Droit immobilier :

  • Remise gratuite au bailleur des aménagements réalisés par le preneur : détermination du complément de loyer imposable 
  • Acquisition par une commune par voie de préemption et capacité du maire
  • La renonciation à usufruit ne peut pas résulter de l’inaction de l’usufruitier 
  • Précisions sur la reconnaissance de dette intervenue après l’expiration du délai de prescription

Droit de l’urbanisme :

  • Modernisation des SCOT : le décret est publié 
  • Expérimentation d’un mécanisme dérogatoire d’obtention des signes de qualité requis pour la réalisation des travaux de rénovation énergétique ouvrant droit à certaines aides publiques
  • Périmètre des opérations relevant de la déclaration préalable
  • Remise en état de palissades et procédure d’immeuble en péril 
  • Obligations des communes en matière d’élagage

Droit des sociétés : 

  • Covid-19 : création d’une aide complémentaire pour la reprise de fonds de commerce fermés entre novembre 2020 et mai 2021 
  • Sauf abus de droit, une assemblée générale de SARL peut se tenir n’importe où

Droit fiscal : 

  • Réduction pour investissements outre-mer : double condition de souscription préalable d’un engagement de location et de location effective
  • Assujettissement des dons manuels : l’article 757 du Code général des impôts est-il constitutionnel ?

Droit de la famille : 

  • La volonté de la personne vieillissante en amont de l’ouverture d’une mesure de protection

 

Droit immobilier : 

Remise gratuite au bailleur des aménagements réalisés par le preneur : détermination du complément de loyer imposable

CE 19 mai 2021

Cette décision indique que lorsqu’un contrat de bail prévoit la remise gratuite au bailleur, en fin de bail, des aménagements ou constructions réalisés par le preneur, la valeur de cet avantage constitue, pour le bailleur, un complément de loyer imposable au titre de l’année au cours de laquelle le bail arrive à expiration ou fait l’objet, avant l’arrivée du terme, d’une résiliation.

Le montant du complément de loyer imposable correspond, sauf disposition législative ou réglementaire contraire, au surcroît de valeur vénale conféré, à la fin du bail, à l’immeuble donné en location, du fait des aménagements ou constructions réalisés par le preneur.

 

Acquisition par une commune par voie de préemption et capacité du maire

Réponse ministérielle du 20 mai 2021

Etait posée au ministre la question suivante : Lorsqu’un maire dispose d’une délégation du conseil municipal pour exercer le droit de préemption, cette délégation permet-elle au maire de signer l’acte authentique d’acquisition du bien considéré ou bien une nouvelle délibération du conseil municipal est-elle nécessaire pour cet acte ?

La ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales retient la première solution : « En vertu du 15° de l’article L. 2122-22 du Code général des collectivités territoriales, le conseil municipal peut charger le maire “d’exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l’urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire”. 

Le conseil municipal qui délègue au maire le soin de préempter se dessaisit de cette compétence, une nouvelle délibération n’est donc pas nécessaire pour permettre au maire d’exercer le droit de préemption au nom de la commune. Le maire devient ainsi seul compétent pour décider, ou non, d’exercer le droit de préemption dans les conditions prévues par l’acte authentique. Dès lors, le conseil municipal n’a pas à délibérer pour autoriser le maire à conclure l’acte authentique d’acquisition. La décision du maire engage la commune sans que le conseil municipal n’ait à donner spécifiquement son accord. Toutefois, conformément à l’article L. 2122-23 du Code général des collectivités territoriales, le maire “doit rendre compte à chacune des réunions obligatoires du conseil municipal” lorsqu’il prend une décision par délégation »

 

La renonciation à usufruit ne peut pas résulter de l’inaction de l’usufruitier

3° ch civ 6 mai 2021

La renonciation à un usufruit ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer.

L’usufruitier peut, par sa seule volonté et sans l’accord du nu-propriétaire, renoncer à ce droit réel. Il est en effet de jurisprudence constante que la renonciation de l’usufruitier à son droit de jouissance n’est soumise par la loi à aucune forme spéciale, dès lors que cette volonté de renoncer est certaine et non équivoque.

Ne manifeste pas ainsi sa volonté de renoncer à son droit d’usufruit l’usufruitière d’un château, occupé par le nu-propriétaire depuis plusieurs années, qui pourtant, après avoir quitté volontairement et définitivement les lieux, n’avait aucunement exprimer l’intention d’en reprendre possession, ne s’était pas opposée à son aménagement partiel en gîte rural et n’avait pas satisfait à son obligation d’entretien, estime en l’espèce la Cour de cassation.

 

Précisions sur la reconnaissance de dette intervenue après l’expiration du délai de prescription

1er ch civ 19 mai 2021 

Le paiement partiel qui intervient après l’expiration du délai de prescription ne produit aucun effet interruptif d’une prescription qui était acquise.

Faits :

Une banque consent à deux emprunteurs :

  • un prêt de 60 000 € remboursable en trente-six mensualités ;
  • ainsi qu’un prêt-relais d’un montant de 201 975 €, remboursable au terme de vingt-quatre mois et destiné à financer l’achat d’une résidence principale.

Suite à des échéances du prêt-relais demeurant impayées, la banque assigne en paiement les emprunteurs qui lui opposent la prescription.

Les emprunteurs reprochent aux juges du fond de déclarer recevable, car non-prescrite, l’action en paiement engagée par la banque, et de les condamner solidairement à payer à cette dernière la somme de 204 099,27 € au titre du prêt-relais.

Ils font notamment valoir que le versement de 30 000 €, qu’ils avaient opéré volontairement le 16 mai 2018, était intervenu postérieurement au 5 janvier 2018, date d’expiration du délai biennal de prescription, de sorte que ce paiement n’avait pu produire aucun effet interruptif d’une prescription acquise.

Au visa de l’article 2240 du Code civil, la Cour de cassation rappelle que « la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit, qui peut résulter d’un paiement partiel, interrompt le délai de prescription dès lors qu’elle intervient avant son expiration ».

La cour d’appel, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement de la banque, a relevé que :

  • le prêt-relais était devenu exigible le 5 janvier 2016,
  • le versement de 30 000 € opéré volontairement par les emprunteurs le 16 mai 2018 valait reconnaissance partielle de la dette, interruptive de prescription,
  • et donc, qu’en les assignant le 21 juin 2018, la banque ne pouvait se voir opposer une prescription, qui avait été interrompue par ce paiement.

Mais en statuant ainsi, alors que selon ses propres constatations, la reconnaissance par les emprunteurs de leur dette était intervenue après l’expiration du délai de prescription, la cour d’appel a violé l’article 2240 du Code civil, ainsi que l’article L. 237-2 devenu L. 218-2 du Code de la consommation.

 

Droit de l’urbanisme :

Modernisation des SCOT : le décret est publié

Décret du 22 mai 2021

La loi Élan a autorisé le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance, dans un délai de 18 mois, pour adapter l’objet, le périmètre et le contenu du schéma de cohérence territoriale (SCOT) afin de tirer les conséquences de la création du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires et du transfert de la compétence en matière de plan local d’urbanisme (PLU) aux EPCI à fiscalité propre.

L’ordonnance du 17 juin 2020 fait ainsi évoluer le périmètre, le contenu et la structure du SCOT. Un décret du 21 mai 2021 met à jour les dispositions réglementaires du Code de l’urbanisme relatives au contenu des SCOT, à leurs effets, et à la procédure d’élaboration, d’évaluation et d’évolution du SCOT pour prendre en compte ces nouvelles dispositions.

Ce texte entre en vigueur le 22 mai 2021.

 

Expérimentation d’un mécanisme dérogatoire d’obtention des signes de qualité requis pour la réalisation des travaux de rénovation énergétique ouvrant droit à certaines aides publiques

Arrêté du 18 mai 2021

Cet arrêté prévoit, pour une durée de deux ans, l’expérimentation d’un dispositif visant à développer les travaux de rénovation énergétique dans les départements, régions et collectivités uniques d’outre-mer, en les ouvrant à un vivier d’entreprises ne disposant pas de la qualification prévue par l’arrêté du 1er décembre 2015 relatif aux critères de qualifications requis pour le bénéfice du crédit d’impôt pour la transition énergétique et des avances remboursables sans intérêt destinées au financement de travaux de rénovation afin d’améliorer la performance énergétique des logements anciens.

Les modifications introduites sont applicables à compter du 1er septembre 2021.

 

Remise en état de palissades et procédure d’immeuble en péril

Réponse ministérielle du 20 mai 2021

À l’occasion d’une question parlementaire, le ministre de l’Intérieur apporte une précision sur l’étendue des pouvoirs de police du maire.

En l’espèce, un propriétaire avait exécuté les travaux prescrits par suite d’une procédure d’immeuble en péril et avait installé des palissades sur sa propriété privée destinées à protéger la voie publique des chutes de pierres. Lesdites palissades présentant à leur tour un risque de chute, la remise en état des palissades peut-elle également relever d’une procédure d’immeuble en péril ?

Le ministre répond par la négative : « (…) L’ancienne police du péril a été intégrée, depuis le 1er janvier 2021, dans la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles locaux et installations prévue aux articles L. 511-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation. Cette police permet aux maires ou aux présidents d’établissements publics de coopération intercommunale, en cas de transfert fondé sur l’article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), d’intervenir pour notamment mettre fin aux “risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices quelconques qui n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants et des tiers”. Le périmètre de cette police est certes large, car non limité à l’immeuble, toutefois elle n’intègre pas le risque causé par une palissade de protection (installation non pérenne). De plus, il n’existe pas d’exemple de ce type dans la jurisprudence applicable à l’ancienne police du péril. »

Toutefois, précise le ministre, le maire « peut faire usage de sa police administrative générale pour y mettre fin en se fondant sur les articles L. 2212-1 et suivants du CGCT ».

Obligations des communes en matière d’élagage

Réponse ministérielle du 20 mai 2021

La question posée au ministre était la suivante : Les riverains d’une voie communale peuvent-ils obliger la commune à élaguer les arbres implantés le long de ladite voie qui s’avancent au-dessus de leur propriété ?

Le ministre répond positivement à la question : « Les arbres et les haies implantés le long d’une voie communale constituent des dépendances du domaine public routier de la commune. Ils sont ainsi inclus dans l’obligation d’entretien de la voirie, dépense obligatoire de la commune conformément aux articles L. 2321-2, 20° du code général des collectivités territoriales et L. 141-8 du code de la voirie routière ».

Aussi, « le défaut d’entretien normal de la végétation est susceptible d’engager la responsabilité de la commune à l’égard aussi bien des usagers, par exemple un passant dont l’œil est abîmé par une branche basse, que des tiers sont les propriétaires riverains de la voie. La commune qui a laissé les branches de deux arbres situés en bordure d’une voie publique, surplomber la toiture d’une maison privée, manque ainsi à son obligation d’entretien quand bien même le propriétaire ne l’a pas informée. 

Au-delà de l’obligation d’entretien et dès lors que les arbres et les haies sont des ouvrages publics, la commune, en tant que gardienne de ces ouvrages situés sur son domaine public, est également responsable des dommages qu’ils causent aux tiers riverains. Il s’agit d’un régime de responsabilité sans faute de sorte que la commune ne pourra s’exonérer en rapportant qu’elle a procédé à un entretien normal des arbres et des haies. 

Cependant, ce régime ne couvre que le dommage anormal et spécial. Si le propriétaire riverain subit a priori un dommage spécial dans la mesure où sa propriété est affectée, pour engager la responsabilité de la commune, il devra établir une nuisance allant au-delà des inconvénients qui résultent normalement du voisinage de l’ouvrage public, par exemple une perte de vue et d’éclairement. Par conséquent, le riverain qui se trouve dans une situation relevant de l’obligation d’entretien de la voirie ou générant un préjudice anormal pourra demander à la commune l’élagage des arbres et des haies ».

Droit des sociétés : 

Covid-19 : création d’une aide complémentaire pour la reprise de fonds de commerce fermés entre novembre 2020 et mai 2021

Décret du 21 mai 2021

Ce décret prévoit la création d’une aide complémentaire au fonds de solidarité pour les entreprises qui ont acquis, entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2020, au moins un fonds de commerce dont l’activité a été interdite d’accueil du public sans interruption entre novembre 2020 et mai 2021 et qui n’ont fait aucun chiffre d’affaires en 2020. Cette aide est limitée à 1,8 M€.

L’aide est ouverte aux entreprises qui remplissent, cumulativement, les conditions suivantes :

  • avoir été créées au plus tard le 31 décembre 2020 ;
  • avoir repris intégralement un fonds de commerce, entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2020 ;
  • être toujours propriétaire du fonds de commerce lors du dépôt de la demande ;
  • avoir la même activité principale (par exemple, un restaurant reprenant un restaurant) ;
  • avoir un fonds de commerce dont l’activité a fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public sans interruption entre novembre 2020, ou la date d’acquisition du fonds, et mai 2021 ;
  • n’avoir généré aucun chiffre d’affaires en 2020.

L’aide est calculée à partir de l’excédent brut d’exploitation coûts fixes, défini par le décret du 24 mars 2021, solde intermédiaire de gestion, sur la période éligible concernée de six mois (janvier-juin 2021). Elle est calculée et attestée, par un expert-comptable, tiers de confiance, à partir du grand livre ou de la balance générale de l’entreprise. L’aide est égale à 70 % de l’opposé mathématiques de l’EBE coûts fixes pour les entreprises de plus de 50 salariés (90 % pour les petites entreprises).

L’aide sera déposée à compter du 15 juillet 2021 et jusqu’au 1er septembre 2021 inclus sur l’espace professionnel du site www.impots.gouv.fr.

 

Sauf abus de droit, une assemblée générale de SARL peut se tenir n’importe où

Chambre commerciale Cour de Cassation, 31 mars 2021

Cet arrêt vient rappeler que dans le silence des statuts, le lieu de réunion des assemblées générales d’une société à responsabilité limitée est fixé par l’auteur de la convocation, cette décision ne pouvant être remise en cause que si elle constitue un abus de droit.

Faits : Un associé minoritaire d’une SARL fait grief à l’associé gérant majoritaire d’avoir convoqué une assemblée générale à Paris alors que le siège social de la société se trouve en Guadeloupe, ce qui l’a empêché d’y assister. Il fait valoir que ce choix avait pour seul but d’entraver sa participation et demande l’annulation de l’assemblée générale en arguant que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives.

La Cour rejette sa demande. Dans le silence des statuts, le lieu de réunion des assemblées générales d’une société à responsabilité limitée est fixé par l’auteur de la convocation, cette décision ne pouvant être remise en cause que si elle constitue un abus de droit.

En l’espèce, l’associé minoritaire avait indiqué à son coassocié qu’il serait en métropole la semaine où se tiendrait l’assemblée générale. Ainsi, il ne justifie pas de la réalité d’une indisponibilité le jour de la réunion de l’assemblée générale et il ne démontre pas que le gérant a voulu sciemment l’empêcher d’assister à cette assemblée.

 

Droit fiscal : 

Réduction pour investissements outre-mer : double condition de souscription préalable d’un engagement de location et de location effective

CE 19 mai 2021

Le Conseil d’État, rappelle dans un arrêt que le bénéfice de la réduction d’impôt sur le revenu qu’il prévoit est subordonné à la condition que le propriétaire de l’immeuble prenne l’engagement de le louer nu dans les six mois de son achèvement, ou de son acquisition si elle est postérieure, pendant cinq ans au moins à des personnes qui en font leur habitation principale.

Dès lors, le bénéfice de cette réduction d’impôt est subordonné, non seulement à l’affectation du bien à une location non meublée à usage de résidence principale dans un délai de six mois à compter de l’achèvement ou de l’acquisition de l’immeuble neuf concerné, mais aussi à la souscription préalable d’un engagement dont l’absence entraîne la reprise annuelle des réductions d’impôt jusqu’au 31 décembre de la troisième année suivant chacune de celles au titre de laquelle le contribuable a bénéficié de cet avantage fiscal.

 

Assujettissement des dons manuels : l’article 757 du Code général des impôts est-il constitutionnel ?

Chambre commerciale, CC, 12 mai 2021

Le don manuel n’est imposable que dans trois hypothèses prévues par l’article 757 du Code général des impôts, auxquelles s’ajoutent les règles du rappel fiscal des donations : 

  • lorsqu’il est déclaré par le donataire ou ses représentants dans un acte soumis à la formalité de l’enregistrement ; 
  • lorsqu’il fait l’objet d’une reconnaissance judiciaire ; 
  • lorsqu’il est révélé par le donataire à l’administration fiscale. 

Les droits de donation sont alors calculés sur la valeur du don au jour de sa déclaration ou sur sa valeur au jour de la donation si elle est supérieure. Le tarif des droits et les abattements sont ceux en vigueur au jour de la déclaration ou de l’enregistrement du don manuel.

Le Conseil constitutionnel a du se prononcer sur la question de savoir si l’assujettissement des dons manuels aux droits de mutation à titre gratuit était bien conforme à la Constitution. 

En l’espèce, un particulier s’était vu offrir deux tableaux par l’artiste abstrait Jesús Rafael Soto et n’était tenu à aucune obligation légale de déclarer ces dons manuels. Toutefois, celui-ci y a procédé pour bénéficier du régime général de taxation des plus-values afin de revendre les deux toiles en question et bénéficier d’un régime fiscal plus favorable. Or, cette « révélation » avait permis à l’administration fiscale d’effectuer, in fine, un redressement sur la somme de 660 000 € au titre des droits, 2 640 € au titre des intérêts de retard et de 264 000 € au titre de la majoration prévue à l’article 1729 du CGI. Il est vrai que le particulier avait déclaré une valeur d’un euro pour chacune des œuvres alors que la valeur réelle de celles-ci portait sur une somme minimale de 1,1 million d’euros, montant dont il avait forcément eu connaissance puisqu’il souhaitait les céder auprès d’une célèbre maison de ventes britannique.

Débouté par les juges du fond, le particulier a soulevé, à l’occasion de son pourvoi en cassation, la question prioritaire de constitutionnalité suivante : « Les dispositions de l’article 757 du Code général des impôts, en ce qu’elles assujettissent les dons manuels aux droits de mutation à titre gratuit calculés sur la valeur du don manuel au jour de sa déclaration ou de son enregistrement ou sa valeur au jour de la donation si celle-ci est supérieure avec la prise en compte du tarif et des abattements applicables à cette même date, sont-elles contraires aux dispositions de l’article 34 de la Constitution et des articles 6, 13 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen car portant atteinte tant au principe de l’égalité des contribuables devant la loi qu’à celui de la sécurité juridique qu’elle doit leur garantir ? ».

L’article 757 du CGI n’ayant jamais été déclaré conforme à la Constitution, les juges ont donc estimé que cette question présentait un caractère sérieux. Aussi, la décision du Conseil Constitutionnel – notamment en ce qu’elle serait susceptible de porter atteinte au principe d’égalité devant la loi – est attendue par les professionnels et les donataires eu égard à son grand intérêt pratique. 

 

Droit de la famille : 

La volonté de la personne vieillissante en amont de l’ouverture d’une mesure de protection

Etude rédigée par Solène  Roland 

Laisser place à la volonté de s’exprimer est devenue l’une des préoccupations du législateur s’intéressant aux personnes vulnérables.

En amont de l’ouverture de la mesure de protection, l’expression de la volonté doit être défendue. D’autant qu’encore douée de capacité, la personne vieillissante est pleinement habile à décider pour elle-même. Confronté aux désirs d’anticipation de son client, le notaire doit avoir une connaissance précise de ce qui lui est possible de faire. Tant la désignation du protecteur que la détermination de sa rémunération et de ses pouvoirs, restent strictement encadrés.

Réclamée par la doctrine et par certains parlementaires, la désignation par un majeur d’une ou plusieurs personnes chargée d’exercer les fonctions de curateur ou de tuteur pour le cas où il serait placé en curatelle ou en tutelle est dorénavant permise par l’article 448 du Code civil. Cette désignation s’impose au juge, sauf si la personne désignée est dans l’impossibilité d’exercer sa mission, la refuse, ou si l’intérêt de la personne protégée commande de l’écarter. Si l’appréciation de l’autorité judiciaire est prégnante, l’étude de la jurisprudence montre que le juge doit toutefois spécialement motiver sa décision s’il choisit de ne pas donner effet à la désignation.

La désignation répond à des conditions formelles relativement strictes : elle doit être faite par un acte notarié ou sous-seing privé, mais le document doit être alors écrit en entier, daté et signé de la main du majeur concerné.

Cette disposition législative soulève deux questions. La première concerne le point de savoir si le notaire peut recevoir un acte désignant un tuteur alors que son client fait d’ores et déjà l’objet d’une curatelle. Les voix en doctrine sont dissidentes. Alors que certains retiennent une réponse négative, d’autres répondent par la positive, exigeant toutefois l’assistance du curateur. Cette seconde interprétation a l’avantage d’être cohérente, l’article 477 du Code civil permettant au majeur sous curatelle de conclure un mandat de protection future avec l’assistance de son curateur.

Une troisième lecture consisterait à rapprocher la faculté de désignation de la faculté de tester et, en s’appuyant sur l’article 470 du Code civil, à permettre à la personne en curatelle de procéder seule à la désignation de son tuteur, comme elle peut procéder seule à la rédaction de son testament. Tant les formes des deux opérations, que leur caractère personnel, pourraient en effet plaider en faveur d’un tel rapprochement. D’autant qu’il appartient toujours au juge d’écarter la désignation si l’intérêt du majeur l’y conduit.

La seconde question concerne la possibilité d’étendre le dispositif de désignation à l’habilitation familiale, cependant ni la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, ni la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ne le prévoit. 

Ensuite, concernant le mandat de protection future, sa particularité tient en ce qu’il doit conduire le notaire à être particulièrement diligent dans le conseil prodigué à son client. La désignation d’une personne de la même génération peut conduire à des difficultés, cette personne pouvant, à l’ouverture de la mesure ou peu après, se trouver elle-même dans une situation de vulnérabilité. La prudence commande alors, dans ce cas de figure, de désigner un mandataire de second rang. Si l’incapacité du mandataire de premier rang et son décès donnent effet à la clause de substitution, reste à savoir s’il est possible au mandant de prévoir d’autres cas dans lesquels le mandataire de second rang viendrait prendre la place du premier, en raison de son âge, par exemple. La chose n’est pas évidente. En effet, les articles 489 et 492 du code civil précisent que le mandant peut révoquer le mandataire acceptant, et ce dernier renoncer à sa mission « tant que le mandat n’a pas reçu exécution ». C’est à dire que, si le mandat a reçu exécution, le mandataire ne peut plus être déchargé que par le juge. Or, il n’est pas garanti que celui-ci soit tenu de donner effet à la clause de substitution. 

S’il peut émettre un souhait quant à la personne chargée d’exercer, dans l’hypothèse où une mesure de protection venait à s’ouvrir, la fonction de tuteur ou de curateur, un majeur doué de capacité ne peut en revanche prévoir de rémunération. L’article 419 du Code civil l’interdit. Cependant il existe des solutions. 

Premièrement la société civile. Si la question est celle de la rémunération du tuteur aux biens, l’une des solutions consiste à loger les actifs à gérer au sein d’une société civile et à en confier la gérance à la personne pressentie pour occuper la charge de tuteur. Il est alors important que la personne choisie soit nommée par les statuts. En effet, il est de jurisprudence constante aujourd’hui que les tuteurs et curateurs ne se substituent pas d’office à leur protégé en qualité de mandataire social, de sorte qu’à défaut de nomination l’opération resterait vaine. La nomination prend la forme d’une clause de gérance successive, qui prendra effet à l’ouverture de la mesure de protection à l’encontre du majeur. Une rémunération pourra alors tout naturellement être prévue au profit de ce gérant. Mais il convient de bien connaître les limites de la société civile comme outil de protection d’une personne vulnérable.

  • La première tient à la durée de la désignation du gérant. S’il était irrévocable ceci risquerait de contraindre les héritiers au décès de la personne vulnérable, sauf à ce que la durée de la société elle-même ait été calquée, autant que faire se peut, sur son espérance de vie.
  • La seconde tient au principe édicté par le premier alinéa de l’article 1849 du Code civil : « dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet social ». Les clauses limitant les pouvoirs du gérant (autorisation, par exemple, de l’assemblée des associés pour la cession de tel ou tel actif immobilier, sous réserve que la cession des actifs fasse partie de l’objet social) n’entraîneront pas, en cas de violation, la nullité de l’acte. Tout au plus la responsabilité du gérant pourra-t-elle être engagée. En comparaison, la vente d’un immeuble réalisée par le tuteur sans l’autorisation du juge des contentieux de la protection, assurant le rôle de juge des tutelles, est nulle de plein droit.

Mais le legs rémunératoire pourra toujours être envisagé. Toutefois, l’opération consistant à effectuer un legs rémunératoire au profit du protecteur aux biens ou à la personne est à regarder avec prudence. Si la jurisprudence civile accepte le principe des legs rémunératoires, les critères de qualification sont stricts : les services rémunérés doivent être appréciés en argent et le montant du legs ne doit pas excéder le montant ainsi déterminé, étant alors noté qu’en cas d’excès, le legs sera mixte : rémunérateur pour partie et à titre gratuit pour le surplus. 

La difficulté tient au point de savoir s’il est possible d’évaluer en argent les services d’un protecteur aux biens ou à la personne. La réponse est probablement positive, dans la mesure où les mandataires judiciaires à la protection des majeurs sont eux-mêmes rémunérés pour des services équivalents. Il n’existe pas de jurisprudence sur le sujet des legs rémunératoires consentis aux tuteurs non professionnels. Sur un sujet connexe, celui de l’assistance familiale, un arrêt de 2004, non publié au bulletin, a accepté la qualification si les services rémunérés par le legs outrepassaient la piété filiale.

Enfin, la meilleure manière de prévoir une rémunération au profit du protecteur est encore la conclusion d’un mandat de protection future. À défaut de précision par les articles 477 et suivants du Code civil, le principe est celui édicté par l’article 1986 : « le mandat est gratuit s’il n’y a convention contraire ». Les formes de la rémunération sont libres, au contraire de celles du mandat à effet posthume qui sont fixées par l’article 812-2 du Code civil. Le formulaire du ministère de la Justice permet en effet une rémunération fixée selon des modalités particulières.

Concernant les pouvoirs du mandataire, certaines clauses sont interdites par la nature de la mesure. Il s’agit ici de la clause restrictive de capacité. Réclamée par la pratique, la clause restrictive de capacité est à ce stade de la législation incompatible avec la nature de la mesure du mandat. Contrat de représentation par excellence, le mandat doit suivre les indications de l’article 1159 du Code civil, issu de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : « L’établissement d’une représentation légale ou judiciaire dessaisit pendant la durée le représenté des pouvoirs transférés au représentant. La représentation conventionnelle laisse au représenté l’exercice de ses droits ».Or, s’il est activé par l’autorité judiciaire, sur production d’un certificat médical attestant l’altération des facultés mentales, le mandat de protection future n’en demeure pas moins conventionnel.

D’autre clause sont interdite par le régime primaire du droit des majeurs vulnérable. L’article 426 du Code civil, qui soumet la vente du logement du majeur protégé à l’autorisation du juge des contentieux de la protection, est impératif, et ne peut supporter, nous semble-t-il, de clause contraire. Plus encore, lorsque le majeur fait l’objet d’un mandat de protection future soumis à une loi étrangère, la clause du mandat permettant la cession du logement, fût-elle admise par la législation étrangère, doit demeurer sans effet pour la cession du logement situé en France. 

Pour finir, certaines clauses sont interdites par  le régime du mandat de protection future.  Il s’agit des clauses autorisant, dans le mandat sous-seing privé, la conclusion par le mandataire seul d’actes qui nécessitent en tutelle l’autorisation du juge. Dans le mandat notarié, il s’agit des clauses autorisant le mandataire à conclure les actes énumérés à l’article 509 du Code civil, ou encore à conclure des actes de disposition à titre gratuit sans l’autorisation du juge des contentieux de la protection.

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