Les droits de préférence applicables aux propriétés boisées

Partie 1. Définition et typologie des bois et forêts

  1. La définition des bois et forêts

Il n’existe aucune définition juridique des bois et forêts. 

Le code forestier ne distingue pas les bois et forêts en les associant systématiquement.

Ses premiers articles sont d’ailleurs lacunaires. L’article L. 111-1 dispose simplement que le présent code est applicable « aux bois et forêts indépendamment de leur régime de propriété » tandis que l’alinéa premier de l’article L 2 en donne une rapide définition en prévoyant que « sont considérés comme des bois et forêts (…) les plantations d’essences forestières et les reboisements à boiser du fait d’une obligation légale ou conventionnelles ».

Une circulaire du 18 janvier 1971 (JO 25 mai 1971)  relative à la taxe sur le défrichement des bois et forêts avait précisé, quant à son champ d’application, que ceux-ci devaient s’entendre comme des « formations végétales comprenant des tiges d’arbres d’essences forestières dont les cimes, si elles arrivaient simultanément à maturité, couvriraient la plus grande partie du terrain occupé par la formation, que celle-ci soit au moment de l’enquête à l’état de semis, de rejets sur souches, de fourrés, de gaulis, de perchis ou de futaie ».

Nous avions vu dans un précédente veille (13 février 2023) que la présence de souches d’arbres peut permettre le maintien de la destination forestière de la parcelle interdisant le défrichement sans autorisation, tendant à une définition prétorienne plus juridique que matérielle des « bois et forêts » des particuliers (Cass. crim. 4 janvier 2023, n° 22-80.393, publié).

Il ressort des éléments de définition d’une part que les bois et les forêts ne font pas l’objet d’une distinction juridique et que d’autre par les bois et les forêts se caractérisent par la présence d’essences forestières recouvrant ou ayant recouverts (sans ayant fait l’objet d’une constatation juridique ayant mis fin à la destination forestière, cf. l’arrêt de la chambre criminelle précité) le terrain en cause.

Il n’en demeure pas moins que les bois et forêts font l’objet d’une classification dense dont les régimes juridiques varient.

  1. La typologie des bois et forêts 

Parmi les bois et forêts, certains sont soumis au régime forestier à proprement parler (A), tandis que d’autres y sont soustrait (B). Cette distinction recoupe grossièrement les forêts publiques, soumises au régime forestier, des bois et forêts des particuliers qui n’y sont pas soumis.

  1. Les bois et forêts soumis au régime forestier

Parmi les bois et forêts qui relèvent du régime forestier, plusieurs types de bois et forêts existent.

  1. Les forêts domaniales

Il s’agit tout d’abord des forêts domaniales, c’est-à-dire des forêts qui appartiennent à l’État en pleine propriété ou des forêts sur lesquelles l’État a un droit de propriété indivis (art. L. 211-1 I 1° du code forestier). Elles sont gérées par l’ONF et représentent environ 1 493 000 hectares, soit 10% des espaces boisés.

En vertu de l’article L. 3211-5 du code général de la propriété des personnes publiques, les forêts domaniales ne peuvent être aliénées qu’en vertu d’une loi sauf exceptions (notamment si elles sont inférieurs à 150 hectares).

  1. Les forêts des collectivités territoriales, des établissements publics, des établissements d’utilité publique, des sociétés mutualistes et des caisses d’épargne

Le code forestier soumet également au régime forestier les bois et forêts susceptibles d’aménagement, d’exploitation régulière ou de reconstitution qui appartiennent aux collectivités ou à certaines personnes morales ou qui disposent de droits indivis sur ceux-ci.

Il s’agit des régions, départements, communes et de leurs groupements, des établissements publics, des établissements d’utilité publiques, des sociétés mutualistes et des caisses d’épargne.

  1. Les bois et forêts soustraits au régime forestier

Il s’agit principalement des bois et forêt des particulier mais également de certains bois et forêt des personnes publiques, notamment lorsqu’ils sont mis à disposition d’une administration de l’État ou d’un établissement public national pour l’exercice de leur mission (L.  211-1 II du code forestier).

  1. Les bois et forêts des particuliers soumis à un plan simple de gestion

Certains bois et forêts des particuliers doivent être soumis à un plan simple de gestion agrée.

Il s’agit des bois et forêts des particuliers :

  • constitués d’une parcelle forestière d’un seul tenant d’une surface égale ou supérieure à 20 hectares ;
  • constitués d’un ensemble de parcelles forestières d’une surface égale ou supérieure à 20 hectare appartenant à un même propriétaire, situées dans une même zone géographique définie par décret. L’article R 312-6 du code forestier issu du décret n° 2012-836 précise qu’un ensemble de bois et forêts appartenant à un même propriétaire est soumis à un plan simple de gestion dès lors que la surface cumulée de la plus grande des parcelles forestières et des parcelles forestières isolées situées dans la même commune et sur le territoire des communes limitrophe de celle-ci est égale ou supérieure à 25 hectares. 
  • Les parcelles isolées d’une surface inférieure à 4 hectares ne sont pas prises en compte pour ce calcul mais le propriétaire peut les inclure dans son plan simple de gestion.

Partie 2. Évolution et diversification des droits de préférence des propriétés boisées

La loi n° 2010-974 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche a institué un droit de préférence pour les propriétaires de parcelles forestières voisines dans l’objectif d’éviter le morcellement des bois et forêts.

La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a poursuivi cet objectif en instituant des droits de préférence au profit des personnes publiques propriétaires de parcelles forestières voisines.

La loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie a institué un nouveau droit de préférence à l’article L. 131-6-1 du code forestier.

Ces droits de préférence peuvent être en concurrence avec d’autres droits de préférence, tels ceux de la SAFER ou encore celui du Département dans les espaces naturels sensibles.

Section 1. Les droits de préférence des propriétaires de terrains boisés

Nous verrons d’une part le champ d’application de ces droits de préemption et d’autre part leur articulation.

  1. Le champ d’application des droits de préférence applicables aux bois et forêts 

Les textes institués par les lois précitées posent plusieurs critères :

  • L’objet de la vente doit être une propriété classée au cadastrée en nature de bois et forêt.
  • L’objet de la vente doit être une propriété d’une surface totale inférieure à 4 hectare.

Le contrat en cause doit être une vente, une cession de droits indivis, ou de droits réels de jouissance relatifs à cette propriété.

  1. L’articulation des droits de préférence applicables aux bois et forêts

Si l’ensemble des parcelles ne sont pas classées en nature de bois et forêts au cadastre : 

  • Les droits de préférence institués par le code forestier au profit du propriétaire privé ou des personnes publiques (communes ou État) voisines ne sont pas applicables.
    • La SAFER peut exercer son droit de préemption.
    • L’acquéreur peut conserver les parcelles boisées si le prix de celles-ci a fait l’objet d’une mention expresse dans la notification faite à la SAFER.

Si l’ensemble des parcelles vendues sont classées en bois et forêts mais que leur superficie totale n’est pas inférieure à 4 hectare, les droits de préférence institués par le code forestier ne sont pas applicables.

Si elles le sont : 

  • Si l’État est propriétaire d’une forêt domaniale qui jouxte la parcelle en vente, il bénéficie d’un droit prioritaire. L’officier public chargé de la vente doit  informer le préfet. En cas de silence pendant 3 mois, l’État est réputé renoncer à l’exercice de son droit (art. L. 331-23 du code forestier).
  • Si la commune sur le territoire de laquelle se trouve cette propriété possède une parcelle boisée contigüe soumise à un document de gestion, elle bénéfice d’un droit de préemption (art. L. 331-22 du code forestier).
    • Dans ce cas le vendeur doit notifier le maire du prix et des conditions de la vente projetée par LRAR. Le maire dispose d’un délai de 2 mois pour répondre.
    • Le droit de préférence des voisins n’est pas applicable mais il convient cependant de le purger en cas de renonciation de la commune.
  • Si la commune sur le territoire de laquelle se trouve cette propriété ne possède pas de parcelle boisée contigüe, elle bénéficie néanmoins d’un de droit de préférence concurrent avec les propriétaires des parcelles boisées contigües tels que désignés sur les documents cadastraux (art. L. 331-19 et L. 331-24 du code forestier).
    • Le vendeur doit notifier aux voisins et au maire le prix et les modalités de la vente. Si le nombre de notifications est égal ou supérieur à 10, le vendeur peut procéder aux notifications par voie d’affichage en mairie durant un mois et de publication d’un avis dans un journal d’annonces légales.
    • Les titulaires disposent d’un délai de 2 mois pour exercer leur droit. Si plusieurs titulaires entendent exercer leur droit, le vendeur choisit librement celui auquel il souhaite céder son bien.

Actualité : Cass. civ. 3ème, 28 sept. 2023, n° 22-25.576, publié : À défaut de disposition législative le précisant, la notification ou l’affichage du prix et des conditions de la vente projetée ne vaut pas offre ferme de vente au profit du bénéficiaire du droit de préférence, de sorte que l’exercice de ce droit par le propriétaire d’une parcelle boisée contiguë ne prive pas le vendeur de la liberté de renoncer à la vente.

 

Section 2. Le nouveau droit de préférence de l’article L. 131-6-1 du code forestier 

Le bénéficiaire de ce droit de préemption est la commune sur le territoire de laquelle est situé le bien.

Il n’entrera en vigueur qu’après parution des décrets d’application.

Nous verrons d’abord son champ d’application, puis son articulation avec les autres droit de préférence.

  1. Quant à son champ d’application :

Celui-ci a pour domaine d’application juridique uniquement les ventes.

Concernant son domaine d’application matériel il s’applique aux propriétés classées en nature de bois et forêts au cadastre et situées dans un massif forestier inclus dans un plan départemental ou interdépartemental de protection des forêts.

Le bien en question ne doit pas être doté d’un simple plan de gestion, d’un règlement type de gestion ou d’un code de bonne pratique agricole.

  1. Quant à l’articulation de ce droit avec les autres droits de préférence 

 

  1. Les droits de préférence explicitement visés par le code forestier:

Ce droit de préemption ne prime pas sur le droit de préemption institué par l’art. L. 331-23 du code forestier au profit de l’État propriétaire d’une forêt domaniale jouxtant la propriété objet de la vente qui est d’une superficie totale inférieure à 4 hectares.

Le préfet du département doit être informé par l’officier public qui est chargé de la vente et il doit l’exercer dans les 3 mois, son silence valant renonciation.

Il prime en revanche sur :

  • Le droit de préemption institué par l’article L. 331-23 du code forestier au profit de la commune sur le territoire de laquelle sur trouve la propriété vendue qui possède une parcelle boisée contigüe soumise à un document de gestion (document d’aménagement ou règlement type de gestion) lorsque la propriété vendue est d’une superficie totale inférieure à 4 hectares ou sans limitation de superficie lorsque le vendeur est une personne publique dont les bois et forêts relèvent du régime forestier.

 

  • Le droit de préemption (art. L 331-19 du forestier) des propriétaires de parcelles boisées contigües lorsque la propriété objet de la vente est d’une superficie totale inférieure à 4 hectares.

 

  • Le droit de préemption (art. L. 331-24) de la commune sur le territoire de laquelle se trouve la propriété vendue lorsque celle-ci est d’une superficie totale inférieure à 4 hectares, ce droit s’appliquant également en cas de vente de droits indivis ou de droits réels de jouissance relatifs à cette propriété.

 

 

  1. Concernant l’articulation avec les droits de préférence extérieurs au code forestier :

La question peut se poser de l’articulation entre les droits de préférence institués par le code forestier et les autres droits de préférence, en particulier ceux institués au profit des personnes publiques et celui des SAFER.

Nous avons déjà vu l’articulation avec les droits de préemption explicitement régis par le code forestier. Celui-ci reste néanmoins muet quant à l’articulation de ce nouveau droit de préemption avec le droit de préemption urbain et le droit de préemption dans les espaces naturels sensibles.

Le texte régissant le nouveau droit de préemption au profit des communes ne prévoit pas d’articulation avec le droit de préemption des SAFER.

Toutefois, l’article L. 143-6 du code rural prévoit que le droit de préemption de la SAFER ne peut primer les droits de préemption au profit des personnes morales de droit public. En somme, le nouveau droit de préemption contre les risques incendie institué au profit de la commune prime sur celui de la SAFER.

 

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