• JURISPRUDENCE 

Vente immobilière – Formation du contrat malgré la rétractation : la Cour de cassation persiste et signe – Focus par Pierre Noual

Cass. 3e civ., 20 oct. 2021, n° 20-18.514 : JurisData n° 2021-016744

Depuis l’entrée en vigueur de la réforme de 2016, l’article 1124 du Code civil définit la promesse unilatérale de vente comme « le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire »

Antérieurement à la réforme, et en application des anciens articles 1101 et 1134 du Code civil, la Cour de cassation décidait de manière constante que la levée de l’option postérieurement à la rétractation du promettant excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, si bien que la demande en réalisation forcée de la vente devait être rejetée (Cass. 3e civ., 15 déc. 1993, n° 91-10.199, Cruz : JurisData n° 1993-002405 ; D. 1994, p. 230, obs. O. Tournafond) et la violation, par le promettant, de son obligation de faire ne pouvait ouvrir droit qu’à des dommages-intérêts (Cass. 3e civ., 28 oct. 2003, n° 02-14.459 : JurisData n° 2003-020753). Cette jurisprudence n’étant pas satisfaisante, le nouvel article 1124, alinéa 2, du Code civil prive désormais d’effet toute rétraction « pendant le temps laissé au bénéficiaire pour lever l’option ».

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a refusé toute application rétroactive de cette loi (Cass. 3e civ., 6 déc. 2018) mais le 23 juin 2021 un arrêt a marqué un revirement notable puisque le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire (Cass. 3e civ., 23 juin 2021). 

L’arrêt du 20 octobre 2021 que je vais traiter illustre la position réaffirmée de la troisième chambre civile qui persiste et signe l’adoption définitive de sa nouvelle jurisprudence.

Dans cette affaire, la cour d’appel d’Agen le 10 juin 2020 avait estimé que la rétractation de la société, intervenue avant la levée de l’option par les bénéficiaires de la promesse, faisait obstacle à la réalisation de la revente.

En effet, puisque les juges agenais avaient rappelé le caractère ferme et définitif de l’engagement du promettant, même si la promesse n’avait prévu aucun délai pour lever l’option d’achat, la rétractation de la société ne constituait pas une circonstance propre à empêcher la formation de la vente au profit des particuliers.

 

Contrats et obligations – Clause abusive et saisine d’office du juge – Veille

Par application de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE, 4 juin 2009), le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu’il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose. C’est ce que rappelle la 2e chambre civile dans un arrêt du 14 octobre 2021. 

En l’espèce, une clause était insérée dans un contrat collectif d’assurance sur la vie causant une baisse du montant de la rente annuelle susceptible d’être versée à l’assuré.

La Cour de cassation casse la décision des juges du fond au visa de l’article L. 132-1 du Code de la consommation (devenu C. consom., art. L. 212-1). Elle estime qu’il incombait à la Cour d’appel de rechercher si la clause, qui renvoyait au « tarif en vigueur », était rédigée de façon claire et compréhensible et si elle permettait à l’adhérent d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières qui en découlaient pour lui et, dans le cas contraire, si elle n’avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif.

 

Pension de réversion et polygamie

CE, 9e et 10e ch., 13 oct. 2021, n° 441390 : Lebon

L’article 147 du code civil interdit la polygamie en France. Sous l’époque coloniale l’hypothèse de la polygamie a pu être consacrée dans un droit qui est toujours d’actualité.

En l’espèce il s’agissait d’un requérant né en Algérie, alors département national, et marié à Mme D. en 1957, puis (sans divorcer du premier lien nuptial) à Mme B. en 1959, ce que la législation coloniale permettait au profit des musulmans français ne souhaitant pas être placés sous l’empire de la loi et du statut personnel nationaux. Le requérant à la suite des accords d’Évian a rejoint la France métropolitaine, accompagné de ses deux épouses, et tous trois se sont vu reconnaître la nationalité française, en application des dispositions de l’article 2 de l’ordonnance du 21 juillet 1962. 

Ses deux « unions ont été reconnues par deux actes de mariage, établis sur les registres […] de l’état civil du ministère des affaires étrangères » comme cela fut proposé aux anciens ressortissants des anciennes colonies et/ou départements français. En 2006, l’ancien militaire a bénéficié d’une pension de réversion car Mme B. était fonctionnaire au ministère de la Culture. Toutefois, en 2018, le ministère s’est rendu compte que l’homme était toujours marié avec sa première épouse et en a déduit qu’il ne pourrait plus bénéficier de la pension litigieuse, et ce, au regard de l’article 46 du Code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR), car il ne vivait effectivement pas sur ses seules ressources. 

En cassation le requérant s’est fait expliquer que son droit à pension avait ainsi justement été suspendu, mais pourrait au besoin être rouvert et matérialisé au terme du premier mariage maintenu. Du fait de la prescription quadriennale, le ministère a par ailleurs demandé au requérant de rembourser non pas l’intégralité des sommes indûment versées au pensionné, mais les pensions de l’année en cours et des trois précédentes. 

 

Obligation de prendre en compte la valeur du droit au bail dans l’évaluation de l’indemnité d’éviction

Dans une décision du 13 octobre 2021, la troisième chambre civile a énoncé que l’indemnité d’éviction doit être fixée en tenant compte de la valeur du droit au bail des locaux dont le locataire est évincé, lequel est un élément du fonds de commerce.

En l’espèce, il s’agissait d’une société propriétaire de locaux commerciaux dans un centre commercial donnés à bail à une autre. Le propriétaire a délivré au locataire un congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d’une indemnité d’éviction. 

La locataire, qui s’est réinstallée dans d’autres locaux commerciaux, a assigné la bailleresse en fixation de l’indemnité d’éviction.

La cour d’appel (CA Paris, 27 mai 2020) a énoncé que la valeur du droit au bail est nulle et a limité l’indemnité d’éviction aux seules indemnités accessoires.

L’arrêt d’appel est partiellement cassé. Pour dire que la valeur du droit au bail est nulle, l’arrêt énonce que, dans l’hypothèse où le preneur s’est effectivement réinstallé dans un nouveau local dont le loyer est inférieur au loyer des locaux dont a été évincée la société locataire et que le nouveau bail n’a pas été conclu dans des conditions désavantageuses pour la société locataire, qui peut y exercer la même activité dans des locaux de superficie équivalente et sans avoir eu à régler un droit d’entrée. 

Toutefois la Cour de cassation relève que la Cour d’appel aurait dû tenir compte dans sa décision de la valeur du droit au bail portant sur le local dont le preneur a été évincé, la cour d’appel viole l’article L. 145-14 du Code de commerce. Elle n’énonce pas clairement si la prise en compte de cet élément remettrait en question le caractère nul de l’indemnité toutefois il convient de l’apprécier. 

 

Bail commercial – Vices apparus en cours de bail et obligation de délivrance du bailleur – Veille

En l’espèce, il s’agissait de deux époux qui ont donné à bail des locaux commerciaux. Par la suite, le maire a ordonné la fermeture au public de l’établissement. Invoquant un manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance, le liquidateur judiciaire du locataire a assigné les bailleurs en résolution judiciaire du bail commercial, en restitution des loyers perçus et en indemnisation de divers préjudices.

Dans un arrêt du 23 janvier 2020, la Cour d’appel de Rouen rejette la demande de résolution judiciaire du bail commercial.

Dans cette décision du 13 octobre 2021, la Cour de cassation approuve la cour d’appel en énonçant que sans préjudice de l’obligation continue d’entretien de la chose louée, les vices apparus en cours de bail que le preneur était seul à même de constater, ne sauraient engager la responsabilité du bailleur que si, informé de leur survenance, celui-ci n’a pris aucune disposition pour y remédier.

 

Extension d’une terrasse installée sur le domaine public et déplafonnement du loyer

Cass. 3e civ., 13 oct. 2021, n° 20-12.901, FS-B : JurisData n° 2021-016447

Dans une décision du 13 octobre 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a énoncé que l’extension, au cours du bail expiré, d’une terrasse de plein air devant l’établissement, installée sur le domaine public et exploitée en vertu d’une autorisation administrative, ne peut être retenue comme une modification des caractéristiques des locaux loués, dès lors qu’elle ne fait pas partie de ceux-ci. Mais l’autorisation municipale accordée, en permettant d’étendre l’exploitation d’une terrasse sur le domaine public, contribue au développement de l’activité commerciale, de sorte que la cour d’appel devait rechercher si cette situation modifiait les facteurs locaux de commercialité et constituait par là même un motif de déplafonnement.

 

Autorisation d’urbanisme : une notification du recours au siège social de la société bénéficiaire

CE, 1re et 4e ch., 20 oct. 2021, n° 444581 : Lebon T.

Dans une décision du 20 octobre 2021, les premières et quatrièmes chambres du Conseil d’Etat ont énoncé que la formalité de la notification du recours contre une autorisation d’urbanisme à son bénéficiaire et à son auteur (C. urb., art. R. 600-1) est régulièrement accomplie quand elle est effectuée, non à l’adresse mentionnée dans l’autorisation, mais au siège social de la société bénéficiaire. Il s’agit d’une solution de principe. Elle est limitée au regard de la sécurité juridique. 

En l’espèce, l’adresse figurant dans l’arrêté était celle de l’établissement secondaire de la société au profit de laquelle les travaux étaient prévus. 

Cette solution n’était pas adaptée à l’objectif de sécurité juridique poursuivi par le texte quand la personne morale dispose, comme dans la présente affaire, de nombreuses implantations.

 

Fiscalité – Valeur d’apport majorée : absence de caractérisation d’une libéralité – Veille

CE, 8e et 3e ch., 20 oct. 2021, n° 445685

Dans une décision du 20 octobre 2021, les troisièmes et huitièmes chambres ont énoncé que la seule circonstance qu’une société bénéficie d’un apport pour une valeur que les parties ont délibérément majorée par rapport à la valeur vénale de l’objet de la convention ne saurait par elle-même traduire l’existence d’un appauvrissement de la société bénéficiaire de l’apport au profit de l’apporteur.

Dès lors, l’apporteur des titres ne bénéficie pas de la part du bénéficiaire de l’apport d’une libéralité, taxable entre ses mains sur le fondement de l’article 111, c, du CGI, au seul motif que les parties à cette opération ont délibérément retenu une valeur d’apport supérieure à la valeur réelle des actifs apportés.

 

  • DOSSIER

Loi Climat, documents d’urbanisme et lutte contre l’artificialisation des sols

La loi Climat et résilience assigne désormais à l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme un nouvel objectif de lutte contre l’artificialisation des sols, avec un objectif d’absence d’artificialisation nette à terme.

La mise en œuvre de cet objectif devant être différenciée et territorialisée, c’est aux documents locaux d’aménagement et d’urbanisme qu’il revient de le concrétiser, le but étant de tenir compte des contraintes et dynamiques propres aux différentes parties du territoire.

Afin que ce nouvel objectif ne tarde pas à être mis en œuvre, la loi a fixé de strictes échéances aux auteurs des documents locaux d’aménagement et d’urbanisme pour en concrétiser les exigences.

 

Environnement – Loi Climat et densification – Etude rédigée par : Vivien Zalewski-Sicard

En matière de densification, la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 traite de la contrainte et l’incitation. La contrainte consiste à imposer une densité minimale aux opérations d’aménagement. L’incitation vise à encourager les projets permettant la densification, en multipliant les dérogations à la réglementation en vigueur.

L’auteur effectue une remarque : Lors de la vente d’une friche, c’est-à-dire, suivant l’article L. 111-26 du Code de l’urbanisme, tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables, il pourra être envisagé d’insérer dans le contrat préparatoire de vente une condition suspensive d’obtention d’un certificat de projet, ce afin de sécuriser la situation de l’acquéreur.

Par ailleurs, si le certificat de projet a été obtenu par le vendeur, son transfert devrait pouvoir être prévu au profit de l’acquéreur, si est retenu le caractère réel d’un tel certificat.

L’auteur précise également que :

  • Le règlement des PLU peut imposer une densification minimale dans les ZAC.
  • Les dérogations aux règlements des PLU sont modifiées pour encourager la densification.
  • Est créé un nouveau certificat de projet pour encourager la reconversion des friches.

 

Loi Climat, autorisation commerciale et lutte contre l’artificialisation des sols

La loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 consacre un principe d’interdiction des projets de création de surface de vente engendrant une artificialisation des sols, admettant des dérogations pour ceux de moins de 10 000 m².

Le principe d’interdiction des projets engendrant une artificialisation des sols est un principe absolu pour les surfaces de vente de plus de 10 000 m².

  • Pour les surfaces de vente de moins de 10 000 m², des dérogations sont prévues par le Code du commerce.
  • Les projets créant une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 m² et engendrant une artificialisation des sols pourront donner lieu à saisine de la CDAC.

 

Loi Climat et réhabilitation des zones d’activité économique

La loi Climat et résilience du 22 août 2021 encourage la revitalisation des zones d’activité économique existantes avec, notamment, la possibilité de contraindre le propriétaire à réaliser des travaux.

Conseil pratique :

Du fait de la création de cette obligation de réhabilitation, il apparaît nécessaire, lors de la vente d’un immeuble à usage industriel, commercial ou artisanal, n’étant plus exploité, de vérifier si celui-ci est inclus dans une zone d’activité économique où un tel pouvoir peut être mis en œuvre et s’il est considéré comme vacant au sens de l’article L. 318-8-2 du Code de l’urbanisme. Si tel est le cas, il y aura lieu d’établir si le vendeur a fait l’objet d’une mise en demeure de réhabiliter l’immeuble et de préciser à l’acquéreur les travaux devant être réalisés. En l’absence de mise en demeure du vendeur, l’acquéreur sera informé qu’une telle mise en demeure est susceptible d’intervenir s’il ne met pas fin à la vacance de l’immeuble.

L’auteur précise également que :

  • Les zones d’activité économique (ZAE) sont définies par l’article L. 318-8-1 du Code de l’urbanisme.
  • Le propriétaire d’un immeuble non exploité dans une ZAE peut être mis en demeure de procéder à la réhabilitation de celui-ci.
  • À défaut de réhabilitation après mise en demeure, une procédure d’expropriation peut être engagée.

 

Loi Climat : vers une réhabilitation plus adaptée des anciennes installations classées

S’inscrivant dans le prolongement de la loi ASAP du 7 décembre 2020, la loi Climat et résilience du 22 août 2021 participe d’une meilleure définition des enjeux propres à la réhabilitation des anciennes installations classées. Elle est susceptible d’offrir de nouveaux outils aux notaires afin de sécuriser au mieux les actes de vente ayant pour objet les immeubles les supportant.

L’auteur précise que :

  • Si la « réhabilitation » dont est tenu le dernier exploitant d’une ICPE consiste notamment à mettre en compatibilité l’état des sols avec un usage déterminé, la loi Climat et résilience donne une définition autonome de l’usage qui constitue « la fonction ou la ou les activités ayant cours ou envisagées pour un terrain ou un ensemble de terrains donnés, le sol de ces terrains ou les constructions et installations qui y sont implantées ».
  • Une typologie environnementale des usages à laquelle les différents acteurs de la « réhabilitation » devront se référer doit être fixée par décret.

 

  • DROIT COMMERCIAL 

Le dol du mandataire engage-t-il la responsabilité du mandant ? La Chambre mixte tranche

Cass. ch. mixte, 29 oct. 2021, n° 19-18.470, B+R

Dans une décision du 29 octobre 2021, la Chambre mixte de la Cour de cassation pose le principe selon lequel la responsabilité civile du mandant n’est engagée que si la victime prouve que celui-ci a participé personnellement aux manœuvres dolosives commises par le mandataire dans l’exercice de son mandat.

La victime du dol peut intenter une action annulation de la convention pour vices du consentement. Si elle s’abstient de demander la nullité du contrat, elle dispose néanmoins d’une action en responsabilité délictuelle pour obtenir réparation du préjudice qu’elle a subi. 

 

  • DROIT INTERNATIONAL

Renouveau surprenant du prélèvement compensatoire dans les successions internationales : Que doit faire le notaire ? 

Cet article attire l’attention des notaires sur l’entrée en vigueur depuis le 1er novembre 2021 du troisième alinéa introduit au sein de l’article 913 du Code civil « lorsque le défunt ou au moins l’un de ses enfants est, au moment du décès, ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou y réside habituellement et lorsque la loi étrangère applicable à la succession ne permet aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants, chaque enfant ou ses héritiers ou ses ayants cause peuvent effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens existants situés en France au jour du décès, de façon à être rétablis dans les droits réservataires que leur octroie la loi française, dans la limite de ceux-ci. » 

Même s’il est permis de douter de la conformité avec le droit européen, voire de la constitutionnalité, de cette nouvelle disposition, le notaire est obligé de prendre en considération ce nouvel article 913, alinéa 3, du Code civil. 

Toutefois, il doit prendre toutes les précautions qui s’imposent dans son application. Comment chaque notaire peut-il procéder ? 

En préalable, dès lors que des enfants sont présents dans la succession, que le défunt ou au moins l’un de ceux-ci est, au moment du décès, ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou y réside habituellement et que la succession relève d’une loi étrangère par application du Règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions, le notaire devra vérifier que « la loi étrangère applicable à la succession ne permet aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants » du moins lorsque la succession n’est pas ab intestat. 

Il constatera : 

  • D’une part, que la réserve héréditaire est largement connue en droit comparé 
  • D’autre part, que les pays qui ignorent cette institution prévoient tous des équivalents fonctionnels. 

S’il s’avère que la loi étrangère applicable à la succession ne connaît pas directement la réserve héréditaire des enfants, l’application éventuelle de l’article 913, alinéa 3, du Code civil sera envisagée avec les héritiers et les personnes gratifiées par le défunt. 

Les auteurs estiment alors que dans un premier temps, le notaire devra :

  1. exposer aux intéressés les dispositions du Règlement n° 650/2012 et les conséquences de son application (sur le point ici examiné : loi étrangère applicable à la succession, absence de réserve directement prévue dans celle-ci mais existence d’un équivalent fonctionnel ; position actuelle de la jurisprudence française retenant l’absence d’atteinte à l’ordre public international français, sauf situation de précarité économique ou de besoin : v. Civ. 1, 27 septembre 2017, deux arrêts, n° 16-13151 et 16-17198) ;

 

  1. les informer de l’existence de l’article 913, alinéa 3, du Code civil français tout en leur expliquant que le Règlement susvisé bénéficie de la primauté sur la loi interne (art. 55 de la Constitution) et devrait conduire, selon lui, à écarter le texte national en raison de la compétence de la loi étrangère désignée par le Règlement ; 

 

  1. Les alerter sur le fait que même si la réserve héréditaire des enfants n’est pas directement prévue dans la loi étrangère dès lors que celle-ci prévoit un équivalent fonctionnel, on pourrait considérer qu’on sort du champ d’application de l’article 913, alinéa 3, du Code civil. 

 

Dans un second temps, trois situations peuvent se présenter :

  • Les enfants concernés décident d’invoquer le bénéfice de l’article 913, alinéa 3, du Code civil ; ils doivent alors, s’agissant d’intérêts privés, s’entendre avec les autres héritiers et gratifiés sur les modalités concrètes de son application (masse de calcul de la réserve, questions du rapport et de la réduction des libéralités…) ;

 

  • Les enfants concernés décident de ne pas revendiquer l’application de l’article 913, alinéa 3, du Code civil soit en considérant que l’équivalent fonctionnel que connaît la loi étrangère est suffisamment protecteur, soit en raison d’une renonciation pure et simple puisque l’application de la règle est facultative pour eux ; aucun formalisme ne s’impose pour une telle décision, le notaire la recueillera dans un écrit signé des parties, au minimum des enfants qui auraient pu revendiquer le bénéfice de la règle ; 

 

  • S’il y a désaccord entre les intéressés ; il reviendra à la partie la plus diligente de saisir le tribunal judiciaire, dont la compétence internationale ne pourra être déterminée qu’en application des dispositions du Règlement n°650/2012, après que le notaire aura expliqué qu’en se prévalant de l’article 913, alinéa 3, du Code civil on s’engage dans une procédure très aléatoire quant à son résultat et de longue durée…

 

Le notaire devra se ménager la preuve écrite de l’accomplissement de son devoir de conseil et de l’information aux parties de la primauté du Règlement sur ce texte de droit interne et partant de l’incertitude entourant l’efficacité de sa mise en œuvre si son incompatibilité aux textes internationaux était judiciairement prononcée. Enfin, on rappellera que ce droit de prélèvement concerne uniquement les successions ouvertes à compter du 1er novembre 2021, y compris si des libéralités ont été consenties par le défunt avant cette date (L. n° 2021-1109, art. 24 II).

 

  • ENTREPRISE

Dans une décision du 22 septembre 2021 la chambre commerciale de la Cour de cassation a énoncé qu’un gérant continuant une activité déficitaire ne commet pas de faute de gestion dès lors que celle-ci est compensée par une activité bénéficiaire, car rien n’interdit à une société de chercher à équilibrer une activité par une autre.

 

  • IMMOBILIER

La procédure de mise à disposition des associations des immeubles confisqués enfin dévoilée

La loi du 8 avril 2021 avait introduit la possibilité pour l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués de mettre à disposition des immeubles au bénéfice de certaines associations et fondations. Le décret n° 2021-1428 du 2 novembre 2021 en spécifiant les modalités vient d’être publié.

Certaines associations et fondations pourront désormais demander à bénéficier d’immeubles libres d’occupants saisis ou confisqués au cours d’une procédure pénale.

Les associations concernées sont notamment les suivantes : celles ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire.

Les biens immobiliers seront mis à disposition par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (ci-après « l’Agence »), dont le directeur devra prévoir des mesures de publicité afin que les associations puissent se porter candidates (article 4). Le conseil d’administration de l’Agence autorisera le contrat.

Le décret prévoit également que les critères d’appréciation et de sélection des dossiers de candidature.

La mise à disposition peut être convenue à titre onéreux ou gratuit et prendra la forme d’une convention d’occupation précaire ou d’un contrat de bail (articles 9 et 10) d’une durée maximale de 3 ans, renouvelable pour la même durée.

Le bénéficiaire de la mise à disposition de l’immeuble devra présenter un compte-rendu annuel à l’Agence afin de faire preuve de la bonne exécution du contrat.

 

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