Jurisprudences :Â
Risque dâexposition Ă un dommage et garantie dĂ©cennale : Cass. civ. 3Ăšme, 14 septembre 2023, n° 22-13.858, publié :Â
En rĂ©sumĂ© : Le risque sanitaire encouru par les occupants dâun ouvrage peut, par sa gravitĂ©, caractĂ©riser Ă lui seul lâimpropriĂ©tĂ© de lâouvrage Ă sa destination ouvrant droit Ă la garantie dĂ©cennale, mĂȘme si le risque ne sâest pas rĂ©alisĂ© dans le dĂ©lai dâĂ©preuve.
En lâespĂšce, une SCI et la sociĂ©tĂ© Vinci immobilier rĂ©sidentiel ont, en qualitĂ© de maĂźtre dâouvrage, entrepris courant 2007 la construction dâimmeubles comprenant cent-cinquante logements.
Plusieurs entreprises sont intervenues dans lâopĂ©ration de construction.
Les lots ont Ă©tĂ© vendus en Ă©tat futur dâachĂšvement et un syndicat des copropriĂ©taires a Ă©tĂ© constituĂ© pour la rĂ©sidence.
Les travaux ont Ă©tĂ© rĂ©ceptionnĂ©s le 31 aoĂ»t et le syndicat des copropriĂ©taires, se plaignant de dĂ©sordres affectant notamment lâinstallation dâeau chaude sanitaire, a, aprĂšs dĂ©signation en rĂ©fĂ©rĂ© dâun expert, assignĂ© les locateurs dâouvrage et leurs assureurs en indemnisation.
La cour dâappel avait fait droit Ă la demande du syndicat des copropriĂ©taires en considĂ©rant que la longueur des tuyauteries dâeau chaude sanitaire entre les gaines paliĂšres et les points de puisage Ă©tait supĂ©rieure Ă 10 mĂštre et Ă©tait non conforme aux rĂšgles sanitaires en vigueur, ce qui avait pour consĂ©quence dâaugmenter la quantitĂ© dâeau contenu dans ces tuyauteries et favorisait le risque de dĂ©veloppement de lĂ©gionnelles.
Elle en dĂ©duisit que le risque sanitaire auquel se sont trouvĂ©s les habitants de lâimmeuble pendant le dĂ©lai dâĂ©preuve rendait, Ă lui seul, lâouvrage impropre Ă sa destination bien que la prĂ©sence de lĂ©gionelles nâavait pas Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©e au cours de cette pĂ©riode, de sorte que le dĂ©sordre relevait de la garantie dĂ©cennale des constructeurs.
Lâassureur des entreprises intervenues dans lâopĂ©ration de construction forme un pourvoi en considĂ©rant que seuls les dĂ©sordres qui, actuellement, compromettent la soliditĂ© de lâouvrage ou le rendent impropre Ă sa destination ou qui, avec certitude dans le dĂ©lai dĂ©cennal, compromettront la soliditĂ© de lâouvrage ou le rendront impropre Ă sa destination, relĂšvent de la garantie dĂ©cennale.
La question se posait donc de savoir si seuls les dommages actuels ou certains relĂšvent de la garantie dĂ©cennale ou si celle-ci couvre les risques de dommages qui, par leur gravitĂ©, caractĂ©risent lâimpropriĂ©tĂ© de lâouvrage Ă sa destination.
La Cour de cassation, par une solution ayant la forme dâune solution de principe, considĂšre que le risque sanitaire encouru par les occupants dâun ouvrage peut, par sa gravitĂ©, caractĂ©riser Ă lui seul lâimpropriĂ©tĂ© de lâouvrage Ă sa destination, mĂȘme sâil ne sâest pas rĂ©alisĂ© dans le dĂ©lai dâĂ©preuve.
Elle approuve ainsi le raisonnement suivi par la cour dâappel.
Indemnisation du coĂ»t des travaux Ă rĂ©aliser sur un fonds voisin (non) : Cass. civ. 3Ăšme, 14 septembre 2023, n° 22-15.750, publié :Â
En rĂ©sumé : Ă dĂ©faut dâaccord des parties, la victime dâun dommage ne peut ĂȘtre indemnisĂ©e du coĂ»t de travaux devant ĂȘtre effectuĂ©s sur un fonds dont elle nâest pas propriĂ©taire.
En lâespĂšce, M. K est propriĂ©taire dâun terrain voisin de celui appartenant Ă Mme ND, exploitĂ© par Mme ED, se situant en surplomb.
Se plaignant que les travaux rĂ©alisĂ©s par M. K causaient des dommages Ă leur propre parcelle, les dames D lâont assignĂ© en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise puis ont obtenu du juge des rĂ©fĂ©rĂ©s quâil soit enjoint, sous astreinte, Ă M. K de rĂ©aliser des travaux confortatifs.
M. K, estimant avoir exĂ©cutĂ© les travaux nĂ©cessaires, a assignĂ© les dames D pour mettre Ă nĂ©ant la dĂ©cision du juge des rĂ©fĂ©rĂ©s et celle du juge de lâexĂ©cution liquidant lâastreinte.
Le tribunal a ordonnĂ© une expertise et lâexpert a prĂ©conisĂ© la rĂ©alisation de travaux sur le terrain de M. K pour un montant de 450 840 ⏠et sur les terrain de Mme ND pour un montant de 25 000âŹ.
La cour dâappel avait condamnĂ© M. K Ă payer Ă Mme ND la somme correspondant au coĂ»t des travaux de reprise en considĂ©rant que les travaux rĂ©alisĂ©s antĂ©rieurement par M. K Ă©taient Ă lâorigine de lâeffondrement du terrain de sa voisine, que celui-ci nâavait pas mis en Ćuvre les mesures prĂ©conisĂ©es par le 1er expert et ordonnĂ©es en rĂ©fĂ©rĂ© et quâil intervenait de façon inappropriĂ©e pour remĂ©dier Ă la non-conformitĂ© des travaux initiaux, quâainsi, sa carence justifiait que soit allouĂ© Ă sa voisine la somme correspondante aux travaux nĂ©cessaires pour quâelle puisse les rĂ©aliser elle-mĂȘme.
La Cour de cassation, par un moyen soulevĂ© dâoffice, considĂšre quâil rĂ©sulte des articles 544 et 1240 du code civil quâĂ dĂ©faut dâaccord des parties, la victime dâun dommage ne peut ĂȘtre indemnisĂ© du coĂ»t de travaux devant ĂȘtre effectuĂ©s sur un fonds dont elle nâest pas propriĂ©taire. Ainsi, en lâespĂšce, Ă dĂ©faut dâaccord de M. K, Mme ND ne pouvait prĂ©tendre au coĂ»t de travaux Ă rĂ©aliser sur un fonds dont elle nâĂ©tait pas propriĂ©taire.
DĂ©passement de la superficie de construction prĂ©vue au cahier des charges du lotissement et responsabilitĂ© professionnelle : CA Lyon, 1Ăšre chambre civile b, 7 fĂ©vrier 2023 n° 21/0739 :Â
En rĂ©sumĂ© : en prĂ©sence dâune difficultĂ© juridique particuliĂšre tenant au fait quâil Ă©tait spĂ©cifiĂ© dans lâacte de vente que les rĂšgles dâurbanisme contenues dans le cahier des charges du lotissement nâavaient plus Ă sâappliquer, tandis que les dispositions rĂ©gissant les rapports des colotis entre eux, contenues dans le cahier des charges du lotissement restaient en vigueur, il appartient aux notaires de donner une information spĂ©cifique aux acquĂ©reurs sur cette distinction, qui dĂ©finit lâĂ©tendue de leurs droits.
En lâespĂšce, le 13 mars 2008 des Ă©poux ont signĂ© un compromis de vente, dressĂ© par la SCP Vaz Touzet (devenue SCP Vaz Touzet et Aumont), pour lâachat dâun tĂšnement immobilier dâune surface de 328 m2 au prix de 127 000âŹ.
La vente a Ă©tĂ© rĂ©itĂ©rĂ©e par acte authentique du 10 juin 2008 dressĂ© par Me Picot, notaire de la SCP Rambaud Picot Pommier Favre des Sol Prezioso. Le notaire des acquĂ©reurs, Me Vaz est intervenu Ă lâacte de vente.
Les acquĂ©reurs ont fait Ă©difier une maison dâhabitation, un permis de construire ayant Ă©tĂ© dĂ©livrĂ© Ă leur vendeur le 4 janvier 2008 avec une dĂ©claration de conformitĂ© datĂ©e du 18 septembre 2009.
Les époux acquéreurs ont ultérieurement sollicité une agence immobiliÚre pour procéder à la vente de leur bien, laquelle a émis des réserves au regard de la nécessité de modifier le cahier des charges du lotissement.
Ils ont fait appel Ă une autre agence qui a signĂ© un mandat de vente et un compromis a Ă©tĂ© signĂ© le 2 octobre 2017 au prix de 350 000âŹ.
Me Picot, notaire chargĂ© de la rĂ©itĂ©ration de la vente par acte authentique, a sollicitĂ© un avis du Cridon pour sĂ©curiser lâacte, au regard des dispositions du cahier des charges du lotissement du 26 juin 1954.
ConsidĂ©rant que la rĂ©ponse rĂ©vĂ©lait une insĂ©curitĂ© juridique quant Ă la possibilitĂ© de vendre leur bien immobilier, les propriĂ©taires ont assignĂ© les SCP ayant participĂ© Ă la vente du bien en dommages et intĂ©rĂȘts.
En premiĂšre instance les notaires ont Ă©tĂ© condamnĂ©s et ont interjetĂ© appel afin de faire juger que les propriĂ©taires nâapportaient pas dĂ©monstration dâune faute des notaires directement gĂ©nĂ©ratrice dâun prĂ©judice indemnisable effectif.
Les acquĂ©reurs avaient sollicitĂ© leur condamnation au motif que le cahier des charges dâun lotissement a valeur contractuelle de sorte quâil engage les colotis. Ils souhaitent engager la responsabilitĂ© des notaires car leur lot est issu de la division dâune parcelle qui nâa pas Ă©tĂ© autorisĂ©e et sur laquelle ils ont Ă©difiĂ© une maison qui ne respecte pas les dimensions prĂ©vues au cahier des charges.
Les notaires font valoir quâune copie du cahier des charges et de ses additifs a Ă©tĂ© remis aux acquĂ©reurs-propriĂ©taires le jour de la vente et quâen outre, sâagissant du morcellement du terrain, il Ă©tait admis par la mairie que la non-opposition Ă la dĂ©claration prĂ©alable de vision valait morcellement. Enfin, quant aux permis de construire, ils considĂšrent quâil a Ă©tĂ© rappelĂ© aux acquĂ©reurs-propriĂ©taires quâil leur appartenait de respecter les rĂšgles de droit privĂ© du cahier des charges.
La cour dâappel va dâabord constater que le cahier des charges prĂ©voit quâest nul et de nul effet tout acte de vente consenti en infraction de la rĂšgle selon laquelle tout morcellement, quelle quâen soit la cause, des terrains cĂ©dĂ©s, est interdit et ce mĂȘme aprĂšs rĂ©alisation des travaux, sauf autorisation spĂ©ciale et expresse de la commune.
Le cahier des charges stipule Ă©galement quâil ne pourra ĂȘtre Ă©difiĂ© quâune seule construction par lot et la surface bĂątie nâexcĂ©dera pas un cinquiĂšme de celle du lot.
Elle adopte ensuite le raisonnement des juges de premiĂšre instance selon laquelle les notaires ont manquĂ© Ă leur devoir dâinformation et de conseil en nâattirant pas lâattention des acquĂ©reurs qui acquĂ©raient un terrain avec un permis de construire mentionnant une construction dont la superficie dĂ©passait celle autorisĂ©e par le cahier des charges, sur la nĂ©cessitĂ© de respecter ses exigences et Ă dĂ©faut, les risques encourus.
Elle prĂ©cise que la simple annexion du cahier des charges et du permis de construire au compromis, puis Ă lâacte de vente, nâexonĂšre pas le notaire de cette obligation dâinformation, surtout en prĂ©sence dâune difficultĂ© juridique particuliĂšre tenant au fait quâil Ă©tait spĂ©cifiĂ© dans lâacte de vente que les rĂšgles dâurbanisme contenues dans le cahier des charges du lotissement nâavaient plus Ă sâappliquer, tandis que les dispositions rĂ©gissant les rapports des colotis entre eux, contenues dans le cahier des charges du lotissement restaient en vigueur.
Elle conclut que les notaires nâĂ©tablissaient pas avoir donnĂ© une information spĂ©cifique aux acquĂ©reurs sur cette distinction, qui dĂ©finissait pourtant lâĂ©tendue de leurs droits et confirme la condamnation des notaires.
Clause de dĂ©solidarisation : CA Aix-en-Provence, 22 fĂ©vrier 2022, n° 19/03409 :Â
En lâespĂšce, des Ă©poux mariĂ©s sous le rĂ©gime de la sĂ©paration de biens ont prĂ©sentĂ© une requĂȘte en divorce. Un Ă©tat liquidatif des biens indivis a Ă©tĂ© Ă©tablie par un notaire et un avenant a Ă©tĂ© Ă©tablie par un autre notaire. Le patrimoine immobilier a Ă©tĂ© attribuĂ© Ă lâĂ©poux qui sâest engagĂ©, en contrepartie, Ă prendre en charge la totalitĂ© du passif.
Suite Ă la dĂ©faillance de celui-ci, lâĂ©pouse a Ă©tĂ© poursuivie par plusieurs organismes financiers.
Celle-ci, reprochant au notaire de ne pas lâavoir suffisamment informĂ© du fait quâelle serait tenue solidairement des dettes lâa assignĂ© en condamnation des dommages et intĂ©rĂȘts.
La cour dâappel constate que lâĂ©tat liquidatif des biens indivis qui a Ă©tĂ© annexĂ© Ă la convention dĂ©finitive contenait notamment :Â
Une clause relative Ă âLa prise en charge dâemprunt pas Monsieur Xâ qui stipulait que âMonsieur X sâoblige Ă sâacquitter en totalitĂ© des Ă©chĂ©ances ainsi que les sommes pouvant ĂȘtre dues auprĂšs des Ă©tablissements [liste des organismes financiers]â.
Une clause relative au rĂšglement du solde des prĂȘts qui stipule que â le tout de maniĂšre que Madame C ne soit jamais inquiĂ©tĂ©e ni recherchĂ©e Ă ce sujet pour quelque cause que ce soit.â
Deux organismes financiers ont toutefois refusĂ© la dĂ©solidarisation de lâĂ©pouse concernant ces prĂȘts.
Sur ce point, une clause stipulait que âEn consĂ©quence des refus de dĂ©solidarisation ci-dessus Ă©noncĂ©, il est fait observer aux parties que lâaccord ci-dessus conclu ne vaut que dans les rapports respectifs entre les Ă©poux, il est inopposable au prĂȘteur qui conserve son droit de poursuite originaire Ă lâencontre de Monsieur (…) et Madame (…). Les parties dĂ©clarent avoir Ă©tĂ© parfaitement informĂ©es de ce que, en cas de dĂ©faillance de la part de la partie ayant pris la charge du prĂȘt, lâautre partie pourra donc ĂȘtre immĂ©diatement poursuivie en rĂšglement de la totalitĂ© des sommes dues sans quâil lui soit possible de remettre en cause lâĂ©conomie des prĂ©sentes, sauf Ă exercer tout recours Ă lâencontre du dĂ©faillant aprĂšs sâĂȘtre acquittĂ© de la dette.â.
La cour dâappel juge que ces stipulations, intĂ©grĂ©es dans le corps de lâacte, sont particuliĂšrement claires et personnalisĂ©es Ă la situation particuliĂšre des Ă©poux et ne peuvent ĂȘtre qualifiĂ©es de clause de style (qualification que sollicitait la requĂ©rante).
Elle considĂšre que ces clauses se suffisent Ă elles-mĂȘmes sans quâil y ait lieu dâexiger de la part du notaire la dĂ©livrance dâune information extĂ©rieure Ă lâacte et complĂ©mentaire dĂšs lors que lâĂ©pouse Ă©tait parfaitement informĂ©e de lâexistence de lâensemble des crĂ©ances et du fait quâelles avaient Ă©tĂ© contractĂ©es solidairement entre les Ă©poux.
Elle conclut que dans ces conditions il apparaĂźt quâau regard des Ă©nonciations de lâacte que le notaire a rempli son obligation dâinformation et de conseil des parties tout en prĂ©cisant quâil nâĂ©tait pas Ă©tabli que le notaire avait mandat pour interroger lâensemble des crĂ©anciers sur leur accord pour une Ă©ventuelle dĂ©solidarisation entre les Ă©poux et quâil ne pouvait ĂȘtre exigĂ© de sa part quâil accomplisse cette dĂ©marche, alors quâil Ă©tait prĂ©cisĂ© quâelle avait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e pour les deux principaux crĂ©anciers.
Fausse dĂ©claration du vendeur sur le raccordement Ă lâassainissement et responsabilitĂ© professionnelle : CA Bordeaux, 2 fĂ©vrier 2023, n° 19/03311 :Â
En lâespĂšce, le 4 mars 2005 un couple a achetĂ© par acte authentique une ancienne grange quâils ont voulu transformer en immeuble dâhabitation. Ils ont sollicitĂ© un permis de construire qui leur a Ă©tĂ© dĂ©livrĂ© le 13 dĂ©cembre 2004 sous deux rĂ©serves : 1° quâils dĂ©posent une demande prĂ©alable aux travaux du raccordement de lâimmeuble au rĂ©seau communal collectif ; 2° que les amĂ©nagements entrepris soient rĂ©alisĂ©s en harmonie avec les bĂątiments existants.
Quelques annĂ©es aprĂšs leur acquisition, le couple a dĂ©cidĂ© de vendre ce bien en tant quâimmeuble dâhabitation. Le 4 dĂ©cembre 2013 et le 6 mars 2014 un compromis puis un acte de vente ont Ă©tĂ© dressĂ©s par notaire, lesquels reprenaient la dĂ©claration du vendeur suivant laquelle « lâimmeuble vendu est raccordĂ© au rĂ©seau dâassainissement mais ne garantit aucunement la conformitĂ© des installations aux normes actuelles en vigueur. ».
En janvier 2016 la commune a rappelĂ© Ă lâacquĂ©reuse son obligation de procĂ©der au contrĂŽle des installations dâassainissement non collectif de son immeuble et au terme dâun rapport Ă©tabli un mois aprĂšs ce rappel par le syndicat intercommunal en charge de lâassainissement de la rĂ©gion, il sâest avĂ©rĂ© que logement Ă©tait dĂ©pourvu dâinstallation dâassainissement individuel et que les eaux usĂ©s de lâhabitation sâĂ©vacuaient directement et sans prĂ©traitement dans les fossĂ©s et nâĂ©taient pas raccordĂ©s au rĂ©seau dâassainissement collectif.
LâacquĂ©reuse, reprochant au vendeur dâavoir prĂ©tendu que le bien cĂ©dĂ© Ă©tait raccordĂ© au rĂ©seau dâassainissement, lâa assignĂ© en nullitĂ© de la vente. Elle a Ă©galement assignĂ© le notaire en responsabilitĂ© professionnelle.
La cour dâappel va rappeler que les actes dressĂ©s contenait la dĂ©claration du vendeur selon laquelle lâimmeuble Ă©tait raccordĂ© au rĂ©seau dâassainissement et quâil ne pouvait dĂšs lors ignorer le dĂ©faut de raccordement, dâautant quâil apparaissait comme une rĂ©serve du permis de construire quâil avait obtenu.
Sur la responsabilitĂ© du notaire la cour dâappel considĂšre quâil a pris le soin de solliciter, en vue de la rĂ©itĂ©ration de lâacte de vente dĂ©finitif, le certificat dĂ©livrĂ© par la mairie en fĂ©vrier 2014, en sorte que compte tenu de la date de ce certificat qui ne mentionne pas la date Ă laquelle le logement a Ă©tĂ© raccordĂ© au rĂ©seau, le notaire nâĂ©tait pas tenu de solliciter des vendeurs un rapport de contrĂŽle de cette installation datĂ© de moins de 3 ans pour le joindre au dossier technique de lâacte de vente.
Elle ajoute que le notaire nâest pas tenu dâinstruire contre les actes administratifs qui bĂ©nĂ©ficient dâune prĂ©somption dâauthenticitĂ© et de vĂ©ritĂ©.
Elle prĂ©cise que le fait que les vendeurs soient des profanes nâexcluait pas quâils soient en mesure dâattester du raccordement de lâimmeuble au rĂ©seau collectif et que dĂšs lors quâils ont pu produire en vue de la signature de la vente lâattestation de conformitĂ© dĂ©livrĂ©e par la commune, aucun manquement du notaire Ă son devoir de mise en garde et de conseil ne peut ĂȘtre retenu.
Elle conclut quâau regard de la prudence de rĂ©daction des clauses relatives au raccordement de lâimmeuble au rĂ©seau dâassainissement et au certificat de conformitĂ© dĂ©livrĂ© par la mairie datant de moins de 3 ans, il nâest pas rapportĂ© la preuve dâune faute commise par le notaire dans la rĂ©daction des actes de nature Ă engager sa responsabilitĂ©.
ResponsabilitĂ© notariale : compromis de vente, obligation de conseil et condition suspensive de lâobtention dâautorisations administratives : Cass. Civ. 1Ăšre, 15 juin 2022, n° 21-12.345, inĂ©dit :Â
En rĂ©sumé : La Cour de cassation considĂšre quâil incombe au notaire, auquel des acquĂ©reur a exposĂ© leur intention de crĂ©er des gĂźtes dans lâimmeuble, de leur conseiller lâinsertion dâune condition suspensive relative Ă lâobtention des autorisations administratives permettant la rĂ©alisation de leur projet.
En lâespĂšce, des acquĂ©reurs sâengagent Ă acheter un immeuble en vue dây Ă©tablir leur rĂ©sidence et dây amĂ©nager des gĂźtes.Â
Les acquĂ©reurs renoncent Ă rĂ©gulariser lâacte authentique et sont assignĂ©s par les vendeurs en paiement de la clause pĂ©nale.
Un arrĂȘt rejette la demande des vendeurs et prononce lâannulation de lâacte pour erreur sur les qualitĂ©s substantielles.
Les acquĂ©reurs ont ultĂ©rieurement assignĂ© le notaire en responsabilitĂ© et indemnisation lui reprochant de nâavoir pas assurĂ© lâefficacitĂ© de lâacte au regard du but poursuivi.
La cour dâappel a rejetĂ© leur demande au motif que le « compromis » constitue un acte prĂ©paratoire Ă la vente et quâil ne peut ĂȘtre imposĂ© au notaire dâobtenir la dĂ©livrance dâun certificat dâurbanisme prĂ©alablement Ă sa signature. Elle prĂ©cise quâil ne pouvait ĂȘtre reprochait au notaire de ne pas avoir conseillĂ© aux acquĂ©reur lâinsertion dâune condition suspensive.
La Cour de cassation considĂšre quant Ă elle que le devoir de conseil du notaire sâapprĂ©cie au regard du but poursuivi par les parties et de leurs exigences particuliĂšres lorsque le praticien en a Ă©tĂ© informĂ©.
Elle considĂšre ainsi quâen lâespĂšce les acquĂ©reurs, ayant informĂ© le notaire de leur intention de crĂ©er des gĂźtes dans lâimmeuble, il lui incombait de vĂ©rifier la faisabilitĂ© du projet dont dĂ©pendait lâefficacitĂ© de lâacte ou de leur conseiller lâinsertion dâune clause suspensive.
ExonĂ©ration de la plus-value immobiliĂšre en cas de vente dâun terrain Ă bĂątir et responsabilitĂ© professionnelle : CA Toulouse, 15 novembre 2022, n° 19/03935 :Â
En lâespĂšce, par acte authentique, des Ă©poux ont vendu Ă une sociĂ©tĂ© une parcelle de terre en nature de terrain Ă bĂątir.Â
Les vendeurs ont donnĂ© pouvoir au notaire de prĂ©lever sur le prix de vente, au profit du TrĂ©sor Public, le montant de lâimpĂŽt sur la plus-value immobiliĂšre prĂ©vu aux articles 150 U Ă 150 VG du CGI.
Estimant quâils auraient dĂ» bĂ©nĂ©ficier dâune exonĂ©ration de cet impĂŽt, ils ont assignĂ© le notaire en responsabilitĂ©.
La cour dâappel va dâabord rappeler que les dispositions de lâarticle 150U III du CGI qui prĂ©voient que les plus-values rĂ©alisĂ©es par les personnes physiques lors de la cession Ă titre onĂ©reux de biens immobiliers bĂątis ou non bĂątis sont passibles de lâimpĂŽt sur le revenu, ne sâappliquent pas aux plus-values rĂ©alisĂ©es par les titulaires de pensions de vieillesse ou de carte dâinvaliditĂ© qui, au titre de lâavant-derniĂšre annĂ©e prĂ©cĂ©dant celle de la cession, ne sont pas passibles de lâISF et dont le revenu fiscal de rĂ©fĂ©rence nâexcĂšde pas une certaine limite (fixĂ©e par lâarticle 1417 I du CGI), apprĂ©ciĂ©s au titre de cette annĂ©e.
En lâespĂšce, les vendeurs, retraitĂ©s, nâĂ©taient pas redevables de lâimpĂŽt sur le revenu au titre de lâavant-derniĂšre annĂ©e prĂ©cĂ©dant celle de la cession et quâils nâĂ©taient pas soumis Ă lâISF, et quâils pouvaient dĂšs lors prĂ©tendre Ă lâexonĂ©ration de lâimpĂŽt sur les plus-values immobiliĂšres.
Elle va dĂšs lors considĂ©rer que le notaire aurait dĂ» se renseigner sur la situation des vendeurs compte tenu de lâexistence dâun rĂ©gime exonĂ©ratoire sous conditions quâil ne pouvait ni ignorer, ni nĂ©gliger dâautant quâil Ă©tait informĂ© de la qualitĂ© de retraitĂ©s des vendeurs, celle-ci Ă©tant mentionnĂ© Ă lâacte et que les vendeurs lui avait transmis leur dernier avis dâimposition.
Le notaire avait toutefois indiquĂ© que lâimmeuble Ă©tait soumis au rĂ©gime des plus-value immobiliĂšre, et prĂ©cisĂ© les modalitĂ©s dâabattement sans pour autant faire rĂ©fĂ©rence aux possibilitĂ©s dâexonĂ©ration. Il avait Ă©galement rempli lâimprimĂ© 2048 IMM-SD dĂ©terminant le montant de la plus-value et des prĂ©lĂšvements sociaux affĂ©rents, se donnant pouvoir par les vendeurs pour prĂ©lever ce montant sur le disponible du TrĂ©sor Public.
Elle considĂšre que le notaire a manquĂ© Ă son obligation dâinformer les parties et particuliĂšrement les vendeurs sur les incidences fiscales de lâopĂ©ration quant Ă lâassujettissement ou non Ă la plus-value immobiliĂšre et que ce manquement a abouti Ă un prĂ©judice financier consommĂ© par les vendeurs.
ModĂšle inadaptĂ© de lettre de congĂ© en matiĂšre de bail dâhabitation fourni par le notaire : CA Aix-en-Provence, 18 janvier 2022 :Â
En lâespĂšce, des Ă©poux prennent conseil avec un notaire pour mettre fin Ă un bail dâhabitation courant depuis 15 ans.
Le notaire leur indique, par mail, quâil existe 3 possibilitĂ©s de congĂ© â pour vendre, pour reprise, pour motif rĂ©el et sĂ©rieux â et leur joint un modĂšle de lettre de congĂ© comme « inspiration ».
Les bailleurs notifient un congé pour vendre à leur locataire fondé sur ce document, qui ne mentionnait que les dispositions relatives au congé pour motif réel et sérieux.
Le locataire assigne alors le bailleur en ce que le congĂ© ne respectait pas les dispositions impĂ©ratives de la loi 6 juillet 1989 car ni le prix, ni les conditions de la vente nâĂ©taient mentionnĂ©s.
Les bailleurs reprochent alors au notaire dâavoir commis une faute en leur adressant un modĂšle de congĂ© inadaptĂ© et en considĂ©rant quâen raison de la nullitĂ© de ce congĂ© ils avaient perdu une chance de reprendre leur bien pour le vendre plus tĂŽt.
La cour dâappel constate que le modĂšle de lettre de congĂ© adressĂ© par mail fait mention, dans son objet de « bail dâhabitation⊠congĂ© par le propriĂ©taire » et que le notaire ne peut soutenir Ă cet Ă©gard quâil sâagit dâun vague renseignement donnĂ© au client dans le cadre dâune consultation informelle.
Elle considĂšre que le document transmis constitue une lettre-type avec un emplacement prĂ©vu pour la signature des bailleurs et que son contenu Ă©tait inexploitable pour mĂȘler les 3 motifs lĂ©gaux de congĂ© pour des nĂ©ophytes qui nâĂ©taient pas Ă mĂȘme de pouvoir lâadapter.
Elle juge que le notaire, pour respecter ses obligations, ne pouvait se dispenser dâĂ©tablir 3 modĂšles correspondant Ă chacun des motifs possibles de congĂ©. Ainsi en lâespĂšce le notaire nâa pas mis les bailleurs en mesure de dĂ©livrer un congĂ© rĂ©gulier Ă leur locataire alors quâil sâagissait de lâinformation qui lui Ă©tait demandĂ©e.
Le prĂ©judice en rĂ©sultant est une perte de chance de pouvoir prendre des mesures successorales en raison de lâĂ©tat de santĂ© du mari, les Ă©poux ayant dĂ» attendre 3 ans pour pouvoir dĂ©livrer un nouveau congĂ©. Leur prĂ©judice moral sera rĂ©parĂ© par lâoctroi de dommages et intĂ©rĂȘts.
Mentions contradictoires entre la promesse et lâacte de vente : CA Versailles, 26 janvier 2023, n° 21/00337 :Â
En lâespĂšce, le 7 octobre 2016 des Ă©poux ont acquis une maison individuelle dâhabitation.
Les acquĂ©reurs, dĂ©couvrant que le bien acquis se situe dans une zone Ă risque d’inondations et dans le pĂ©rimĂštre du plan de prĂ©vention des risques naturels ont assignĂ© le vendeur et le notaire en responsabilitĂ©.
La cour dâappel va constater quâil existe une contradiction entre la clause contenue dans la promesse de vente qui informe les acquĂ©reurs de lâexistence dâun plan de prĂ©vention du risque inondation sur la commune oĂč se situe le bien tout en excluant le bien vendu du pĂ©rimĂštre dĂ©limitĂ© par ce plan et les documents remis par la commune qui, au contraire, situent le bien dans la zone inondable selon le plan de prĂ©vention des risques naturels prĂ©visibles (PPRN) et pour une partie en zone UG du paysage.
Il Ă©tait Ă©galement indiquĂ© dans le diagnostic technique annexĂ© Ă lâacte authentique que lâimmeuble nâest pas situĂ© dans le pĂ©rimĂštre du plan de prĂ©vention naturel, la case ânonâ Ă©tant cochĂ©e.
La cour dâappel considĂšre alors que le notaire rĂ©dacteur qui a annexĂ© Ă lâacte authentique lâensemble de ces documents ne les a pas lus, ou nâa pas vu ou encore nâa pas tirĂ© les consĂ©quences de ce quâen rĂ©alitĂ©, ils se contredisaient, se faisant la clause ârisques naturelsâ contient des mentions erronĂ©es. De plus, les caractĂ©ristiques du terrain en zone UG nâĂ©taient mĂȘme pas reprises dans l’acte.
Elle conclut alors que le notaire a commis une faute en ne procĂ©dant pas Ă une investigation lui permettant dâavoir une certitude sur la nature et le statut du terrain, recherche nĂ©cessaire pour lever les doutes nĂ©s de cette contradiction, et en nâinformant pas les acquĂ©reurs de ce que cela signifiait, notamment en termes de constructibilitĂ©.
Forclusion de lâaction directe de la victime contre lâassureur du constructeur : Cass. civ. 3Ăšme, 14 septembre 2023, n° 22-21.493, publié :Â
En rĂ©sumé : L’action de la victime contre l’assureur de responsabilitĂ©, qui obĂ©it, en principe, au mĂȘme dĂ©lai de prescription que son action contre le responsable, ne peut ĂȘtre exercĂ©e contre l’assureur au-delĂ de ce dĂ©lai que tant que celui-ci est encore exposĂ© au recours de son assurĂ©. Une action en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise du tiers lĂ©sĂ© faisant, en principe, courir la prescription biennale du recours de l’assurĂ© contre l’assureur, une cour d’appel ne peut dĂ©clarer recevable l’action du tiers lĂ©sĂ© contre l’assureur aprĂšs l’expiration de la forclusion dĂ©cennale et plus de deux ans aprĂšs l’assignation en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise dĂ©livrĂ©e Ă l’assurĂ©, sans constater qu’Ă cette date l’assureur Ă©tait encore exposĂ© au recours de l’assurĂ©.
En lâespĂšce, un maĂźtre dâouvrage a confiĂ© Ă la sociĂ©tĂ© Eurotoiture Franche-ComtĂ©, des travaux de rĂ©fection de la toiture dâun bĂątiment.
La rĂ©ception de lâouvrage est intervenue tacitement le 4 juillet 2006 et le maĂźtre de lâouvrage, se plaignant de dĂ©sordres, a assignĂ© le constructeur en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise le 4 avril 2012, puis au fond le 3 fĂ©vrier 2016. Lâassureur du constructeur est intervenu volontairement Ă lâinstance.
Le maĂźtre de lâouvrage a formĂ© des demandes contre lâassureur du constructeur par conclusions notifiĂ©es le 2 mars 2017.
Lâassureur du constructeur reprochait Ă la cour dâappel dâavoir rejetĂ© la fin de non-recevoir fondĂ©e sur la prescription des demande Ă son encontre.
En effet, celle-ci avait considĂ©rĂ© quâĂ©tait soumise Ă la prescription biennale toutes les actions du contrat dâassurance ce qui autorise une prolongation du dĂ©lai de prescription tant que lâassurĂ© peut exercer un recours contre lâassureur. Elle en dĂ©duisit quâau titre de la garantie dĂ©cennale, le tiers lĂ©sĂ© dispose, comme le responsable assurĂ©, dâun dĂ©lai de 12 ans Ă compter de la rĂ©ception pour agir contre lâassureur du responsable et quâainsi lâaction exercĂ©e en lâespĂšce par le maĂźtre de lâouvrage contre lâassureur, par conclusion du 2 mars 2017, dans un dĂ©lai de 12 ans Ă compter de la rĂ©ception du 4 juillet 2006, nâĂ©tait pas prescrite.
La Cour de cassation considĂšre quant Ă elle que lorsque lâaction de lâassurĂ© contre lâassureur a pour cause le recours dâun tiers, la prescription biennale ne court que du jour oĂč ce tiers a exercĂ© une action en justice contre lâassurĂ©.
ConsidĂ©rant que lâaction en rĂ©fĂ©rĂ© est une action en justice et que cette qualification nâest pas subordonnĂ©e Ă la prĂ©sentation dâune demande indemnitaire chiffrĂ©e, une action en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise fait courir la prescription biennale de lâaction de lâassurĂ© contre lâassureur.
Elle va alors casser lâarrĂȘt dâappel qui nâavait pas constatĂ© quâĂ la date de lâassignation dĂ©livrĂ©e par le maĂźtre de lâouvrage Ă lâassureur du constructeur, celui-ci Ă©tait encore soumis au recours de son assurĂ©, qui avait Ă©tĂ© assignĂ©e en rĂ©fĂ©rĂ©-expertise le 4 avril 2012.