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Droits de mutation à titre gratuit : nouveautés de l’année 2022

 

Trois points de l’actualité fiscale des droits de mutation à titre gratuit intéresseront les notaires en ce début d’année. Il s’agit de l’e-enregistrement des déclarations de succession, de l’abrogation du bornage temporel de l’exonération régie par l’article 794 du CGI et des taux applicables aux régimes de crédit de paiement des droits d’enregistrement

Une mesure technique de la loi de finances pour 2022 confère au notaire un rôle central dans le e-enregistrement des déclarations de succession qui devrait être opérationnel dès la fin de l’année civile.

L’abrogation du bornage temporel de l’exonération régie par l’article 794 du Code général des impôts atteste de l’inefficacité selon l’auteur, en l’espèce, de la méthode retenue par le pouvoir législatif pour assurer son contrôle des régimes de faveur.

Et enfin, la stabilité des taux applicables en 2022 aux régimes de crédit de paiement des droits d’enregistrement.

 

1. E-enregistrement des déclarations de succession : rôle du notaire

Les périmètres, calendriers et modalités pratiques du e-enregistrement des déclarations de succession ainsi que le rôle confié au notaire pour l’exécution de la formalité se précisent progressivement.

La voie a été ouverte par la loi de finances pour 2020. Dans le domaine des droits d’enregistrement, la télédéclaration et le cas échéant le télérèglement des droits ont vocation à s’appliquer aux dons manuels, déclarations de succession et cessions de droits sociaux n’étant pas constatées par un acte. L’enregistrement en ligne s’effectue au moyen d’une plateforme dédiée créée au fur et à mesure du déploiement du service pour chaque impôt concerné. Un service des impôts chargé spécifiquement de l’enregistrement dématérialisé a été créé par arrêté ministériel. Les obligations déclaratives des redevables ont été adaptées pour permettre l’exécution dématérialisée de la formalité.

La télédéclaration des dons manuels, du moins pour les plus simples d’entre eux, est effective depuis le 30 juin 2021. Elle s’opère sur le site impots.gouv.fr via l’espace particulier du donataire. Le télérèglement des droits afférents à ces dons est possible depuis septembre 2021.

 

Pour sa part, le e-enregistrement des déclarations de succession est destiné à être déployé progressivement dès cette année : à compter de 2022 et jusqu’à 2024. Plus précisément, il devrait être effectif à compter de la fin de cette année. On peut espérer qu’avec cette nouvelle modalité, l’exécution de la formalité soit instantanée, ce qui permettra d’éviter les écarts souvent de plusieurs mois existants entre le dépôt de la déclaration et son enregistrement qui sont loin d’être neutres notamment en matière de prescription. Il concernera uniquement les déclarations de succession déposées par les notaires, ce qui, suivant les indications contradictoires des travaux préparatoires de la loi de finances pour 2022, a représenté en 2020 96 % ou 98 % des déclarations souscrites.

La télétransmission des déclarations s’effectuera par un échange de fichiers dématérialisés sécurisé entre l’administration fiscale et le notaire. De tels dispositifs de transmission sécurisée d’échange d’informations existent d’ores et déjà, notamment en matière de publicité foncière. Les indications contenues dans la déclaration de succession originale notamment quant à sa sincérité, imposent que la conformité à l’original de la copie télétransmise de la déclaration et l’identité des signataires soit établie de manière fiable. Issu d’un amendement, l’article 136 de la loi de finances pour 2022 insère à cette fin un article 802 bis du CGI dans le Code général des impôts qui détaille les mentions qui devront être apposées par le notaire sur la copie de la déclaration de succession télétransmise. Cette dernière devra mentionner la certification à la fois de l’identité des parties et de la conformité de la copie transmise à l’orignal, lequel sera conservé par le notaire. On notera que cette certification est prévue par la loi elle-même et non par les décrets ou arrêtés fixant les modalités de l’enregistrement en ligne.

 

Conseil pratique :

Le praticien peut d’ores et déjà être invité à adapter la rédaction des mandats qu’il reçoit des successeurs lors des règlements successoraux pour intégrer la télétransmission de la déclaration de succession.

Il sera nécessaire qu’il appose les mentions de certification de l’identité des parties et de conformité à l’original qui deviendront des mentions de style lors de la rédaction des premières déclarations de succession qu’il télétransmettra en fin d’année. Ces mentions constituent en effet une condition requise pour l’enregistrement en ligne.

 

En ce qui concerne l’abrogation du bornage temporaire de l’exonération totale prévue par l’article 794 du CGI

La loi de finances pour 2020 entendait marquer un changement radical dans le rôle que le Parlement entendait jouer dans la création ou maintien des régimes fiscaux de faveur. Confrontés à l’existence de nombreux régimes d’exemption ne faisant l’objet d’aucune documentation fiable quant à leur efficience, leur coût et même le nombre de bénéficiaires, les parlementaires étaient résolus à affirmer leur rôle en changeant de méthode. Ainsi, les parlementaires décidèrent d’inverser les propositions en instaurant un mécanisme de « bornage temporel » de ces régimes de faveur. Un tel dispositif ne faisant l’objet d’aucune évaluation fiable verrait ses effets cesser à compter de 2023 ou 2024, sauf à être pérennisés si leur utilité pouvait entre-temps être démontrée.

On pouvait constater que la résolution des parlementaires s’émoussait rapidement. La plupart des régimes visés par les travaux parlementaires ne se sont pas finalement vu appliquer ce bornage temporel qui, dans le domaine des droits de mutation à titre gratuit, n’a été instauré qu’à l’égard de l’exonération totale prévue par l’article 794 du CGI au profit de collectivités publiques, établissements publics et autres organismes

 

En ce qui concerne les crédits de paiement : stabilité des taux

L’administration fiscale n’a pas encore fait connaître les taux d’intérêt applicables aux crédits de paiement des droits d’enregistrement qui seront sollicités en 2022.

D’après nos calculs, ces taux devraient demeurer inchangés et s’élever en 2022 comme en 2021 et 2020 à :

  • 1,20 % par an pour le taux de droit commun (CGI, ann. 3, art. 401) ;
  • 0,40 % par an pour le taux réduit applicable à certaines transmissions d’entreprises (CGI, ann. 3, art. 404 GA).

 

  • TEXTES

Demandes d’autorisation d’urbanisme dématérialisées : liste et conditions d’utilisation du dispositif

Un arrêté du 29 décembre 2021 établit la liste et les conditions d’utilisation des dispositifs dispensés de l’homologation des demandes d’autorisation d’urbanisme dématérialisées prévue à l’article R. 2131-1-B du Code général des collectivités territoriales et permet la transmission par voie électronique des actes des collectivités territoriales soumis au contrôle de légalité. Il est entré en vigueur le 1er janvier 2022.

 

Actualisation pour 2022 des valeurs forfaitaires servant au calcul de l’assiette de la taxe d’aménagement

Les valeurs au mètre carré de surface de construction constituant l’assiette de la taxe d’aménagement perçue sur les opérations d’aménagement et les opérations de construction, de reconstruction et d’agrandissement des bâtiments, installations ou aménagements de toute nature soumises à un régime d’autorisation sont actualisées, au 1er janvier de chaque année, en fonction du dernier indice du coût de la construction connu à cette date, et arrondies à l’euro inférieur (C. urb., art. L. 331-11).

La taxe d’aménagement est assise sur la valeur, déterminée forfaitairement par mètre carré, de la surface de la construction.

Le dernier indice connu par l’INSEE s’établissant à 1 886 (indice du 3e trimestre 2021), l’arrêté du 29 décembre 2021 fixe les tarifs de la taxe d’aménagement, pour la période du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2022, aux valeurs suivantes :

  • 820 € par m² de la surface de construction hors Île-de-France ;
  • 929 € par m² de la surface de construction dans les communes de la région d’Île-de-France.

 

  • JURISPRUDENCE 

Le bailleur est-il tenu d’assurer la bonne commercialité du centre permettant l’exploitation pérenne du fonds ?

Dans une décision du 15 décembre 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a considéré que le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, sans être tenu, en l’absence de clause particulière, d’en assurer la commercialité.

En l’espèce, une société civile immobilière (SCI) a consenti à une autre société un bail commercial sur un local situé au premier étage d’un centre commercial. Cette dernière a assigné la SCI en résiliation du bail et indemnisation de son préjudice résultant des manquements du bailleur à son obligation de délivrance et à ses engagements contractuels, en n’assurant pas une commercialité du centre permettant l’exploitation pérenne de son fonds.

La cour d’appel (CA Paris, 4 mars 2020, n° 19/10473) prononce la résiliation du bail aux torts de la preneuse à bail, condamne la SCI à lui verser la seule somme de 172 000 € en réparation de la perte de chance par elle subie, condamne la preneuse à bail au paiement d’un arriéré locatif et dit que le bailleur pourrait faire application de la clause 29 du bail pour le calcul des intérêts moratoires. Elle retient aussi que le bailleur a manqué à son engagement contractuel de délivrer un local dans un centre commercial haut de gamme présentant une décoration soignée.

L’arrêt d’appel est partiellement cassé. La cour d’appel a exactement retenu que le bailleur d’un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire n’est, à défaut de stipulations particulières du bail, pas tenu d’assurer la bonne commercialité du centre. Pour déduire l’existence à la charge du bailleur de l’obligation de délivrer à la preneuse à bail un local dans un centre commercial de haut de gamme présentant une décoration soignée, l’arrêt retient qu’il résulte des articles 3 et 13 des conditions générales du bail, ainsi que de l’article 14 de ses conditions particulières, que les parties ont entendu tout mettre en œuvre pour que le centre ait un positionnement différent des autres centres, non seulement en termes de qualité environnementale, mais également quant à l’architecture et à la décoration particulièrement soignée. En statuant ainsi, après avoir relevé que les clauses précitées n’engendraient d’obligations qu’à la charge du preneur mais aucune obligation particulière à la charge du bailleur, la cour d’appel viole l’article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l’article 1719 du même code.

Droit de repentir du bailleur et processus irréversible de départ des lieux

Dans un arrêt du 15 décembre 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a énoncé que l’engagement d’un processus irréversible de départ des lieux loués suffit à faire obstacle à l’exercice du droit de repentir par le bailleur. Il n’est pas nécessaire qu’il en ait connaissance au jour de la signification.

En l’espèce, une société, titulaire d’un bail commercial portant sur des locaux appartenant à une société civile immobilière (SCI), en a sollicité le renouvellement. Le 30 avril 2009, la SCI lui a notifié un refus de renouvellement du bail avec offre de paiement d’une indemnité d’éviction. Assignée par la locataire en paiement de cette indemnité, la SCI a signifié, le 21 août 2013, son repentir. Le 30 août suivant, après établissement d’un état des lieux contradictoire, les clefs ont été restituées.

L’analyse de la Cour d’appel de Montpellier est partagée par la Haute juridiction qui censure l’arrêt d’appel au visa de ce texte. Elle rappelle que le propriétaire peut, jusqu’à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, se soustraire au paiement de l’indemnité, à charge pour lui de supporter les frais de l’instance et de consentir au renouvellement du bail dont les conditions, en cas de désaccord, sont fixées conformément aux dispositions réglementaires prises à cet effet. Ce droit ne peut être exercé qu’autant que le locataire est encore dans les lieux et n’a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation.

Puis elle relève que pour déclarer valable l’exercice du droit de repentir, la cour d’appel retient qu’il n’est pas établi que, au jour de la signification de celui-ci, la SCI avait connaissance d’un processus irréversible de départ des lieux loués.

Dès lors, en statuant ainsi, alors que l’engagement d’un tel processus par le preneur suffit à faire obstacle à l’exercice du droit de repentir par le bailleur, la cour d’appel a ajouté une condition à la loi et violé le texte susvisé.

 

Vente d’immeuble rescindée pour lésion : le vendeur doit savoir ce qu’il veut !

Dans une décision du 5 janvier 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré qu’en cas de lésion, l’acquéreur rend le bien au vendeur ou le conserve en rehaussant le prix. Cette option exercée dans le délai fixé par le juge ayant statué sur la lésion ou, à défaut, dans un délai considéré comme « raisonnable » – ici quatre ans – ne peut être contestée.

 

Une maison est vendue avec convention d’occupation consentie aux vendeurs moyennant le versement d’une indemnité mensuelle. La rescision de la vente pour lésion est prononcée, l’acquéreur ayant le choix de rendre le bien immobilier ou de le conserver en fournissant un supplément de prix, sous la déduction du dixième du prix total. L’acquéreur est placé en liquidation judiciaire. Les vendeurs déclarent leur créance, déclaration contestée par le liquidateur faisant connaître qu’il entendait garder l’immeuble en payant le supplément de prix. Les vendeurs assignent l’acquéreur et son liquidateur judiciaire afin d’invalider cette demande d’option. Ils considèrent qu’en s’abstenant de se prononcer sur le supplément de prix pendant quatre ans et en les laissant, au cours de la même période, continuer d’occuper l’immeuble sans leur demander de loyer, l’acquéreur avait nécessairement renoncé à son droit d’option.

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi des vendeurs. « L’exercice de l’option prévue par l’article 1681 du Code civil appartient à l’acquéreur qui en a seul l’initiative et qui doit l’exercer dans le délai prévu par la décision qui a admis la lésion, ou, à défaut, dans un délai raisonnable ».

 

L’acquéreur « disposait de l’option qui lui permettait soit de laisser la rescision produire ses effets, soit d’en arrêter les effets en payant un supplément de prix depuis le jugement » de rescision ; et la cour d’appel ne l’avait pas assortie d’un délai. Plus précisément, il disposait de cette option depuis le jugement du 8 novembre 2012 ayant prononcé la rescision. Il avait fait connaître sa volonté de garder l’immeuble lors de sa comparution devant le juge commissaire à l’audience du 8 novembre 2016. La manifestation de sa volonté de garder l’immeuble n’était pas tardive. Il avait par conséquent régulièrement exercé l’option.

 

Le devoir de mise en garde du banquier à l’épreuve de la prescription

Dans une décision du 5 janvier 2022, la première chambre civile a considéré que le point de départ de l’action en responsabilité contractuelle du banquier pour manquement à son obligation de mise en garde de l’emprunteur peut être la date de conclusion du contrat ou celle de la connaissance du préjudice lié au manquement de la banque. Distinction et confirmation de la Cour de cassation.

Deux arrêts de la première chambre civile du même jour viennent rappeler les règles de prescription applicables à l’action en responsabilité contractuelle du banquier pour manquement à son obligation de mise en garde de l’emprunteur, distinguant deux situations.

Lorsque l’emprunteur est averti : 

Dans la première affaire (n° 19-24.436, B), une banque prononce la déchéance du terme d’un prêt immobilier et assigne l’emprunteur en paiement des échéances impayées. Celui-ci sollicite notamment des dommages-intérêts au titre de manquements de la banque à son obligation de mise en garde lors de l’octroi du prêt et également à son obligation d’information et de conseil au titre de l’assurance souscrite.

Ses demandes sont rejetées.

En ce qui concerne le prêt. – La Cour de cassation approuve l’arrêt d’appel : la banque n’était pas tenue ici d’un devoir de mise en garde à son égard car il était « averti » : à la date de la conclusion du prêt, il était associé majoritaire d’une société et gérant d’une autre dans le domaine immobilier depuis un moment, « l’exercice de ces fonctions lui avait permis d’acquérir une expérience professionnelle et une connaissance certaine du monde des affaires ».

 

En ce qui concerne le contrat d’assurance de groupe. – Lorsqu’un emprunteur a adhéré à un contrat d’assurance de groupe du prêteur pour garantir l’exécution de ses engagements, le délai de prescription de son action en responsabilité au titre d’un manquement du prêteur au devoir d’information et de conseil sur les risques couverts court à compter du jour où il a connaissance du défaut de garantie du risque qui s’est réalisé (C. civ., art. 2224). Sa demande introduite au-delà du délai de prescription quinquennale, était prescrite (voir aussi en ce sens Cass. com., 22 janv. 2020, n° 17-20.819 et Cass. com., 6 janv. 2021, n° 18-24.954).

 

Lorsque l’emprunteur est non-averti :

Dans la seconde affaire (n° 20-18.893, B), une banque consent à un couple un prêt professionnel destiné au rachat d’une licence de taxi. À la suite d’échéances impayées et l’un des époux ayant été placé en redressement judiciaire, la banque assigne l’autre époux en paiement. En appel, celui-ci sollicite des dommages-intérêts au titre d’un manquement de la banque à son devoir de mise en garde.

Les juges du fond rejettent la demande de l’emprunteur, retenant que le dommage résultant d’un manquement à l’obligation de mise en garde se manifeste dès l’octroi du crédit, pour en déduire que le délai de prescription de cinq ans avait commencé à courir dès la date de souscription du contrat et que l’action était par conséquent prescrite.

La Cour de cassation sanctionne cette position : « l’action en responsabilité de l’emprunteur non averti à l’encontre du prêteur au titre d’un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l’emprunteur d’appréhender l’existence et les conséquences éventuelles d’un tel manquement » (C. civ., art. 2224). La cour d’appel a violé l’article 2224 du Code civil.

Une autre affaire tranchée le même jour (Cass. 1re civ., 5 janv. 2022, n° 20-17.325, B) va également dans ce sens.

 

Preuve de la filiation et certificat de nationalité : question de force probante

Dans une décision du 3 novembre 2021, la Cour de cassation rejette un pourvoi dirigé contre un arrêt d’appel ayant jugé qu’un certificat de nationalité française fut délivré à tort et, partant, qu’il était impropre à établir le lien de filiation de l’intéressé avec son prétendu père français. Ainsi, les conseillers d’appel n’ont pas inversé la charge de la preuve, dès lorsqu’ils constatèrent que le certificat avait été délivré au regard d’une version du jugement supplétif d’acte de naissance rendu par une juridiction de paix sénégalaise dont les mentions relatives à la composition du tribunal différaient de celles portées sur une autre version du même jugement produite devant eux. En jugeant que ces différences ne concernaient pas de simples erreurs de plume, la cour d’appel a légalement justifié sa décision d’extranéité.

 

Adoption par l’épouse des enfants de sa femme nées d’une insémination artificielle à l’étranger

Dans une décision du 3 novembre 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation a énoncé que l’adoption plénière des enfants, nées d’une insémination artificielle à l’étranger, par l’épouse de leur mère, est possible lorsqu’un projet parental a existé et que la connaissance des origines et de la filiation commande de ne pas faire disparaître l’épouse de l’histoire familiale des petites filles.

Si la décision fournit un exemple d’adoption de l’enfant du conjoint dans un couple de femmes mariées, à la suite d’une insémination artificielle effectuée à l’étranger, la place que le projet parental occupe dans la motivation retenue en appel suscite des interrogations. Ici utilisée comme une notion à contenu variable, dont le droit de la famille n’est pas avare, le « projet parental » se trouve à l’origine du nouveau mécanisme de reconnaissance anticipée, mis en place à l’article 342-10 du Code civil par la loi bioéthique du 2 août 2021.

 

Liberté matrimoniale : l’altération du consentement n’équivaut pas au défaut de consentement

L’arrêt rendu par la cour d’appel d’Angers, le 21 octobre 2021, mérite l’attention en ce qu’il distingue bien défaut de consentement et altération du consentement en matière matrimoniale. La cour rappelle, à juste titre, que la validité du consentement doit s’apprécier au jour où il s’exprime et que c’est à celui qui conteste la validité du mariage de rapporter la preuve du défaut de consentement. Elle complète en affirmant, toujours justement, qu’« aucune maladie, aucune infirmité ne peut à elle seule interdire à une personne de se marier, pourvu qu’elle n’empêche pas le consentement de s’exprimer ». En l’espèce, la démence sénile du mari ne pouvait donc constituer, en elle-même, la preuve d’un défaut du consentement dès lors que persistaient des éclairs de lucidité. Par ailleurs, les conjoints avaient souscrit, quelques jours avant le mariage, un contrat conjugal devant notaire sans que l’officier public ne constate un « défaut de capacité de s’engager ». Par conséquent, les juges angevins en déduisent, logiquement, qu’il n’est pas établi qu’au jour de l’union, la conscience de la portée de l’engagement pris par l’époux faisait défaut.

 

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