-dire en fonction de l’utilité que présente cette installation pour chacun des lots de copropriété.
Enfin, la mise en en place de telles installations peut donner lieu à une revente par le syndicat des copropriétaires de l’électricité produite à un tarif préférentiel.
Concernant le développement du photovoltaïque, la ministre de la Transition écologique indique que la filière solaire présente un potentiel important en France, à la fois pour les installations au sol et pour les installations sur bâtiment, et demeure une solution d’avenir grâce à la compétitivité de la filière qui ne cesse de s’améliorer ainsi que par la mise en place d’un cadre national de soutien adapté. Elle revient notamment sur deux mesures mises en place pour développer la production locale d’énergie solaire :
- simplifier en permettant à plus de projets de se développer sans avoir à passer par un appel d’offres. Le plafond de 100 kWc pour le guichet tarifaire des installations sur toitures sera porté à 500 kWc. Cette mesure, proposée par la Convention citoyenne pour le climat, entrera en vigueur à l’issue du processus de notification auprès de la Commission européenne. Elle consolidera ainsi le développement des projets sur des toitures de grandes tailles, qui constitue l’un des piliers de l’atteinte des objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie en matière de photovoltaïque ;
- maintenir un niveau de soutien suffisant pour le secteur en limitant la baisse du tarif d’achat prévue par l’arrêté tarifaire en vigueur.
Droit de l’urbanisme :
Les frais contentieux de la régularisation du permis de construire
CE, 28 mai 2021
Si un permis de construire, illégal lors de sa délivrance, devient conforme aux textes qui lui sont applicables après usage de la procédure de régularisation par le juge de l’excès de pouvoir, les requérants ne sont pas étrangers à ce retour à la légalité.
Bien que leur recours soit finalement rejeté par l’effet de la régularisation de l’autorisation initiale, ils ne doivent pas, pour ce seul motif, être regardés comme « la partie qui perd pour l’essentiel ». Les frais non compris dans les dépenses ne sont donc pas nécessairement mis à leur charge, décide aujourd’hui, dans un sursaut de réalisme, le juge de cassation.
Est ainsi abandonnée la solution particulière contenue dans une décision du 19 juin 2017 qui a instauré la notion de « partie qui perd pour l’essentiel ». Le Conseil d’État avait estimé dans cette affaire que les demandeurs avaient perdu « pour l’essentiel », bien qu’à l’origine, par leur requête, de la régularisation du permis de construire qu’ils contestaient.
Action en démolition par une commune d’une construction irrégulièrement édifiée sur une propriété privée et permis de construire tacite : répartition de compétences
Cass, 3E civ, 27 mai 2021
S’il n’appartient qu’à la juridiction judiciaire de statuer sur l’action d’une commune tendant à la démolition d’une construction irrégulièrement édifiée sur une propriété privée, il appartient à la juridiction administrative de statuer sur l’existence d’un permis de construire tacite.
Faits : Un propriétaire d’un domaine viticole a déposé une demande de permis de construire en vue de l’édification d’une maison à usage d’habitation. Par un arrêté du 30 mars 2012, le maire a refusé de délivrer le permis sollicité. Par un jugement du 21 décembre 2012, le tribunal administratif a annulé l’arrêté du maire et, le 2 janvier 2013, le propriétaire a confirmé sa demande de permis de construire sur le fondement de l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme. Par un arrêt du 19 décembre 2014, une cour administrative d’appel a, sur l’appel de la commune, annulé le jugement. Ayant construit sa maison dans le courant de l’année 2013, la commune l’a assigné en démolition sur le fondement de l’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme.
La cour d’appel accueille la demande en démolition et retient qu’il se déduit de l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme que la confirmation de la demande de permis de construire sur le fondement de ces dispositions doit intervenir dans les six mois suivant la notification de la décision qui confère un caractère définitif à l’annulation du refus de permis de construire, que le propriétaire était irrecevable en sa demande puisque, à cette date, la décision du tribunal administratif n’était pas définitive et que, dès lors, il n’était pas titulaire d’un permis de construire tacite lorsqu’il a procédé aux travaux de construction de sa maison dans le courant de l’année 2013, sa demande irrecevable n’ayant pu faire courir le délai à l’issue duquel, en l’absence de refus de l’administration, le pétitionnaire est de plein droit titulaire d’un permis tacite.
L’arrêt d’appel est cassé. En effet, lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du Code de justice administrative. S’il n’appartient qu’à la juridiction judiciaire de statuer sur l’action d’une commune tendant, sur le fondement de l’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme, à la démolition d’une construction irrégulièrement édifiée sur une propriété privée, il appartient à la juridiction administrative de statuer sur l’existence d’un permis de construire tacite, conformément auquel la construction aurait été édifiée, né du silence gardé par l’administration à l’expiration du délai d’instruction de la confirmation de la demande de permis de construire formée par le pétitionnaire sur le fondement de l’article 600-2 du Code de l’urbanisme, avant que le jugement d’annulation de la décision qui a refusé de délivrer le permis de construire ne soit définitif.
Anéantissement du contrat de construction : charge de la preuve du caractère disproportionné de la sanction
Cass 3° ch.civ, 27 mai 2021
Dans cet arrêt est rappelé qu’en cas d’anéantissement du contrat de construction de maison individuelle, il appartient au juge de rechercher si la démolition de l’ouvrage réalisé constitue une sanction proportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités qui l’affectent et donc au constructeur de rapporter la preuve des faits de nature à établir le caractère disproportionné de la sanction.
Droit fiscal :
Présentation du projet de loi de finances rectificative pour 2021 : mesures fiscales
Le projet de loi de finances rectificative pour 2021 a été présenté en Conseil de ministres mercredi 2 juin 2021 par le ministre de l’Économie et des Finances et le ministre de l’Action et des Comptes publics. Le texte officiel a été déposé le même jour au Parlement. Le projet sera examiné par la commission des finances le 8 juin 2021 et en séance publique par l’Assemblée nationale le 11 juin 2021. Sont présentées de manière synthétique les mesures fiscales telles qu’elles résultent du texte du projet.
► Augmentation temporaire du montant de la réduction d’impôt pour dons aux associations cultuelles (Art. 7).
Afin de soutenir les associations cultuelles dont les revenus ont été directement impactés par les restrictions d’accès aux lieux de culte rendues nécessaires par la lutte contre la pandémie de Covid-19 (baisse du niveau des dons consentis lors des célébrations), les versements au bénéfice d’associations cultuelles ou d’établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle, effectués entre le 1er juin 2021 et le 31 décembre 2022, ouvriraient droit à la réduction d’impôt pour dons aux œuvres et organismes d’intérêt général au taux de 75 % (au lieu de 66 %).
Parallèlement, le plafond de versements éligibles serait fixé à 554 € pour les versements effectués au titre de l’année 2021 ; au titre de l’année 2022, ce plafond serait revalorisé dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu de l’année 2021 (Art. 7).
Ces versements ne seraient pas pris en compte pour la détermination du plafond global de versements éligibles à la réduction d’impôt pour dons aux œuvres et organismes d’intérêt général, fixé à 20 % du revenu imposable.
► Covid-19 : exonération d’IR et d’IS de certaines aides versées aux entreprises (Art. 1, II).
La 2e loi de finances rectificative pour 2020 a instauré une exonération d’impôt sur les sociétés et d’impôt sur le revenu des aides versées par le fonds de solidarité. Le régime applicable aux aides versées en 2021 en complément du fonds de solidarité serait précisé. L’exonération d’impôt sur les bénéfices ne serait pas applicable aux aides suivantes :
- aides destinées à compenser les coûts fixes ;
- aides versées aux exploitants de remontées mécaniques ;
- aides destinées à tenir compte des difficultés d’écoulement des stocks de certains commerces ;
- aides à la reprise versées en application du décret n° 2021-624 du 20 mai 2021.
Cette mesure serait applicable aux aides perçues à compter de l’année 2021 ou des exercices clos depuis le 1er janvier 2021.
► Assouplissement temporaire du dispositif de report en arrière des déficits (« carry-back ») (Art. 1, I).
Afin de renforcer les fonds propres des entreprises pendant la crise et les aider à redémarrer leur activité, le dispositif de report en arrière des déficits serait temporairement assoupli. Les entreprises seraient autorisées, sur option, à reporter en arrière, sur les bénéfices constatés au titre des 3 exercices précédents et sans autre plafonnement, le déficit éventuellement constaté au titre du premier exercice clos à compter du 30 juin 2020 et jusqu’au 30 juin 2021.
L’option pourrait, à titre dérogatoire, être exercée jusqu’à la date limite de dépôt de la déclaration de résultats d’un exercice clos au 30 juin 2021 et au plus tard avant que la liquidation de l’IS dû au titre de l’exercice suivant celui au titre duquel l’option est exercée ne soit intervenue.
S’agissant des groupes de sociétés, le déficit d’ensemble constaté au titre du premier exercice clos à compter du 30 juin 2020 et jusqu’au 30 juin 2021 serait imputable sur les bénéfices d’ensemble déclarés ou, le cas échéant, sur les bénéfices que la société mère a déclarés au titre des exercices précédant l’intégration fiscale.
L’option ainsi exercée ferait naître au profit des entreprises une créance égale au produit du déficit reporté en arrière par le taux d’IS applicable au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022.
La créance qui résultera de ce report en arrière de déficit exceptionnel devrait être minorée du montant de l’éventuelle créance de report en arrière déjà liquidée au titre de l’option exercée antérieurement pour le report en arrière de ce même déficit.
Enfin, la créance ainsi déterminée ne pourrait bénéficier du dispositif de remboursement immédiat instauré par la 3e loi de finances rectificative pour 2020.
Droit des sociétés :
Société créée de fait entre concubins : acquisition du logement via une SCI
1er ch civ, 12 mai
Dans cet arrêt, la Cour expose que l’intention de s’associer en vue d’une entreprise commune ne peut se déduire de la participation financière à la réalisation d’un projet immobilier et est distincte de la mise en commun d’intérêts inhérents au concubinage.
L’existence d’une société créée de fait entre concubins, qui exige la réunion des éléments caractérisant tout contrat de société, nécessite :
- l’existence d’apports ;
- l’intention de collaborer sur un pied d’égalité à la réalisation d’un projet commun ;
- et l’intention de participer aux bénéfices ou aux économies ainsi qu’aux pertes éventuelles pouvant en résulter.
En l’espèce, pour retenir l’existence d’une société de fait entre deux concubins ayant acquis une maison d’habitation au moyen de la constitution d’une SCI, et cela afin de répartir le produit de la vente de l’immeuble à la suite de leur séparation, la Cour d’appel saisie avait retenu que :
- les concubins possédaient chacun le même nombre de parts dans la SCI ;
- la constitution de cette société, ainsi que les factures produites démontraient que les concubins avaient l’intention de se comporter comme des associés et de participer aux bénéfices et aux pertes.
Pour la Cour de cassation, en statuant ainsi, alors que l’intention de s’associer en vue d’une entreprise commune ne peut se déduire de la participation financière à la réalisation d’un projet immobilier et est distincte de la mise en commun d’intérêts inhérents au concubinage, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 1832 du Code civil.
Droit de la famille :
Évolutions réglementaires relatives à l’assurance-vie
Ce texte :
- prévoit l’éligibilité des titres associatifs et fondatifs aux investissements en unités de compte dans les contrats d’assurance-vie. Pour rappel, la loi pour l’économie sociale et solidaire a réactualisé et étendu aux fondations la possibilité pour les associations d’émettre des titres associatifs
- met fin à l’exclusion des contrats d’assurance-vie obligatoire de l’obligation d’information sur les frais dans les contrats. Cette disposition entre en vigueur le 1er juin 2021.
La clause d’exclusion des biens professionnels insérée dans une participation aux acquêts : confirmation de la qualification d’avantage matrimonial révoqué de plein droit en cas de divorce
Commentaire par Sylvain Bernard – arrêt 1er chambre civile cour de cass 31 mars
La clause d’exclusion des biens professionnels usuellement insérée dans les régimes conventionnels de participation aux acquêts vise à éviter que lors d’un divorce, le calcul de la créance de participation puisse menacer l’outil productif de l’un des époux en le forçant à l’aliéner pour régler l’éventuelle créance de participation.
Dans le cas commenté, les époux avaient inséré une telle clause qui, selon une formulation classique, prévoyait que « sauf si la dissolution du régime résulte du décès de l’un des époux, les biens affectés, lors de la dissolution, à l’exercice effectif de la profession dudit époux, ainsi que les dettes relatives à ces biens seront exclus à la liquidation ». Un litige était apparu, car l’épouse entendait faire liquider la créance de participation en tenant compte des biens professionnels au motif que cette clause constituerait un avantage matrimonial qui ne prend effet qu’à la dissolution du régime et pourrait donc être révoquée en vertu de l’article 265, alinéa 2, du Code civil. La cour d’appel n’a pas fait droit à sa position et a écarté la qualification d’avantage matrimonial révocable de plein droit.
Ainsi, la Cour de cassation a été confrontée à la question de la qualification de la clause d’exclusion des biens professionnels. La Cour s’était déjà prononcée sur des cas similaires considérant que cette clause constitue un avantage matrimonial révoqué de plein droit par le divorce des époux.
Si la présente décision apparaît comme une confirmation, elle appelle quelques remarques.
La première est que la Cour apporte ici une précision : la qualification d’avantage matrimonial révocable de plein droit de la clause d’exclusion des biens professionnels s’applique « nonobstant la qualification qu’en auraient retenue les parties dans leur contrat de mariage ». En effet, les époux semblaient ici avoir implicitement écarté la qualification d’avantage matrimonial dans leur convention puisqu’ils avaient utilisé cette expression uniquement pour régler le sort d’une clause de partage inégal. Logiquement, cette mise à l’écart conventionnelle de la qualification d’avantage matrimonial est inefficace. Si les époux souhaitent que la clause d’exclusion puisse avoir un effet, ce n’est pas sur la notion même d’avantage matrimonial que leur volonté doit s’exercer, mais sur un éventuel maintien de cet avantage.
La seconde remarque concerne justement la possibilité pour les époux de s’accorder, malgré le divorce, pour le maintien des avantages matrimoniaux révocables. Devant l’ambiguïté de l’article 265, alinéa 2, du Code civil, la question est celle de savoir à quel moment cette volonté doit se manifester. La Cour de cassation reproduit ici la même formulation que dans les précédents arrêt rendus sur le sujet, les époux peuvent s’exprimer « au moment du divorce ».
Cette formulation qualifiée de « maladresse » condamne-t-elle les clauses des contrats de mariage qui prévoient par anticipation le maintien de ces avantages matrimoniaux ? Une réponse ministérielle semblait avoir admis leur utilisation. La doctrine reste néanmoins hésitante. Le rapport annuel 2019 de la Cour de cassation rappelle que cette dernière n’a jamais confirmé l’efficacité de cette clause.
Après le présent arrêt, la question reste ouverte car elle n’a en réalité pas été clairement posée à la Cour de cassation, puisque les époux avaient implicitement écarté la qualification d’avantage matrimonial. Il s’agit, quoi qu’il en soit, a minima d’une occasion manquée puisque les critiques doctrinales et la motivation enrichie des décisions laissaient espérer une prise de position plus claire. L’incertitude règne donc toujours sur la possibilité d’écarter la difficulté par une clause du contrat de mariage prévoyant le maintien des avantages matrimoniaux révocables, conduisant à appeler les praticiens à une grande prudence en ce domaine.
Enfin, il est souligné que l’impact sur la pratique de cette décision est fondamental. En présence du régime hybride qu’est la participation aux acquêts, dans lequel les « patrimoines » ne sont que des reconstitutions comptables à des fins liquidatives, les clauses aménageant le calcul de la créance de participation ou la composition des patrimoines ont de fortes chances de tomber sous le coup de l’article 265, alinéa 2, du Code civil et de se voir priver d’effet en cas de divorce. La portée de cette solution ne saurait ainsi être limitée à la seule clause d’exclusion des biens professionnels. Il appartient donc aux notaires, dans le cadre de leur devoir de conseil, de prévenir leurs clients de ces difficultés et d’envisager un éventuel changement de régime matrimonial.
Partage judiciaire : sort des créances nées avant le mariage
Cass, 1er ch civ, 26 mai
Dans cet arrêt est rappelé que lorsque la liquidation des intérêts pécuniaires d’époux a été ordonnée par une décision de divorce passée en force de chose jugée, la liquidation à laquelle il est procédé englobe tous les rapports pécuniaires entre les parties, y compris les créances nées avant le mariage. Il appartient dès lors à l’époux qui se prétend créancier de l’autre de faire valoir sa créance contre son conjoint lors de l’établissement des comptes s’y rapportant.
En l’espèce, deux concubins s’étaient mariés sans contrat préalable. Quelques années plus tard, leur divorce fut prononcé et le partage de leurs intérêts patrimoniaux ordonné. Face aux difficultés rencontrées, le notaire désigné a dressé un procès-verbal. Après avoir constaté la non-conciliation des parties, le juge commis a renvoyées les ex-époux devant le tribunal qui, par un jugement, a statué sur les désaccords persistants. Les parties ont alors signé l’acte de partage établi par le notaire et l’ex-époux a assigné son ex-conjointe aux fins d’obtenir une indemnité sur le fondement de l’enrichissement sans cause, pour avoir financé, avant le mariage, la maison dont celle-ci est seule propriétaire.
La Cour d’appel de Toulouse saisie dans cette affaire a déclaré cette demande irrecevable. La Cour de cassation approuve.
Après avoir relevé que le jugement de divorce avait fait application de l’article 264-1 du Code civil, selon lequel, en prononçant le divorce, le juge aux affaires familiales ordonne la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux et énoncé, à bon droit, que la liquidation, à laquelle il est procédé à la suite du divorce, englobe tous les rapports pécuniaires existant entre les époux et qu’il appartient à celui qui se prétend créancier de son conjoint de faire valoir sa créance lors de l’établissement des opérations de comptes et liquidation, la cour d’appel en a exactement déduit que l’ex-époux n’était plus recevable à agir postérieurement au jugement ayant statué sur les désaccords persistants et l’acte de partage.
Profession :
À propos de la responsabilité du notaire en cas de réalisation par le vendeur de travaux illégaux
Commentaire par Cédric Coulon – arrêt 1er ch.civ 12 Nov 2020
En l’espèce, un couple avait acquis une maison d’habitation dans laquelle des travaux d’agrandissement avaient été réalisés. Or, le permis de construire initialement délivré faisait état d’un bien comportant seulement quatre pièces principales, sans qu’a priori un permis modificatif ait pu être produit par le vendeur s’agissant des trois pièces supplémentaires créées par la suite.
Conscient qu’il s’agissait là certainement de travaux illégaux, le notaire chargé d’instrumenter l’acte authentique de vente avait alors pris la précaution de faire déclarer aux acquéreurs qu’ils ne faisaient pas « de la possibilité d’exécuter des travaux nécessitant l’obtention préalable d’un permis de construire une condition de la réalisation de la vente ».
De plus, il avait pu être établi que l’édification litigieuse avait été réalisée plus de 10 ans auparavant, ce qui mettait lesdits acquéreurs à l’abri d’un risque de démolition. Peu après la vente, le couple se décidait finalement à transformer leur bien, mais les travaux modificatifs projetés leur sont refusés au motif qu’ils étaient prévus « sur une construction qui ne respectait pas la distance réglementaire de quatre mètres de la limite séparative ».
La cour d’appel saisie dans cette affaire avait rejeté toute condamnation du notaire. Elle avait en effet remarqué que l’absence d’autorisation d’urbanisme laissait bel et bien supposer que l’agrandissement en cause était illégal, ce dont les acquéreurs avaient d’autant mieux pu se convaincre que leur déclaration dans l’acte de vente établissait cette connaissance.
Néanmoins, la première chambre civile de la Cour de cassation décide finalement de donner raison à ces derniers, au motif qu’ils « n’avaient pas été informés des incidences de la non-conformité du bien au permis de construire et de l’impossibilité de procéder à des travaux nécessitant un tel permis ». Les hauts magistrats fondent la responsabilité du notaire sur son devoir de conseil : au visa de l’article 1240 du Code civil, ils rappellent à cette occasion que ce professionnel « est tenu d’éclairer les parties et d’appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique ».
Il est vrai que le notaire disposait lui-même, en l’occurrence, de peu d’options. Refuser d’instrumenter était hors de propos, s’agissant d’un acte dont ni la nullité, ni même l’efficacité n’étaient en cause. Il est observer d’ailleurs à cet égard que, dans une affaire où le plaignant avait résolu d’acquérir un terrain nu sans avoir préalablement obtenu de permis de construire, c’est encore à l’aune du devoir de conseil que la responsabilité du rédacteur avait pu être retenue, et non au regard des modalités qu’il aurait pu mettre en œuvre pour retarder la vente.
De même, la Cour de cassation ne reproche ici au professionnel ni d’avoir manqué de conseiller aux parties d’ériger en condition suspensive l’obtention d’un permis de régularisation, ni de s’être abstenu d’exiger du vendeur qu’il justifie d’abord du dépôt d’une déclaration d’achèvement et de conformité du chantier litigieux. Au vu des travaux, sans doute de telles mesures auraient-elles fait obstacle à la vente, or, justement ce n’est pas ce qui était attendu du notaire. Avant tout, rappelle en substance la première chambre civile, il s’agissait de s’assurer que les acquéreurs disposaient de tout élément d’information propre à les éclairer précisément sur les risques qu’ils encouraient en réalisant la vente. Bref, de leur permettre seulement d’exercer un choix en parfaite connaissance de cause, sans qu’il ne soit jamais question de l’empêcher.
Également, l’arrêt du 12 novembre 2020 peut être appréhender vis à vis de l’article L. 421-9 du Code de l’urbanisme, tel qu’il ressort des réformes successives opérées par l’ordonnance du 23 septembre 2015 et la loi Élan. Quant aux travaux réalisés sur existant, le Conseil d’État s’était montré par le passé particulièrement sévère à l’endroit du propriétaire, et ce d’autant plus que la prescription administrative de 10 ans n’avait, à l’époque, pas encore été consacrée. Peu importait si cet existant avait été érigé sans autorisation d’urbanisme ou que celle-ci avait été obtenue dès lors qu’elle n’avait ensuite pas été entièrement respectée : dans l’un et l’autre cas, c’est l’ensemble de la construction qui devait faire l’objet d’un nouveau permis de construire.
Si cette jurisprudence s’est depuis infléchie, l’article L. 421-9 du Code de l’urbanisme distingue de son côté, de façon plus nette, deux situations.
- Soit le propriétaire entend réaliser 10 ans après l’achèvement de la construction de nouveaux travaux, auquel cas l’autorisation d’urbanisme ne saurait plus lui être refusée au motif qu’il n’aurait pas respecté les prescriptions du permis de construire initial.
- Soit les travaux portent sur un existant au sujet duquel aucune autorisation n’avait été délivrée, et il lui faudra alors cette fois obtenir un permis régularisant également la construction illicite, même après 10 ans.
C’est malheureusement cette dernière hypothèse que semble illustrer l’arrêt. Non seulement le document produit faisait état d’une autorisation limitée à quatre pièces, mais surtout, il y avait tout lieu de penser que l’agrandissement sauvage n’aurait de toute façon jamais été consenti du fait de la violation automatique de la distance séparative.
On comprend dès lors d’autant mieux pourquoi les précautions qu’avait prises le notaire s’avéraient insuffisantes en l’espèce. Quoique la déclaration du couple acquéreur pût passer pour une promesse de ne jamais réaliser des travaux sur l’extension litigieuse, on ne saurait évidemment donner beaucoup de crédit à celle-ci. Devant le risque que les nouveaux propriétaires changent simplement d’avis et la certitude qu’alors le chantier projeté leur serait refusé, il valait bien mieux que le notaire abandonne cette stratégie pour expliquer plutôt clairement à ces derniers qu’ils ne pourraient sans doute jamais modifier une partie de leur bien.
Est relever que la stipulation déclarative insérée par le notaire dans l’acte de vente est qualifiée par la première chambre civile de « clause de style ». La précision doit vraisemblablement être regardée comme une mise en garde générale envers les rédacteurs d’actes, auxquels il pourrait être finalement conseillé de tordre définitivement le cou à cette mention suivant laquelle l’acquéreur n’entend pas faire de la possibilité de réaliser des travaux une condition déterminante de la vente.
Le notaire n’est ni responsable ni tenu de remédier aux problèmes que rencontre un client vendeur du fait de sa carence antérieure. Il doit seulement mettre en lumière le problème et exposer surtout les conséquences du problème soulevé.
La question est donc de savoir où s’arrête cette obligation. Quand l’acquéreur n’énonce pas son projet, celui-ci n’entre pas dans le champ contractuel des relations avec le vendeur mais il semble bien quand même entrer dans le champ du devoir de conseil du notaire. Il n’est pas possible de définir contractuellement le champ de ce devoir car il engendre une responsabilité délictuelle. Dès lors ce sont les juges qui fixent après coup l’étendue de cette mission.