Veille juridique du 6 mars 2023
Textes :
Mise à jour de la liste des états et territoires non coopératifs en matière fiscale pour l’année 2023 : Arrêté du 3 février 2023, ECOE230109A, JO 5 février. :
En application du 1° du 2 bis de l’article 238-0 A du CGI, sont ajoutés à la liste des états et territoires non coopératifs en matière fiscale pour l’année 2023 les Bahamas et les îles Turques et Caïques.
Réponses ministérielles/doctrine administrative :
Humusation – nouvelle pratique funéraire : Rép. min. AN, n° 716, JO 24 janv. 2023, p. 668 :
Une député interroge le ministre de l’intérieur et des outre-mer sur l’humusation qui pourrait constituer une alternative aux pratiques funéraires.
L’humusation consiste, lors du décès, à déposer dans une enveloppe de papier 100% biodégradable, le corps du défunt. Celui-ci est ensuite placé dans un jardin exclusivement réservé à cette pratique et le corps se transforme en quelques mois en compost naturel qui se mélangera à la terre.
Il s’agit d’une pratique funéraire qui présente des avantages écologiques, économiques ou encore en gestion d’espace et elle constituerait une alternative écologique aux pratiques funéraires actuelles consistant en la crémation ou l’inhumation.
La député interroge l’avis du ministre sur cette pratique tout en considérant qu’elle pourrait être intégrée dans le code général des collectivités territoriales à côté de la crémation et l’inhumation.
Le ministre lui répond qu’en l’état du droit positif seuls l’inhumation et la crémation sont autorisées, l’humusation étant dès lors interdite.
Il considère que son intégration dans le droit positif serait susceptible de poser des difficultés du fait notamment de l’absence de statut juridique des particules issues de cette pratique et de son éventuelle incompatibilité avec l’article 16-1-1 du code civil qui garantit le respect, la dignité et la décence aux restes des personnes décédées.
Ce faisant, le gouvernement réfléchit à une évolution sur le sujet, laquelle passera nécessairement par une réflexion sur les aspects éthiques, sociétaux et environnementaux de cette pratique.
études :
N. Le Rudelier, “L’incidence du nouveau DPE sur le bail d’habitation : loyers, travaux et responsabilité”, JCP N, 9 déc. 2022, n° 49.
La loi ELAN a consacré l’opposabilité du DPE à partir du 1er juillet 2021.
Désormais l’article 3-3 de la loi du 6 juillet 1989 a contrario prévoit que le preneur à bail peut opposer à son bailleur les informations contenues dans le DPE.
Cette opposabilité concerne l’ensemble des baux soumis à la loi de 1989. Il est toutefois probable qu’elle s’étende aux locations saisonnières ainsi qu’aux meublés de tourisme afin d’éviter une disparité dans les réglementations environnementales applicables aux différents types de baux. En effet l’exclusion de ces baux du régime du DPE emporte le risque d’un changement de destination de certains immeubles pour échapper à ce régime ce qui marquerait l’échec de la réforme du DPE qui vise à favoriser la rénovation des logements décrits comme “passoires thermiques”.
En tout état de cause l’auteur de l’étude limite son étude aux baux soumis à la loi du 6 juillet 1989 en distinguant deux effets attachés au DPE : le gel des loyers d’une part (1), et la notion de décence d’autre part (2), lesquels emporte des conséquences sur la responsabilité du diagnostiqueur (3).
- Le gel des loyers : l’incitation à la rénovation
Le gel des loyers est aujourd’hui une mesure éprouvée. Il s’est essentiellement appliqué aux zones tendues quoiqu’il pouvait au renouvellement du loyer dans les zones non tendues où le bailleur, pour augmenter le loyer au-delà de celui pratiqué jusqu’au renouvellement, devait démontrer que le loyer pratiqué était manifestement sous-évalué.
En zone tendue, c’est-à-dire les zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements, le loyer était encadré par arrêté qui déterminait un loyer de référence majoré. La liberté contractuelle s’appliquait néanmoins lors de la première mise en location, à défaut d’un tel arrêté.
Depuis le 1er janvier 2021 l’article 17-II de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que lorsqu’un logement de la classe F ou G fait l’objet d’une nouvelle location, le loyer du nouveau contrat ne peut excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire. Une limite analogue étant posée pour la révision du loyer via indexation sur l’indice IRL ainsi que dans l’hypothèse de renouvellement du bail.
Cette mesure est applicable aux baux conclus depuis le 25 août 2022, en somme au changement de locataire au-delà de cette date ainsi qu’aux reconductions tacites des baux conclus antérieurement ou encore au renouvellement.
Sont exclus de cette mesure les premières mises en location ainsi que celles des logements restés vacants pendant 18 mois.
Le bailleur pourrait laisser vacant son bien pendant 18 mois pour purger la limite imposée par un mauvais classement du DPE. Ce contournement n’apparaît toutefois pas suffisamment rentable financièrement pour se concrétiser ce qui tend à considérer la mesure prise comme efficace en incitant le bailleur à procéder à une rénovation de son bien pour améliorer son classement.
L’auteur remarque que “dans le cadre du dispositif Pinel+ les logements achetés en 2023 ou 2024 dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2022 doivent respecter le label E+C et la classe A du DPE. Les logements plus anciens mais acquis et réhabilités en 2023 ou 2024 devront respecter la classe A ou B du DPE. A défaut, l’abattement fiscal sera dégressif.”
C’est au preneur qu’il revient de contrôler le respect de ces obligations du bailleur. Deux mesures lui permettent de procéder à ce contrôle.
D’une part l’article 3 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit l’obligation d’indiquer dans le nouveau contrat de bail le montant du dernier loyer appliqué au précédent locataire.
D’autre part, il a été fait obligation de communiquer lors de l’annonce de mise en location des dépenses théoriques induites par le classement. Aussi depuis le 1er janvier 2022 les biens classés F ou G doivent indiquer qu’à compter du 1er janvier 2028 le niveau de performance des bâtiments ou parties de bâtiments à usage d’habitation est compris entre les classes A et E. Enfin à compter du 1er janvier 2028 les annonces des logements ainsi mal classés devront faire apparaître la mention “logement à consommation énergétique excessive”.
- L’indécence du logement
Le bailleur est tenu, en application de l’article 6 de la loi de 1989 de délivrer un logement décent.
La décence renvoyait, jusqu’à présent, essentiellement sur le clos et le couvert et quelques éléments minimaux d’équipements.
Désormais, la performance énergétique minimale participe à la décence du logement, laquelle deviendra progressivement de plus en plus exigeante :
- à compter du 1er janvier 2023, le logement est décent s’il a une consommation d’énergie estimée par le DPE inférieure à 450 kWh d’énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an.
- Au 1er janvier 2025 les bâtiments classés G seront exclus des logements décents.
- Au 1er janvier 2028, les bâtiments classés F le seront.
- Au 1er janvier 2034, les bâtiments classés E le seront.
Du point de vue de l’application de ces mesures dans le temps, elles s’appliquent aux hypothèses de relocation comme de renouvellement ou de reconduction tacite passée l’échéance triennale.
Concernant les contrats de baux en cours, la décence est rattachée à l’obligation de délivrance et la Cour de cassation ( met à la charge du bailleur une obligation de délivrance conforme du bien loué à sa destination tout au long du contrat, ce faisant le locataire pourrait se prévaloir des évolutions législatives touchant à la décence en cours d’exécution de son contrat.
Du point de vue des conséquences de l’indécence, celle-ci n’aboutit pas à une interdiction de louer. L’indécence permet d’une part de geler les loyers, d’autre part d’exiger une mise en conformité du bien loué aux exigences de la décence.
Le locataire pourra saisir, en présence d’un logement indécent ne répondant pas aux conditions énergétiques requises, la commission départementale de conciliation ou s’adresser au juge pour faire réaliser les travaux de mise en conformité. Il ne pourra pas, en revanche, suspendre spontanément le paiement de ses loyers en invoquant l’exception d’inexécution.
Des mesures législatives interdisant au juge d’ordonner les travaux ont toutefois été mises en place dans la perspective du durcissement des conditions de décence attachées à la performance énergétique des bâtiments (art. 20-1 L. 6 juill. 1989) :
- D’une part lorsque le logement est soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales qui l’ont empêchées de se mettre aux normes.
- D’autre part lorsque le bien relève de la copropriété et que le bailleur subit un blocage de la copropriété l’empêchant d’atteindre les objectifs de performance énergétique.
Aussi l’article L. 173-2 du CCH prévoit que l’exigence du classement entre A et E à compter du 1er janvier 2028 ne s’applique pas lorsque le coût des travaux est manifestement disproportionné par rapport à la valeur du bien ; l’hypothèse visée est celle où le coût des travaux dépasse 50% de la valeur vénale du bien.
- La responsabilité du diagnostiqueur
La responsabilité du diagnostiqueur pourra être engagée en cas d’erreur dans le diagnostic.
Le préjudice indemnisable consisterait probablement en une perte de chance dès lors que le classement officiel du bien n’est pas causé par le diagnostic en lui-même mais par les caractéristiques propres du logement. La faute du diagnostiqueur se limitant à ne pas avoir révélé le véritable classement du bien.
Inversement si le bailleur est informé d’un mauvais classement du fait d’une erreur de diagnostic et qu’en conséquence il procède à des travaux qui n’étaient pas nécessaires, le diagnostiqueur pourrait être condamné à prendre en charge cette dépense, la réalisation des travaux étant la conséquence directe de son erreur. Toutefois la jurisprudence semble tendre à cette réparation intégrale du préjudice uniquement dans l’hypothèse où le diagnostiqueur n’aurait pas respecté les normes réglementaires et les règles de l’art.
Jurisprudences :
Définition de la surface de vente en matière d’aménagement commercial : CE, 8ème – 3ème chambres réunies, 16 nov. 2022, n° 462720 :
En l’espèce la société Poulbric exploite un commerce sous l’enseigne “Bricomarché”.
L’administration fiscale a mis à sa charge des cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales suite à la réintégration, dans la surface de vente prise en compte pour cet impôt, du sas d’entrée du magasin.
Pour le calcul de cette taxe, l’article L. 720-5 du code de commerce entend la surface de vente comme les espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, ceux affectés à l’exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement et ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente.
Le Conseil d’Etat considère que la vocation du sas d’entrée litigieux affecté à la circulation de la clientèle était de permettre aux clients de l’établissement de bénéficier de ses prestations commerciales bien qu’il n’accueillait aucune marchandise. Ce faisant, cet espace doit être intégré à la surface de vente retenue pour le calcul de la taxe sur les surfaces commerciales.
Cet arrêt opère un revirement par rapport à ceux du 25 avril 1980 (n° 10572) qui avait jugé que les zones situées entre les caisses et les portes du magasin étaient soumise à cet impôt si elles n’étaient pas matériellement distinctes des lieux ouverts au public et étaient liées à la vente et surtout celui du 6 juin 2018 (n° 405608) qui avait considéré, dans une appréciation a contrario de l’arrêt du 25 avril 1980, que le hall d’entrée du magasin et la caisse centrale pouvaient être déduits de la surface de vente dès lors qu’ils n’étaient pas utilisés pour présenter des produits à la vente.
Cass. civ. 3ème, 11 janvier 2023, n° 21-19.778, publié :
En résumé : Toute méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique peut servir de fondement à une action en démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé, dès lors que le demandeur à l’action démontre avoir subi un préjudice personnel en lien de causalité directe avec cette violation. Encourt ainsi la démolition la construction réalisée dans l’une des zones énumérées par l’article 480-13 du code de l’urbanisme.
En l’espèce par arrêté du 24 avril 2013 le préfet de l’Hérault a délivré à une société un permis de construire pour édifier des aérogénérateurs et un poste de distribution.
Le 10 juillet 2015 la société a déposé en mairie la déclaration d’ouverture du chantier datée du 30 juin 2015.
Le 26 février 2016 la société a déposé sa déclaration, en date du 23 février, attestant de l’achèvement des travaux et de leur conformité avec le permis de construire.
Le 19 juillet 2016 le préfet de l’Hérault a délivré le certificat de conformité.
Le 26 janvier 2017 la cour administrative d’appel de Marseille a annulé le permis en raison de l’insuffisance de l’étude d’impact.
Le 8 novembre 2017 le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi formé contre cette décision.
Le 27 juillet 2018 des associations ont assigné la société en démolition du parc éolien et en dommages et intérêts.
Suite au rejet de leurs demandes, elles forment un pourvoi en cassation.
La question se posait de savoir sous quelles conditions une action en démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé pouvait être admise.
Au visa des articles L. 480-13 du code de l’urbanisme et 1240 du code civil, la Cour de cassation considère que toute méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique peut servir de fondement à une action en démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé, dès lors que le demandeur à l’action démontre avoir subi un préjudice personnel en lien de causalité directe avec cette violation.
Elle sanctionne ainsi la cour d’appel qui, pour rejeter la demande de démolition formée par les associations de protection de la nature, avait retenu que l’annulation du permis de construire était motivée par une insuffisance de l’étude d’impact relative à la présence d’un couple d’aigles royaux et non par la méconnaissance de règles de fond en matière d’utilisation des espaces.
En effet l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme conditionne la condamnation à la démolition notamment au fait que la construction est située dans l’une des zones limitativement énumérée par ce texte, ce qui était le cas en l’espèce.
CAA Versailles, 2ème chambre, 10 novembre 2022, n° 21VE00107 :
En résumé : lorsqu’à l’expiration du délai de 8 jours (art. D. 213-13-3 code de l’urbanisme) imparti au propriétaire est née une décision implicite de refus de visite du bien, le délai de 2 mois imparti au titulaire du droit de préemption ne peut faire l’objet d’une nouvelle prorogation par l’acceptation ultérieure de cette visite.
En l’espèce des propriétaires indivis d’un immeuble ont déposé une déclaration d’aliéner au profit d’une société le 16 mai 2019.
Le 19 juin 2019 le préfet a notifié aux propriétaires une demande de visiter le bien.
Le 3 juillet 2019 les propriétaires ont accepté le principe de cette visite.
Le 1er août 2019 le titulaire du droit de préemption a décidé de préempter le bien.
Ce dernier forme un pourvoi contre la décision du tribunal administratif ayant annulé sa décision de préempter le bien.
La question se posait de savoir jusqu’à quand le délai de préemption avait été prorogé du fait de la sollicitation de la visite du bien.
Le Conseil d’Etat considère d’abord que le titulaire du droit de préemption dispose d’un délai de deux mois qui court à compter de la décision d’aliéner pour exercer ce droit.
Il considère ensuite que lorsque le titulaire du droit sollicite la visite du bien, le délai d’examen recommence à courir à compter de cette visite ou du refus exprès du propriétaire ou de la naissance d’une décision tacite de refus à l’expiration d’un délai de 8 jours.
Il considère enfin que lorsqu’à l’expiration du délai de 8 jours imparti au propriétaire est née une décision implicite de refus de visite du bien, le délai de 2 mois imparti au titulaire du droit de préemption ne peut faire l’objet d’une nouvelle prorogation par l’acceptation ultérieure de cette visite.
En l’espèce le délai ayant recommencé à courir le 28 juin 2019, au lendemain de la date à laquelle est né le refus tacite des propriétaires, la demande de l’autorité préemptrice est rejetée.
Cass. civ. 3ème, 18 janvier 2023, n° 22-10.700, publié :
En résumé : La modification de l’assiette d’une servitude de passage, sans l’accord du propriétaire du fonds dominant et sans autorisation judiciaire, n’interdit pas au propriétaire du fonds servant, lorsqu’il a rétabli l’assiette d’origine du passage, d’invoquer les dispositions de l’article 701 al. 3 du code civil.
En l’espèce un couple (M et Mme A), se prévalant d’une servitude conventionnelle de passage ont assigné la propriétaire du fonds servant (Mme N) en rétablissement de la servitude dont celle-ci avait déplacé l’assiette.
Les demandeurs reprochaient à l’arrêt rendu sur renvoi après cassation (3e civ. 10 septembre 2010, n° 19-11.590) d’avoir modifier l’assiette de la servitude de passage.
La question se posait alors de savoir si, malgré la modification unilatérale de l’assiette d’une servitude de passage par le propriétaire du fonds servant, celui-ci pouvait se prévaloir des dispositions de l’article 701 alinéa 3 du code civil dans la procédure ayant abouti à sa condamnation à la remise en état.
Pour rappel celui-ci dispose que si l’assignation primitive de la servitude était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds servant, ou si elle l’empêchait d’y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire du fonds dominant un endroit aussi commode pour l’exercice de ses droit, et celui-ci ne pourrait pas le refuser.
La cour d’appel avait admis cette demande, et les propriétaires du fonds dominant lui reprochaient en considérant que la modification illicite de la servitude d’origine interdisait au propriétaire du fonds servant d’invoquer ces dispositions.
La Cour de cassation l’admet toutefois en considérant que la modification unilatérale de la servitude d’origine n’interdisait pas aux propriétaires du fonds servant d’invoquer les dispositions de ce texte dès lors que l’assiette d’origine du passage avait été rétablie.
Elle précise que la cour d’appel avait opéré une comparaison des deux passages discutés et qu’elle en avait déduit, par une appréciation souveraine, une commodité équivalente pour le propriétaire du fonds dominant.
La cour d’appel qui avait constaté que le changement de destination du fonds dominant avait rendu la servitude plus onéreuse pour le propriétaire du fonds servant, celui-ci pouvait proposer une modification de l’assiette de la servitude de passage.
Cass. civ. 3ème, 18 janvier 2023, n° 22-10.019, publié :
En résumé : les juges du fond apprécient souverainement si une clause d’un acte de division constitue une stipulation contraire au maintien d’une servitude discontinue par destination du père de famille.
En l’espèce tel est le cas d’une clause stipulant que “l’ancien propriétaire du fonds servant n’a créé ni laissé acquérir aucune servitude et qu’à sa connaissance il n’en existe aucune”.
En l’espèce les propriétaires indivis de plusieurs parcelles cadastrées AH n° 4 et 5 et le syndicat des copropriétaires dont dépend la parcelle AH n°6 ont assigné une SCI en rétablissement du passage situé sur la parcelle AH n°7 lui appartenant, invoquant une servitude par destination du bon père de famille.
La question se posait de savoir comment devait être interprétée la clause stipulant que “l’ancien propriétaire du fonds servant n’a créé ni laissé acquérir aucune servitude et qu’à sa connaissance il n’en existe aucune” ?
Plus précisément, cette clause constitue-t-elle une stipulation contraire au maintien de la servitude résultant de l’aménagement établi par ce propriétaire ou, au contraire, une stipulation qui tend au maintien de la servitude litigieuse dès lors qu’il s’agit d’une simple clause de style ?
La Cour de cassation considère d’abord que la destination du père de famille ne vaut titre à l’égard des servitudes discontinues, en présence de signes apparents de la servitude lors de la division d’un fonds, que si l’acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien.
Elle considère ensuite, à propos de la clause litigieuse, que son interprétation relevait de l’appréciation souveraine des juges du fond et qu’en l’espèce la cour d’appel avait considéré que cette stipulation ne constituait pas une simple clause de style et était, dès lors, contraire au maintien d’une servitude de passage par destination du père de famille.
Appréciation de l’aléa en matière de vente viagère : Cass. civ. 3ème, 18 janvier 2023, n° 21-24.862, inédit :
En résumé : la proximité du décès du crédirentier (moins de 3 mois après la vente) n’est pas un moyen de contester la validité de la vente viagère dès lors que l’état de santé du vendeur n’équivalait pas à une fin de vie et que l’acquéreur n’avait pas les connaissances médicales lui permettant de savoir que l’état de santé du vendeur compromettait son espérance de vie de manière irrémédiable au jour de la vente.
En l’espèce le 19 octobre 2011, M. HZ vend sa maison d’habitation à M. P moyennant le paiement d’un capital et le versement d’une rente viagère.
Le 17 janvier 2012, M. HZ décède.
Les héritiers de ce dernier assignent le débirentier en nullité de la vente pour défaut d’aléa.
La question, qui ne présente pas d’originalité spécifique, portrait sur l’appréciation ou non d’un aléa en matière de vente viagère.
Les héritiers considéraient qu’il n’y avait pas d’aléa en l’espèce dès lors que le débirentier avait connaissance du grave état de santé du crédirentier et qu’une issue fatale était à redouter à bref délai.
En effet le crédirentier était âgé de 78 ans et présentait de graves difficultés de santé (diabète de type II, insuffisance rénale chronique devenue terminale).
La cour d’appel avait toutefois constaté que le crédirentier était décédé des suites d’une chute et qu’aucun élément ne démontrait que ce décès était inéluctable à brève échéance, les pathologies du défunt n’équivalaient pas à une fin de vie en raison des techniques médicales. Enfin, il n’était pas établi que le débirentier disposait des connaissances médicales lui permettant de savoir que l’état de santé de la venderesse compromettait son espérance de vie de manière irrémédiable au jour de la vente viagère
La Cour de cassation approuve le raisonnement de la cour d’appel qui, ayant constaté un aléa lors de la vente, n’avait pas à répondre au moyen sur la durée nécessaire pour atteindre un paiement intégral du prix de vente.