Jurisprudences :
Risque d’exposition à un dommage et garantie décennale : Cass. civ. 3ème, 14 septembre 2023, n° 22-13.858, publié :
En résumé : Le risque sanitaire encouru par les occupants d’un ouvrage peut, par sa gravité, caractériser à lui seul l’impropriété de l’ouvrage à sa destination ouvrant droit à la garantie décennale, même si le risque ne s’est pas réalisé dans le délai d’épreuve.
En l’espèce, une SCI et la société Vinci immobilier résidentiel ont, en qualité de maître d’ouvrage, entrepris courant 2007 la construction d’immeubles comprenant cent-cinquante logements.
Plusieurs entreprises sont intervenues dans l’opération de construction.
Les lots ont été vendus en état futur d’achèvement et un syndicat des copropriétaires a été constitué pour la résidence.
Les travaux ont été réceptionnés le 31 août et le syndicat des copropriétaires, se plaignant de désordres affectant notamment l’installation d’eau chaude sanitaire, a, après désignation en référé d’un expert, assigné les locateurs d’ouvrage et leurs assureurs en indemnisation.
La cour d’appel avait fait droit à la demande du syndicat des copropriétaires en considérant que la longueur des tuyauteries d’eau chaude sanitaire entre les gaines palières et les points de puisage était supérieure à 10 mètre et était non conforme aux règles sanitaires en vigueur, ce qui avait pour conséquence d’augmenter la quantité d’eau contenu dans ces tuyauteries et favorisait le risque de développement de légionnelles.
Elle en déduisit que le risque sanitaire auquel se sont trouvés les habitants de l’immeuble pendant le délai d’épreuve rendait, à lui seul, l’ouvrage impropre à sa destination bien que la présence de légionelles n’avait pas été démontrée au cours de cette période, de sorte que le désordre relevait de la garantie décennale des constructeurs.
L’assureur des entreprises intervenues dans l’opération de construction forme un pourvoi en considérant que seuls les désordres qui, actuellement, compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination ou qui, avec certitude dans le délai décennal, compromettront la solidité de l’ouvrage ou le rendront impropre à sa destination, relèvent de la garantie décennale.
La question se posait donc de savoir si seuls les dommages actuels ou certains relèvent de la garantie décennale ou si celle-ci couvre les risques de dommages qui, par leur gravité, caractérisent l’impropriété de l’ouvrage à sa destination.
La Cour de cassation, par une solution ayant la forme d’une solution de principe, considère que le risque sanitaire encouru par les occupants d’un ouvrage peut, par sa gravité, caractériser à lui seul l’impropriété de l’ouvrage à sa destination, même s’il ne s’est pas réalisé dans le délai d’épreuve.
Elle approuve ainsi le raisonnement suivi par la cour d’appel.
Indemnisation du coût des travaux à réaliser sur un fonds voisin (non) : Cass. civ. 3ème, 14 septembre 2023, n° 22-15.750, publié :
En résumé : À défaut d’accord des parties, la victime d’un dommage ne peut être indemnisée du coût de travaux devant être effectués sur un fonds dont elle n’est pas propriétaire.
En l’espèce, M. K est propriétaire d’un terrain voisin de celui appartenant à Mme ND, exploité par Mme ED, se situant en surplomb.
Se plaignant que les travaux réalisés par M. K causaient des dommages à leur propre parcelle, les dames D l’ont assigné en référé-expertise puis ont obtenu du juge des référés qu’il soit enjoint, sous astreinte, à M. K de réaliser des travaux confortatifs.
M. K, estimant avoir exécuté les travaux nécessaires, a assigné les dames D pour mettre à néant la décision du juge des référés et celle du juge de l’exécution liquidant l’astreinte.
Le tribunal a ordonné une expertise et l’expert a préconisé la réalisation de travaux sur le terrain de M. K pour un montant de 450 840 € et sur les terrain de Mme ND pour un montant de 25 000€.
La cour d’appel avait condamné M. K à payer à Mme ND la somme correspondant au coût des travaux de reprise en considérant que les travaux réalisés antérieurement par M. K étaient à l’origine de l’effondrement du terrain de sa voisine, que celui-ci n’avait pas mis en œuvre les mesures préconisées par le 1er expert et ordonnées en référé et qu’il intervenait de façon inappropriée pour remédier à la non-conformité des travaux initiaux, qu’ainsi, sa carence justifiait que soit alloué à sa voisine la somme correspondante aux travaux nécessaires pour qu’elle puisse les réaliser elle-même.
La Cour de cassation, par un moyen soulevé d’office, considère qu’il résulte des articles 544 et 1240 du code civil qu’à défaut d’accord des parties, la victime d’un dommage ne peut être indemnisé du coût de travaux devant être effectués sur un fonds dont elle n’est pas propriétaire. Ainsi, en l’espèce, à défaut d’accord de M. K, Mme ND ne pouvait prétendre au coût de travaux à réaliser sur un fonds dont elle n’était pas propriétaire.
Dépassement de la superficie de construction prévue au cahier des charges du lotissement et responsabilité professionnelle : CA Lyon, 1ère chambre civile b, 7 février 2023 n° 21/0739 :
En résumé : en présence d’une difficulté juridique particulière tenant au fait qu’il était spécifié dans l’acte de vente que les règles d’urbanisme contenues dans le cahier des charges du lotissement n’avaient plus à s’appliquer, tandis que les dispositions régissant les rapports des colotis entre eux, contenues dans le cahier des charges du lotissement restaient en vigueur, il appartient aux notaires de donner une information spécifique aux acquéreurs sur cette distinction, qui définit l’étendue de leurs droits.
En l’espèce, le 13 mars 2008 des époux ont signé un compromis de vente, dressé par la SCP Vaz Touzet (devenue SCP Vaz Touzet et Aumont), pour l’achat d’un tènement immobilier d’une surface de 328 m2 au prix de 127 000€.
La vente a été réitérée par acte authentique du 10 juin 2008 dressé par Me Picot, notaire de la SCP Rambaud Picot Pommier Favre des Sol Prezioso. Le notaire des acquéreurs, Me Vaz est intervenu à l’acte de vente.
Les acquéreurs ont fait édifier une maison d’habitation, un permis de construire ayant été délivré à leur vendeur le 4 janvier 2008 avec une déclaration de conformité datée du 18 septembre 2009.
Les époux acquéreurs ont ultérieurement sollicité une agence immobilière pour procéder à la vente de leur bien, laquelle a émis des réserves au regard de la nécessité de modifier le cahier des charges du lotissement.
Ils ont fait appel à une autre agence qui a signé un mandat de vente et un compromis a été signé le 2 octobre 2017 au prix de 350 000€.
Me Picot, notaire chargé de la réitération de la vente par acte authentique, a sollicité un avis du Cridon pour sécuriser l’acte, au regard des dispositions du cahier des charges du lotissement du 26 juin 1954.
Considérant que la réponse révélait une insécurité juridique quant à la possibilité de vendre leur bien immobilier, les propriétaires ont assigné les SCP ayant participé à la vente du bien en dommages et intérêts.
En première instance les notaires ont été condamnés et ont interjeté appel afin de faire juger que les propriétaires n’apportaient pas démonstration d’une faute des notaires directement génératrice d’un préjudice indemnisable effectif.
Les acquéreurs avaient sollicité leur condamnation au motif que le cahier des charges d’un lotissement a valeur contractuelle de sorte qu’il engage les colotis. Ils souhaitent engager la responsabilité des notaires car leur lot est issu de la division d’une parcelle qui n’a pas été autorisée et sur laquelle ils ont édifié une maison qui ne respecte pas les dimensions prévues au cahier des charges.
Les notaires font valoir qu’une copie du cahier des charges et de ses additifs a été remis aux acquéreurs-propriétaires le jour de la vente et qu’en outre, s’agissant du morcellement du terrain, il était admis par la mairie que la non-opposition à la déclaration préalable de vision valait morcellement. Enfin, quant aux permis de construire, ils considèrent qu’il a été rappelé aux acquéreurs-propriétaires qu’il leur appartenait de respecter les règles de droit privé du cahier des charges.
La cour d’appel va d’abord constater que le cahier des charges prévoit qu’est nul et de nul effet tout acte de vente consenti en infraction de la règle selon laquelle tout morcellement, quelle qu’en soit la cause, des terrains cédés, est interdit et ce même après réalisation des travaux, sauf autorisation spéciale et expresse de la commune.
Le cahier des charges stipule également qu’il ne pourra être édifié qu’une seule construction par lot et la surface bâtie n’excédera pas un cinquième de celle du lot.
Elle adopte ensuite le raisonnement des juges de première instance selon laquelle les notaires ont manqué à leur devoir d’information et de conseil en n’attirant pas l’attention des acquéreurs qui acquéraient un terrain avec un permis de construire mentionnant une construction dont la superficie dépassait celle autorisée par le cahier des charges, sur la nécessité de respecter ses exigences et à défaut, les risques encourus.
Elle précise que la simple annexion du cahier des charges et du permis de construire au compromis, puis à l’acte de vente, n’exonère pas le notaire de cette obligation d’information, surtout en présence d’une difficulté juridique particulière tenant au fait qu’il était spécifié dans l’acte de vente que les règles d’urbanisme contenues dans le cahier des charges du lotissement n’avaient plus à s’appliquer, tandis que les dispositions régissant les rapports des colotis entre eux, contenues dans le cahier des charges du lotissement restaient en vigueur.
Elle conclut que les notaires n’établissaient pas avoir donné une information spécifique aux acquéreurs sur cette distinction, qui définissait pourtant l’étendue de leurs droits et confirme la condamnation des notaires.
Clause de désolidarisation : CA Aix-en-Provence, 22 février 2022, n° 19/03409 :
En l’espèce, des époux mariés sous le régime de la séparation de biens ont présenté une requête en divorce. Un état liquidatif des biens indivis a été établie par un notaire et un avenant a été établie par un autre notaire. Le patrimoine immobilier a été attribué à l’époux qui s’est engagé, en contrepartie, à prendre en charge la totalité du passif.
Suite à la défaillance de celui-ci, l’épouse a été poursuivie par plusieurs organismes financiers.
Celle-ci, reprochant au notaire de ne pas l’avoir suffisamment informé du fait qu’elle serait tenue solidairement des dettes l’a assigné en condamnation des dommages et intérêts.
La cour d’appel constate que l’état liquidatif des biens indivis qui a été annexé à la convention définitive contenait notamment :
Une clause relative à “La prise en charge d’emprunt pas Monsieur X” qui stipulait que “Monsieur X s’oblige à s’acquitter en totalité des échéances ainsi que les sommes pouvant être dues auprès des établissements [liste des organismes financiers]”.
Une clause relative au règlement du solde des prêts qui stipule que “ le tout de manière que Madame C ne soit jamais inquiétée ni recherchée à ce sujet pour quelque cause que ce soit.”
Deux organismes financiers ont toutefois refusé la désolidarisation de l’épouse concernant ces prêts.
Sur ce point, une clause stipulait que “En conséquence des refus de désolidarisation ci-dessus énoncé, il est fait observer aux parties que l’accord ci-dessus conclu ne vaut que dans les rapports respectifs entre les époux, il est inopposable au prêteur qui conserve son droit de poursuite originaire à l’encontre de Monsieur (…) et Madame (…). Les parties déclarent avoir été parfaitement informées de ce que, en cas de défaillance de la part de la partie ayant pris la charge du prêt, l’autre partie pourra donc être immédiatement poursuivie en règlement de la totalité des sommes dues sans qu’il lui soit possible de remettre en cause l’économie des présentes, sauf à exercer tout recours à l’encontre du défaillant après s’être acquitté de la dette.”.
La cour d’appel juge que ces stipulations, intégrées dans le corps de l’acte, sont particulièrement claires et personnalisées à la situation particulière des époux et ne peuvent être qualifiées de clause de style (qualification que sollicitait la requérante).
Elle considère que ces clauses se suffisent à elles-mêmes sans qu’il y ait lieu d’exiger de la part du notaire la délivrance d’une information extérieure à l’acte et complémentaire dès lors que l’épouse était parfaitement informée de l’existence de l’ensemble des créances et du fait qu’elles avaient été contractées solidairement entre les époux.
Elle conclut que dans ces conditions il apparaît qu’au regard des énonciations de l’acte que le notaire a rempli son obligation d’information et de conseil des parties tout en précisant qu’il n’était pas établi que le notaire avait mandat pour interroger l’ensemble des créanciers sur leur accord pour une éventuelle désolidarisation entre les époux et qu’il ne pouvait être exigé de sa part qu’il accomplisse cette démarche, alors qu’il était précisé qu’elle avait été réalisée pour les deux principaux créanciers.
Fausse déclaration du vendeur sur le raccordement à l’assainissement et responsabilité professionnelle : CA Bordeaux, 2 février 2023, n° 19/03311 :
En l’espèce, le 4 mars 2005 un couple a acheté par acte authentique une ancienne grange qu’ils ont voulu transformer en immeuble d’habitation. Ils ont sollicité un permis de construire qui leur a été délivré le 13 décembre 2004 sous deux réserves : 1° qu’ils déposent une demande préalable aux travaux du raccordement de l’immeuble au réseau communal collectif ; 2° que les aménagements entrepris soient réalisés en harmonie avec les bâtiments existants.
Quelques années après leur acquisition, le couple a décidé de vendre ce bien en tant qu’immeuble d’habitation. Le 4 décembre 2013 et le 6 mars 2014 un compromis puis un acte de vente ont été dressés par notaire, lesquels reprenaient la déclaration du vendeur suivant laquelle « l’immeuble vendu est raccordé au réseau d’assainissement mais ne garantit aucunement la conformité des installations aux normes actuelles en vigueur. ».
En janvier 2016 la commune a rappelé à l’acquéreuse son obligation de procéder au contrôle des installations d’assainissement non collectif de son immeuble et au terme d’un rapport établi un mois après ce rappel par le syndicat intercommunal en charge de l’assainissement de la région, il s’est avéré que logement était dépourvu d’installation d’assainissement individuel et que les eaux usés de l’habitation s’évacuaient directement et sans prétraitement dans les fossés et n’étaient pas raccordés au réseau d’assainissement collectif.
L’acquéreuse, reprochant au vendeur d’avoir prétendu que le bien cédé était raccordé au réseau d’assainissement, l’a assigné en nullité de la vente. Elle a également assigné le notaire en responsabilité professionnelle.
La cour d’appel va rappeler que les actes dressés contenait la déclaration du vendeur selon laquelle l’immeuble était raccordé au réseau d’assainissement et qu’il ne pouvait dès lors ignorer le défaut de raccordement, d’autant qu’il apparaissait comme une réserve du permis de construire qu’il avait obtenu.
Sur la responsabilité du notaire la cour d’appel considère qu’il a pris le soin de solliciter, en vue de la réitération de l’acte de vente définitif, le certificat délivré par la mairie en février 2014, en sorte que compte tenu de la date de ce certificat qui ne mentionne pas la date à laquelle le logement a été raccordé au réseau, le notaire n’était pas tenu de solliciter des vendeurs un rapport de contrôle de cette installation daté de moins de 3 ans pour le joindre au dossier technique de l’acte de vente.
Elle ajoute que le notaire n’est pas tenu d’instruire contre les actes administratifs qui bénéficient d’une présomption d’authenticité et de vérité.
Elle précise que le fait que les vendeurs soient des profanes n’excluait pas qu’ils soient en mesure d’attester du raccordement de l’immeuble au réseau collectif et que dès lors qu’ils ont pu produire en vue de la signature de la vente l’attestation de conformité délivrée par la commune, aucun manquement du notaire à son devoir de mise en garde et de conseil ne peut être retenu.
Elle conclut qu’au regard de la prudence de rédaction des clauses relatives au raccordement de l’immeuble au réseau d’assainissement et au certificat de conformité délivré par la mairie datant de moins de 3 ans, il n’est pas rapporté la preuve d’une faute commise par le notaire dans la rédaction des actes de nature à engager sa responsabilité.
Responsabilité notariale : compromis de vente, obligation de conseil et condition suspensive de l’obtention d’autorisations administratives : Cass. Civ. 1ère, 15 juin 2022, n° 21-12.345, inédit :
En résumé : La Cour de cassation considère qu’il incombe au notaire, auquel des acquéreur a exposé leur intention de créer des gîtes dans l’immeuble, de leur conseiller l’insertion d’une condition suspensive relative à l’obtention des autorisations administratives permettant la réalisation de leur projet.
En l’espèce, des acquéreurs s’engagent à acheter un immeuble en vue d’y établir leur résidence et d’y aménager des gîtes.
Les acquéreurs renoncent à régulariser l’acte authentique et sont assignés par les vendeurs en paiement de la clause pénale.
Un arrêt rejette la demande des vendeurs et prononce l’annulation de l’acte pour erreur sur les qualités substantielles.
Les acquéreurs ont ultérieurement assigné le notaire en responsabilité et indemnisation lui reprochant de n’avoir pas assuré l’efficacité de l’acte au regard du but poursuivi.
La cour d’appel a rejeté leur demande au motif que le « compromis » constitue un acte préparatoire à la vente et qu’il ne peut être imposé au notaire d’obtenir la délivrance d’un certificat d’urbanisme préalablement à sa signature. Elle précise qu’il ne pouvait être reprochait au notaire de ne pas avoir conseillé aux acquéreur l’insertion d’une condition suspensive.
La Cour de cassation considère quant à elle que le devoir de conseil du notaire s’apprécie au regard du but poursuivi par les parties et de leurs exigences particulières lorsque le praticien en a été informé.
Elle considère ainsi qu’en l’espèce les acquéreurs, ayant informé le notaire de leur intention de créer des gîtes dans l’immeuble, il lui incombait de vérifier la faisabilité du projet dont dépendait l’efficacité de l’acte ou de leur conseiller l’insertion d’une clause suspensive.
Exonération de la plus-value immobilière en cas de vente d’un terrain à bâtir et responsabilité professionnelle : CA Toulouse, 15 novembre 2022, n° 19/03935 :
En l’espèce, par acte authentique, des époux ont vendu à une société une parcelle de terre en nature de terrain à bâtir.
Les vendeurs ont donné pouvoir au notaire de prélever sur le prix de vente, au profit du Trésor Public, le montant de l’impôt sur la plus-value immobilière prévu aux articles 150 U à 150 VG du CGI.
Estimant qu’ils auraient dû bénéficier d’une exonération de cet impôt, ils ont assigné le notaire en responsabilité.
La cour d’appel va d’abord rappeler que les dispositions de l’article 150U III du CGI qui prévoient que les plus-values réalisées par les personnes physiques lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis sont passibles de l’impôt sur le revenu, ne s’appliquent pas aux plus-values réalisées par les titulaires de pensions de vieillesse ou de carte d’invalidité qui, au titre de l’avant-dernière année précédant celle de la cession, ne sont pas passibles de l’ISF et dont le revenu fiscal de référence n’excède pas une certaine limite (fixée par l’article 1417 I du CGI), appréciés au titre de cette année.
En l’espèce, les vendeurs, retraités, n’étaient pas redevables de l’impôt sur le revenu au titre de l’avant-dernière année précédant celle de la cession et qu’ils n’étaient pas soumis à l’ISF, et qu’ils pouvaient dès lors prétendre à l’exonération de l’impôt sur les plus-values immobilières.
Elle va dès lors considérer que le notaire aurait dû se renseigner sur la situation des vendeurs compte tenu de l’existence d’un régime exonératoire sous conditions qu’il ne pouvait ni ignorer, ni négliger d’autant qu’il était informé de la qualité de retraités des vendeurs, celle-ci étant mentionné à l’acte et que les vendeurs lui avait transmis leur dernier avis d’imposition.
Le notaire avait toutefois indiqué que l’immeuble était soumis au régime des plus-value immobilière, et précisé les modalités d’abattement sans pour autant faire référence aux possibilités d’exonération. Il avait également rempli l’imprimé 2048 IMM-SD déterminant le montant de la plus-value et des prélèvements sociaux afférents, se donnant pouvoir par les vendeurs pour prélever ce montant sur le disponible du Trésor Public.
Elle considère que le notaire a manqué à son obligation d’informer les parties et particulièrement les vendeurs sur les incidences fiscales de l’opération quant à l’assujettissement ou non à la plus-value immobilière et que ce manquement a abouti à un préjudice financier consommé par les vendeurs.
Modèle inadapté de lettre de congé en matière de bail d’habitation fourni par le notaire : CA Aix-en-Provence, 18 janvier 2022 :
En l’espèce, des époux prennent conseil avec un notaire pour mettre fin à un bail d’habitation courant depuis 15 ans.
Le notaire leur indique, par mail, qu’il existe 3 possibilités de congé – pour vendre, pour reprise, pour motif réel et sérieux – et leur joint un modèle de lettre de congé comme « inspiration ».
Les bailleurs notifient un congé pour vendre à leur locataire fondé sur ce document, qui ne mentionnait que les dispositions relatives au congé pour motif réel et sérieux.
Le locataire assigne alors le bailleur en ce que le congé ne respectait pas les dispositions impératives de la loi 6 juillet 1989 car ni le prix, ni les conditions de la vente n’étaient mentionnés.
Les bailleurs reprochent alors au notaire d’avoir commis une faute en leur adressant un modèle de congé inadapté et en considérant qu’en raison de la nullité de ce congé ils avaient perdu une chance de reprendre leur bien pour le vendre plus tôt.
La cour d’appel constate que le modèle de lettre de congé adressé par mail fait mention, dans son objet de « bail d’habitation… congé par le propriétaire » et que le notaire ne peut soutenir à cet égard qu’il s’agit d’un vague renseignement donné au client dans le cadre d’une consultation informelle.
Elle considère que le document transmis constitue une lettre-type avec un emplacement prévu pour la signature des bailleurs et que son contenu était inexploitable pour mêler les 3 motifs légaux de congé pour des néophytes qui n’étaient pas à même de pouvoir l’adapter.
Elle juge que le notaire, pour respecter ses obligations, ne pouvait se dispenser d’établir 3 modèles correspondant à chacun des motifs possibles de congé. Ainsi en l’espèce le notaire n’a pas mis les bailleurs en mesure de délivrer un congé régulier à leur locataire alors qu’il s’agissait de l’information qui lui était demandée.
Le préjudice en résultant est une perte de chance de pouvoir prendre des mesures successorales en raison de l’état de santé du mari, les époux ayant dû attendre 3 ans pour pouvoir délivrer un nouveau congé. Leur préjudice moral sera réparé par l’octroi de dommages et intérêts.
Mentions contradictoires entre la promesse et l’acte de vente : CA Versailles, 26 janvier 2023, n° 21/00337 :
En l’espèce, le 7 octobre 2016 des époux ont acquis une maison individuelle d’habitation.
Les acquéreurs, découvrant que le bien acquis se situe dans une zone à risque d’inondations et dans le périmètre du plan de prévention des risques naturels ont assigné le vendeur et le notaire en responsabilité.
La cour d’appel va constater qu’il existe une contradiction entre la clause contenue dans la promesse de vente qui informe les acquéreurs de l’existence d’un plan de prévention du risque inondation sur la commune où se situe le bien tout en excluant le bien vendu du périmètre délimité par ce plan et les documents remis par la commune qui, au contraire, situent le bien dans la zone inondable selon le plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) et pour une partie en zone UG du paysage.
Il était également indiqué dans le diagnostic technique annexé à l’acte authentique que l’immeuble n’est pas situé dans le périmètre du plan de prévention naturel, la case “non” étant cochée.
La cour d’appel considère alors que le notaire rédacteur qui a annexé à l’acte authentique l’ensemble de ces documents ne les a pas lus, ou n’a pas vu ou encore n’a pas tiré les conséquences de ce qu’en réalité, ils se contredisaient, se faisant la clause “risques naturels” contient des mentions erronées. De plus, les caractéristiques du terrain en zone UG n’étaient même pas reprises dans l’acte.
Elle conclut alors que le notaire a commis une faute en ne procédant pas à une investigation lui permettant d’avoir une certitude sur la nature et le statut du terrain, recherche nécessaire pour lever les doutes nés de cette contradiction, et en n’informant pas les acquéreurs de ce que cela signifiait, notamment en termes de constructibilité.
Forclusion de l’action directe de la victime contre l’assureur du constructeur : Cass. civ. 3ème, 14 septembre 2023, n° 22-21.493, publié :
En résumé : L’action de la victime contre l’assureur de responsabilité, qui obéit, en principe, au même délai de prescription que son action contre le responsable, ne peut être exercée contre l’assureur au-delà de ce délai que tant que celui-ci est encore exposé au recours de son assuré. Une action en référé-expertise du tiers lésé faisant, en principe, courir la prescription biennale du recours de l’assuré contre l’assureur, une cour d’appel ne peut déclarer recevable l’action du tiers lésé contre l’assureur après l’expiration de la forclusion décennale et plus de deux ans après l’assignation en référé-expertise délivrée à l’assuré, sans constater qu’à cette date l’assureur était encore exposé au recours de l’assuré.
En l’espèce, un maître d’ouvrage a confié à la société Eurotoiture Franche-Comté, des travaux de réfection de la toiture d’un bâtiment.
La réception de l’ouvrage est intervenue tacitement le 4 juillet 2006 et le maître de l’ouvrage, se plaignant de désordres, a assigné le constructeur en référé-expertise le 4 avril 2012, puis au fond le 3 février 2016. L’assureur du constructeur est intervenu volontairement à l’instance.
Le maître de l’ouvrage a formé des demandes contre l’assureur du constructeur par conclusions notifiées le 2 mars 2017.
L’assureur du constructeur reprochait à la cour d’appel d’avoir rejeté la fin de non-recevoir fondée sur la prescription des demande à son encontre.
En effet, celle-ci avait considéré qu’était soumise à la prescription biennale toutes les actions du contrat d’assurance ce qui autorise une prolongation du délai de prescription tant que l’assuré peut exercer un recours contre l’assureur. Elle en déduisit qu’au titre de la garantie décennale, le tiers lésé dispose, comme le responsable assuré, d’un délai de 12 ans à compter de la réception pour agir contre l’assureur du responsable et qu’ainsi l’action exercée en l’espèce par le maître de l’ouvrage contre l’assureur, par conclusion du 2 mars 2017, dans un délai de 12 ans à compter de la réception du 4 juillet 2006, n’était pas prescrite.
La Cour de cassation considère quant à elle que lorsque l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, la prescription biennale ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré.
Considérant que l’action en référé est une action en justice et que cette qualification n’est pas subordonnée à la présentation d’une demande indemnitaire chiffrée, une action en référé-expertise fait courir la prescription biennale de l’action de l’assuré contre l’assureur.
Elle va alors casser l’arrêt d’appel qui n’avait pas constaté qu’à la date de l’assignation délivrée par le maître de l’ouvrage à l’assureur du constructeur, celui-ci était encore soumis au recours de son assuré, qui avait été assignée en référé-expertise le 4 avril 2012.