Jurisprudences :

Rappel de la veille du 7 décembre 2023 : 

Régime de la résiliation d’un contrat d’architecte réputé conclu sous condition suspensive d’un prêt : Cass. civ. 3ème, 14 septembre 2023, n° 22-18.642, publié : 

En résumé : la règle selon laquelle l’engagement affecté d’une condition suspensive  sans terme fixe subsiste aussi longtemps que la condition n’est pas défaillie et ne peut prendre fin par la volonté unilatérale de l’une des parties ne prive pas celle-ci du bénéfice des stipulations du contrat prévoyant une faculté de résiliation unilatérale précisant que dans une telle hypothèse, le sort de la condition s’apprécie à la date de la résiliation.

En l’espèce, par contrat du 24 octobre 2017, Mme O a confié à la société DCA une mission de maîtrise d’œuvre portant sur l’aménagement de son domicile personnel et sur la mise en conformité d’un cabinet médical aux normes d’accessibilité des personnes à mobilité réduite.

Le 12 juin 2018, la société DCA a indiqué à Mme O qu’elle entendait mettre fin au contrat.

Mme O, considérant que le contrat d’architecte méconnaissant des dispositions du code de la consommation, devait être considéré comme conclu sous la condition suspensive d’obtention d’un prêt destiné à financer les travaux et, celle-ci ne s’étant pas réalisé à la date de la résiliation, sollicite le remboursement des sommes versées à titre d’honoraires.

La Cour de cassation va rejeter le pourvoi formé par la société DCA.

Elle va considérer d’abord que le contrat en cause méconnait les règles du code de la consommation et doit être considéré comme conclu sous la condition suspensive d’obtention du prêt destiné au financement de l’opération.

Elle va ensuite considérer  que la règle selon laquelle l’engagement affecté d’une condition suspensive  sans terme fixe subsiste aussi longtemps que la condition n’est pas défaillie et ne peut prendre fin par la volonté unilatérale de l’une des parties ne prive pas celle-ci du bénéfice des stipulations du contrat prévoyant une faculté de résiliation unilatérale précisant que dans une telle hypothèse, le sort de la condition s’apprécie à la date de la résiliation.

Elle en conclut qu’en l’espèce, la société DCA avait résilié le contrat le 12 juin 2018, date à laquelle la condition suspensive d’obtention du prêt immobilier ne s’était pas réalisée, qu’ainsi les honoraires versés par le maître de l’ouvrage devaient être remboursés.

Conditions d’appréciation des conditions de validité d’une convention d’occupation privative du domaine public par un maire : Conseil d’Etat, 8e – 3e chambres réunies, 21 décembre 2023, n° 471189, Lebon : 

En résumé : Le maire n’est compétent pour décider de la conclusion de conventions d’occupation du domaine public que sur délégation du conseil municipal et uniquement pour des conventions dont la durée n’excède pas 12 ans.

S’il appartient au conseil municipal de délibérer sur les conditions générales d’administration du domaine communal, le maire est seul compétent pour délivrer et retirer les autorisations unilatérales d’occuper temporairement ce domaine.

Par une délibération du 16 octobre 2019, le conseil municipal d’une commune a autorisé son maire à conclure avec une société une convention d’occupation et d’utilisation de plusieurs voies et chemins relevant du domaine public communal.

Des requérants ont saisi les juridictions administratives aux fins de faire annuler cette délibération, la convention signée par le maire et la société et la décision implicite du maire rejetant leur recours tendant au retrait de ces actes.

Ils se prévalaient de l’illégalité de la délibération du conseil municipal autorisant le maire à conclure la convention.

Le Conseil d’Etat va considérer d’une part que le maire n’est compétent pour décider de la conclusion de conventions d’occupation du domaine public que sur délégation du conseil municipal et uniquement pour des conventions dont la durée n’excède pas 12 ans et d’autre part que s’il appartient au conseil municipal de délibérer sur les conditions générales d’administration du domaine communal, le maire est seul compétent pour délivrer et retirer les autorisations unilatérales d’occuper temporairement ce domaine.

Il va alors sanctionner la cour d’appel qui n’avait pas recherché si la délégation avait été donnée au maire, ni quelle était la durée de cette convention pour rejeter la demande des requérants.

 

Valorisation de l’industrie personnelle : Cass. Civ. 1ère, 13 décembre 2023, n° 21-25.554, publié : 

En résumé : Lorsqu’un bien a été amélioré, fût-ce par l’industrie personnelle d’un époux, il doit être estimé, dans le patrimoine originaire, dans son état initial et, dans le patrimoine final, selon son état à la date de dissolution du régime, en tenant compte des améliorations apportées, la plus-value mesurée venant accroître les acquêts nets de l’époux propriétaires. 

Doit être cassé l’arrêt qui refuse de tenir compte de la plus-value d’une officine de pharmacie de l’épouse résultant de son industrie personnelle  dans le calcul de la créance de participation.

Selon l’article 1569 du code civil, pendant la durée du mariage, le régime de participation aux acquêts fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens. A la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final.

Selon les articles 1571 et 1574 du code civil, les biens compris dans le patrimoine originaire comme dans le patrimoine final sont estimés à la date de la liquidation du régime matrimonial, d’après leur état au jour du mariage ou de l’acquisition pour les biens originaires et d’après leur état à la date de la dissolution du régime pour les biens existants à cette date.

La question se posait en l’espèce de savoir si dans le régime de participation aux acquêts il faut opérer une distinction entre les plus-values volontaires consécutives à des investissements financiers effectués pendant le mariage, considérés comme des acquêts, des plus-values résultant de l’industrie personnelle d’un époux.

La cour d’appel avait, en l’espèce, procédé à cette distinction en considérant que la plus-value résultant de l’industrie personnelle d’un époux ne devait pas être prise en compte dans le calcul de la créance de participation, rejetant ainsi la pris en compte de la plus-value de l’officine de pharmacie de l’épouse dans le calcul de la créance de participation.

La Cour de cassation va sanctionner cette analyse en considérant que lorsqu’un bien a été amélioré, fût-ce par l’industrie personnelle d’un époux, il doit être estimé, dans le patrimoine originaire, dans son état initial et, dans le patrimoine final, selon son état à la date de dissolution du régime, en tenant compte des améliorations apportées, la plus-value mesurée venant accroître les acquêts nets de l’époux propriétaires.

Ce faisant, la cour d’appel ne pouvait pas refuser de tenir compte de la plus-value de l’officine de pharmacie de l’épouse résultant de son industrie personnelle dans le calcul de la créance de participation.

Limitation du champ d’application de la notion de logement décent  aux seuls logements objets d’un bail d’habitation : Cass. civ. 3ème, 14 Décembre 2023, n° 21-21.964, publié : 

En résumé : Les dispositions (art. 1719 c. civ. ; art. 6 L. 6 juillet 1989 ; art. 2 décret du 30 janvier 2002) obligeant le bailleur à remettre au locataire un logement décent ont pour objet de préciser le contenu de l’obligation de délivrance du bailleur et ne sont, en conséquence, applicables aux seuls logements objet d’un bail d’habitation.

En l’espèce, une SCI a, le 7 décembre 1976, donné en location à M. Y un logement de deux pièces, puis, le 20 novembre 1980, un débarras situé sur le même palier, qui ont été réunis.

Le bailleur a délivré au locataire un congé avec dénégation du droit au maintien dans les lieux fondé sur le fait qu’un autre local, dont le locataire était propriétaire, était à sa disposition. Face au refus du locataire de libérer les lieux, le bailleur l’a assigné en résiliation des baux, expulsion et paiement d’une indemnité d’occupation.

Le locataire reprochait à la cour d’appel d’avoir prononcé la résiliation du bail et ordonné son expulsion en considérant qu’il ne pouvait être déchu de son droit au maintien dans les lieux que si le local dont il dispose ne répond pas à son besoin d’occupation d’un logement décent. Or, le studio dont le locataire était propriétaire ne répondait pas aux normes de décence prévues par le décret du 30 janvier 2022.

Toutefois la Cour de cassation va considérer que les dispositions (art. 1719 c. civ. ; art. 6 L. 6 juillet 1989 ; art. 2 décret du 30 janvier 2002) obligeant le bailleur à remettre au locataire un logement décent ont pour objet de préciser le contenu de l’obligation de délivrance du bailleur et ne sont, en conséquence, applicables aux seuls logements objet d’un bail d’habitation.

Dès lors, le locataire ne pouvait pas arguer du non-respect des normes de décence d’un local dont il était propriétaire pour neutraliser les effets du congé avec dénégation du droit au maintien dans les lieux.

Appréciation de la condition de prépondérance des revenus de l’activité de location en meublés et exonération d’ISF : Cass. Com. 20 décembre 2023, n° 22-17.612, publié : 

En résumé : Pour apprécier si la condition de prépondérance des revenus tirés de l’activité de location de meublés par rapport aux autres revenus pris en compte est remplie, il faut retenir non les recettes brutes tirées de l’activité de location meublée professionnelle, mais le bénéfice industriel et commercial net annuel dégagé par cette activité, afin de permettre la comparaison avec l’ensemble des revenus professionnels du foyer fiscal, y compris le bénéfice tiré de la location.

En l’espèce, l’administration fiscale notifié à un couple une proposition de rectification au titre de l’ISF pour les années 2015, 2016 et 2017 portant intégration dans l’assiette imposables des immeubles d’habitation qu’ils louaient meublés au motif que ces immeubles ne constituaient pas des biens professionnels exonérés en ce qu’ils avaient retiré de leur activité de location, pour les années visées, un bénéfice imposable nul ou un déficit ne pouvant représenter plus de 50% des revenus professionnels de leur foyer fiscal.

Les contribuables ont assigné l’administration fiscale en annulation de leur décision de rejet de leur réclamation en soutenant que la condition de prépondérance des revenus tirés de l’activité de location en meublés par rapport aux autres revenus du foyer fiscal (art. 885 R CGI), devait s’apprécier au regard des recettes brutes tirées de l’activité de location meublée professionnelle et non du bénéfice net dégagé par cette activité.

La Cour de cassation va considérer que, pour apprécier si la condition de prépondérance des revenus tirés de l’activité de location de meublés par rapport aux autres revenus pris en compte est remplie, il faut retenir, non les recettes brutes tirées de l’activité de location meublée professionnelle, mais le bénéfice industriel et commercial net annuel dégagé par cette activité, afin de permettre la comparaison avec l’ensemble des revenus professionnels du foyer fiscal, y compris le bénéfice tiré de la location.

Elle approuve ainsi la cour d’appel qui avait distingué la notion de revenus de celle de recettes, la première correspondant aux sommes effectivement perçues par les contribuables qui ne peuvent, dès lors, invoquer des revenus équivalents au chiffre d’affaires des locations de meublés et qui, pour considérer que le seuil de 50 % des revenus n’avait pas été atteint, avait constaté que l’activité de location meublée professionnelle des contribuables n’avait donné lieu à aucun revenu au titre des années 2015 et 2017 et un déficit de 170 216 euros pour l’année 2016.

Éviction anticipée du preneur à bail et indemnisation des constructions : Cass. civ. 3ème, 23 novembre 2023, n° 22-20.866, publié : 

En résumé : le preneur a droit à l’indemnisation des constructions édifiées par lui sur le bien, même en présence d’une clause de nivellement applicable en fin de bail, dès lors qu’à la date de l’éviction définitive du preneur en raison de travaux d’aménagement faisant suite à une préemption mettant fin prématurément au bail, il était propriétaire de ces constructions.

En l’espèce, une ville a acquis, par voie de préemption, deux terrains sur lesquels M et Mme M. étaient titulaires du droit au bail et sur lesquels avaient été édifiées des bâtiments. Le bail comportait une clause de nivellement applicable en fin de bail.

La commune, souhaitant réaliser une opération d’aménagement nécessitant l’évacuation définitive des locaux a, faute d’accord avec les preneurs, demandé au juge de l’expropriation de fixer leur indemnité d’éviction.

Les preneurs ont interjeté appel de la décision du juge de l’expropriation qui n’avait pas inclus l’indemnisation des constructions édifiées sur le bien préempté.

La question se posait de savoir si en présence d’une clause de nivellement en fin de bail, le preneur exproprié de façon anticipé pouvait obtenir une indemnisation pour les constructions qu’il avait fait édifier ?

La Cour de cassation va suivre la cour d’appel qui avait considéré que le preneur a droit à l’indemnisation des constructions édifiées par lui sur le bien, même en présence d’une clause de nivellement applicable en fin de bail, dès lors qu’à la date de l’éviction définitive du preneur en raison de travaux d’aménagement faisant suite à une préemption mettant fin prématurément au bail, il était propriétaire de ces constructions.

En l’espèce, les clauses du contrat de locations consenties à M et Mme M applicables à la fin de bail, n’avaient pas vocation à s’appliquer dès lors que l’éviction anticipée du locataire avait pour cause la démolition des constructions après une décision de préemption à une date à laquelle les locataires étaient propriétaires de ces constructions.

Il s’en déduit que les preneurs évincés pouvaient solliciter une indemnisation comprenant non seulement la valeur du droit au bail mais également celle des constructions édifiées sur le bien préempté.

Conditions de reprise des actes passés avant l’immatriculation d’une société (revirement) 3 arrêts : Cass. com. 29 novembre 2023, n° 22-21.623 ; n° 22-12.865 ; 22-18.295, publiés : 

En résumé : Il est reconnu au juge le pouvoir d’apprécier souverainement, par un examen de l’ensemble des circonstances, tant intrinsèques qu’extrinsèques, si la commune intention des parties n’était pas que l’acte soit conclu au nom ou pour le compte de la société et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits.

Revirement par rapport à la jurisprudence qui considérait que seuls les engagements expressément souscrits “au nom” ou “pour le compte” de la société en formation étaient susceptibles d’être repris par la société après son immatriculation

La Cour de cassation jugeait que seuls les engagements expressément souscrits « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation étaient susceptibles d’être repris par la société après son immatriculation. À l’inverse elle considérait que les actes passés « par » la société étaient nuls, y compris lorsqu’il ressort des mentions de l’acte ou de l’intention des parties que l’acte soit accompli en son nom ou pour son compte.

La Cour de cassation indique que cette jurisprudence reposait sur le caractère dérogatoire du système instauré par la loi qui permet de réputer conclus par une société des actes juridiques passés avant son immatriculation. L’objectif de cette règle étant d’assurer la sécurité juridique, les mentions « au nom » ou « pour le compte » d’une société en formation protégeant d’une part le tiers contractant en appelant son attention sur la possibilité d’une substitution de plein droit et rétroactive de débiteur et d’autre part la personne qui a accompli l’acte « au nom » ou « pour le compte » de la société, en faisant prendre conscience qu’elle s’engage personnellement et restera tenue si la société ne reprend pas les engagements ainsi souscrits.

La Cour de cassation précise que cette solution avait pour conséquence que l’acte non expressément souscrit « au nom » ou « pour le compte » d’une société en formation était nul et que ni la société, ni la personne croyant agir pour son compte, n’auront à répondre de l’engagement, à la différence d’un acte valable mais non repris par la société, lequel engage les personnes ayant agi « au nom » ou « pour son compte ». Elle constate que, parfois, les effets indésirables de cette solution étaient utilisés par les parties souhaitant se soustraire à leurs engagements.

La Cour de cassation procède alors à un revirement de cette jurisprudence en considérant que désormais il apparaît possible et souhaitable de reconnaître au juge le pouvoir d’apprécier souverainement, par un examen de l’ensemble des circonstances, tant intrinsèques qu’extrinsèques, si la commune intention des parties n’était pas que l’acte soit conclu au nom ou pour le compte de la société et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits. 

Illustrations par les 3 espèces soumises à la Cour de cassation : 

Dans la première espèce, M. P a consenti, par actes du 10 et 11 septembre 2018, prorogé par un avenant du 24 septembre 2018, à une entreprise unipersonnelle « représentée par son gérant, M. B » une promesse de cession de parts sociales.

La société acquéreuse a été constituée le 24 août 2018. Elle a pour unique gérant M. B et pour associé unique une SAS elle-même détenue en totalité par M. B. Elle a été immatriculée au RCS le 1er octobre 2018.

Le 18 mars 2019, le conseil du cédant (M. P) a adressé au notaire chargé de l’établissement de l’acte de cession une lettre exprimant le refus de son client de signer l’acte réitératif.

L’acte n’ayant pas été signé, la société unipersonnelle, après avoir vainement mis en demeure M. P de s’exécuter, a saisi le tribunal mixte de commerce aux fins de voir ordonner l’exécution forcée de la promesse de cessions de parts.

Il a été jugé par la cour d’appel qu’il résulte des correspondances produites que le cédant avait été clairement informé, avant la signature de la promesse et de son avenant, que M. B agissait pour le compte d’une société en formation.

La Cour de cassation approuve la juridiction du fond qui, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, a fait ressortir qu’en dépit de la rédaction impropre des actes litigieux quant à la désignation du cessionnaire, la commune intention des parties était que l’acte soit conclu au nom ou pour le compte de la société en formation, laquelle puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits et qui avait ordonné l’exécution de la promesse litigieuse.

Dans la deuxième espèce, M et Mme J ont, par acte authentique reçu le 21 janvier 2019, consenti un bail commercial à une société Bypa. L’acte précisait que la société était « en cours d’identification au SIREN » et que « la présente opération [était] réalisée au nom et pour le compte de la société en formation dans le cadre des dispositions des articles L. 210-1 à L. 210-9 du code de commerce et de celle du décret 67-236 du 23 mars 1967 » et qu’en outre « la société (…) [était] représentée à l’acte par ses seuls futurs associés ».

Le 18 juillet 2019, la société Bypa a été immatriculée au RCS avec pour associés la société AVL développement, représentée par M. I et la société Fayett-valley, représentée par M. M.

Les relations entre M. I et M. M se sont dégradées et M. M et la société Fayett-valley ont, le 11 mars 2020, assigné la société Bypa, la société AVL développement et M. I en annulation du bail commercial.

La cour d’appel a annulé le contrat de bail en considérant que le contrat avait été signé par M. M et la société CDV en leur qualité de représentants de la société Bypa, et non au nom de cette société en formation, alors que celle-ci n’était pas constituée.

Elle est sanctionnée par la Cour de cassation qui considère que les juges du fond auraient dû rechercher s’il ne résultait pas, non seulement des mentions de l’acte, mais aussi de l’ensemble des circonstances que, nonobstant une rédaction défectueuse, la commune intention des parties était que l’acte fût passé au nom ou pour le compte de la société en formation Bypa.

Dans la troisième espèce, le 28 avril 2016, Mme A a conclu un bail commercial avec la SAS CN « en cours de formation » et MM B, T et R, « agissant conjointement et solidairement entre eux ».

La société CN a été immatriculée au RCS le 15 juin 2016 et un jugement du 15 février 2021 l’a mis en liquidation judiciaire.

Enfin, une ordonnance d’un juge-commissaire du 23 avril 2023 a autorisé la cession du fonds de commerce à la société CN.

La juridiction d’appel a rejeté la demande en annulation du bail formée par Mme A en considérant que la société CN a conclu ce contrat en spécifiant expressément qu’elle était en formation et que par une décision expresse des associés (la signature des statuts), ils avaient entendu reprendre les actes passés par elle dont le contrat litigieux. Elle précise que la reprise des actes indiqués dans les statuts est automatique, à condition que les statuts soient signés et la société immatriculée, ce qui a été le cas de la société CN.

Elle est sanctionnée par la Cour de cassation pour n’avoir pas recherché s’il résultait de l’ensemble des circonstances et notamment des mentions du bail, malgré une rédaction défectueuse, que la commune intention des parties était que l’acte fût passé au nom et pour le compte de la société en formation.

Valeur de la mention manuscrite de la durée de l’engagement de cautionnement : Cass. Com. 29 novembre 2022, n° 22-17.913, publié : 

En résumé : Pour les contrats conclus sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, la mention manuscrite de la durée du cautionnement doit être exprimée de manière précise, sans qu’il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l’acte. La seule mention d’un engagement pris « pour la durée de l’emprunt » sans indication de cette durée ne permet pas à la caution d’avoir une pleine connaissance de la portée de son engagement.

En l’espèce, par acte du 14 décembre 2009, une banque a consenti à une société un prêt de 320 000 € d’une durée de 84 mois.

Par le même acte, M. Z et Mme B, son épouse, se sont rendus cautions solidaires du remboursement de ce prêt, à concurrence d’une certaine somme.

La société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné Mme B en exécution de son engagement.

La cour d’appel a rejeté la demande de la banque au motif que la mention manuscrite apposée par Mme B au bas de l’acte de prêt dactylographié prévoyait que l’engagement de la caution de cette dernière est consenti « pour la durée de l’emprunt » sans que cette durée soit précisée et qu’il s’en déduisait qu’à défaut de précision de la durée d’emprunt dans cette mention, celle-ci ne permettait pas à la caution d’avoir une pleine connaissance de la portée de son engagement.

La Cour de cassation approuve ce raisonnement en considérant que la mention manuscrite de la durée du cautionnement doit être exprimée de manière précise, sans qu’il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l’acte.

Portée temporelle de l’arrêt : depuis l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, la mention de la durée du cautionnement n’est plus requise, celui-ci pouvant dès lors être conclu à durée indéterminée.

Rappel de la méthode de liquidation de l’indivision : Cass. civ. 1ère, 22 novembre 2023, n° 21-25.251, publié :

En résumé : Pour déterminer l’actif net de la masse à partager, les dépenses dont il est tenu compte aux indivisaires en application de l’article 815-13 du code civil, qui constituent des créances contre l’indivision, doivent être inscrites pour leur totalité au passif de celle-ci et venir en déduction de son actif brut.

En l’espèce, un jugement prononce le divorce de Mme E et M. B, mariés sous le régime de la séparation de biens et a attribué préférentiellement à Mme E l’immeuble indivis qui constituait le logement familial.

Des difficultés sont nées lors de la liquidation et du partage de leurs intérêts patrimoniaux, en particulier sur le calcul des masses à partager.

La Cour de cassation, au visa des articles 815-13 alinéa 1er, 815-17 alinéa 1er, 825, 870 et 1542 du code civil va opérer un rappel utile de la méthode de liquidation de l’indivision.

Elle considère qu’il appartient à la juridiction saisie d’une demande de liquidation et partage de l’indivision existant entre époux séparés de biens de :

  • 1° Déterminer les éléments actifs et passifs de la masse à partager, lesquels intègrent, respectivement, les dettes des copartageants envers l’indivision et les créances qu’ils détiennent sur celle-ci pour en déduire un actif net.
  • 3° Déterminer les droits de chaque copartageant dans la masse à partager en appliquant sa quote-part indivise à cet actif net.
  • 4° Majorer la somme qui résulte des créances qu’il détient sur l’indivision et la minorer des sommes dont il est débiteur envers elle.

Elle considère alors que, pour déterminer l’actif net de la masse à partager, les dépenses dont il est tenu compte aux indivisaires en application de l’article 815-13 du code civil, qui constituent des créances contre l’indivision, devaient être inscrites pour leur totalité au passif de celle-ci et venir en déduction de son actif brut.

Elle sanctionne ainsi la cour d’appel qui avait, pour dire que les droits des parties dans l’actif indivis s’élève, pour chacun d’eux, à la somme de 348 774, 38€ et après imputation du passif indivis, leurs droits dans l’indivision s’élèvent, pour Mme E à la somme de 248 615, 35 € et pour M. B, à celle de 406 652,20€, retenu :

  • 1° Que l’actif à partager par moitié entre les parties est constitué du bien indivis, d’une valeur de 490 000€ et l’indemnité d’occupation due par Mme E d’un montant de 207 548, 77 €, ce qui représente un total de 697 548,77 €.
  • 2° Que Mme E et M. B sont chacun titulaire d’une créance envers l’indivision au titre des dépenses de conservation ; la créance de Mme E étant de 107 389,74€ et celle de M. B de 57 878,82€ ;
  • 3° que les droits qui résultent de ce partage, d’un montant de 348 774, 38€ devaient être, pour Mme B, minorés du solde négatif de son compte d’indivision et, pour M. B, majorés du solde du sien.

La Cour de cassation va statuer sur le fond en considérant que : 

  • 1° Après déduction de la totalité des créances respectives de Mme E et M. B sur l’indivision, d’un montant total de 165 268, 56€, de l’actif brut de celle-ci d’un montant de 697 548,77€, il s’en déduit un actif net de 532 280,21 €.
  • 2° Les droits de Mme E dans la masse à partager représentent la moitié de cet actif net indivis, soit 266 140,10€, majorée de la créance de 107 389,74€ qu’elle détient sur l’indivision et minorée de 207 548,77 € dont elle est débitrice envers celle-ci, soit des droits d’un montant de 165 981,07€.
  • 3° Les droits de M. B représentent la moitié de l’actif net indivis majorée de la créance de 57 878,82€ qu’il détient sur l’indivision, soit des droits d’un montant de 324 018,92 €.

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