Droit de l’immobilier :
- Servitude de passage et maison privée enclavée dans une forêt domaniale
- Résolution du contrat et garantie des vices cachés
Urbanisme :
- Distance d’éloignement entre les bâtiments agricoles et les habitations : dérogations
- Le projet de loi « Climat et résilience » solennellement adopté par les députés en première lecture
Droit des sociétés :
- Les associés sont-ils solidairement responsables de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société ?
Droit de la famille :
- Atteintes aux droits fondamentaux en EHPAD
- Impôt sur les successions : un levier contre les inégalités selon l’OCDE
- L’apport personnel dans l’acquisition du logement de famille indivis : une charge qui n’en est pas une !
Profession :
- Responsabilité du notaire : manquement à son obligation d’assurer l’efficacité de l’acte auquel il a prêté son concours
Droit de l’immobilier :
Servitude de passage et maison privée enclavée dans une forêt domaniale
Réponse ministérielle du 6 mai 2021
Un parlementaire attire l’attention du ministre de l’Intérieur sur le cas d’une maison qui est enclavée en limite d’une forêt domaniale et desservie uniquement par un chemin géré par l’ONF. Il lui demande si l’ONF peut percevoir un droit annuel de passage pour l’accès à l’habitation concernée.
Le ministre lui répond par l’affirmative : « Lorsqu’une maison privée est enclavée dans une forêt domaniale et desservie uniquement par un chemin appartenant à l’État et relevant de la gestion de l’office national des forêts, il existe une situation de servitude au bénéfice du particulier. Celle-ci est régie par l’article 682 du code civil qui dispose que “le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner” ».
Par ailleurs, il lui précise qu’en application des articles 697 et 698 du Code civil, « c’est au bénéficiaire de la servitude d’effectuer, à ses frais, les travaux d’entretien et de réparation du chemin emprunté, à moins que le titre d’établissement de la servitude ne dise le contraire ».
Résolution du contrat et garantie des vices cachés
Arrêt du 12 mai rendu par la première chambre civile de la Cour de Cassation.
Faits : M. et Mme B. vendent à Mme C. une maison d’habitation, dans laquelle le vendeur avait procédé lui-même à des travaux de réfection de la toiture et d’agrandissement en 1992, puis en 2010 et 2013.
L’acheteuse se plaint d’infiltrations sur les murs dès son entrée dans les lieux et, après expertise, assigne les vendeurs en nullité de la vente sur le fondement du dol et, subsidiairement, en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés. La cour d’appel rejette les deux demandes.
L’acheteuse reproche aux juges du fond de rejeter ses deux demandes fondées sur le dol et sur la garantie des vices cachés. À l’appui de son pourvoi, elle avance notamment, concernant la garantie des vices cachés, que la cour d’appel, qui s’est bornée à retenir que le vice caché affectant la couverture de l’immeuble vendu par les époux B n’empêchait pas d’habiter la maison et, donc, ne portait pas atteinte à sa destination, sans rechercher si ce vice tenant à la non-conformité de la toiture n’en diminuait pas tellement l’usage qu’elle ne l’aurait pas acquise si elle en avait eu connaissance, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1641 du Code civil.
Si la Cour de cassation ne fait pas droit au moyen fondé sur le dol, elle accueille celui fondé sur la garantie des vices cachés.
Aux termes de l’article 1641 du Code civil, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui en diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus »
La cour d’appel, pour rejeter la demande de résolution du contrat, a retenu que la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés exige :
- un vice qualifié,
- d’une gravité suffisante,
- portant atteinte à la destination de l’immeuble.
Elle a estimé qu’en l’espèce, les défauts affectant la couverture, à l’origine de désordres se limitant à des taches d’humidité, n’empêchaient pas d’habiter la maison, et que rien ne venait étayer l’affirmation du tribunal selon laquelle les désordres rendraient l’immeuble impropre à sa destination.
La Cour estime qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si le vice tenant à la non-conformité de la toiture à la réglementation applicable ne diminuait pas tellement l’usage de la maison que l’acheteuse ne l’aurait alors pas acquise si elle en avait eu connaissance, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
Urbanisme :
Distance d’éloignement entre les bâtiments agricoles et les habitations : dérogations
Réponse ministérielle du 4 mais 2021
À l’occasion d’une question parlementaire, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation revient une nouvelle fois sur les difficultés d’application de l’article L. 111-3 du Code rural qui prévoit qu’un minimum d’éloignement réciproque de 100 mètres soit respecté entre les bâtiments à usage agricole et les habitations tierces.
Une des difficultés soulevées par la parlementaire provient du fait que cette règle s’apprécie par rapport aux habitations et non aux limites séparatives de celles-ci. Or dans le cas d’un projet d’élevage avicole en plein air, c’est donc la distance entre l’unité agricole et les habitations qui sera calculée, sans prendre en compte les surfaces extérieures, alors que les volailles pourront circuler à l’air libre, ce qui pourrait conduire à des nuisances sonores et olfactives, voire à une dépréciation foncière pour les riverains et, in fine, à des conflits de voisinage.
Sans vouloir modifier cet article pour que la distance de 100 mètres ne se réfère pas aux seules constructions et prenne en compte les surfaces extérieures aux bâtiments (ce qui aurait pour effet, selon elle, de restreindre considérablement la possibilité de construire des habitations à proximité de bâtiments à usage agricole), elle souhaiterait faire évoluer cette règle dans le sens d’une meilleure appréciation des situations locales.
Dans sa réponse, le ministre lui rappelle qu’il est d’ores et déjà possible de déroger à cette disposition : « (…) Il est à noter que l’article L. 111-3 susvisé ne définit aucune distance d’éloignement devant être respectée, par principe, partout en France. Au contraire, il ouvre, d’une part, à l’autorité qui délivre l’autorisation de construire la possibilité de dispositions dérogatoires après avis de la chambre d’agriculture, pour tenir compte des spécificités locales et, d’autre part, rend possible les accords entre les parties concernées ».
Le projet de loi « Climat et résilience » solennellement adopté par les députés en première lecture
Assemblée nationale, projet de loi, 4 mai 2021
Inspiré des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, le projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » a été adopté en première lecture par les députés ce mardi 4 mai, lors d’un vote solennel). Il sera examiné le 14 juin par les sénateurs. Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte.
Ce texte a fait l’objet d’un des plus longs débats parlementaires de la Ve République. Parmi les mesures phares, sont présentés ici les points pouvant intéresser les professionnels de l’immobilier et le notariat.
▷ Lutte contre les passoires thermiques.
Les députés ont voté l’interdiction des passoires thermiques (logements F et G) d’ici 2025. Ainsi, la rénovation des logements classés G sera obligatoire dès 2025, sous peine d’être considérés comme non-décents. Même disposition pour les logements F et G à partir de 2028 et pour tous les logements E à partir de 2034. Les députés ont adopté d’autres amendements :
- la nouvelle étiquette du DPE mesurera la performance énergétique, mais également la performance en matière d’émission de gaz à effet de serre ;
- la performance énergétique est mesurée en énergie primaire par m2 et par an et la performance en matière d’émission de gaz à effet de serre est mesurée en kilogramme de dioxyde de carbone par m2 et par an ;
- le DPE devra comporter des informations relatives aux conditions de ventilation ou d’aération.
Les députés ont également adopté un nouvel article qui définit la rénovation performante dans le CCH. Deux conditions cumulatives sont prévues :
- un gain minimal d’au moins deux classes du DPE ;
- un niveau minimal de performance énergétique et de performance en matière d’émissions de gaz à effet de serre correspondant à la classe C du DPE.
Une exception est prévue pour les bâtiments qui en raison de leurs contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales ou de coûts manifestement disproportionnés par rapport à la valeur du bien, ne peuvent faire l’objet de travaux de rénovation permettant d’atteindre un niveau de performance au moins à égal à celui de la classe C. Dans ce cas-là, l’exigence d’atteinte de la classe C est abaissée à la classe D. Un décret en Conseil d’État doit venir préciser les critères permettant de bénéficier de cette exception.
Les députés ont adopté un amendement qui apporte des précisions sur l’audit énergétique, en cohérence avec la définition de la rénovation performante. Il est prévu que l’audit énergétique formule des propositions de travaux. Ces propositions présenteront un parcours de travaux cohérent, par étapes, pour atteindre une rénovation performante. La première étape permettra a minima d’atteindre la classe E. Le parcours doit présenter également les travaux nécessaires pour atteindre la classe B.
Plusieurs amendements prévoient aussi :
- la possibilité pour le locataire de réaliser des travaux de rénovation énergétique dans les mêmes conditions que celles applicables aux travaux d’adaptation du logement pour les personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie;
- dans le Code civil, un droit de surplomb pour l’isolation thermique par l’extérieur.
▷ Lutte contre l’artificialisation des sols.
Plusieurs amendements ont également été adoptés concernant la lutte contre l’artificialisation des sols :
- inscription dans la loi d’un objectif contraignant d’absence de toute artificialisation des sols à l’horizon 2050 ;
- objectif chiffré de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers pour les 10 prochaines années par rapport à la consommation des 10 années passées ;
- possibilité de définir, dans le cadre du plan local d’urbanisme, des règles visant à encadrer ou compenser l’imperméabilisation des sols ;
- possibilité de mise en place de « contrats de sobriété foncière » entre les collectivités compétentes en matière d’urbanisme et entre celles-ci et l’État ;
- possibilité pour le maire et le préfet de limiter ou interdire l’accès aux aires protégées en vue de leur préservation ;
- droit de préemption et droit de visite des biens dans les espaces naturels sensibles ;
- modification du régime de la désaffectation des chemins ruraux, celle-ci devant résulter que d’une cause naturelle et spontanée consécutive à un désintérêt durable du public ;
- amélioration du dispositif d’information des acquéreurs et locataires de biens immobiliers concernés par l’érosion côtière ;
- plusieurs dispositions relatives au recul du trait de côte (identification par décret des communes particulièrement vulnérables ; identification dans les documents d’urbanisme des communes les plus exposées au recul du trait de côte d’une part ; instauration d’un droit de préemption spécifique et prioritaire pour les communes littorales exposées au recul du trait de côte à l’horizon de 30 ans).
▷ Protection judiciaire de l’environnement.
Les députés ont adopté le délit d’écocide (un délit général d’atteinte à l’environnement). Le délai de prescription de l’action publique pour ces délits court à compter de la découverte du dommage.
Le texte initial crée également un délit de mise en danger de l’environnement. Il concerne les ICPE, les installations ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques et le transport de marchandises dangereuses. Il est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. Ce dispositif a été complété par les députés : il prend désormais en compte la question des infractions aux règles en matière de déchets.
Les députés ont également :
- rehaussé les peines d’amendes prévues par une série d’articles du Code de l’environnement qui concernent la protection des eaux, des parcs et réserves naturels, des sites inscrits et classés et des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles associées ainsi que la pêche et la protection de l’Antarctique ;
- prévu la création d’un bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels ;
- ajouté les agents des groupements des collectivités territoriales à la liste des personnes habilitées à constater les infractions relatives aux déchets.
▷ Vélos.
Les députés ont adopté des amendements pour favoriser l’usage du vélo alors qu’il était absent du texte initial :
▷ Véhicules thermiques.
Les députés ont voté l’interdiction de vente des véhicules thermiques neufs (d’ici 2040). Et ils ont élargi cet objectif aux véhicules lourds (camions, car, autobus).
▷ Évaluation climatique et environnementale.
Un titre VII relatif à l’évaluation climatique et environnementale a été ajouté afin de mettre en place un système d’évaluation permanente des effets de la loi. Avant fin 2021, un rapport du gouvernement devra présenter les moyens d’améliorer l’évaluation de l’impact environnemental et climatique des projets de loi.
Ce texte doit désormais être discuté par les sénateurs. Le Sénat a d’ores et déjà décidé de lancer ce 29 avril une consultation auprès des élus locaux pour recueillir leurs avis sur quelques mesures phares du projet de loi qui les concernent plus particulièrement. Cette consultation lancée dans le cadre de travaux préparatoires à l’élaboration d’une loi en cours d’examen parlementaire est une première (Sénat, communiqué, 29 avr. 2021).
Droit des sociétés :
Les associés sont-ils solidairement responsables de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société ?
Dans cet arrêt est exposé que les associés fondateurs sont solidairement responsables pendant cinq ans, à l’égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature lorsqu’il n’y a pas de commissaire aux apports ou lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports.
Selon l’article L. 227-1, alinéa 7, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, « lorsqu’il n’y a pas eu de commissaire aux apports ou lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports, les associés sont solidairement responsables pendant cinq ans, à l’égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société. »
La loi ne disposant que pour l’avenir, ce texte n’est applicable que lorsque les statuts de la société ont été signés à compter du 11 décembre 2016, date d’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016.
Dans cette affaire, ce n’était pas le cas puisque la cour d’appel avait constaté que la société par actions simplfiiée avait été mise en redressement judiciaire le 6 décembre 2016. Ainsi, la constitution de la SAS était nécessairement antérieure à la date d’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016. La cour d’appel a donc violé l’article L. 227-1, alinéa 7, du code de commerce et l’article 2 du code civil. La Cour casse l’arrêt.
Droit de la famille :
Atteintes aux droits fondamentaux en EHPAD
4 mai 2020, rapport du défenseur des droits
Rendu public le 4 mai dernier, le rapport du Défenseur des droits intitulé « Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en EHPAD » formule 64 recommandations en vue d’améliorer la prise en charge des personnes accueillies en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Ce rapport nous apprend que sur les six dernières années, le Défenseur des droits a instruit plus de 900 réclamations de personnes contestant les modalités de leur accompagnement médico-social ou celui de leurs proches. 80% de ces dossiers mettent en cause un EHPAD.
Dès l’introduction le contexte est posé : « la France est l’un des pays européens qui compte la proportion la plus élevée de personnes âgées en EHPAD (8,8 % des 75 ans et plus). Près de 7 600 EHPAD accueillent plus de 600 000 personnes âgées en perte d’autonomie ou handicapées qui sont majoritairement des personnes en situation de vulnérabilité : 80% sont classées en GIR 1 à 4 (Le GIR correspond au niveau de perte d’autonomie d’une personne âgée), 260 000 souffrent d’une maladie neurodégénérative et 28 % sont sous régime de protection juridique des majeurs. Les besoins en soins et les niveaux de dépendance des résidents continuent à progresser. Selon les projections de la DREES, en 2050, les plus de 60 ans seront 25 millions, dont 4 millions en situation de perte d’autonomie ou de handicap ».
Partant du constat qu’il existe, de manière récurrente, des atteintes aux droits fondamentaux, au respect de la dignité et de l’intégrité des personnes accueillies en EHPAD, le Défenseur des droits propose plusieurs pistes pour améliorer la prise en charge des personnes accueillies en EHPAD et assurer l’effectivité de leurs droits.
Les 9 premières recommandations sont relatives au principe du libre choix, du consentement éclairé et droit à l’information de la personne accueillie. Les recommandations 10 à 17 concernent le droit à une prise en charge et à un accompagnement adaptés. Celles sur le droit à la santé sont les recommandations 18 à 30. 4 portent sur la liberté d’aller et venir, ce sont les recommandations 31 à 34.
Les trois suivantes concernent le droit à la vie privée, à l’intimité et au maintien des liens familiaux. 4 sont formulées à propos du droit à la propriété et 10 à propos du droit au recours effectif et à la protection. Les recommandations 42 à 51 ont trait au droit au recours effectif et à la protection. Les 13 dernières sont spécifiques à la situation de crise sanitaire.
Impôt sur les successions : un levier contre les inégalités selon l’OCDE
Rendu public le 11 mai 2021, le rapport de l’OCDE portant sur l’impôt sur les successions dans les pays de l’OCDE procède à une évaluation comparative des impôts sur les successions et les donations dans les 37 pays membres de l’OCDE, et analyse le rôle que ces impôts pourraient jouer pour accroître les recettes, lutter contre les inégalités et améliorer l’efficacité des systèmes d’imposition à l’avenir.
À l’heure actuelle, la majorité des pays de l’OCDE (24 au total) prélève un impôt sur les successions ou sur les donations. Toutefois, ces impôts génèrent le plus souvent très peu de recettes. Aujourd’hui, seulement 0,5 % en moyenne des recettes fiscales totales provient des impôts sur les successions et les donations dans les pays qui en prélèvent. La raison semble être des exonérations ou d’autres allégements fiscaux significatifs qui en outre bénéficient principalement aux ménages les plus riches, ce qui nuit à la progressivité effective des impôts sur les successions.
Par ailleurs de grandes disparités de conception de l’impôt sur les successions existent entre les pays. La valeur du patrimoine susceptible d’être transmis hors impôt par un parent à ses enfants varie de 17 000 USD en Belgique (région de Bruxelles-Capitale) à plus de 11 millions USD aux États-Unis. Les taux d’imposition sont eux aussi variables. Si la plupart des pays appliquent des taux progressifs, un tiers a opté pour des taux forfaitaires, et le niveau des taux varie grandement.
Face à constat, le rapport de l’OCDE suggère un certain nombre d’options de réforme afin d’améliorer la collecte des recettes, mais aussi l’efficacité et l’équité des impôts sur les successions et les donations, tout en faisant observer que les réformes retenues dépendront des circonstances propres à chaque pays, notamment :
- Le calcul d’un impôt sur les successions en fonction de la valeur du patrimoine reçu par les bénéficiaires, assorti d’une exonération pour les successions d’un petit montant ;
- La taxation des transmissions de patrimoine à l’échelle d’une vie : imposer le montant global du patrimoine que les bénéficiaires reçoivent tout au long de leur vie par l’intermédiaire de donations et d’héritages ;
- La réduction des allégements fiscaux à effet régressif ;
- harmoniser le traitement fiscal des donations et des héritages ;
- lutter contre l’optimisation et la fraude fiscales.
L’apport personnel dans l’acquisition du logement de famille indivis : une charge qui n’en est pas une !
Commentaire par Damien SADI maître de conférences à l’université Paris-Saclay – Arrêt du 17 mars 2021 1er ch.civ
Dans l’arrêt commenté, La Cour de cassation étend doublement une jurisprudence antérieure en précisant, d’abord, que l’exclusion concerne l’apport de fonds personnels et pas seulement ceux issus de la vente de biens personnels et, ensuite, que la clause contraire à cette exclusion est possible sous une forme plus large qu’une clause matrimoniale.
L’apport en capital de fonds personnels dans le financement du logement familial indivis du couple n’est pas un mode d’exécution de la contribution aux charges du mariage. Confirmant une jurisprudence établie, l’arrêt du 17 mars 2021 apporte une précision.
D’abord, les juges rappellent une solution connue depuis un arrêt de principe du 3 octobre 2019, dans lequel ils avaient exclu l’apport en capital provenant de la vente de biens personnels, dans l’achat d’un logement familial indivis, des modes possibles de contribution aux charges du mariage. Pour la Cour, il semble que si la participation à l’acquisition du logement de famille demeure une charge du mariage, en ce qu’elle concourt à la vie domestique, l’apport en capital pour faire cette acquisition n’est pas un mode contributif.
Ensuite, la cour précise l’attendu de l’arrêt susvisé. Un auteur avait, justement, appelé à l’éclaircissement sur le fait de savoir « si c’est l’origine des fonds […] ou seulement la forme du financement de la charge (un seul versement ou des versements périodiques tout au long du mariage) qui importe ? », pensant qu’il s’agissait plus de l’origine des fonds. L’arrêt commenté confirme cette analyse. Alors que la décision du 3 octobre 2019 ne visait que le remploi suite à la vente de biens personnels, celle du 17 mars 2021 adopte une conception extensive par la référence à l’apport en capital de fonds personnels, sans distinction. Ces fonds pourront donc avoir une origine diverse, pourvu qu’ils soient qualifiés de personnels.
Enfin, l’arrêt s’inscrit dans une logique satisfaisante, recentrant le rattachement au régime des charges du mariage vers la source de la dépense, et pas seulement son but. L’apport en capital diffère du remboursement de l’emprunt. Le premier signe l’indépendance de l’époux, là où le second relève de l’intendance du foyer. S’ils ont la même destination (l’acquisition du logement familial), ils n’ont pas, en principe, la même origine. L’emprunt vaut pour l’avenir et se constitue au moment de l’acquisition, de sorte que la destination et l’origine sont domestiques. Le capital apporté naît souvent avant l’acquisition, de sorte que si la destination est domestique, son origine est avant tout personnelle au conjoint.
Un autre apport de l’arrêt se situe sur le terrain de la clause contractuelle de disqualification de l’apport, désigné comme clause de charge. En effet, la Cour de cassation rappelle que les époux peuvent inclure l’apport en capital dans les modes de contribution aux charges du mariage, par la voie d’une convention contraire. Ce faisant, l’arrêt étend la seule « convention matrimoniale », référencée dans la décision du 3 octobre 2019. Cela signifie que les époux pourraient, dans l’acte d’acquisition, voire dans n’importe quelle convention, procéder à cette inclusion.
Ce mariage contractuel peut être utile si l’un des époux a simplement apporté un capital pour contribuer aux charges du mariage, tandis que le conjoint participe seul aux dépenses de la vie quotidienne, aucun des deux ne pourrait demander la restitution d’une somme, alors que sans la clause de charge, le premier époux le pourrait.
Mais il peut surtout être dangereux. Ce couple repose sur la présomption irréfragable posée par la jurisprudence en matière de clause de non-recours. Or, l’on sait que non seulement la jurisprudence oscille entre présomption simple et irréfragable, mais surtout que la distinction est loin d’être opérante.
D’abord, sur la valeur de la clause, on trouve deux clauses en une : l’une posant une fiction de participation proportionnelle, donc une clause de présomption, l’autre interdisant un recours pour une reddition des comptes entre eux, donc de non-recours. En présence des deux, clairement rédigées, l’époux créancier peut seulement disqualifier la charge en question de charge du mariage ou, d’après l’arrêt, disqualifier la modalité qui n’en serait pas une.
Mais si la clause est analysée en une présomption simple, l’époux créancier dispose d’un autre moyen : démontrer le caractère excessif de sa contribution. Au fond, il s’agit d’autoriser le juge à exercer in concreto un pouvoir modérateur
Ensuite, sur l’objet de la charge, on peut se demander si la participation au financement du logement familial relève, véritablement, des charges du mariage ?. Pour l’auteur, leur contenu « relève davantage de la sociologie », et qu’à une époque, la participation dans la vie du ménage se faisait par le biais de l’assistance et du secours de l’article 212, quand l’article 214 se référait seulement à un entretien, que l’on retrouve, du reste, aujourd’hui, dans la lettre de l’article 220 pour le ménage. L’on a peut-être trop voulu étendre le régime des charges du mariage, tout en voulant leur dessiner un domaine bien défini, nourrissant une concurrence accrue des autres notions.
Ainsi, Les notaires doivent redoubler de vigilance dans la rédaction de l’ensemble des clauses.
La clause d’inclusion des fonds personnels dans le domaine des charges du mariage est déconseillée en ce qu’elle risque d’atteindre l’ordre public matrimonial. Si elle est proposée, elle doit être spéciale, pour n’y ajouter que les fonds nécessaires à une opération projetée, à titre dérogatoire.
La clause de présomption et de non-recours doit préciser le type de présomption posé, si possible simple, et la conséquence sur l’élément exclu du recours, à savoir la proportionnalité de la contribution seulement.
Profession :
Responsabilité du notaire : manquement à son obligation d’assurer l’efficacité de l’acte auquel il a prêté son concours
1er chambre civile Cour de Cass 5 mai 2021
Dans cet arrêt est exposé que si l’acte de prêt souscrit par un seul époux sous le régime de la communauté n’est pas inefficace, la mise en œuvre du privilège de prêteur de deniers est subordonnée au consentement du conjoint à l’emprunt. Manque alors à son obligation d’assurer l’efficacité de l’acte le notaire qui n’a pas sollicité l’avis de l’époux de l’emprunteuse.
Faits : Une épouse acquiert un bien immobilier, pour le compte de la communauté, financé par un prêt de 600 000 € garanti à hauteur de 500 000 € par un privilège de prêteur de deniers. En l’absence de remboursement de la somme prêtée, le prêteur délivre à l’emprunteuse un commandement de payer valant saisie immobilière de ce bien, lequel est annulé, avec les actes subséquents, par un arrêt devenu irrévocable, au motif que l’époux n’avait pas donné son consentement à l’emprunt contracté. Le prêteur de deniers assigne le notaire en responsabilité et indemnisation.
L’arrêt d’appel condamne le notaire à payer au prêteur la somme de 400 000 € à titre de dommages-intérêts et la Cour de cassation approuve la cour d’appel.
Après avoir relevé que le notaire savait que les époux étaient communs en biens et que l’achat était fait pour la communauté et justement retenu que le prêteur de derniers ne pouvait engager une procédure de saisie immobilière sur le bien commun, la cour d’appel en a exactement déduit qu’en omettant de solliciter le consentement de l’époux de l’emprunteuse, le notaire a manqué à son obligation d’assurer l’efficacité de l’acte auquel il a prêté son concours.